Zahra Ali
Zahra Ali est une sociologue française.
Elle travaille sur les questions de genre et de racisme en relation avec l'Islam. Ses travaux portent notamment sur le féminisme musulman.
Biographie
Parcours personnel
Zahra Ali est la fille de réfugiés politiques irakiens arrivés en France dans les années 1980. À 15 ans, elle milite dans une association de femmes musulmanes[1] à Rennes.
À 18 ans, dans le contexte des mouvements d'opposition à la loi sur les signes religieux dans les écoles publiques françaises, elle s'engage en avril 2004 dans le mouvement féministe non mixte « Collectif Féministes pour l’égalité »[note 1] créé par des militantes du « Collectif Une École pour Toutes et Tous » (CEPT). Zahra Ali est élue vice-présidente aux côtés de Christine Delphy (présidente)[2].
Carrière
Elle est docteure à l'EHESS[3], chercheuse dans cette école ainsi qu'à l'Institut français du Proche-Orient[4]. Elle a soutenu une thèse intitulée « Les femmes de l’Irak d’après-Saddam : enjeux et articulations entre genre, nation et religion »[5]. Ses travaux soutiennent l'idée d'un féminisme « décolonial » non universaliste[6] - [7].
Positions
S'inspirant des travaux de Nacira Guénif-Souilamas, Zahra Ali condamne l’interdiction du port du foulard islamique dans les écoles et du niqab dans les lieux publics, et le compare avec d’autres appels au dévoilement des femmes en contexte colonial[8]. Elle réfute toute soumission des femmes dans le port du voile[9]. Elle a elle-même porté le voile pendant une partie de sa vie[10].
FĂ©minisme musulman
En 2012, elle reproche au « féminisme à la française » d'être un « féminisme bourgeois qui ne gère que des questions bourgeoises et qui laisse sur le bord de la route toute une catégorie de femmes »[11] - [12].
Relativisme culturel
En 2016, l'anthropologue Michèle Sirois[note 2] s'interroge :
« Le féminisme qui s’inscrit dans un référent religieux, et plus spécifiquement le féminisme islamique, existe-t-il vraiment en tant que mouvement qui défend la pleine et entière égalité des femmes avec les hommes ? […] N’est-il pas présomptueux d’affirmer, comme le fait Zahra Ali, que le féminisme occidental piétine et tourne en rond et que l’arrivée de femmes musulmanes constitue une véritable chance de renouveler notre féminisme ? Est-ce que cela ferait avancer ou bien dévier le combat fondamental que nous devons continuer de mener contre l’atteinte aux droits des femmes ? En mai 2009, la prise de position de la Fédération des femmes du Québec en faveur du voile a plutôt créé une scission qu’un avancement du mouvement féministe. Depuis, on constate que plusieurs femmes se sentent trahies par un féminisme embourbé dans le relativisme culturel et criant au racisme, à la xénophobie et au colonialisme aussitôt qu’on parle d’accorder la priorité aux droits des femmes plutôt qu’aux libertés religieuses, ou encore d’imposer des limites à la diversité des pratiques culturelles afin de respecter l’intégrité physique et psychologique des femmes, et de favoriser leur intégration[13]. »
Selon Charlotte Bienaimé, Zahra Ali veut « “décloisonner”, “décoloniser” et “renouveler” le féminisme à la fois par une relecture du Coran et par le port du voile brandi contre le racisme et le sexisme de l'hégémonie occidentale. »
Une attitude offensive qui fait craindre à de nombreuses féministes telle Chahla Chafiq-Beski un certain relativisme culturel, et qui
« revient à emprisonner les femmes dans l'idée que leur avenir se trouve dans la religion. »
Pour cette dernière,
