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Yayoi Kusama

Yayoi Kusama (草間 ćœŒç”Ÿ, Kusama Yayoi, parfois Ă©crit 草間 ćŒ„ç”Ÿ), nĂ©e le Ă  Matsumoto (prĂ©fecture de Nagano), est une artiste contemporaine japonaise avant-gardiste, peintre, sculptrice et Ă©crivaine.

Yayoi Kusama
Naissance
Période d'activité
Nom dans la langue maternelle
è‰é–“ćœŒç”Ÿ
Nationalité
japonais
Activité
Formation
Représentée par
Galerie David Zwirner (en), Galerie Victoria Miro, Peter Blum Gallery (d)
Lieux de travail
Mouvements
Distinctions
Site web

Elle utilise souvent des pois et des couleurs sur ses Ɠuvres.

Biographie

Enfance et premiers travaux

Kusama est la benjamine d’une fratrie de quatre enfants d’une famille aisĂ©e dont la fortune est issue de la gestion de pĂ©piniĂšres et de la vente de graines[1]. Elle fait son Ă©ducation Ă  l’école Ă©lĂ©mentaire Kamata et au collĂšge de fille de sa ville natale.

Le , l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais marque leur entrĂ©e dans la guerre du pacifique et Yayoi Kusama, ainsi que d’autres enfants de son Ăąge, est mobilisĂ©e pour l’effort de guerre. Celle-ci se voit alors forcĂ©e de confectionner des parachutes et des uniformes militaires Ă  l’usine Kureha Textile. Cependant, malgrĂ© les conditions pĂ©nibles dans lesquelles elle travaille, Kusama continue de dessiner comme elle l’a toujours fait depuis son enfance. En effet, Kusama avait trĂšs tĂŽt manifestĂ© un intĂ©rĂȘt pour l’art et elle peignait et dessinait dĂ©jĂ  depuis l’ñge de dix ans. L’artiste avait pris pour habitude d’emmener du matĂ©riel sur les champs que tenait sa famille et passait des heures Ă  dessiner les fleurs qui s’y trouvaient.

Mais la petite Yayoi Kusama dessine aussi pour s’échapper des hallucinations dont elle est victime. Effectivement, lors d’un dĂźner de famille, la jeune fille fait pour la premiĂšre fois l’expĂ©rience d’une vision qui changera sa vie et qui influencera grandement son Ɠuvre.« Tout a commencĂ© par les hallucinations » affirme Kusama, dont les premiers souvenirs de celles-ci remontent Ă  ses dix ans[2]. « Un jour, aprĂšs avoir vu, sur la table, la nappe au motif de fleurettes rouges, j'ai portĂ© mon regard vers le plafond. LĂ , partout, sur la surface de la vitre comme sur celle de la poutre, s'Ă©tendaient les formes des fleurettes rouges. Toute la piĂšce, tout mon corps, tout l'univers en Ă©taient pleins »[2]. Ces taches, ces pois, nourriront son concept de « self obliteration » et seront dĂšs lors omniprĂ©sents dans ses Ɠuvres.

Yayoi Kusama expose dĂ©jĂ  ses Ɠuvres Ă  l’ñge de 16 ans en gagnant le concours de l’Exposition des Arts RĂ©gionaux du Zen-ShinshĂ» en 1945 et 1946. L’artiste poursuit ensuite ses Ă©tudes Ă  Kyoto Ă  l’École secondaire supĂ©rieure Hiyoshigaoka et y Ă©tudie la peinture japonaise traditionnelle (Nihonga) et moderne.

Ses parents, Kamon et Shigeru Kusama, s’étaient opposĂ©s Ă  cette dĂ©cision, et il Ă©tait en effet trĂšs rare de voir une femme poursuivre une carriĂšre artistique Ă  cette Ă©poque. Sa mĂšre en particulier fera tout pour l’empĂȘcher de mener Ă  bien ses projets. Mais il ne s’agit pas lĂ  du premier accroc dans cette relation mĂšre-fille plus que conflictuelle. Dans son autobiographie, Kusama raconte le traitement que lui a fait subir sa mĂšre, une femme au tempĂ©rament impĂ©tueux qui avait pour habitude de se venger de l’attitude volage de son mari sur la fillette. On comprend alors assez bien le besoin d’indĂ©pendance et de force de caractĂšre de la jeune artiste. Ses parents ont ainsi, par leur attitude, contribuĂ© Ă  l’aspiration rĂ©volutionnaire de l’artiste.

