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Yom HaShoah

Yom HaShoah (hĂ©breu : Ś™Ś•Ś Ś”Ś©Ś•ŚŚ” yom ha-shoʟāh « JournĂ©e de la Shoah »), officiellement dĂ©nommĂ©(e) Yom ha-zikaron / hazikaron laShoah vĂšlaGvoura (hĂ©breu : Ś™Ś•Ś Ś”Ś–Ś™Ś›ŚšŚ•ŚŸ ŚœŚ©Ś•ŚŚ” Ś•ŚœŚ’Ś‘Ś•ŚšŚ” « JournĂ©e du souvenir pour la Shoah et l’hĂ©roĂŻsme ») est une date fixĂ©e par l’État d’IsraĂ«l dans la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle.

Yom HaShoah
Timbre commémoratif édité en 1962.
Timbre commémoratif édité en 1962.

Nom officiel hĂ©breu : Ś™Ś•Ś Ś”Ś–Ś™Ś›ŚšŚ•ŚŸ ŚœŚ©Ś•ŚŚ” Ś•ŚœŚ’Ś‘Ś•ŚšŚ” JournĂ©e du Souvenir pour la Shoah et l’HĂ©roĂŻsme
ObservĂ© par Drapeau d’IsraĂ«l IsraĂ«l
Type jour mémorial israélien
Signification Jour mémorial pour les victimes de la Shoah et les combattants du Ghetto de Varsovie
Commence la veille du 27 nissan (en vertu du contexte)
Finit la veille du 28 nissan (idem)
Date 27 nissan (idem)
Date 2022 coucher du soleil, 27 avril
tombée de la nuit, 28 avril
Célébrations Mise en berne des drapeaux, marche des vivants

Initialement conçue par l’établissement politique pour rendre hommage aux insurgĂ©s du ghetto de Varsovie et aux partisans juifs dans lesquels ils voient autant de frĂšres d’armes ou prĂ©curseurs des pionniers de la nation israĂ©lienne, la journĂ©e s’étend Ă  mesure de la comprĂ©hension du phĂ©nomĂšne Ă  l’ensemble des victimes de la politique nazie d’extermination du peuple juif, et prĂ©sente IsraĂ«l comme le seul refuge vĂ©ritable des Juifs dans le monde. Elle dresse par consĂ©quent un bilan annuel de la prĂ©valence de l’antisĂ©mitisme dans le monde.

La commĂ©moration se tient gĂ©nĂ©ralement le 27 du mois hĂ©braĂŻque de nissan (entre le dĂ©but du mois d’avril et celui de mai selon les annĂ©es) dans le calendrier hĂ©braĂŻque.
Elle donne lieu en IsraĂ«l Ă  diverses cĂ©rĂ©monies civiles, la principale se tenant Ă  Yad Vashem, et Ă  d’autres coutumes, dont les sirĂšnes du souvenir et la marche des vivants, observĂ©es par l’ensemble de la population juive israĂ©lienne, Ă  l’exception de certains milieux orthodoxes et haredim.
Hors IsraĂ«l, elle est observĂ©e par diverses manifestations imitĂ©es du modĂšle israĂ©lien et, dans certaines congrĂ©gations non-orthodoxes, Ă  des cĂ©rĂ©monies religieuses au moyen d’une liturgie nouvellement Ă©laborĂ©e.

Yom Hashoah dans les sources juives et officielles

Lors des années de guerre

Les rumeurs de l'annihilation de communautĂ©s juives entiĂšres en Europe Ă  mesure des avancĂ©es de l’armĂ©e allemande lors de la Seconde Guerre mondiale, parviennent assez rapidement aux oreilles des Juifs du Yichouv, originaires pour la plupart de ces contrĂ©es. Elles donnent lieu Ă  des commĂ©morations privĂ©es, stĂšles, monuments ou MemorbĂŒcher compilĂ©s par des associations d’émigrĂ©s[1] et, en Ă©tĂ© 1942, alors que les fusillades et dĂ©portations vers les camps d’extermination viennent Ă  peine de commencer, MordekhaĂŻ Shenhavi prĂ©sente au comitĂ© du Fonds National Juif son projet, intitulĂ© Yad Vashem (« Un monument et un nom ») d’aprĂšs IsaĂŻe 56:5, Ă  la mĂ©moire des disparus qu’il estime alors Ă  un million[2].

