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ĂŽlots de vieillissement

Un ilot de vieillissement est, en forêt, une zone où le gestionnaire laisse croître les arbres au-delà de leur âge d'exploitabilité (jusqu'au double de cette durée en France[1]).

Aspect d'un chablis naturel et de gros bois mort tel qu'on peut en trouver dans un îlot de vieillissement (ici dans l'île de Forrester, (Alaska/USA), classée refuge national pour la faune sauvage depuis 1912, pour son patrimoine naturel, aviaire notamment et classé "wilderness area" depuis 1970)

Fonctions

La création de tels îlots vise généralement plusieurs objectifs complémentaires, dont :

  • produire quelques très gros bois Ă  valeur potentiellement Ă©levĂ©e
  • constituer un refuge provisoire pour des espèces des forĂŞts anciennes qui ne vivent que sur des arbres âgĂ©s. Ces espèces constituent une part très importante de la biodiversitĂ© typique des forĂŞts et elles sont souvent menacĂ©es.
    Les îlots de vieillissement permettent de retrouver un nombre plus grand de cavités dans les vieilles branches, d'épiphytes et de gros-bois et bois mort au sol, autant de caractéristiques propices à la biodiversité.
    Dans l'aménagement forestier, ces zones peuvent compléter le bénéfice apporté à la biodiversité par des îlots de sénescence (qui sont eux maintenus en « libre évolution » sans intervention culturale jusqu'à l'effondrement des arbres) ;
  • contribuer Ă  la sauvegarde d'espèces typiques des forĂŞts mĂ»res et de certaines espèces de peuplements dits « surannĂ©s » (ces espèces constituent une grande partie de la biodiversitĂ© forestière, notamment pour les champignons et invertĂ©brĂ©s, mais aussi pour les bryophytes[2]) ;
  • Conserver des espèces qui sont selon les Ă©tudes faites dans les rĂ©serves naturelles et forĂŞts anciennes sont importantes pour la rĂ©gĂ©nĂ©ration de la forĂŞt[3].
  • retrouver un taux de bois mort au sol plus proche de ce qu'il serait naturellement (branches, branchettes, rĂ©manents issus des opĂ©rations d'entretien), au profit des espèces qui le dĂ©composent et qui amĂ©liorent l'humus forestier, et au profit d'espèces qui l'utilisent comme support (bryophytes[2], certaines fougères...) ;
  • rĂ©pondre Ă  certains items de la gestion durable des forĂŞts et/ou aux principes et critères de la certification forestière (PEFC, FSC...).

Limites et conditions d'efficacité écologique

La durée de maintien en îlot de vieillissement est loin du potentiel de vie de certaines essences telles que le chêne, qui en moyenne pourrait potentiellement vivre jusqu'à 600 ans environ[4].

Les îlots de vieillissement sont pour de nombreuses espèces de véritables « refuges biologiques »[5], mais n'ayant qu'une valeur provisoire puisque gérés et destinés à disparaître.

Pour être utile à la conservation de la nature, il faut qu'ils soient également judicieusement disposés (par exemple en archipels d'îlots et en bonne connectivité écologique avec des milieux-sources de propagules d'espèces associées aux stades sénescents de la forêt ou du bois, et dans chaque peuplement caractéristique d'un massif (Cf. « typologie forestière »). En forêt (y compris feuillue), la richesse et variété d'une zone en lichens épiphytes et épixyles semble bien corrélée avec l'écopotentialité du site[6] mais aussi avec sa valeur de refuge pour des espèces menacées (plus d'espèces de liste rouge)[6]. Cette richesse est donc un indicateur utile pour le choix du lieu de création d'îlots de vieillissement et d'îlots de sénescence[6].

En France

Contexte

  • Les efforts de protection du bois mort les plus importants ont Ă©tĂ© faits dans les parcs nationaux et rĂ©serves naturelles.
  • En ForĂŞt domaniale, depuis les annĂ©es 1990, l'ONF, dans le cadre de sa stratĂ©gie de meilleure prise en compte de la biodiversitĂ© (1993) dans l'amĂ©nagement forestier[7] et dans la gestion forestière[7] a d'abord mis en place une protection de quelques arbres morts et du bois mort au sol. Puis, l'ONF a Ă©mis des directives internes gĂ©nĂ©rales et des orientations plus locales (ex pour la ForĂŞt domaniale de Saint-Palais[8].