« Au beau milieu d’une famille aussi toxique que celle-ci, la seule chose pour laquelle je vivais Ă©tait mon art. Et comme je manquais de sens commun dans mon rapport aux gens et Ă  la sociĂ©tĂ©, les conflits avec mon entourage se sont aggravĂ©s plus encore. La pression mentale et mon anxiĂ©tĂ© naturelle se faisaient de plus en plus prĂ©sentes Ă  mesure que les critiques me visaient, et l’avenir commença Ă  me paraĂźtre sombre et rĂ©pugnant[3]. »

Kusama ayant grandi dans une société japonaise patriarcale, incomprise de ses proches, réprimandée par sa mÚre, qui ne comprenait pas le besoin de peindre de sa fille, elle a souvent exprimé dans son travail un message anti-machiste, égalitaire et provocateur.

Mais ses Ă©tudes artistiques se rĂ©vĂšlent bien loin de l’idĂ©al qu’elle s’était alors imaginĂ©. BientĂŽt dĂ©goĂ»tĂ©e par l’immuable hiĂ©rarchie typiquement japonaise des rapports de maĂźtre Ă  disciple, se sentant Ă©touffĂ©e par les mĂ©thodes et les rĂšgles de la peinture traditionnelle enseignĂ©es Ă  l’école, elle commence Ă  se tourner vers l’art occidental et dĂ©cide d’amĂ©liorer sa technique et d’élargir le spectre de ses capacitĂ©s en autodidacte.

En , Yayoi Kusama organise sa premiĂšre exposition personnelle Ă  Matsumoto. CouronnĂ©e de succĂšs, l’artiste aura l’occasion quelques mois plus tard de produire plusieurs autres expositions personnelles Ă  Tokyo ainsi que dans d’autres grandes villes du Japon. Chacune de ces expositions contenant un nombre d’Ɠuvres considĂ©rable (plus de 250). Mais malgrĂ© cette notoriĂ©tĂ© prometteuse, Yayoi Kusama s’était depuis bien longtemps dĂ©cidĂ©e Ă  quitter le Japon et, aprĂšs avoir hĂ©sitĂ© Ă  partir pour Paris, elle fait finalement le choix des États-Unis, un pays qui Ă  l’époque Ă©tait dĂ©jĂ  au centre de l’avant-garde artistique.

Les États-Unis 1957 - 1973 : Self-oblitĂ©ration, accumulations et environnements

En 1957, grĂące au gĂ©nĂ©reux soutien de Georgia O'Keeffe, une artiste amĂ©ricaine reconnue Ă  qui elle avait un jour naĂŻvement Ă©crit une lettre, et aprĂšs avoir trouvĂ© un sponsor amĂ©ricain, Kusama met enfin le pied Ă  Seattle. Cependant c’est Ă  New York que la jeune femme veut s’installer, et celle-ci rĂ©alisera son rĂȘve dĂšs l’annĂ©e suivante, en 1958. Sa vie Ă  New York ne fut pas de tout repos, et comme elle en tĂ©moigne dans son autobiographie, elle a longtemps souffert de ses maigres Ă©conomies qui ne lui permettaient pas de manger ni de se loger dĂ©cemment tout en s’achetant le matĂ©riel artistique dont elle avait besoin.

AprĂšs ses Infinity Net Paintings Ă  la Brata Gallery en 1959[4], elle expose des photos, collages, installations, avec Joseph Cornell, Jasper Johns, Yves Klein, Piero Manzoni, Claes Oldenburg, et Andy Warhol.

