Tunnel du Rove
Le tunnel du Rove, anciennement tunnel de Rove, est un tunnel-canal maritime percé sous la chaîne de l'Estaque, qui fait communiquer le nord de la rade de Marseille avec l'étang de Berre, dans le département français des Bouches-du-Rhône. Il est le « plus grand canal souterrain du monde »[1]. Achevé en 1926 et mis en service l'année suivante, il est l'ouvrage d'art principal du canal de Marseille au Rhône, mais, obstrué par un éboulement, il est hors service depuis 1963.
Type |
Tunnel maritime |
---|---|
Destination initiale |
Passage du canal de Marseille au RhĂ´ne |
Destination actuelle |
Hors service |
Construction |
1911-1927 |
Ouverture | |
Fermeture | |
Hauteur |
15 m |
Longueur |
7 120 m |
Largeur |
22 m |
Pays | |
---|---|
RĂ©gion | |
Bouches-du-RhĂ´ne |
DĂ©partement |
Commune |
Coordonnées |
43° 23′ 58″ N, 5° 13′ 29″ E |
---|
Histoire
L'idée d'un canal qui relierait Marseille au Rhône par l'intérieur des terres, en évitant la navigation difficile pour les petits bateaux au large à cause du mistral[2], fut avancée dès le XVIIe siècle. Encore fallait-il franchir la barrière que constitue le chaînon montagneux de l'Estaque qui sépare Marseille de l'étang de Berre. Ce n'est qu'au début du XXe siècle que le percement d'un tunnel fut entrepris[3] - [4].
Les travaux, confiés à l'entreprise Léon Chagnaud, commencés le [5], employèrent 3 000 ouvriers, en majorité des immigrés espagnols et italiens. Des prisonniers de guerre allemands participèrent à ce creusement dans des conditions très difficiles[6]. Le creusement se faisait au marteau-piqueur et à l'explosif. On compta de nombreux morts.
Pour la tranchée de Marignane, on utilisa deux grosses pelles à vapeur américaines, de marque Bucyrus, de 70 tonnes chacune, mais qui ne donnèrent pas entièrement satisfaction[7].
La construction du tunnel rencontre de nombreuses difficultés au fur et à mesure et nécessite ainsi de procéder par différentes étapes[8] - [9] - [10] - [2]. En février 1916, la jonction entre les galeries nord et sud est réalisée[11] - [1]. Cette étape est fêtée en mai 1916 (cf. vidéo[12])[13] - [9] - [10]. La voute n'est terminée qu'en 1923[14].
La première traversée eut lieu le . Le tunnel fut inauguré le [15] par le président de la République Gaston Doumergue[3] - [16] - [17].
Sa construction et son inauguration sont mentionnés dans les pages des 20, 21 et de l'almanach Vermot 1928, le mentionnant comme un des éléments d'un futur canal reliant Marseille à Strasbourg.
Le (cf. vidéo[18]), un effondrement se produisit dans un terrain marneux, sur 170 mètres de longueur[19], creusant en surface un cratère de 15 mètres de profondeur[7] - [20] - [21]. Le tunnel est depuis lors fermé à tout trafic[20]. Le village de Gignac-la-Nerthe a été touché.
- Le mur de contention de l'Ă©boulement.
- L'éboulement est terrassé de part et d'autre du mur.
- Une voûte en béton armé a été construite par-dessus l'ancienne.
Localisation
L'entrée sud du tunnel se situe à l'extrême nord de la commune de Marseille, dans le quartier des Riaux, proche de l'Estaque entre le port de la Lave et le site de Corbières. Le tunnel y attaque directement une paroi rocheuse de plusieurs dizaines de mètres de haut. La plus grande partie de son parcours souterrain se situe sur la commune du Rove —d'où son nom—, mais aussi sous celles de Gignac-la-Nerthe et de Marseille.
L'extrémité nord se situe au sud de la commune de Marignane, dans une zone légèrement vallonnée, où le canal émerge dans une tranchée qui s'abaisse progressivement jusqu'au port du quartier Saint-Pierre de Martigues, situé en bordure de l'étang de Bolmon[22].
Caractéristiques
Le tunnel, d'une longueur de 7 120 mètres, d'une largeur de 22 mètres, d'une hauteur de 15 mètres et d'une profondeur de 4 mètres (soit 11 mètres de hauteur sous clé de voûte) autorise le croisement de deux péniches de 1 500 tonnes. Il traverse des roches calcaires sur cinq kilomètres, et des terrains marneux sur deux kilomètres. Ces derniers ont nécessité un renforcement de l'épaisseur initiale de la voûte de 1 à 2,5 mètres, et un prolongement des parois maçonnées au-dessous du niveau de l'eau[7].
Avenir du tunnel
Depuis 2000, la réouverture du tunnel à la courantologie, afin d'amener de l'eau de mer dans l'étang de Bolmon, est une question en suspens.
À sa création, le groupement d'intérêt public pour la réhabilitation de l'étang de Berre (GIPREB) a inscrit dans ses objectifs la restauration de la circulation d'eau entre la baie de Marseille et les étangs. Un premier projet est présenté en 2008. Il s'agit d'établir une dérivation du tunnel à la hauteur de l'éboulement. Cette galerie permettrait un débit variant de 0 à 20 m3/s (de 4 en 4 m3/s) d'eau de mer de l'Estaque vers l'étang de Berre, afin entre autres de limiter l'eutrophisation de l'étang[23]. En 2010, le GIPREB, devenu « Gestion intégrée, prospective et restauration de l'étang de Berre », relance le projet. Les études préliminaires sont en cours[24].
