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État monastique des chevaliers Teutoniques

L'État monastique des chevaliers Teutoniques ou État teutonique[1] fut créé par les chevaliers de l'ordre Teutonique en 1226[1] sur le littoral de la Baltique, depuis la Vistule jusqu'au golfe de Finlande. Fondé en 1128 à Saint-Jean-d'Acre par des marchands de Brême et Lübeck[2], cet ordre avait initialement pour mission de secourir les pèlerins en Terre sainte et ses premiers membres étaient des moines d'origine germanique portant le titre des frères de Sainte-Marie[3]. Avec le temps, les frères devinrent un ordre militaire qui fut officiellement reconnu comme tel par le pape Innocent III en 1198.

État monastique des chevaliers Teutoniques

1226–1525

Drapeau Blason
Description de l'image Ordensland1410.png.
Histoire et événements
1193 Le pape CĂ©lestin III lance officiellement les croisades baltes.
1199 Fondation de l'ordre Teutonique à Saint-Jean-d'Acre par des pèlerins germaniques lors de la troisième croisade.
1226 Bulle d'or de Rimini : Frédéric II du Saint-Empire accorde à l'Ordre sa souveraineté sur les territoires qu'il conquiert en Prusse, souveraineté aussi accordée par les Polonais (traité de Kruschwitz en 1230) et le Pape (Bulle de Rieti en 1234).
1237 Absorption de la Livonie par incorporation des Chevaliers Porte-Glaive.
1242 Bataille du lac Peïpous : échec de la conversion de la Russie orthodoxe au catholicisme face au prince de Novgorod. Fin de l'expansion liée aux croisades. Début du soulèvement prussien balte contre les Teutons.
1291 La prise de Saint-Jean-d'Acre par les Mamelouks oblige les chevaliers Ă  quitter la Terre sainte.
1308 Prise de Dantzig contre la Marche de Brandebourg et la Pologne. Accord de Soldin (1309) : achat de la Pomérélie à la Marche.
1326-1332 Guerre polono-teutonique : Traité de Kalisz (1343) : la Pologne renonce à la Pomérélie et au pays de Chełmno.
1346 Rachat de l'Estonie au Danemark.
1402 Acquisition de la Nouvelle-Marche de Brandebourg. L'Ordre atteint son apogée.
1410 Bataille de Grunwald : échec contre l'Union de Pologne-Lituanie. Signature du premier traité de Thorn (1411).
1454-1455 Traités de Cölln et Mewe : vente de la Nouvelle Marche au prince-électeur de Brandebourg.
1454-1466 Guerre de Treize Ans : échec face à la Ligue de Prusse et à la Pologne. Signature du second traité de Thorn : réduit à la Prusse orientale après cession de la Prusse royale, l'Ordre devient vassal de la Pologne.
1519-1521 Guerre polono-teutonique : prend officiellement fin en 1525 avec le traité de Cracovie, par lequel le grand maître Albert de Brandebourg, converti au protestantisme luthérien, accepte de passer sous suzeraineté polonaise en tant que duc en Prusse.

Après les croisades, les chevaliers à la croix noire s'installèrent en Allemagne, en Hongrie et en Transylvanie. En 1226, afin de protéger ses terres des incursions des tribus prussiennes (restées païennes), le duc polonais Conrad Ier de Mazovie invita ces chevaliers à s'installer aux frontières de la Pologne[4]. Pour prix de leur soutien, il leur offrit le pays de Chełmno, alors que le pape et l'Empereur germanique leur garantissaient la souveraineté sur les territoires païens qu'ils soumettraient.

L'État teutonique fut au faîte de son pouvoir vers 1400. Cependant les excès et le despotisme des moines-chevaliers les rendirent impopulaires et leurs relations avec la Pologne et la Lituanie se dégradèrent jusqu'à l'affrontement et la défaite militaire de l'État lors de la bataille de Grunwald en 1410[4]. En 1525 à Cracovie, le grand maître de l'ordre Teutonique Albert de Brandebourg, de la Maison de Hohenzollern, rendit hommage et reconnut son rapport de vassalité auprès du roi de Pologne Sigismond Ier. Ainsi, l'ancien État teutonique se transforma en duché de Prusse, vassal du Royaume de Pologne.

Avec la disparition de l'État polonais () résultant des partages successifs de son territoire entre les puissances voisines (Prusse, Autriche, Russie), la province, nommée désormais Prusse-Orientale, devint partie de l'État prussien.

Histoire

Création de l’État

Bannière de l'État monastique des chevaliers Teutoniques.