Ses contacts, son talent et son goĂ»t pour la provocation lui permettent bientĂŽt de sortir de l’ombre. Donald Judd notamment, artiste amĂ©ricain alors reconnu en tant que critique, ne tarissait pas d’éloge pour son amie Kusama et l’aida Ă  produire plusieurs expositions. En 1961, Yayoi Kusama dĂ©mĂ©nage dans un nouveau studio juste en dessous de celui oĂč habite Judd, et c’est aussi Ă  peu prĂšs Ă  cette Ă©poque qu’elle commence Ă  Ă©tendre ses crĂ©ations Ă  la sculpture, et notamment Ă  ses « accumulations ».

L’artiste participe indirectement, et Ă  sa façon, aux mouvements du PsychĂ©dĂ©lisme et du Pop Art. Pouvant contempler sur place les Ɠuvres de contemporains comme Donald Judd et Andy Warhol, mais aussi des artistes de l'École de New York, Mark Rothko, Barnett Newman elle commence Ă  produire des rĂ©alisations de grand format[5] - [4].

En 1960, elle lance son Manifeste de l'oblitĂ©ration et dĂ©clare : « Ma vie est un pois perdu parmi des milliers d'autres pois
 ».

À partir des annĂ©es 1960, on peut sans nul doute affirmer que Yayoi Kusama Ă©tait dĂ©jĂ  ancrĂ©e dans la scĂšne artistique avant-gardiste au mĂȘme titre que Warhol ou Judd. Vers le milieu des annĂ©es 1960, alors que Kusama est dĂ©jĂ  trĂšs populaire aux États-Unis et que la critique est positive, la question de l’autoreprĂ©sentation est d’ores et dĂ©jĂ  majeure dans le travail de l’artiste et l’on peut sentir dans ses Ɠuvres une transition vers le happening et la performance.

En 1964, elle prĂ©sente One Thousand Boat Show Ă  la galerie Gertrude Stein[4]. Avec Driving Images, ce sont alors ses deux Ɠuvres les plus cĂ©lĂšbres, mĂȘlant bateau, phallus, obsessions, images, sons, vidĂ©os, mannequins et objets, recouverts de pois ou de macaronis.

Happenings et performances

En 1966 Ă  New York se dĂ©roule le premier happening de Yayoi Kusama, 14th Street Happening, qui a lieu en bas de son loft sur East 14th Street. L’artiste est allongĂ©e au beau milieu du trottoir sur un matelas recouvert de formes phalliques protubĂ©rantes elles-mĂȘmes couvertes de pois[6].

Yayoi Kusama, Narcissus Garden tel que ré-installé en 2014 au Domaine du Muy, France

En 1966 Ă©galement, Yayoi Kusama participe Ă  la biennale de Venise sans y ĂȘtre invitĂ©e et sans autorisation. AidĂ©e par Lucio Fontana, qui avait mis un atelier Ă  sa disposition pour quelques mois, elle dĂ©verse dans les canaux 1 500 boules miroitantes devant le pavillon italien et prĂ©sente ainsi l’Ɠuvre Narcissus garden. Elle y retournera en 1993, officiellement invitĂ©e pour reprĂ©senter le Japon.

Yayoi Kusama donne plusieurs noms Ă  ces performances : « naked performances », car les participants sont souvent nus, ou les « body festivals » en collaboration avec des danseurs ou des hippies volontaires. Mais l’artiste organisait aussi ce qu’elle appelait des « anatomic explosions » ou des « naked demonstrations ». Celles-ci Ă©taient plus choquantes, Ă©taient menĂ©es comme de vĂ©ritables manifestations Ă  but idĂ©ologique ou politique et Ă©taient parfois stoppĂ©es par la police car elles avaient lieu le plus souvent dans les lieux touristiques ou des lieux de passage[7].

Parmi les performances les plus célÚbres de Yayoi Kusama, on peut citer sa premiÚre performance publique incluant du body-painting : Self-Obliteration, an Audio-Visual-Light Performance au Black-Gate Theater à East Village, New York, en , Self-Obliteration Event au Brooklyn Bridge en 1967, les Body Festivals à Tompkins Square et Washington Square, la Naked Demonstration/Anatomic Explosion à Wall Street en 1968, et Grand Orgy to Awaken the Dead at MoMA en 1969.

