Accueil🇫🇷Chercher

Viaduc de la Crueize

Le viaduc de la Crueize est un viaduc ferroviaire de la ligne de Béziers à Neussargues, situé sur le territoire de la commune de Saint-Léger-de-Peyre, dans le département de la Lozère, en France. Il est surnommé « viaduc de l'Enfer » du nom de la vallée qu'il traverse.

Viaduc de la Crueize
Le viaduc en 2017.
Le viaduc en 2017.
GĂ©ographie
Pays France
RĂ©gion Occitanie
Département Lozère
Commune Saint-LĂ©ger-de-Peyre
CoordonnĂ©es gĂ©ographiques 44° 37′ 11″ N, 3° 17′ 04″ E
Fonction
Franchit La Crueize
Fonction viaduc ferroviaire
Caractéristiques techniques
Type Pont en arc
Longueur 218,80 m
PortĂ©e principale 25 m
Largeur 10 m
Hauteur 63,30 m
Matériau(x) Pierre de taille, Moellon, maçonnerie
Construction
Construction 1880-1884
Mise en service
Ingénieur(s) Léon Boyer
Charles Bauby
Maître(s) d'œuvre État
Gestion
Concessionnaire Compagnie du Midi

Construit par les services de l'État, dirigés par Léon Boyer, il est mis en service en 1887 par la Compagnie des chemins de fer du Midi et du Canal latéral à la Garonne (Cie du Midi), concessionnaire de la ligne et du viaduc. Il ne doit pas être confondu avec le pont autoroutier de la Crueize[1].

Situation ferroviaire

Construit Ă  905 mètres d'altitude, le viaduc de la Crueize est situĂ© au point kilomĂ©trique (PK) 629,723 de la ligne de BĂ©ziers Ă  Neussargues, entre les gares de Marvejols et de Saint-Sauveur-de-Peyre (cette dernière Ă©tant fermĂ©e). Il est encadrĂ© par les tunnels de Lestoura, au PK 628,977, et du Born au PK 634,564[2].

Histoire

La section de Marvejols à Neussargues sur laquelle est situé le viaduc de la Crueize représente un cas d'école pour le choix du tracé dans un environnement difficile, du fait de vallées encaissées avec des parois abruptes. Les premières études, réalisées par les ingénieurs de l'administration de l'État, concluent à un tracé classique par les vallées et ce projet est validé peu de temps avant l'arrivée du jeune ingénieur Léon Boyer nommé responsable de cette section.

LĂ©on Boyer, concepteur du viaduc.

Celui-ci reprend les Ă©tudes en proposant un tracĂ© sur le haut du plateau, qui offre l'avantage d'Ă©viter la rĂ©alisation d'une multitude d'ouvrages secondaires et de se limiter Ă  quelques ouvrages importants voire exceptionnels. La diffĂ©rence de coĂ»t est notable, puisque l'Ă©valuation initiale Ă©tait de 9 500 000 francs alors qu'elle est abaissĂ©e Ă  6 500 000 francs dans le projet de LĂ©on Boyer. Le projet rĂ©visĂ© permet Ă©galement d'avoir une ligne au profil plus facile (moins de pente), la voie restant sur un plateau relativement plat[3].

Léon Boyer entreprend donc l'étude de la ligne et la conception de ses nombreux ouvrages d'art. Les plus remarquables sont le viaduc de Garabit et celui de la Crueize, mais également ceux de Chanteperdrix, Sénouard et Piou[4]. Sur le chantier de la Crueize, il va diriger les travaux avec le soutien de son ingénieur en chef Charles Bauby[5].

En , une annonce du ministère des Travaux publics dans le Journal officiel de la RĂ©publique française prĂ©voit l'adjudication de travaux Ă  exĂ©cuter sur le chemin de fer de Marvejols Ă  Neussargues. Il s'agit du 4e lot de la construction, compris entre les points kilomĂ©triques 8,400 et 11,290 sur une longueur de 2 890,50 m, dont le principal ouvrage est le « viaduc de Crueize » d'une longueur de 216 m et une hauteur de 63,20 m. La dĂ©pense prĂ©vue pour cet ensemble, hors coĂ»t des imprĂ©vus, est estimĂ©e Ă  2 717 203,08 francs de l'Ă©poque[6].

Après l'adjudication, le chantier du viaduc est ouvert au début de l'année 1880[7]. Durant l'année 1882, le chantier avance rapidement[8]. En , les ouvrages d'art sont terminés et la compagnie débute la pose de la voie de la section[9].

Le viaduc est mis en service le par la Compagnie des chemins de fer du Midi et du Canal latéral à la Garonne, lorsqu'elle ouvre à l'exploitation la section de Marvejols à Saint-Chély[10].

Caractéristiques

Description générale

Le viaduc est établi dans la vallée de la Crueize, en un lieu abrupt et sauvage, nommé « gorge de l'Enfer[11] ». Il présente une teinte légèrement rosée, avec des piles aux formes élancées, qui se découpent sur le fond sombre d'une forêt de pins[12].