Au XIIIe siècle, la Prusse est une terre habitée par des populations de langue balte et de religion païenne et elle fait l’objet de plusieurs tentatives d’évangélisation, soutenues puis encadrées par la papauté[5].

Ne parvenant pas à les vaincre et protéger ses frontières contre les incursions prussiennes, en 1226, le duc Conrad Ier de Mazovie invita les chevaliers de l’ordre Teutonique à s’installer dans son duché à la frontière avec les Prussiens. En 1230, par le traité de Kruschwitz, le duc de Mazovie accorda à l'ordre Teutonique le pays de Chełmno et reconnut l'indépendance de l'État monastique des chevaliers teutoniques et sa souveraineté sur tous les territoires conquis en Prusse au-delà des frontières polonaises. Au milieu du XIIIe siècle, les Prussiens tentèrent une ultime révolte qui ne fit que précipiter leur déclin. Les Prussiens du sud-ouest furent vaincus et conquis en une dizaine d'années ; ceux du sud-est et du nord-est furent conquis dans la seconde moitié du XIIIe siècle.

De son côté, l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen, plus intéressé par l'action politique que religieuse de l'ordre composé surtout de chevaliers allemands, octroya au grand maître de l'Ordre tous les privilèges d'un prince d’Empire, dont le droit de souveraineté sur les territoires nouvellement conquis. Par cette bulle signée à Catane, en 1224, la Prusse, la Livonie et plusieurs provinces voisines furent déclarées Reichsfreie. Ce décret soumit les provinces susmentionnées directement à l'autorité de l'empereur du Saint-Empire et à l'Église. En outre, par la bulle d'or impériale de Rimini de mars 1226 et la bulle papale de Rieti de 1234, la Prusse devint possession officielle de l'ordre Teutonique. La bulle d'or de Rieti autorisait également les membres de l'ordre de Dobrzyń à rejoindre l'ordre Teutonique. Ce dernier fusionna en 1237, avec les chevaliers Porte-Glaive (ou ordre de Livonie), ce qui lui permit de s'étendre au nord et de se renforcer.

Montée en puissance

Malgré leur défaite à la bataille du lac Peïpous (1242), face à la principauté de Novgorod, les chevaliers Teutoniques étendent rapidement leur domination, régnant sur la Prusse, la Courlande (en Lettonie actuelle) et la Livonie, sans compter un grand nombre d’établissements de toutes sortes essentiellement localisés en Allemagne (Empire romain germanique). En l'an 1300, tous les peuples baltes, sauf les Lituaniens, étaient sous l'autorité de l'ordre Teutonique. La Prusse devint une terre de colonisation allemande : des terres agricoles furent données généreusement aux colons venus des régions de langue allemande.

En 1345, Valdemar III, roi du Danemark, vendit à l'État monastique la province d'Estland et les villes de Narva et Wesenberg.

En 1398, l'État teutonique affronte le Grand-duché de Lituanie sur lequel il conquiert la Samogitie. Ceci lui permet de joindre ses territoires du nord et du sud et de dominer toute la façade orientale de la mer Baltique.

À la fin du XIVe siècle, l'ordre Teutonique atteint l'apogée de sa puissance.

Ă€ l'apogĂ©e de la puissance de l'Ordre, le grand maĂ®tre, qui rĂ©sidait alors Ă  Mariendal[6], avait sous ses ordres un grand-commandeur ou grand-marĂ©chal qui rĂ©sidait Ă  Königsberg (actuellement Kaliningrad) et un grand-hospitalier rĂ©sidant Ă  Elbing (ElblÄ…g). Le drapier et trĂ©sorier vivaient Ă  la cour du grand maĂ®tre. Plusieurs autres commandeurs vivaient Ă  Thorn (ToruĹ„), Culm (CheĹ‚mno), Königsberg, etc. Selon certaines sources, l'ordre aurait comptĂ© jusqu'Ă  28 commanderies, 46 châteaux, 81 hospitaliers, 35 maĂ®tres de couvents, 40 maĂ®tres d’hĂ´tel, 37 pourvoyeurs, 95 maĂ®tres de moulin, 700 frères chevaliers, 162 frères de chĹ“ur ou prĂŞtres et 6 200 serviteurs. La capitale du nouvel État est fixĂ©e Ă  Marienbourg (Malbork) Ă  compter de 1309.

Déclin de l'État teutonique

Le déclin de l'État monastique commence lors de la guerre du royaume de Pologne-Lituanie contre l'ordre Teutonique. La défaite à la bataille de Grunwald (1410) contraint l'ordre Teutonique à signer le premier traité de Thorn (1411), par lequel il accepte d'importantes concessions territoriales à l'Union de Pologne-Lituanie et s'engage à payer une énorme rançon.