En 1967, Yayoi Kusama dirige un film de vingt-trois minutes intitulĂ© Kusama’s Self Obliteration, Ă©ditĂ© et cinĂ©matographiĂ© par Jud Yalkut. Cette vidĂ©o combine des footages de divers happenings tenus par Kusama. Cette vidĂ©o sera rĂ©compensĂ©e de divers prix.

L’apogĂ©e de ses Ɠuvres performatives sera l’annĂ©e 1968, mais cet Ă©lan s’essoufflera rapidement Ă  partir du dĂ©but des annĂ©es 1970, aprĂšs que Kusama a briĂšvement essayĂ© d’exporter ses performances au Japon.

Retour au Japon, de 1973 Ă  nos jours

FatiguĂ©e mentalement, elle rentre dĂ©finitivement au Japon en 1973[8]. À partir de 1977, elle vit dans l'hĂŽpital psychiatrique Seiwa (æž…ć’Œç—…é™ą, Seiwa byƍin) Ă  Tokyo[4]. Elle dispose d’un atelier en plus de sa chambre au sein de l’hĂŽpital. Son « studio », lieu de travail de son Ă©quipe, est situĂ© de l’autre cĂŽtĂ© de la rue.

Yayoi Kusama a acquis la cĂ©lĂ©britĂ© par des installations avec miroirs, ballons rouges, jouets, au milieu desquels elle se mettait en scĂšne. Ses Ɠuvres rĂ©centes sont des peintures naĂŻves sur carton. En 1986, elle expose au musĂ©e des beaux-arts de Calais, en 1993 Ă  la Biennale de Venise, puis en 1998 au Museum of Modern Art (MoMA) de New York avec Love Forever 1958-1968[4]. Le public français la dĂ©couvre en 2000 lors de l'installation d'Infinity Mirror Room Fireflies on Water au musĂ©e des Beaux-Arts de Nancy et en 2001, lors de sa premiĂšre exposition parisienne Ă  la Maison de la culture du Japon.

Elle expose aux États-Unis Ă  la galerie Gagosian de 2009 Ă  2012, et est reprĂ©sentĂ©e en Angleterre par Victoria Miro (en)[9].

DerniĂšrement, les rĂ©trospectives se multiplient dans les plus grands musĂ©es du monde (parmi elles, celle Ă  la Tate Modern en 2012, et celle au Whitney Museum of American Art en 2012). Le Centre Pompidou Ă  Paris lui consacre sa premiĂšre rĂ©trospective française du au [2]. L'exposition prĂ©sente un choix de cent cinquante Ɠuvres rĂ©alisĂ©es entre 1949 et 2010. Plusieurs sĂ©ries majeures de l'artiste y sont mises en avant permettant ainsi une archĂ©ologie du cĂ©lĂšbre dot : tout part d'un autoportrait de 1950 oĂč Kusama se reprĂ©sente sous la forme d'un gros pois, forme qui la hantera toute sa vie, Ă  travers ses monochromes de la sĂ©rie Infinity net, les Ɠuvres de la self-obliteration, ou encore les fameuses Infinity Mirrored Rooms plongeant le spectateur dans un univers oĂč tous repĂšres s'effondrent[10].

Design et mode

En 1968, l’artiste fonde son entreprise de mode sous le nom de « Kusama Fashion Company Ltd ». Sa premiĂšre collection, composĂ©e de pantalons Ă  pois, de robes psychĂ©dĂ©liques et de tuniques aux influences japonisantes, reprend le leitmotiv de sa « self-obliteration », et met en scĂšne la nuditĂ© selon les revendications de paix et amour. Rapidement, ses crĂ©ations vestimentaires, alors adaptĂ©es Ă  un public plus large, se vendent dans diverses grands magasins New-Yorkais comme Bloomingdales.