« dans un contexte de répression totalitaire et religieuse, la stratégie du féminisme musulman peut permettre de faire un pas dans l'avancée des droits des femmes. Mais l'accession à une citoyenneté féminine libre et autonome ne peut s'articuler au religieux. »
Charlotte Bienaimé ajoute :
« Au-delà de ces oppositions idéologiques, ces nouvelles pionnières du monde arabe veulent réinventer un féminisme universel débarrassé de ce que Sophie Bessis appelle la “culture de la suprématie occidentale”[14]. »
Publications
Ouvrages
- Féminismes islamiques, Paris/27-Mesnil-sur-l'Estrée, La Fabrique, (1re éd. 2012), 256 p. (ISBN 978-2-35872-190-5, présentation en ligne)
- (en) Women and Gender in Iraq : Between Nation-Building and Fragmentation, Cambridge University Press, , 338 p. (ASIN B07DXVJ8NR)
- (en) Women and Gender in Iraq : Between Nation-Building and Fragmentation (Thèse de doctorat en sociologie), Paris, École des hautes études en sciences sociales, (présentation en ligne)
Articles
- « Femmes, féminisme et islam : décoloniser, décloisonner et renouveler le féminisme »[15]
- « Las mujeres musulmanas son una verdadera oportunidad para el feminismo »
- « Fragmentation de l’Irak et droits des femmes : mobilisation des féministes et de la société civile »
- « Premiers pas de la Renaissance féminine en Irak »
- Chroniques sur le site Quartier XXI :
- « Parler d'islam, pour ne rien dire… », Quartiers XXI,‎ (lire en ligne)
- « De Bagdad à Paris : pas de paix sans justice ! », Quartiers XXI,‎ (lire en ligne)
Entretiens
- « Zahra Ali : "Décoloniser le féminisme" », Ballast,‎ (lire en ligne)
- « Les femmes musulmanes sont une vraie chance pour le féminisme », sur contretemps.eu,
Notes et références
Notes
- Le collectif non mixte est créé notamment pour répondre à la « prétendue dépendance masculine » des femmes voilées, renvoyée par certains commentaires[2].
- Michèle Sirois est anthropologue et membre de « pour les droits des femmes » (PDF Québec), également co-auteure de Individu et société. Introduction à la sociologie (Gaétan Morin, 2009)[13]
Références
- Sylvie Chaperon et Christine Bard, Dictionnaire des féministes. France : XVIIIe – XXIe siècle, Presses universitaires de France, (ISBN 978-2-13-078722-8, lire en ligne).
- Cecilia Baeza, « L’expérience inédite et dérangeante du Collectif des Féministes pour l’Égalité », Nouvelles Questions Féministes, vol. 25,‎ , p. 150 à 154 (lire en ligne, consulté le ).
- « IISMM - Bulletin juin 2013 » (consulté le ).
- « La lente émergence d'un féminisme musulman » (consulté le ).
- « Centre d'analyse et d'intervention sociologiques, CADIS », (consulté le ).
- « Décoloniser le féminisme », sur Ballast, (consulté le ).
- Zahra Ali et Sonia Dayan-Herzbrun, « Présentation du numéro », Tumultes, vol. 1, no 48 « Pluriversalisme décolonial »,‎ , p. 5-13 (DOI 10.3917/tumu.048.0005).
- « Lectures et usages féministes de l’islam », La Vie des idées, 31 janvier 2013.
- Fatiha Temmouri, « Journée de la femme : peut-on être féministe et voilée ? », Le Point,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- « Zahra Ali, la sociologue », sur Libération.fr, (consulté le )
- Zahra Ali, FĂ©minismes islamiques, Paris, La Fabrique, .
- https://paris-luttes.info/a-propos-du-livre-feminismes?lang=fr
- Michèle Sirois, « Le féminisme islamique est-il un pseudo-féminisme ? », sur sisyphe.org, .
- Charlotte Bienaimé, Féministes du monde arabe : Enquête sur une génération qui change le monde, Les Arènes, , 304 p. (ISBN 978-2-35204-434-5 et 2-35204-434-0, lire en ligne).
- Zahra Ali, « Femmes, féminisme et islam : décoloniser, décloisonner et renouveler le féminisme », sur Academia.edu (consulté le ).