Au lendemain de l’indĂ©pendance d’IsraĂ«l

Entrée de la Chambre de la Shoah, premiÚre tentative de commémoration publique de la Shoah.

Alors que l’on a appris l'ampleur de la catastrophe, l'armĂ©e de Hitler ayant fait 17 000 000 de morts dont environ 6 000 000 d’hommes, femmes et enfants spĂ©cifiquement visĂ©s en tant que Juifs, et que des centaines de milliers de survivants Ă©migrent dans l’état d’IsraĂ«l nouvellement proclamĂ©, la commĂ©moration officielle des Ă©vĂšnements, civile ou religieuse, n'est pas Ă  l’ordre du jour pour des raisons pragmatiques mais aussi idĂ©ologique: le sionisme des dirigeants de l’état s’est en effet bĂąti sur la « rĂ©gĂ©nĂ©ration » des Juifs diasporiques en IsraĂ©liens fiers, indĂ©pendants et maĂźtres de leur destin tandis que les premiers sont perçus comme passifs et soumis aux courants de l’histoire[3]. Les jeunes sabarim n’éprouvent donc que peu de sympathie pour les Juifs victimes du nazisme qu’ils considĂšrent comme autant de moutons s’étant laissĂ©s mener Ă  l’abattoir[4], et l'institution Yad Vashem, dĂ©saffectĂ©e par le public, doit fermer ses portes en 1950.

Les cercles religieux, minoritaires, voient en chacun de ces Juifs et Juives un martyr mort pour la sanctification du Nom divin[5] mais ils n’ont pas davantage pris conscience de l’unicitĂ© des Ă©vĂšnements : la dĂ©nomination qu’ils emploient, Hourban (hĂ©breu : Ś—Ś•ŚšŚ‘ŚŸ « destruction »), fait rĂ©fĂ©rence Ă  la destruction des Temples de JĂ©rusalem[6], et ils n’y voient donc que le dernier malheur en date parmi ceux qui ont frappĂ© les Juifs au cours de leur histoire ; il convient de le pleurer, Ă©ventuellement avec de nouvelles kinnot (complaintes), lors du 9 av[7] mais non de lui consacrer un jour particulier[8].
La Chambre de la Shoah, fondĂ©e en 1948 par des survivants et leurs familles Ă  proximitĂ© du tombeau de David, constitue la premiĂšre tentative de commĂ©morer les Ă©vĂ©nements Ă  plus grande Ă©chelle. PlacĂ©e sous l’autoritĂ© du ministĂšre des Affaires religieuses, elle est conçue comme un lieu de recueillement pour pleurer selon les rites du judaĂŻsme (cours de Torah, lecture des Psaumes et de mishnayot, allumage de bougies mĂ©moriales, etc.) les proches dont l'on ignore le lieu du dĂ©cĂšs. Elle se double d’un musĂ©e oĂč sont entreposĂ©es diverses reliques, dont un rouleau de la Torah brulĂ©, et acquiert un caractĂšrement quasiment saint lorsqu’elle accueille, Ă  partir de 1949, les cendres en provenance des camps d'extermination nazis[9] - [10].
La mĂȘme annĂ©e, les grands-rabbins d’IsraĂ«l Ben-Tsion MeĂŻr Hai Uziel et Yitzhak HaLevi Herzog instaurent conjointement la rĂ©citation dans les synagogues d'un « Kaddish gĂ©nĂ©ral » lors du jeĂ»ne du 10 tevet, pour les morts dont la date de dĂ©cĂšs est inconnue et pour ceux qui n’ont plus de famille pour les pleurer ; le 10 tevet — qui n’avait commĂ©morĂ© jusque-lĂ  que le dĂ©but du siĂšge de JĂ©rusalem par Nabuchodonosor II, prĂ©lude au premier hourban — est proclamĂ© Yom Kaddish Haklali (Jour du Kaddish GĂ©nĂ©ral) par le ministĂšre des Affaires religieuses et la premiĂšre cĂ©rĂ©monie se tient le 11 janvier de la mĂȘme annĂ©e[11] - [12]. Cette dĂ©cision permet d’intĂ©grer les nouveaux Ă©vĂ©nements Ă  l'ancien calendrier sans rien y changer ; il est Ă©galement possible que les Grands-rabbins aient souhaitĂ© par le biais de ce Kaddish raviver l’intĂ©rĂȘt du public pour le 10 tevet, le moins observĂ© parmi les quatre jeĂ»nes d’institution prophĂ©tique[13].