DĂšs 1969, elle ouvre les portes de son premier magasin Ă  New-York sur la VIe Avenue, dans lequel le tout New-york avant-gardiste fuyant la conformitĂ© peut dĂ©sormais se procurer un vĂȘtement au style assumĂ©, fuyant la « mĂ©diocritĂ© en sĂ©rie »[11] ; des robes pour plusieurs personnes comme la « mĂ©nages Ă  trois », des vĂȘtements transparents ou dĂ©coupĂ©s laissant entrevoir des zones intimes du corps, des robes de mariage gay
 L’AmĂ©rique puritaine des annĂ©es 1960 se heurte Ă  cette monstration gratuite de la nuditĂ© autant que de ces revendications excentriques, la presse gĂ©nĂ©raliste parle alors d’une « mode bizarre ».

En deçà d’une volontĂ© d’inonder tous les domaines de la vie par son art, et alors mĂȘme qu’elle arborait ses propres crĂ©ations lors de ses happenings, Kusama utilise le vĂȘtement comme un rĂ©el outil de communication. MĂȘme si elle continue Ă  produire des Ɠuvres peintes, les annĂ©es 1960 orientent son activitĂ© principalement autour du vĂȘtement et des happenings, amplifiant sa singularitĂ© au regard d’autres artistes des avant-gardes new-yorkaises comme Warhol. De mĂȘme que les photos qu’elle prend durant ses performances ou « dĂ©filĂ©s de mode » façonnent encore davantage son image, celle-ci faisant partie intĂ©grante de son Ɠuvre.

1975 marque l’annĂ©e de son retour au Japon et d’une retraite mĂ©diatique. Elle se concentre sur sa santĂ© mais continue de crĂ©er des collections pour sa marque Ă©ponyme pour la femme moderne, Ă  la fois libre et captive, stellaire et politique, belle et bizarre. C’est en 2006 qu’elle rĂ©apparaĂźt sur la scĂšne mĂ©diatique fashion puisque Marc Jacobs, alors directeur artistique de la maison Louis Vuitton lui propose une collaboration qu’elle accepte en apposant ses cĂ©lĂšbres pois sur le sac Louis Vuitton Ellipse Bag[12]. Il la sollicite de nouveau en 2012 pour une seconde intervention, cette fois sur toute une collection capsule femme prĂȘt-Ă -porter composĂ©e de vĂȘtements, chaussures, accessoires et maroquinerie, ainsi que pour la dĂ©coration de plusieurs boutiques Louis Vuitton Ă©parpillĂ©es sur le globe.

Elle collabore également avec LancÎme pour une ligne de rouge à lÚvres ainsi que pour la création de tee-shirts pour la griffe Uniqlo.

Kusama s’est Ă©galement attaquĂ©e au domaine du design, notamment avec la crĂ©ation de trois tĂ©lĂ©phones hybrides, pour la marque « Iida » appartenant au gĂ©ant japonais de tĂ©lĂ©communication KDDI. L’un des produits, le Handbag for Space Travel, prend la forme d’un sac Ă  main, le second, My Doggie Ring-Ring est accompagnĂ© d’un petit strap en forme de chien et dĂ©corĂ© de pois roses. Quant au dernier, Dots obsession, Full Happiness With Dots, il est ornĂ© de pois blanc et rouge et insĂ©rĂ© dans une boite tapissĂ©e de miroirs et recouverte de pois. Chacun des tĂ©lĂ©phones Ă©tait limitĂ© Ă  1 000 exemplaires Ă  plus d'un million de yens (7 500 euros)[13].

En 2012, Yayoi Kusama collabore avec Louis Vuitton Malletier. Ceux-ci crĂ©ent ensemble une collection de sacs dĂ©corĂ©s par des motifs imaginĂ©s par l'artiste japonaise. Onze ans plus tard, en 2023, Louis Vuitton relance une nouvelle collaboration avec l'artiste, qui aura un retentissement Ă  internationale notamment grĂące Ă  sa grande campagne de publicitĂ©, avec des Automate grandeurs natures de Yayoi Kusama entraint de peindre des pois jaunes sur les vitrines des boutiques Louis vuitton de la Place VendĂŽme, Londres et New York. Ainsi que des sculptures gĂ©antes de celle-ci, soit debout en train de peindre des pois factices sur des facades de boutiques Louis Vuitton, ou bien en version gonflables gĂ©antes comme sur le toit de la boutique Louis Vuitton de l'Avenue des Champs-ÉlysĂ©es Ă  Paris. Cette campagne aura permis Ă  la marque de luxe de promouvoir sa collaboration via les rĂ©seaux sociaux, les internautes partageant les images des structures temporaires hors-normes. La collaboration de 2023 imagina des sacs avec les monogrammes abituelles ou, dessus Ă©taient simulĂ©s des pois de peinture de couleurs primaires. Ainsi que d'autres VĂȘtement aux couleurs de Yayoi Kusama rappelant entre autres son Ɠuvre "Pumpkin".

