Église wallonne
Une église wallonne (en néerlandais : Waalse kerk ; en allemand : Wallonische Kirche) est une église réformée néerlandaise et de façon moindre allemande, dont les membres avaient fui les Pays-Bas méridionaux, l'actuelle Belgique et le nord de la France, lors du premier refuge. Lors du deuxième refuge protestant, des huguenots français ont rejoint les communautés wallonnes, notamment le pasteur Pierre Jurieu et le philosophe Pierre Bayle. La langue usuelle des églises wallonnes est jusqu'à aujourd'hui le français. Les membres de ces églises sont appelés réformés wallons (en néerlandais, Waals Hervormd ou Waals Gereformeerd).
Histoire
Premier refuge wallon
Au XVIe siècle, les protestants sont présents dans les provinces romanes ou wallonnes des Pays-Bas espagnols, à Tournai et sa région, à Mons, à Valenciennes, dans le Borinage, dans le duché de Limbourg, le Pays d'Outremeuse et le Marquisat de Franchimont. En 1544, le réformateur Pierre Brully prend la tête de la communauté de Tournai et introduit le courant réformé dans les Pays-Bas espagnols. La 'Confession de foy' des Églises wallonnes est rédigée en 1561 par le réformateur montois Guy de Brès et le premier synode évangélique wallon a lieu en à Theux dans la région de Spa. La ville de Tournai, où les protestants sont majoritaires dès la deuxième moitié du XVIe siècle, est surnommée la « Genève du Nord » et rayonne à Anvers, en Picardie et jusqu'en Normandie. La ville est considérée comme la métropole réformée pour les provinces wallonnes. En 1562, à Valenciennes, la foule sauve des protestants du bûcher. C'est la « Journée des Maux (mal) Brûlés ». La ville de Limbourg est un centre protestant à l'est du pays wallon. De à , les villes de Tournai, Valenciennes et Limbourg constituent des républiques calvinistes.
À la fin du XVIe siècle, de nombreux réformés en provenance des Pays-Bas méridionaux ont fui vers le nord, essentiellement vers la Hollande. Ils créent des paroisses francophones, 43 au total, d'abord indépendantes des communautés bas-allemandes. D'autres groupes de réfugiés émigrent dans les principautés allemandes ; la communauté la plus importante à cet égard étant établie depuis 1594 à Hanau-sur-le-Main (actuellement : Wallonisch-Niederländische Gemeinde).
Second refuge huguenot
À la fin du XVIIe siècle, à la suite de la révocation de l'édit de Nantes en 1685, beaucoup de huguenots ont fui la France pour les Provinces-Unies et l'Allemagne. De même, ils ont incorporé en grande partie les communautés wallonnes réformées ou ont fondé de nouvelles communautés. Pour cette raison, le nombre d'églises wallonnes a augmenté jusqu'à 80, réparties dans tout le pays, sans compter les églises établies en Allemagne.
Liens entre la famille d'Orange-Nassau et l'Église wallonne
Il y eut très tôt des liens entre la famille d'Orange-Nassau et l'Église wallonne : Louise de Coligny (1555-1620), fille de Gaspard de Coligny et épouse de Guillaume le Taciturne, fréquenta, tout comme son fils Frédéric-Henri, l'Église wallonne de La Haye située dans l'ancienne chapelle la cour au Binnenhof. Maurice de Nassau, autre fils de Guillaume d'Orange, assista aussi régulièrement aux offices de l'église de La Haye.
Sous le stathoudérat de Frédéric-Henri, les liens se resserrèrent encore, notamment à travers la personne d'André Rivet, pasteur de l'église de La Haye mort en 1651. Il fut notamment gouverneur de Guillaume II et joua un rôle important dans le mariage de celui-ci avec Marie Henriette Stuart. Guillaume III, leur fils unique, fut baptisé dans l'église de La Haye.
Les églises wallonnes de la Barrière
Vers la fin de la guerre de Succession d'Espagne, la France signa en 1713 le traité des Barrières avec les Provinces-Unies : ce traité accordait le droit aux Provinces-Unies d'établir des places fortes dans diverses villes des Pays-Bas autrichiens (Charleroi, Furnes, Gand, Menin, Mons, Namur, Tournai et Ypres).