C'est Ă©galement en 1948, le 18 avril, qu'est officiellement fondĂ© le kibboutz Lohamei Haghettaot (« Combattants des ghettos ») dont le noyau dur est constituĂ© d’anciens partisans juifs et rĂ©sistants, affiliĂ©s pour la plupart au Mapam. L'un de ses plus fameux membres, Icchak Cukierman, organise pour l'occasion une exposition photographique commĂ©morant « la Shoah et la RĂ©volte », c'est-Ă -dire l’insurrection du ghetto de Varsovie du 19 avril 1943 (correspondant au 14 nissan 5703 dans le calendrier hĂ©braĂŻque). Deux ans plus tard, les membres du kibboutz et la direction du Kibboutz UnifiĂ© dĂ©cident de construire un lieu Ă  la mĂ©moire de la Shoah et de la RĂ©volte ; le musĂ©e Icchak Kacenelson est inaugurĂ© le 19 avril 1951.

Alors que le parti Mizrahi pĂ©titionne pour que le 10 tevet soit adoptĂ© comme journĂ©e nationale de la Shoah, le Mapam annonce sa volontĂ© de commĂ©morer la Shoah Ă  la date du 19 avril ou du 14 nissan[14]. Le choix de cette date scandalise les dĂ©putĂ©s orthodoxes, car le 14 nissan est la veille de la PĂąque juive (la coĂŻncidence de ces dates n’est peut-ĂȘtre pas fortuite : bien que Heinrich Himmler ait voulu dans le cas prĂ©sent faire coĂŻncider la liquidation du ghetto avec l'anniversaire de Hitler qui avait lieu le lendemain[15], les nazis menaient souvent des opĂ©rations d’extermination massives lors des fĂȘtes juives)[5]. Pendant deux ans, Mapam et Mizrahi se bloquent mutuellement, les orthodoxes s'opposant Ă  ce qu’un jour de deuil soit proclamĂ© Ă  la veille de la PĂąque ou mĂȘme au cours du mois de nissan, les socialistes refusant tout report de la date. ConsultĂ© Ă  titre privĂ©, le Hazon Ish rejette l’ensemble des propositions en prĂ©sence, argĂŒant que les gĂ©nĂ©rations actuelles n’ont pas la stature spirituelle pour instaurer de nouvelles dates dans le calendrier[7]. Le MapaĂŻ, parti majoritaire, se range aux cĂŽtĂ©s des orthodoxes quant Ă  leurs revendications sur la PĂąque mais appuie les anciens combattants en demandant que la date choisie n'en soit pas trop Ă©loignĂ©e et qu'elle prenne place avant le 5 iyar, journĂ©e de l'IndĂ©pendance.

Le , le rabbin MordekhaĂŻ Nurock, doyen de la Knesset, parlementaire du Mizrahi et survivant de la Shoah, dĂ©clare renoncer au 10 tevet au nom de l'unitĂ© nationale[14] et proclame au nom de la premiĂšre Knesset « le 27 nissan de chaque annĂ©e Yom Hashoah OuMered HaGhettaot (Jour de la Shoah et de la RĂ©volte des Ghettos) - un jour Ă©ternel de commĂ©moration pour la maison d’IsraĂ«l ». Cette date, qui n’est au goĂ»t de personne[5], a Ă©tĂ© choisie car elle « coĂŻncide avec la plus grande partie du massacre des Juifs d’Europe et avec la rĂ©volte du ghetto qui a eu lieu en nissan ». Elle se tient certes en nissan mais une semaine aprĂšs la pĂ©riode mi-fĂ©riĂ©e de la PĂąque, au cours de la pĂ©riode de l'omer, traditionnellement marquĂ©e par le deuil car au Moyen Ăąge, « les croisĂ©s, ancĂȘtres des ancĂȘtres des nazis ont dĂ©truit tant de saintes communautĂ©s »[16]. De la sorte, un jour de recueillement pour les morts a Ă©tĂ© instaurĂ© qui n’empiĂšte pas sur la joie de la fĂȘte ni, surtout, ne retombe dans les « travers » du calendrier juif traditionnel, car ces morts ne sont pas tombĂ©s « par nos pĂ©chĂ©s » : en se tenant une semaine avant la JournĂ©e du Souvenir pour les victimes de guerre israĂ©liennes et huit jours avant la JournĂ©e de l'IndĂ©pendance, la JournĂ©e de la Shoah devient la commĂ©moration des prĂ©curseurs de l'Ă©tat d'IsraĂ«l, et symbolise le passage de la destruction Ă  la renaissance (MiShoah lĂšTkouma) de la nation juive[5] - [6] - [16].