Regard sur l'Ɠuvre

Pour Kusama, la peinture est une passion, mais crĂ©er est aussi pour elle opĂ©rer une catharsis des angoisses dont elle est victime. Elle dit faire de « l’art psychosomatique»[14]. Elle crĂ©e Ă  partir de sa maladie, de ses nĂ©vroses. Elle reproduit en des centaines, en des milliers d’exemplaires ce qui l’effraie (les formes phalliques, les pois qui reprĂ©sentent la disparition ou la mort du moi dans l’environnement) pour ainsi se dĂ©barrasser de ce sentiment d’effroi. Elle parvient ainsi Ă  exorciser ses angoisses.

Le dĂ©sir de reconnaissance et le besoin d’exhorter le public Ă  participer Ă  ses Ɠuvres l’incite Ă  passer des simples tableaux aux environnements puis aux Ɠuvres performatives. Kusama Ă©tait sans nul doute maĂźtresse de son image[15] et les multiples provocations et les performances interrompues par les autoritĂ©s sont autant de moyens pour elle de rester sous les projecteurs, mais aussi de faire passer son message d’égalitĂ© et d’amour.

Plusieurs symboles se retrouvent dans l'Ɠuvre de Kusama. Le pois, sa marque de fabrique, est venu Ă  elle lors de ses premiĂšres hallucinations avant d’ĂȘtre un « outil visuel ». Elle en recouvre tout ce qui l’entoure, mĂȘme les ĂȘtres humains et les animaux dans certaines de ses performances. L’artiste exprime ainsi son concept de « self-obliteration ». Kusama craint la disparition de l’individualitĂ©, elle ne veut pas que l’ĂȘtre humain ne soit qu’un pois parmi d’autres pois.

« Nous sommes plus que de misérables insectes dans un univers incroyablement vaste[16]. »

Mais elle insiste aussi sur le fait que ces pois reprĂ©sentent la connexion entre l’Homme et la Nature. L’Homme ne ferait qu’un avec l’univers. Kusama reproduit ces pois, fruits de sa nĂ©vrose aux sens multiples, pour exprimer, est-on tentĂ© de dire, tantĂŽt l’angoisse de l’oblitĂ©ration de l’individualitĂ©, tantĂŽt le dĂ©sir d’oblitĂ©ration afin de ne faire qu’un avec l’univers. Elle explique: « J'avais en moi le dĂ©sir de mesurer de façon prophĂ©tique l'infini de l'univers incommensurable Ă  partir de ma position, en montrant l'accumulation de particules dans les mailles d'un filet oĂč les pois seraient traitĂ©s comme autant de nĂ©gatifs. [
] C'est en pressentant cela que je puis me rendre compte de ce qu'est ma vie, qui est un pois. Ma vie, c'est-Ă -dire un point au milieu de ces millions de particules que sont les pois. »[17] - [18]

Le phallus et les macaronis, utilisĂ©s dans ses installations, sont quant Ă  eux liĂ©s au rejet que Kusama a du sexe (et par extension, du machisme et de la position de l’homme dans la sociĂ©tĂ©) mais aussi de la sociĂ©tĂ© de consommation de masse. L’enfance de l’artiste, la volontĂ© que sa mĂšre avait de la marier, les frasques adultĂšres de son pĂšre, ayant sans doute Ă©veillĂ© chez l’artiste une mĂ©fiance Ă  l’égard du sexe et des relations intimes[19]. Accumulation #1, par exemple, prĂ©sente un fauteuil recouvert de protubĂ©rances qu’elle a cousues Ă  la machine et remplies de tissus. De nombreux objets connaĂźtront le mĂȘme sort, souvent en lien avec un univers caricaturalement fĂ©minin.