Des églises wallonnes se sont installées dans ces villes à la suite des militaires hollandais. Ces églises ont accueilli de nombreux protestants français venus du Hainaut français ou de Picardie pour faire baptiser leurs enfants ou bénir leur mariage, ce qu'ils ne pouvaient plus faire en France à la suite de la révocation de l'Édit de Nantes. Il ne s'agit pas là d'une émigration mais de visites ponctuelles faites dans ces "églises de la barrière" à l'occasion des grandes fêtes religieuses (notamment Pâques et Pentecôte) ou des événements familiaux (notamment les baptêmes).
Le traité des Barrières fut dénoncé par l'empereur Joseph II en 1781 et le traité de Fontainebleau supprima les garnisons hollandaises en 1785.
Du XIXe siècle à nos jours
Après la période dite "française" (1795-1815), en 1816, un nouvel ordre ecclésial fut instauré aux Pays-Bas (incluant alors la Belgique actuelle) par décret du roi Guillaume Ier, dans lequel les églises réformées néerlandaises (dite nederduits, bas-allemandes, c'est-à -dire néerlandophones) et les églises wallonnes (waals, francophones) furent fusionnées dans une seule église, l'Église réformée néerlandaise (Nederlandse Hervormde Kerk ou NHK). Depuis lors, les huguenots se sont progressivement intégrés et sont devenus des Néerlandais. Aujourd'hui, le nombre d'églises wallonnes a été ramené de 80 à 12.
Depuis 2004, les églises wallonnes font partie de l’Église protestante aux Pays-Bas, issue de la fusion de l’Église réformée néerlandaise avec l’Église reréformée et l’Église luthérienne. Les églises wallonnes actuelles sont donc juridiquement entièrement néerlandaises et ne dépendent d'aucune organisation étrangère. La plupart de leurs membres sont néerlandais, avec l'apport ponctuel de familles francophones établies temporairement ou définitivement aux Pays-Bas en provenance, par exemple, de Belgique, de France, de Suisse, du Cameroun ou de Madagascar. Dans les dernières années du XXe siècle, l'arrivée de réfugiés africains a constitué un apport sensible à ces paroisses. D'une certaine manière, ils forment un " troisième refuge ". Comme par le passé, le français est la langue de communication dans les services, études bibliques, conférences, voyages et autres activités des églises wallonnes. Toutefois, le néerlandais est toléré dans certaines occasions informelles, selon le principe : "Mieux vaut parler en néerlandais que se taire en français"[1].
Vue d'ensemble
Pays-Bas
Il y a des paroisses wallonnes réformées dans les villes suivantes :
Les communautés wallonnes forment une communauté au sein de l'Église protestante aux Pays-Bas et elles envoient leur délégué aux synodes. Elles entretiennent des relations avec les églises réformées francophones en Belgique, en France et dans d'autres pays.
Allemagne
- Église wallonno-néerlandaise de Hanau
- Église wallonne de Magdebourg
- Église wallonne de Mannheim
- Église wallonne de Cologne
- Église wallonne de Francfort
Amérique du Nord
Certains réformés wallons s'installent à La Nouvelle-Amsterdam qui allait devenir plus tard la ville de New York. Bien que le nom Wall Street (signifiant « rue du mur » en anglais) tienne de l’existence d’un seul et même mur, à la place de la rue actuelle, les plans de la Nouvelle Amsterdam montrent deux noms différents pour cette rue. « De Waal Straat » (nom néerlandais) ne se rapporte pas à un mur, mais à un important groupe de colons wallons qui participèrent à la création de la Nouvelle Amsterdam, puisque étymologiquement, en néerlandais, un Wallon se dit « Waal ». En effet, vers 1630, la population totale de Nouvelle-Néerlande était de 300 personnes, dont une grande majorité de Wallons. La baie de Wallabout, située au nord de Brooklyn, tire son nom d'une déformation du néerlandais Waal bocht qui veut dire baie wallonne, nom choisi à cause de l'implantation de plusieurs familles wallonnes.