Drapeaux en berne le soir de Yom HaShoah

De l'héroïsme des révoltés à celui des victimes et survivants

Bien qu’officiellement inaugurĂ©, Yom HaShoah demeure confidentiel en dehors des cercles concernĂ©s dans la seconde dĂ©cennie de l'Ă©tat. Le spectre de la Shoah hante la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne : beaucoup d’émigrĂ©s d’avant-guerre font face Ă  la perte d’une importante partie voire de la totalitĂ© de leur famille et les survivants qui l’ont directement vĂ©cue, ne manquent pas de marquer les esprits, qu’ils parlent ou non de leur expĂ©rience[17]. Cependant, le souvenir de la Shoah passe au second plan dans l’exubĂ©rance et les contingences liĂ©es Ă  la construction de l’état ; l’état lui-mĂȘme souhaite le contenir au maximum car David Ben Gourion — dont l’opinion sur la question est particuliĂšrement polarisĂ©e — craint de donner l’image d’une nation faible, n’existant que par la compassion du monde Ă  son Ă©gard[18].

La Shoah revient pĂ©riodiquement sur le devant de la scĂšne lorsque Ben Gourion, Ă  la recherche de fonds, dĂ©cide d'accepter les rĂ©parations proposĂ©es par l’Allemagne de l'Ouest en 1952, suscitant aussitĂŽt des critiques de tout bord ou lorsque Rudolf Kastner, membre important du MapaĂŻ, est accusĂ© par un pamphlĂ©tiste de collaboration avec les nazis. Ces affaires ne sont pas sans retombĂ©es puisqu’elles suscitent notamment la loi Yad Vashem en 1953, la construction du mĂ©morial du mĂȘme nom, qui entend restituer Ă  chacune de ces vies un nom et un visage[2] - [18] et la chute de cabinet ministĂ©riel.

Cependant, au terme de la décennie, un survivant peut écrire que « parmi le public israélien, la plus grande catastrophe du judaïsme est graduellement oubliée »[18].

En 1959, MordekhaĂŻ Nurock a pris acte du peu d’effet de la proclamation de la commĂ©moration sur les consciences et, appuyĂ© par une centaine d'associations de survivants, dĂ©pose le projet de la Loi de la JournĂ©e du souvenir pour la Shoah et l’hĂ©roĂŻsme[19]. PromulguĂ©e par le prĂ©sident de l’État, Yitzhak Ben-Zvi, et son premier ministre David Ben Gourion, elle rĂ©itĂšre la proclamation du 27 nissan comme Yom Hashoah Vehagvoura (« JournĂ©e de la Shoah et de l'HĂ©roĂŻsme »), sauf si la date devait avoir lieu le vendredi, auquel cas elle serait reportĂ©e la veille afin de permettre le respect du chabbat. La notion d'hĂ©roĂŻsme a Ă©tĂ© Ă©largie Ă  la sanctification du Nom divin, la rĂ©sistance « passive », la dignitĂ© devant la mort, englobant donc l'ensemble des victimes ; l'on commĂ©more dĂ©sormais « le dĂ©sastre que les nazis et leurs collaborateurs ont fait plonger sur les Juifs d'Europe ainsi que les actes d'hĂ©roĂŻsme et de rĂ©volte en ce jour ». Deux minutes de silence sont dĂ©crĂ©tĂ©es dans l'ensemble du pays ainsi que la mise en berne des drapeaux et la tenue de cĂ©rĂ©monies commĂ©moratives dans les casernes et les institutions Ă©ducatives[20].

Les premiĂšres cĂ©rĂ©monies d'Ă©tat ont lieu un an plus tard mais le message n'est manifestement pas encore passĂ© : un article du Davar reprenant Ă  son compte la thĂ©ologie juive traditionnelle affirme que les Juifs d'Europe sont morts « par leurs pĂ©chĂ©s » de n'avoir pas choisi l'Ă©migration Ă  Sion[16] et un sondage menĂ© cette annĂ©e par Yad Vashem montre un faible taux d'observance dans les Ă©coles oĂč l’enseignemenmt de la Shoah, qui n'a Ă©tĂ© introduit dans le cursus scolaire qu'en 1954, tient trois heures de cours sur douze ans, consacrĂ©es dans leur plus grande partie aux revoltĂ©s des ghettos et, plus encore, aux soldats de la Brigade juive et parachutistes de l’ArmĂ©e britannique[18].