La notion d'infini est un fil conducteur dans toute l’Ɠuvre de Kusama. Les miroirs dĂ©multiplient l’espace, les pois colonisent l’espace sans limites et annihilent les frontiĂšres entre l’homme et son environnement, les Ă©chelles lumineuses n’ont ni dĂ©but ni fin. Kusama combat le mal par le mal : les gestes minimaux, qu’elle rĂ©pĂšte systĂ©matiquement dans ses toiles, sont un remĂšde pour soigner les obsessions hallucinatoires qui l’envahissent.

Le fĂ©minisme est parfois Ă©galement prĂ©sent, de façon critique ou symbolique, dans ses Ɠuvres. Dans certains de ses happenings dont les revendications sont sociales, libertaires, ou pacifistes, elle fait Ă©galement passer un message pour l’égalitĂ© homme-femme. Ces performances Ă©taient aussi l’occasion de distribuer des tracts et de transmettre des idĂ©es avant l’arrivĂ©e de la police. D’autres happenings, rĂ©alisĂ©s en intĂ©rieur et intitulĂ©s « Orgies », traitaient de la libertĂ© sexuelle. « La nuditĂ© est la seule chose qui ne coĂ»te rien »[20] selon Kusama. Ce sujet est rĂ©current, tant pour parler de libertĂ© sexuelle que pour dĂ©noncer une sociĂ©tĂ© de surconsommation[21].

Elle est fascinĂ©e par la capacitĂ© des mĂ©dias Ă  faire circuler rapidement ses idĂ©es, ses images. Elle s’assure de la prĂ©sence de la presse Ă  ses happenings, et a toujours Ă©tĂ© consciente du pouvoir des journalistes[22]. L’artiste joue de son image de femme malade, mais elle a en rĂ©alitĂ© toujours maĂźtrisĂ© ce que les mĂ©dias reflĂ©taient d’elle et a toujours Ă©tĂ© consciente de son image. Les photographies qui prĂ©sentent ses diffĂ©rents happenings la montrent toujours au premier plan. Elle occupe la premiĂšre place. Ainsi, Kusama conçoit son corps et son image comme un support artistique, un instrument de dĂ©nonciation mais aussi un outil de communication.

Publications

Écrits

Kusama est l’auteur de 19 romans dont le premier, qui s’intitule « Manhatan suicide addict », fut publiĂ© en 1978.

Elle est Ă©galement l’auteur de livres de poĂ©sie, de musiques, de paroles de chansons, et d’un magazine, Kusama Orgy, qui retrace ses happenings et expose sa « philosophie ». Parmi ses Ɠuvres, ont Ă©tĂ© Ă©ditĂ©es en France :

  • Performance et environnement, Dijon, Les Presses du rĂ©el, 2001
  • Manhattan suicide addict, Dijon, Les Presses du rĂ©el, 2005 (ISBN 978-2-84066-115-3)
  • Mirrored Years, Dijon, Les presses du rĂ©el, 2009 (ISBN 978-2-84066-312-6)
  • OblitĂ©ration Room, Brisbane, 2011

Elle a illustré Les Aventures d'Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll[23].

Catalogues d'expositions

  • Yayoi Kusama : Exposition Le Consortium Dijon, Maison de la culture du Japon Paris, Kunsthalle Brandts Klaeedefabrik Odense (Danemark), Les Abattoirs Toulouse, Artsonje Center Seoul, Artsonje Museum Kyongju (Korea) 2000-2002, Les presses du rĂ©el, , 287 p. (ISBN 978-2-913387-03-4)

ƒuvres

Prix et reconnaissance

En 1972, elle est incluse dans Some Living American Women Artists, un collage féministe de Mary Beth Edelson[25].