Les ĂŽlots de vieillissement en France

  • Ils ont Ă©tĂ© dĂ©finis en 2009 comme suit par l'ONF, en accord avec les ministères de l'Agriculture et de l'environnement ;
« Petit peuplement ayant dépassé les critères optimaux d'exploitabilité économique et qui bénéficie d'un cycle sylvicole prolongé pouvant aller jusqu’au double de ceux-ci. L'îlot de vieillissement peut faire l'objet d'interventions sylvicoles, les arbres du peuplement principal conservant leur fonction de production. Ces derniers sont récoltés à leur maturité et, en tout état de cause, avant dépréciation économique de la bille de pied. L'îlot de vieillissement bénéficie en outre d'une application exemplaire des mesures en faveur de la biodiversité (bois mort au sol, arbres morts, arbres à cavité). Il est discrètement matérialisé sur le terrain et reporté sur plan. Le recrutement d'îlots de vieillissement est examiné lors de l’élaboration de l’aménagement parmi les unités de gestion qui pourraient faire partie du groupe de régénération et leur maintien est examiné à chaque révision d'aménagement forestier. »
  • Après un encouragement au maintien et protection de bois-mort en forĂŞt, ce sont en 1999 des Ă®lots de vieillissement que les agents de l'ONF ont Ă©tĂ© invitĂ©s Ă  prĂ©parer, cartographier et protĂ©ger [1] - [9], toujours dans le cadre de la protection de la biodiversitĂ©[10], et notamment dans les sites Natura 2000 ;
  • Ces Ă®lots de vieux bois [11] peuvent contribuer Ă  une durĂ©e de vie naturelle pour les arbres sĂ©nescents[12] et Ă  cavitĂ© et par suite Ă  la survie de nombreuses espèces entièrement dĂ©pendantes du cycle terminal (sĂ©nescent et chablis + longue dĂ©composition des bois durs) de la sylvogenèse, alors que les gros bois et très gros bois semblent en rĂ©gression, Ă  la suite d'une stratĂ©gie sylvicole de plus en plus « dynamique » ;
  • Ils sont Ă©galement encouragĂ©s par le rĂ©seau MAB (Man and Biosphere) ; toutes les RĂ©serves de biosphère forestières disposaient en 2012 de rĂ©serves biologiques intĂ©grales ou avaient mis en place des rĂ©seaux d’îlots de sĂ©nescence.
    Le plus développé était celui des Cévennes qui inclut environ 10 % du cœur de la Réserve de biosphère. Il s'est construit en partenariat entre l'ONF et le parc national et concernent tous les types de forêts présent ;
  • De tels rĂ©seaux sont Ă©galement encouragĂ©s par de grandes ONG environnementales dont WWF[13], Les amis de la Terre, Greenpeace et France Nature Environnement (FNE);
  • Les Ă®lots (comme les rĂ©serves naturelles) sont souvent de petite taille et dispersĂ©s ce qui limite leur intĂ©rĂŞt pour la biodiversitĂ©.
    Pour optimiser leur utilité, il est donc nécessaire de créer réseaux et archipels écologiquement cohérents, sur des bases scientifiques[14].
    La création d'un réseau d’îlots de sénescence et/ou de vieillissement reliés par des corridors présentant des arbres morts (debout ou couchés et de tous âges) est en projet dans la jeune forêt provençale, restaurée sur les flancs du Mont Ventoux lors de grands reboisements anti-érosifs des Terrains de Montagne (RTM) effectués à la fin du XIXe siècle. Ce réseau d'îlots se crée en lien avec le classement du site en zone Natura 2000 et en lien avec le programme Qualigouv de l'Office national des forêts[15], après une première étude[16] de la naturalité de différents peuplements forestiers et leurs potentialités d'évolution ; il vise à définir la méthodologie de mise en place d’une trame de vieux bois à l’échelle des forêts publiques de la zone tampon de la Réserve de Biosphère du Mont Ventoux.

Recommandations de gestion

Celles qui sont en France préconisées par l'ONF pour les forêts domaniales ou par les documents de certification de gestion durable pour la forêt privée ou publique sont jugées assez floues, par exemple par T Gautrot [4].