De la commémoration de la révolte à celle des victimes et des survivants

En 1960, l'un des principaux responsables de la déportation et de l'extermination des Juifs, Adolf Eichmann, est capturé par le Mossad alors qu'il vivait sous une fausse identité en Argentine. Il est décidé de donner le plus de retentissement possible à son procÚs qui se tient en 1961 à Jérusalem.

Ce procĂšs libĂšre plutĂŽt qu'il ne rĂ©vĂšle la parole des survivants tant aux yeux de la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne que dans le reste du monde. Les divers tĂ©moignages d'Icchak Cukierman mais aussi Yehiel De-Nur, Yankiel Wiernik, Georges Wellers, MichaƂ Podchlebnik et d'autres brisent le mythe du Juif passif, dĂ©voilant son impuissance devant une machine spĂ©cifiquement conçue pour le broyer. Cette annĂ©e-lĂ , Yom HaShoah est suivi par des milliers de personnes ; pour la premiĂšre fois, les lieux de loisirs sont fermĂ©s et des sirĂšnes retentissent Ă  travers tout le pays lors des deux minutes de silence. EmpruntĂ©es aux sirĂšnes de la JournĂ©e du Souvenir et, par consĂ©quent, tirĂ©es de la coutume europĂ©enne de sonnerie pour les morts, elle ne manquent pas d'Ă©voquer pour beaucoup le chofar tonitruant dans les synagogues lors des Jours Redoutables. C'est dans ce mĂȘme mĂ©lange de tradition et modernitĂ© que le Hall du Souvenir est inaugurĂ© Ă  Yad Vashem avec en point d’orgue la rĂ©inhumation d’une urne de cendres en provenance des camps d'extermination nazis et recouverte du drapeau d’IsraĂ«l. Le rabbin MordekhaĂŻ Nurock, dont la femme et les enfants ont pĂ©ri au cours de la Shoah, allume ensuite la Flamme Éternelle et une exposition est ouverte par le ministre Yosef Burg.

Bien que le jour soit dĂ©sormais annuellement cĂ©lĂ©brĂ©, la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne associe encore longtemps la Shoah aux insurgĂ©s des ghettos. Les angoisses suscitĂ©es par les annonces rĂ©pĂ©tĂ©es d’un « nouvel holocauste » dans les deux semaines qui prĂ©cĂ©dent le 5 juin 1967 sont promptement balayĂ©es par la victoire Ă©clair de la guerre des Six Jours. En revanche, lorsqu’IsraĂ«l sort tactiquement victorieux de la guerre du Kippour, les IsraĂ©liens se sont dĂ©couverts vulnĂ©rables et s’identifient pleinement non plus Ă  leurs hĂ©ros mais aux victimes. Beaucoup prennent Ă©galement conscience qu’il est, pour citer David Golinkin, « obligatoire de faire la transition entre la mĂ©moire individuelle et la mĂ©moire nationale d'aujourd'hui tant qu'il y a encore un lien vivant avec les survivants[7] ».

Approche de la communauté orthodoxe

À la suite de la Shoah, de 1948 Ă  1981, le clivage entre sĂ©culiers et orthodoxes en ce qui concerne le rĂ©cit de l'Holocauste est pour l’essentiel identique entre Sionistes et Haredim. Ces deux secteurs coopĂšrent concernant la commĂ©moration de la Shoah et en tirent les enseignements qui s'imposent. En premier lieu, la communautĂ© orthodoxe adopte l'approche sioniste, y compris les concepts de « comme des moutons Ă  abattoir » et de « fiertĂ© de l’hĂ©roĂŻsme des combattants du Ghetto ». De fait, parmi les Haredim, la proportion de pour et contre la rĂ©sistance des Juifs aux nazis correspond Ă  celle existant dans la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne. Parmi les orthodoxes, des voix se sont Ă©levĂ©es pour critiquer la passivitĂ© des Juifs d'Europe pour ne pas avoir pris les armes pour combattre les nazis. En 1949, Yehiel Granitstien, un auteur Haredi publie un ouvrage, Un Juif dans la forĂȘt, relatant la rĂ©sistance hĂ©roĂŻque des partisans juifs. Durant les annĂ©es 1950, la presse orthodoxe a une approche positive vis-Ă -vis de la rĂ©sistance du Ghetto et ses dĂ©tracteurs Ă©taient marginaux[21] - [22] - [23].