Établi pour deux voies ferrĂ©es, il est composĂ© de six arches de 25 mètres d'ouverture et a une longueur totale de 218,80 m pour une hauteur maximale, prise au niveau des rails et au point le plus bas de la vallĂ©e, de 63,30 m. Sa largeur entre les parapets est en gĂ©nĂ©ral de m, mais elle atteint 10 m au droit des contreforts des piles. L'ouvrage est rectiligne, et prĂ©sente une rampe de 27,5 millimètres par mètre, en descente vers Marvejols[12].

  • Le viaduc en
  • Plans de projet

Techniques de construction

Gravure publiée en 1891 dans Le Génie civil.

« Les voĂ»tes des arches ont l'intrados composĂ© de deux quarts de cercle ayant respectivement 12,915 m et 12,085 m de rayon. Ceci a pour but de racheter la rampe[Note 1], tout en maintenant au mĂŞme niveau les naissances de deux arcs adjacents. Cette mĂ©thode de rachat de la dĂ©clivitĂ© a l'avantage de ramener vers le centre de la pile la rĂ©sultante des pressions. Ces voĂ»tes ont 1,30 m d'Ă©paisseur Ă  la clĂ©. Les reins sont affinĂ©s par trois voĂ»tes longitudinales de 1,20 m d'ouverture ».

« Les piles prĂ©sentent, sur toutes les faces, un fruit dĂ©croissant graduellement depuis le bas jusqu'au sommet. Ce système, employĂ© d'abord par MM. Robaglia, inspecteur gĂ©nĂ©ral des Ponts et ChaussĂ©es, et Pader, ingĂ©nieur en chef, au viaduc de Vezouillac (actuellement sur la section entre Millau et SĂ©verac-le-Château), a pour effet d'uniformiser les pressions sur les diverses assises. Il permet de supprimer les ressauts (partie qui forme une avancĂ©e sur le plan vertical) que l'emploi d'un fruit constant aurait obligĂ© Ă  mĂ©nager Ă  diverses hauteurs. Par cette suppression des retraites, on laisse aux arĂŞtes toute leur puretĂ©, et leur continuitĂ© contribue Ă  marquer la hauteur de l'ouvrage ». NĂ©anmoins, « pour faciliter la pose des moellons d'arĂŞte et de parement, la courbe thĂ©orique est remplacĂ©e par une sĂ©rie de lignes droites de 5 m de longueur, formant un polygone inscrit dans la courbe thĂ©orique »[12]. Du fait de la distance, un observateur ne voit au premier abord qu'une courbe rĂ©gulière[12].

« Les contreforts sont adossĂ©s aux piles et s'Ă©lèvent jusqu'au couronnement du viaduc. Leur largeur est de deux mètres aux naissances et leur saillie sur les tympans est d'un mètre au niveau de la plinthe. La profondeur maximum des fondations est de dix mètres et en moyenne de 6,50 m »[12].

Le viaduc en 1883.

Matériaux employés

Seul le couronnement est en pierre de taille. « Les bandeaux des voûtes, ainsi que les angles des piles, des culées et des contreforts, sont en moellons smillés[Note 2], tandis que les autres parements visibles sont en moellons têtués[Note 3]. Pour bien dessiner les lignes et assurer l'exactitude de la pose, une double ciselure règne le long des arêtes »[12]. La maçonnerie de blocage est formée de moellons de gneiss, les moellons de parement sont en grès et la pierre de taille du couronnement est en granit[12].

La chaux utilisĂ©e vient des usines du Teil et de Cruas. Le sable a diverses origines : « une partie est extraite du lit de la Colagne, une autre partie provient d'une carrière ouverte dans des dĂ©pĂ´ts de formation ancienne, donnant un sable de qualitĂ© supĂ©rieure, et une moindre quantitĂ© est obtenue par la trituration et le lavage du granit tendre fourni par une tranchĂ©e. Le mortier des maçonneries en voĂ»te est composĂ©, pour les parties situĂ©es jusqu'Ă  1,50 m au-dessus des joints de rupture et pour celles situĂ©es de part et d'autre de la clĂ©, jusqu'Ă  1,50 m de distance, en ajoutant 200 kg de ciment Ă  prise lente, par mètre cube de mortier. Les trois assises du clavage sont hourdĂ©es avec du mortier de ciment Ă  prise lente »[12].

Cintres

« Les cintres (structure provisoire en bois utilisĂ©e pour la construction des voĂ»tes) Ă©taient soutenus par une double rangĂ©e de rails traversant les maçonneries des piles. Les premiers appuis supportant le pied des arbalĂ©triers Ă©taient Ă©tablis au niveau des naissances. Chacun d'eux se composait de deux rails pesant 36 kg le mètre courant. Les appuis de la seconde rangĂ©e, placĂ©s Ă  quatre mètres en contrebas, Ă©taient formĂ©s d'un seul rail sur lequel reposaient, par l'intermĂ©diaire d'une semelle, des contrefiches soutenant les arbalĂ©triers principaux vers le milieu. Ces cintres ont Ă©tĂ© mis au levage sur le plancher supĂ©rieur du pont de service Ă©tabli pour la construction des piles »[12]. Pour chaque cintre, il fallait 156,117 m3 de bois et 4 958 kg de fer (boulons et armatures diverses)[12].