- Église wallonne de New Paltz, New York
- Église wallonne de New York
- Église wallonne de Récife
Statistiques
Année | 1849 | 1859 | 1869 | 1879 | 1889 | 1899 | 1909 | 1920 | 1930 | 1947 | 1960 | 1971 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Nombre | 8 435 | 9 689 | 10 258 | 9 529 | 8 953 | 9 857 | 9 660 | 8 962 | 6 358 | 4 067 | 3 058 | 1 505 |
Lors du dernier recensement de 1971, 1 505 réformés wallons ont été dénombrés sur l'ensemble des Pays-Bas dont 570 en Hollande-Méridionale, 550 en Hollande-Septentrionale, 125 dans la province d'Utrecht, 95 en Gueldre et 85 dans le Brabant-Septentrional. Il s'agissait de 350 personnes à Amsterdam, 245 à La Haye, 85 à Rotterdam et 50 à Utrecht. Ces chiffres ont encore diminué entretemps à la suite de la sécularisation.
Édifices
L'église wallonne d'Amsterdam est une ancienne chapelle dont l'Église catholique a été expropriée en 1578 et qui a été mise à disposition des réfugiés réformés.
L'église wallonne de Delft est à l'origine la chapelle du couvent Sainte-Agathe situé près de l'actuel Prinsenhof. La chapelle date du XVe siècle et a été en 1572 la chapelle de cour du prince Guillaume d'Orange. Depuis 1585, la chapelle est utilisée par l'église wallonne. Tous les quinze jours, il y a un office en français le dimanche matin à 10h30.
À Leyde, l'église wallonne est établie dans la chapelle de l'ancien hospice Catharina (Catharina-Gasthuis). Dès le début du XVIIe siècle, la chapelle de l'hospice a été aménagée pour les services religieux protestants. À partir de 1818, la communauté wallonne est devenue propriétaire de l'église.
À La Haye, les huguenots ont fait usage à partir de 1591 de la chapelle de cour du Binnenhof, depuis lors démolie. En 1808, l'église wallonne de La Haye a été inaugurée au Noordeinde.
L'église wallonne de Breda était initialement la chapelle du béguinage.
À Dordrecht, l'ancienne église wallonne a été transformée en un magasin de vêtements de sport, mais des offices en français ont encore lieu deux fois par mois au Hof.
Des églises wallonnes se trouvent aussi dans les villes de Groningue, de Zwolle et de Haarlem.
À Naarden, une ancienne église wallonne est maintenant utilisée comme mausolée de Comenius.
L'ancienne église wallonne de Voorburg (commune de Leidschendam-Voorburg) est maintenant utilisée par une autre communauté réformée.
L'église wallonne de Bois-le-Duc a été construite en 1847 en style néogothique primitif d'après les plans de l'architecte Arnoldus van Veggel. L'église a été achetée en 1956 par la communauté luthérienne qui l'a fréquentée jusqu'en 2004.
L'église wallonne de Nimègue a été détruite le pendant le bombardement dit d'erreur par les Alliés. L'église utilise parfois une chapelle dans la Stevenskerk. Elle a fusionné en 1972 avec l'église wallonne d'Arnhem.
Institutions
Collège wallon de Leyde
Il s'agissait d'un séminaire de théologie, dépendant du synode wallon et lié à l'université de Leyde. Destiné à la formation des pasteurs francophones, il fut fondé en 1606 et ferma ses portes en 1699. Il était situé Groenhazengracht à Leyde.
Hospice wallon d'Amsterdam
L'église wallonne d'Amsterdam a établi, dès 1630, un orphelinat destiné à recueillir les nombreuses victimes des persécutions anti-protestantes. Un nouveau bâtiment, plus spacieux, fut construit en 1671 par l'architecte Adriaan Dortsman (en).