La population prussienne se révolte contre les chevaliers au milieu du XVe siècle et demande l'aide du Royaume de Pologne. Celui-ci déclenche la guerre de Treize Ans (1454 à 1466) contre l'État monastique des chevaliers Teutoniques. La défaite de l'Ordre à la bataille de Puck, en 1462, contraint celui-ci de signer le second traité de Thorn (1466). Ce dernier prévoit que l'État monastique cède la Prusse-Occidentale, avec l'archevêché de Varmie, au royaume de Pologne, au sein duquel elle devient la province autonome de Prusse royale ; la Prusse-Orientale demeure sous la domination de l'ordre Teutonique, mais l'État monastique devient vassal du roi de Pologne. Par la même occasion, le grand maître de l'Ordre devient sénateur du royaume de Pologne.

La fin de l'État teutonique

Dans l'espoir d'interrompre ce déclin, Albert de Brandebourg-Ansbach — de la famille souabe des Hohenzollern — fut élu trente-septième grand maître de l'Ordre en 1511. Albert de Brandebourg prit l'initiative de déclencher un nouveau conflit en 1519-1521, car les tensions étaient récurrentes avec le royaume de Pologne depuis près d'un siècle. Cependant cette guerre se révéla désastreuse pour l’État teutonique. Après une trêve de quatre ans, il parut évident que le conflit allait reprendre bientôt. Albert négocia alors avec Sigismond Ier de Pologne (qui était, par ailleurs, son oncle) un accord qui l’autorisait à se convertir à la religion luthérienne et à séculariser l’État monastique des chevaliers Teutoniques. En contrepartie, les territoires restés entre les mains de l’Ordre, au lendemain du traité de Thorn de 1466, seraient transformés en duché héréditaire de Prusse, vassal du royaume de Pologne. Le traité de Cracovie fut signé le et la capitale du duché de Prusse fut installée à Königsberg. Ce fut donc la sécularisation la plus importante d’un État monastique.

Cet accord provoqua la scission avec l’ordre de Livonie — ordre autonome au sein de l'ordre Teutonique — qui se considéra comme le continuateur de l’ordre Teutonique. Celui-ci forma l'État indépendant de la Confédération de Livonie, ce qui causa la perte des territoires du nord (actuelles Estonie et Lettonie). En outre, Albert de Brandebourg fut cité à comparaître devant la Cour de justice impériale, mais il ne s’y présenta pas. Il fut donc mis au ban du Saint-Empire romain germanique. Mais les princes allemands, éprouvés par les tumultes de la Réforme, la révolte des paysans (Bauernkrieg) et les guerres contre l’Empire ottoman, n’appliquèrent pas la proscription et la colère contre lui s’apaisa avec le temps.

HĂ©ritage

Sous le gouvernement de l'ordre Teutonique, des forêts furent défrichées pour y construire des villages ou dégager des terres arables. En outre, les nombreux marais de la région furent asséchés pour être également transformés en terres agricoles.

L'État monastique des chevaliers Teutoniques se révéla, dès ses débuts, comme un grand bâtisseur tant pour défendre et consolider ses possessions que pour contribuer à la diffusion du christianisme. Des villes nouvelles, telles que Thorn (1231, aujourd'hui Toruń), Königsberg (1255, aujourd'hui Kaliningrad) ou Marienbourg (1280, aujourd'hui Malbork), furent érigées sur son territoire.

Le monastère fortifié de l'ordre Teutonique de Marienbourg[7], datant du XIIIe siècle, est aujourd'hui inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Bâti dans le style exceptionnel de l’ordre Teutonique, il évolua indépendamment des châteaux contemporains européens.

Voir aussi

Notes et références

  1. Alain Demurger, Moines et Guerriers. Les ordres religieux-militaires au Moyen Ă‚ge, Le Seuil, 2010
  2. Rodolphe Keller, « L'histoire des chevaliers teutoniques revisitée »,
  3. « Qui étaient les chevaliers teutoniques ? »
  4. Anne Vidalie, « L'histoire des chevaliers Teutoniques », l'Express,
  5. Sylvain Gouguenheim, « Face aux païens de la Baltique », Dans Hervé Inglebert éd., Le problème de la christianisation du monde antique. Paris, Éditions Picard, « Textes, images et monuments de l’Antiquité au Haut Moyen Âge »,,‎ , p. 375 à 391
  6. Aujourd'hui dans le Bade-Wurtemberg.
  7. Site consacré à ce château.

Articles connexes

Lien externe

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