Elle a reçu de nombreuses distinctions au Japon et à l'étranger, dont :

Notes et références

  1. Fiac 2019 : Yayoi Kusama, une artiste de pois exposée à Paris, Télérama, 16 octobre 2019 (consulté le 28 décembre 2020)
  2. Yayoi Kusama, le « pois » de l’enfance, L'ƒil dans Le Journal des Arts, dĂ©cembre 2011
  3. Kusama Yayoi, Mugen no ami : Kusama Yayoi jiden (無限ぼç¶Čă€è‰é–“ćœŒç”Ÿè‡Ș䌝, « RĂ©seau infini : l’autobiographie de Yayoi Kusama »), Tokyo, Sakuhin Sha, 2002 p. 63.
  4. Valery Bailly Buchet, « Yayoi Kusama, la dame aux petits pois : Bio Express », Figaro Madame, le 9 octobre 2011
  5. Valery Bailly Buchet, « Yayoi Kusama, la dame aux petits pois », Figaro Madame, le 9 octobre 2011
  6. (en)In the Hirshhorn’s Latest Exhibition, Yayoi Kusama Obliterates the Idea of Self, Washington Citypaper, 23 fĂ©vrier 2017
  7. Yoshimoto Midori, Into Performance: Japanese Women Artists in New York, New Brunswick, New Jersey, London: Rutgers University Press, 2005.
  8. Cyrille Poy, « Forever Pois », L'Humanité, 7 avril 2001, [lire en ligne]
  9. (en) Charlotte Burns, « Yayoi Kusama also leaves Gagosian », The Art Newspaper, le 14 décembre 2012
  10. Grégory Le Floc'h, « Yayoi Kusama au centre Pompidou », L'IntermÚde, le 6 décembre 2011
  11. « PressReader.com - Connecting People Through News », sur www.pressreader.com (consulté le )
  12. (it) « Louis Vuitton and Yayoi Kusama », Vogue.it,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  13. Thomas Bertrand, « Mobiles signés Yayoi Kusama chez AU », sur Le Journal du Geek, (consulté le )
  14. Kusama Yayoi, Mugen no ami : Kusama Yayoi jiden (無限ぼç¶Čă€è‰é–“ćœŒç”Ÿè‡Ș䌝, « RĂ©seau infini : l’autobiographie de Yayoi Kusama »), Tokyo, Sakuhin Sha, 2002 p. 40.
  15. Zelevansky, Lynn, Hoptman, Laura, Tatehata Akira, Munroe, Alexandra, Love Forever : Yayoi Kusama, 1958-1968, Los Angeles, California : Los Angeles County Museum of Art, 1998.
  16. Kusama Yayoi, Infinity net : the autobiography of Yayoi Kusama, trad. par McCarthy, Ralph,  Londres, Tate Publishing, 2011, p. 213.
  17. (en) « Yayoi Kusama », sur Centre Pompidou (consulté le )
  18. « Yayoi Kusama au Centre Pompidou, à Paris », sur www.lintermede.com (consulté le ).
  19. Kusama Yayoi, Infinity net : the autobiography of Yayoi Kusama, trad. par McCarthy, Ralph,  Londres, Tate Publishing, 2011, p. 111.
  20. Kusama Yayoi, Infinity net : the autobiography of Yayoi Kusama, trad. par McCarthy, Ralph, Londres, Tate Publishing, 2011, p.123.
  21. Kusama Yayoi, Infinity net : the autobiography of Yayoi Kusama, trad. par McCarthy, Ralph,  Londres, Tate Publishing, 2011, p.45.
  22. Yoshimoto Midori, Into Performance: Japanese Women Artists in New York, New Brunswick, New Jersey, London: Rutgers University Press, 2005.
  23. Lewis Carroll's Alice's Adventures in Wonderland: With Artwork by Yayoi Kusama, Penguin, UK, 2012.
  24. « Installation Narcissus Garden par l’artiste Yayoi Kusama pour the Glass House », sur Journal du Design, (consultĂ© le )
  25. (en) « Notice de l'Ɠuvre Some Living American Women Artists », sur Center for the Study of Political Graphics (consultĂ© le ).

Liens externes

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