Personnalités wallonnes
- Jan Six (1618-1700), écrivain, mécène et bourgmestre d'Amsterdam
- Guillaume Groen van Prinsterer (1801-1876), homme politique anti-révolutionnaire
- Alexander de Savornin Lohman (1837-1924), homme politique membre de la Christelijk-Historische Unie
- Daniel de Superville (1696-1773)
- Daniel de Hertaing, Seigneur de Marquette, dernier gouverneur de la ville d'Ostende
- Charles de Levin, Seigneur de Famars (1550-1592), Grand Maître de l’artillerie des Provinces-Unies
- Charles de Heraugière (1556-1601), capitaine et commandant de Bréda
- Louis De Geer (1587-1652), père de l'industrie suédoise
- Marie de Brimeu (1550-1605), Princesse de Chimay
- Marie-Christine de Lalaing (vers 1506-1558) Princesse d'Epinoy, organise la défense de la ville de Tournai
- Guy de Brès (1522-1567), réformateur des Pays-Bas et auteur de la Confessio Belgica
- Marie Dentière, (vers 1495-1561), théologienne
- Samuel Mareschal (1554-1640), compositeur et organiste
- Claude Le Jeune (vers 1530-1600), compositeur
- Louis Des Masures (vers 1515-1574), poète et écrivain
- Isaac Le Maire (1558-1624), fondateur et actionnaire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales
- Jacob Le Maire (1585-1616), premier marin à avoir franchi le Cap Horn
- Pierre Minuit (1580-1638), gouverneur de la colonie de Nouvelle-Néerlande, achète l'île de Manhattan aux Amérindiens
- Jessé de Forest (1576-1624), le premier à avoir cartographié les côtes du Suriname
- Théodore de Bry (1528-1598), dessinateur et graveur
- Sarah Rapallier (1624-1685), première européenne née en Nouvelle-Néerlande
- Philippe de Lannoy (1602-1681), ancêtre de Ulysses S. Grant et de Franklin Delano Roosevelt
- Henri Clignet (1607-1683), directeur général de la ville de Mannheim
- Gabriel Fourmennois, poète et traducteur en français de l'hymne des gueux
- Jean Taffin (1529-1602), chapelain de Guillaume d'Orange et écrivain
- Charles de l'Ecluse (1526-1609), botaniste et fondateur de l'horticulture
- Daniel Godin (1576-1645), actionnaire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales
- Guillaume de Bèche (1573-1647), entrepreneur et homme d'affaires installé en Suède
- William Courten (1572-1636), finance la découverte de la Barbade
- Philippe de Marbais, Seigneur de Loverval, signataire du compromis des nobles
- Nicolas de Marbais, pasteur et écrivain
- Everard de Merode, gouverneur de Bouillon et officier
- Bernard de Mérode (1525-1589), officier au service des États-Généraux
- Guillaume de Prez, Seigneur de Barchon (vers 1535-1596), capitaine général de l'artillerie et gouverneur de la principauté d'Orange
- Pierre Binoit (1590-1632), peintre
- Daniel Soreau (1560-1619), peintre
- Henri Daniel Guyot (1753-1828), pasteur et créateur du premier institut pour sourds aux Pays-Bas
- André Bourlette (1500-1569) homme politique et manutentionnaire de l'armée des États-Généraux
Références
- (nl) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en néerlandais intitulé « Waalse kerk » (voir la liste des auteurs).
- (nl) « Geschiedenis (Histoire) », sur le site des Églises wallonnes (consulté le )
Annexes
Bibliographie
- J. B. Andry, A. Daullé, D. Ollier, Ph. Poulain & A. Trocmé, Églises wallonnes de la Barrière : Tournai, Armentières, Menin, Ypres et Namur, Impr. Roland, Le Cateau, 1894 [Lire en ligne sur NordNum]
- Registre des baptêmes, mariages & inhumations - Liste des membres de l'Église wallonne hors de Tournai - Abjurations à Tournai et à Menin - XVIIIe siècle - Gilles Mesnil - (ISBN 2-9526306-1-5)
- Une église réformée au 17e siècle ou Histoire de l'Église wallonne de Hanau depuis sa fondation jusqu'à l'arrivée dans son sein des Réfugiés Français, d'après des documents inédits et impartiaux par J.B.Leclercq, docteur en Théologie et pasteur de l'église wallonne, Hanau, imprimerie des orphelins, 1868 ; Fac-similé et traduction allemande par le Consistoire de la communauté Wallo-néerlandaise de Hanau - auf Deutsch übersetzt durch das Consistorium der Wallonisch-Niederländischen Gemeinde - Hanau 1996 Die Geschichte der Wallonischen Kirche von Hanau von ihrer Gründung an bis zum Eintreffen der Französischen Réfugiés.