En 1959, deux auteurs haredim, les rabbins Yosef Eliyahu Henkin et Simcha Elberg publient deux articles dans une revue haredi dans lesquels ils entreprennent de réécrire l'histoire en supprimant l'existence d'une collaboration entre le rabbin Menachem Ziemba et la résistance du Ghetto, décrivant les résistants comme étant totalement athées sans aucun lien avec Dieu et le judaïsme[24]. Un autre rabbin haredi, Haïm Michael Dov Weissmandl publie en 1960 un ouvrage, Min ha-Metsar, dans lequel il critique la résistance, l'accusant d'avoir « enflammé le feu de la haine en tuant quelques Allemands »[25].

Dans les annĂ©es 2000, les rabbins antisionistes haredim, Moshe Schoenfeld d'Agoudat IsraĂ«l et Yoel Teitelbaum de Satmar accusent le Sionisme d’ĂȘtre « responsable de la Shoah et de l'annihilation des communautĂ©s religieuses juives » d'Europe. La participation active dans la rĂ©sistance de figures importantes de la communautĂ© haredi est occultĂ©e[26].

Observance de Yom HaShoah

Date

Yom HaShoah a lieu le 27 nissan, pour autant qu’il n’entraĂźne pas d’enfreinte du chabbat, y compris par les prĂ©paratifs Ă  la cĂ©rĂ©monie[20]. Comme le 27 nissan ne peut avoir lieu Ă  chabbat mĂȘme, en vertu de la conformation actuelle du calendrier hĂ©braĂŻque,

  • Yom HaShoah est cĂ©lĂ©brĂ© le 27 nissan, depuis le coucher de soleil de la veille jusqu’à la sortie des Ă©toiles pour autant que le 27 nissan ne tombe pas un vendredi ou un dimanche,
  • si le 27 nissan a lieu un vendredi, Yom HaShoah est avancĂ© au jeudi 26 nissan
  • si le 27 nissan a lieu un dimanche, Yom HaShoah est reportĂ© au lundi 28 nissan[27].

Cérémonies du soir

La commĂ©moration dĂ©bute au coucher du soleil par une cĂ©rĂ©monie d’état dans la cour du ghetto de Varsovie Ă  Yad Vashem Ă  JĂ©rusalem. Les drapeaux sont mis en berne, Le prĂ©sident de l’État d'IsraĂ«l et le premier ministre font des allocutions, six survivants de la Shoah allument six torches qui symbolisent les six millions de Juifs exterminĂ©s par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs. Le Grand Rabbin d’IsraĂ«l rĂ©cite des priĂšres dont la priĂšre pour les morts, le Kaddish.

Cérémonies en journée

Le jour de Yom HaShoah Ă  10 heures du matin, les sirĂšnes retentissent pendant deux minutes Ă  travers tout IsraĂ«l. Les voitures, les bus s'arrĂȘtent et les passagers en sortent. Les piĂ©tons s'arrĂȘtent Ă©galement et respectent deux minutes de silence. Pendant ce jour les lieux de loisirs et la plupart des Ă©tablissements publics sont fermĂ©s conformĂ©ment Ă  la loi. Les chaĂźnes de tĂ©lĂ©vision et de radio diffusent essentiellement des programmes documentaires Ă  propos de l'Holocauste et des interviews et reportages sur les commĂ©morations. Aucune publicitĂ© n'est diffusĂ©e.

Les enfants vont Ă  l'Ă©cole habillĂ©s en bleu et blanc, les couleurs du drapeau national, oĂč ils assistent Ă  des cĂ©rĂ©monies. Des commĂ©morations ont Ă©galement lieu dans les lycĂ©es, oĂč les Ă©tudiants Ă©coutent les tĂ©moignages des derniers survivants et discutent de cette pĂ©riode en classe. À Auschwitz, des milliers de personnes commĂ©morent ce jour par la marche des Vivants par opposition aux marches de la mort de l'Holocauste. Ces Ă©vĂšnements font partie de l'enseignement scolaire sur la Seconde Guerre mondiale et sont subventionnĂ©s par le ministĂšre de l'Éducation.