  • Ces Ă®lots bĂ©nĂ©ficient d’un cycle sylvicole prolongĂ© mais non portĂ© Ă  son terme naturel. Ă€ la diffĂ©rence des Ă®lots de sĂ©nescence, aucune règle de gestion particulière n’est rĂ©ellement prĂ©vue ; ce ne sont pas des aires protĂ©gĂ©es et ;
  • leurs passages en "coupes d’amĂ©lioration" sont prĂ©vus sur la mĂŞme rotation que les parcelles non classĂ©es, Sauf si un gel d'exploitation est explicitement prĂ©vu pour au moins 30 ans dans la hĂŞtraie (dĂ©lai nĂ©cessaire selon Meyer et Schmidt [17] et d'autres[4] pour reconstituer un stock de bois morts suffisant).
  • L’implantation de cloisonnements Ă  un entraxe de 18 Ă  33 m quand il existe peut rester maintenue, modifiant la nature du sol et du microclimat forestier[4].
  • Sans seuil de prĂ©lèvement particulier, l’intensitĂ© des Ă©claircies est fondĂ©e sur les normes sylvicoles retenues pour le massif ou la parcelle, les arbres de « l’essence objectif » conservant leur fonction de production et leur âge d'exploitabilitĂ© (rarement plus de 190 ans), avec un nombre de pieds dĂ©fini Ă  chaque Ă©claircie, limitant l'allongement du cycle sylvicole[4] ;
  • Leur maintien est examinĂ© Ă  chaque rĂ©vision d'amĂ©nagement (tous les 10 Ă  15 ans)[4]. Quand ils arrivent Ă  Ă©chĂ©ance et que les arbres y sont rĂ©coltĂ©s, il est utile d'y conserver avec soin une partie du bois mort qui s'y sera dĂ©posĂ© afin qu'ils ne jouent pas un rĂ´le de « piège Ă©cologique » et s'intègre dans le rĂ©seau des microhabitats durablement utiles aux cortèges saproxylophages.

Voir aussi


Notes et références

  1. ONF. 1999. ĂŽlots de vieillissement. 99-037.
  2. Odor, P., Van Hees, A.F.M., Heilmann-Clausen, J., Christensen, M., Aude, E., Van Dort, K.W., Pilvater, A., Siller, I., Veerkamp, M.T., Grebenc, T., Kutnar, L., Standovar, T., Koserc, J., Matocec, N., & Kraigher, H. (2004), Ecological succession of bryophytes, vascular plants and fungi on beech coarse woody debris in Europe. Rapport Technique Nature-based Management of Beech in Europe.
  3. Motta, R., Beretti, R., Lingua, E., & Piussi, P. (2006), Coarse woody debris, forest structure and regeneration in the Valbona forest Reserve, Paneveggio, Italian alps. Forest Ecology and Management, 235, 155–163.
  4. Gautrot Thierry, Bryoflore associée au bois mort au sol en contexte forestier planitiaire ; exemple de deux massifs du Bassin parisien, École pratique des hautes études ; Sciences de la Vie et de la Terre ; Mémoire présenté pour l’obtention du diplôme de l’École Pratique des Hautes Études, PDF, 113 pages
  5. Leblanc, M., & DERY, S. 2005. Lignes directrices pour l’implantation des refuges biologiques rattachées à l’objectif sur le maintien des forêts mûres et surannées. Québec, Gouvernement du Québec, ministère des ressources naturelles et de la faune, Direction de l’environnement forestier, 21p.
  6. Norden, B., Paltto, H., Götmark, F., & Wallin, K. (2007), Indicators of biodiversity, what they indicate ? Lessons for conservation of cryptogams in oak-rich forest. ; Biological Conservation, 135, 369–379 (résumé).
  7. ONF. 1993. Prise en compte de la diversité biologique dans l’aménagement et la gestion forestière. 93-T-23.
  8. O.N.F. 1994. Forêt domaniale de Saint-Palais Révision d’aménagement (1994-2013). Rapport Technique Office National des Forêts.
  9. ONF. 2003. Îlots de vieillissement : mode d’emploi. Dijon
  10. ONF. 2009a. Conservation de la biodiversité dans la gestion courante des forêts publiques. INS-09-T-21.
  11. ONF. 2009. ĂŽlots de vieux bois. NDS-09-T-310
  12. ONF, Département des Recherches Techniques (2003), Ilots de vieillissement : mode d’emploi, du vieillissement à la senescence des arbres. Rapport Technique de l'Office National des Forêts et du Conservatoire des Sites Naturels Bourguignons.
  13. [http://mab-france.org/workspace//uploads/actualites/bilan-2011.pdf Bilan de la campagne ForĂŞt ancienne 2011
  14. Parrot M., (2011) Vers une méthodologie de mise en place d’un réseau d’îlots à haute naturalité, application dans le massif forestier du Mont Ventoux, mémoire FIFENGREF, 78 pages + annexes.
  15. RĂ©seau Mab-France, Vers une trame de vieux bois sur le Ventoux
  16. étude conduite en 2011 par Marie Parrot dans le cadre d'un stage d'Ingénieur Forestier, encadrée par Daniel Vallauri du WWF
  17. Meyer, P., & Schmidt, M. 2010. Accumulation of dead wood in abandoned beech (Fagus sylvatica L.) forests in northwestern Germany. Forest Ecology and Management, 261, 343–352.

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