En 2016, un projet prévoyant de transporter 4 à 10 m3 d'eau par seconde grâce à des pompes a été estimé à un coût de 13 à 21 millions d'euros[25] - [26].
En septembre 2020, un rapport de l'Assemblée nationale a été adopté sur la réhabilitation de l'étang de Berre[28] - [19]. Les députés indiquent : « La gouvernance du projet de réouverture [du tunnel du Rove] a donc été marquée par un écheveau d’interlocuteurs se renvoyant sans cesse les responsabilités opérationnelles. Il s’agit assurément là de l’une des causes majeures de son échec pendant près de vingt ans. »[27]. Ils proposent que la gouvernance du projet soit confiée au GIPREB avec des pouvoirs élargis ou à la Métropole Aix-Marseille-Provence[28].
Bibliographie
- Xavier DAUMALIN et Anne MONTENACH, « Le tunnel du Rove. Marseille en marche vers le Far-West » dans Le patrimoine industriel des Bouches-du-Rhône : actes de la table-ronde des 20 et 21 mai 1999, Chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence, (présentation en ligne), p. 11-13
- Méténier, Michel (1961-....)., Le Tunnel du Rove et le Canal de Marseille au Rhône, Paul Tacussel, (ISBN 9782903963941, OCLC 490875840)[18]
- Thibaut Vergoz, « Le Tunnel du Rove, oublié de l'histoire », Chasse Marée (Revue d'histoire et d'ethnologie maritime),‎ (lire en ligne)
Notes et références
- « Le Tunnel du Rove, oublié de l'histoire », sur Chasse Marée, (consulté le ).
- Jean-Marie Homet, Les monuments de l'eau en Provence, Aix-en-Provence : Édisud, (ISBN 978-2-7449-0680-0, lire en ligne), p. 103-109
- « Journal de Genève - 27.04.1927 - Page 1 », sur www.letempsarchives.ch (consulté le )
- « CNUM - 4KY28.90 : p.159 - im.163 », sur cnum.cnam.fr (consulté le )
- « UNE UTILITÉ CONTESTÉE », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Frédéric Médard, Les prisonniers en 14-18. Acteurs méconnus de la Grande Guerre, SOTECA, (ISBN 978 2 9163 8562 4), p. 62
- « Tunnel du Rove (Marseille/Marignane, 1916) », sur Structurae (consulté le )
- L. Auteur du texte Fournier, Les Grands Travaux, par L. Fournier. Avec 192 gravures, (lire en ligne)
- Paul Masson, « Le canal de Marseille au Rhône », Annales de géographie, vol. 25, no 135,‎ , p. 223–230 (DOI 10.3406/geo.1916.8812, lire en ligne, consulté le )
- « Le Rove - Réseau du chantier du tunnel. », IRSP, no 13088.1,‎ (lire en ligne [PDF])
- « Marseille : tunnel du Rove, l'histoire d'une belle percée », sur LaProvence.com, (consulté le )
- Reuters Archive Vidéo, « Marseilles - The Widest Tunnel in the World » [vidéo], sur Reuters Archive Licensing, (consulté le )
- Agence Rol Agence photographique (commanditaire), « Inauguration du tunnel de Marseille au Rhône [tunnel de Rove, 7 mai 1916] : [photographie de presse] / [Agence Rol] », sur Gallica, (consulté le )
- « tunnel du Rove - Inventaire Général du Patrimoine Culturel », sur web.archive.org, (consulté le )
- Agence Rol Agence photographique, « Vedette présidentielle pénétrant dans le canal [i.e. tunnel] du Rove [25 avril 1927] : [photographie de presse] / [Agence Rol] », sur Gallica, (consulté le )
- « Journal officiel de la République française. Lois et décrets », sur Gallica, (consulté le )
- La presse, « Un canal sous le plus grand tunnel du monde », sur numerique.banq.qc.ca, (consulté le )
- « Effondrement du tunnel du Rove (Vidéo via l'ina) » [vidéo], sur Sudorama, mémoires du Sud de 1940 à nos jours (consulté le )
- « Un rapport parlementaire propose vingt actions pour sauver l’étang de Berre (via AFP) », sur www.20minutes.fr (consulté le )
- « Les travaux préalables au dégagement du tunnel du Rove ont commencé », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- « L'ÉCROULEMENT DU TUNNEL DU ROVE SERAIT DÛ À UN VICE DE CONSTRUCTION ET À UN DÉFAUT D'ENTRETIEN. », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Cartes IGN au 1/25000 n°3145ET plis C-D1, et n°3144OT plis G-H4
- Tunnel du Rove: le député Eric Diard s'est jeté à l'eau article du journal La Provence publié le 24 octobre 2011.
- Réouverture du Tunnel du Rove : qui fait quoi ?, rubrique du site du GIPREB, consulté le 15 mars 2015.
- « Tunnel du Rove : la facture plus douce », sur La Provence,
- Expertise sur le projet de réouverture du tunnel du Rove à la circulation d'eau de mer, (lire en ligne)
- Assemblée Nationale, « Rapport d'information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la réhabilitation de l’étang de Berre (M. Jean-Marc Zulesi) » [PDF], sur Assemblée nationale (consulté le )
- « Étang : les propositions des députés », sur LaProvence.com, (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Site du GIPREB
- Article « Tunnel du Rove » sur le site spécialisé Structurae
- (en) Article du 2 mai 1927 sur le Time (magazine)
- Photos du tunnel par un adepte d'exploration_urbaine
- Le tunnel du Rove sur le site de la ville du Rove
- Vidéo de la traversée du tunnel du Rove, 17 septembre 1955 (ORTF via l'Ina)