Yom HaShoah dans les communautés de la diaspora

Le Yom Hashoah est aussi cĂ©lĂ©brĂ© dans les communautĂ©s juives de la diaspora, quelle que soit leur obĂ©dience. En France, depuis 1991, c'est le rabbin Daniel Farhi qui a initiĂ© puis instituĂ© une lecture publique des noms des dĂ©portĂ©s juifs de France Ă  partir du MĂ©morial de Serge Klarsfeld recensant les noms des 76 000 dĂ©portĂ©s juifs de France. De 1991 Ă  2006, cette lecture ininterrompue se dĂ©roulait pendant 24 heures sur la place des Martyrs Juifs du vĂ©lodrome d'Hiver (Paris 15e). Depuis 2007, elle se dĂ©roule au mĂ©morial de la Shoah, 17 rue Geoffroy-l'Asnier (Paris 4e) sous l'Ă©gide de la Fondation pour la MĂ©moire de la Shoah en partenariat avec les FFDJF, le Consistoire et le MJLF.

Notes et références

  1. Cohen 2012, p. 22
  2. (en) Mooli Brog, « In Blessed Memory of a Dream : Mordechai Shenhavi and Initial Holocaust Commemoration Ideas in Palestine, 1942–1945 », sur Yadvashem.org, (consultĂ© le )
  3. (en) Lila Rosenbloom, « Jewish Remembrance: Yom Hashoah, the Zionists, and the Shofar », (consulté le )
  4. (en) « Yom Hashoah: Holocaust Memorial Day », sur My Jewish Learning (consulté le )
  5. (en) Irving Greenberg, « Setting a Date for Yom Hashoah », sur My Jewish Learning.com (consulté le )
  6. (en) Michael Berenbaum, « Yom Hashoah », sur AJU.edu (consulté le )
  7. (en) Matthew Wagner, « An anchor for national mourning », The Jerusalem Post,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  8. (en) Yehudah Prero, « Yom HaShoah - How to remember the Holocaust », sur Torah.org (consulté le )
  9. Cohen 2012, p. 15
  10. (en) « Overshadowed and overlooked, Shoah museum aims to carve niche », sur Timesofisrael.com, (consulté le )
  11. « The Tenth of Tevet – Asarah B'Tevet », sur Jafi.org (consultĂ© le )
  12. (he) « Yom Hakaddish Haklali – Assara B'Tevet », sur Knesset.org (consultĂ© le )
  13. (en) Irving Greenberg, « Early Proposals for Holocaust Commemoration », sur My Jewish Learning.com (consulté le )
  14. Cohen 2012, p. 11
  15. (en) « Warsaw Ghetto Uprising », sur Holocaustsurvivors.org (consulté le )
  16. (en) James E.Young, « When a Day Remembers: A Performative History of Yom Hashoah » (consulté le )
  17. (en) Dalia Ofer, « The Past That Does Not Pass: Israelis and Holocaust Memory », Israel Studies Vol. 14, No. 1, Israelis and the Holocaust: Scars Cry out for Healing (Spring, 2009), pp. 1-35, Indiana University Press, vol. 14, no 1,‎ , p. 1-35 (lire en ligne, consultĂ© le )
  18. (en) Dan A. Porat, « From the Scandal to the Holocaust in Israeli Education », Journal of Contemporary History, vol. 39, no 4,‎ , p. 619-636 (ISSN 0022-0094)
  19. Cohen 2012, p. 13
  20. (en) « Martyrs’ and Heroes’ Remembrance Day Law », sur Knesset.org (consultĂ© le )
  21. M. Shaul, 'Counter Memory' - is that So? The Memory of the Holocaust in the Ultra-Orthodox Society in Israel pp.4-5-
  22. Baumel, Reactions to the Uprising in the Haredi World, pp. 296-297
  23. R. Stauber, Halekach Lador, p. 113
  24. J. Baumel, Reactions to the Uprising in the Haredi World, pp. 299-300
  25. M. D. Weismadell, Min Hameitzar, p. 119
  26. Esther Farbstien, Hidden in Thunder,Mosad Harav Kook, Jerusalem, 2008
  27. « Remembrance Day calendar », sur USHMM.org (consulté le )

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Boaz Cohen, Israeli Holocaust Research : Birth and Evolution, Abingdon, Routledge, coll. « Routledge Jewish Studies Series », , 346 p. (ISBN 978-0-415-60105-4, lire en ligne)
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