Lors du dĂ©montage des cintres, le tassement des voĂ»tes a Ă©tĂ© mesurĂ© Ă  0,009 m[12].

Coûts

La dĂ©pense totale pour la construction du viaduc est de 1 290 000 francs de l'Ă©poque, rĂ©partie Ă  raison de 589 885,82 Fr pour les piles et culĂ©es, de 527 030,21 Fr pour les plinthes et parapets, de 19 841,17 Fr pour les fondations et de 63 136,23 Fr pour les cintres[12].

Notes et références

Notes

  1. En architecture, un rachat est une opération visant à « corriger, rendre moins sensible un vice, un défaut de construction ou de décoration, une irrégularité[13]. ».
  2. En construction d'ouvrage d'art ferroviaire « Les moellons smillés pour parements sont équarris et dressés au marteau et à la grosse pointe sur les faces, lits et joints ; (..) »[14].
  3. En construction d'ouvrage d'art ferroviaire « Les moellons têtués sont employés seulement en parement : ils sont préparés, au marteau ou à la hachette, pour former les lits, les joints et la face, pour leur donner plus d'assiette, pour faciliter le dressement des parements en le soumettant à l'alignement du cordeau ; (..) »[14].

Références

  1. « Viaduc de la Crueize », sur fr.geoview.info (consulté le ).
  2. Reinhard Douté, Les 400 profils de lignes voyageurs du réseau français : lignes 601 à 990, vol. 2, La Vie du Rail, , 239 p. (ISBN 978-2-918758-44-0), « [722/4] Marjevols - Neussargues », p. 87.
  3. Charles Bricka, Cours de chemins de fer : professé à l'École nationale des ponts et chaussées, Paris, Gauthier-Villars et fils, coll. « Encyclopédie des travaux publics », (lire en ligne), p. 85-87.
  4. Charles Talansier, « Nécrologie : M. Léon Boyer », Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, t. IX, no 2,‎ , p. 34 (lire en ligne, consulté le ).
  5. Le patrimoine de la SNCF, Flohic, 1999, p. 132.
  6. Ministère des travaux publics, « Avis », Journal officiel de la république française, no 129,‎ , p. 3870 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  7. Bauby (Ingénieur en chef à Mende), « Service des chemins de fer : ligne de Marvejols à Neussargues », dans Rapports et délibérations / Département de la Lozère, Conseil général, Mende, (lire en ligne), p. 36.
  8. Bauby (Ingénieur en chef à Mende), « Service des ponts et chaussées : Rapport de M. Bauby », dans Rapports et délibérations / Département de la Lozère, Conseil général, Mende, (lire en ligne), p. 33.
  9. Lefranc (Ingénieur en chef), « Service des ponts et chaussées : Rapport de M. Lefranc : ligne de Marvejols à Neussargues », dans Rapports et délibérations / Département de la Lozère, Conseil général, Mende, (lire en ligne), p. 5.
  10. Ministre des travaux publics, « Partie non officielle », Journal officiel de la République française, no 132,‎ , p. 2204 (lire en ligne, consulté le ).
  11. Le viaduc de Grueize, Charles Talansier, 1891, p. 145.
  12. Le viaduc de Grueize, Charles Talansier, 1891, p. 146.
  13. « « racheter », définition dans le dictionnaire Littré », sur le site du dictionnaire Littré (consulté le ).
  14. E. Villevert, « III Construction », dans Chemins de fer : Construction des travaux d'art, tunnels, maisons de garde, barrières, plates-formes, ballast et voies, Dunod, (lire en ligne), p. 23.

Voir aussi

Bibliographie

  • Charles Talansier, « Travaux publics : le viaduc de Crueize sur la ligne du chemin de fer de MarvĂ©jols Ă  Neussargues », Le GĂ©nie civil : revue gĂ©nĂ©rale des industries française & Ă©trangères, t. XVIII, no 10,‎ , p. 145-146 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Paul SĂ©journĂ©, Grandes voutes, t. IV : Pratique des voutes, Bourges, Imprimerie Veuve Tardy-Pigelet et Fils, (lire en ligne), p. 54, 58-61, 71, 83, 96, 237
  • « La ligne des Causses : viaduc de la Crueize », dans Jean-Luc Flohic (direction), Le Patrimoine de la SNCF et des chemins de fer français, t. I, Paris, Flohic Ă©ditions, coll. « Le patrimoine des institutions Ă©conomiques », (ISBN 2-84234-069-8), p. 132

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.