Tundiqui
Tundiqui ou Tundique, est un terme d'origine indéterminée, correspondant à trois types de danses originaires du Pérou et de la Bolivie. La coexistence des cultures européenne andine et africaine a donné naissance à la danse des « Tundiquis ».
Origines culturelles |
Bolivie, Afrique, Amérique du sud, |
---|---|
Instruments typiques |
percussions, charango, quena, gĂŒiro |
Popularité |
importante en Bolivie, au PĂ©rou, au Nord-Chili |
Caporales, saya, morenada |
Il existe trois danses apparentées appelées Tundique, Tuntuna et Caporales de la Tuntuna, qui sont apparues à des époques successives[1].
Ces danses sont à rapprocher de la saya, des morenada et des caporales (traduction : contremaßtre) de par le contexte et les origines, les influences afro américaines.
Le tundiqui est une danse mais aussi un style musical. Pour l'interprétation musicale de la "danse des Negritos", on utilise des idiophones tels que des cloches, des hochets, des bongos, des recos ou des guanchas, des membranophones tels que des timbales, des tambours et des aérophones à seul son que sont les « sifflets »[2]. Le rythme est marqué par les clochettes que bourreau attache aux pieds des esclaves[3] - [1].
Les chants interprétés indépendamment de la danse utilisent traditionnellement le charango et la quena, auxquels s'ajoutent aujourd'hui les instruments modernes.
Tundiqui
Tundiqui Bolivienne
Les origines précises font l'objet de débats, la plupart des spécialistes concluant que la danse était inspirée des esclaves africains amenés en Bolivie pour travailler dans les mines ou de l'intégration ultérieure des Africains dans la communauté Yungas prÚs de La Paz[4].
La danse est dĂ©crite par l'historien et etnologue et folkloriste bolivien Manuel Rigoberto Paredes Iturri (1870-1950)[5] dans son livre "Art en la altiplanicie", Ă©crit en 1913. Il y traite du folklore sur le haut plateau bolivien, dans la sphĂšre gĂ©ographique de La Paz. Il dĂ©crit la danse comme une danse d'hommes de couleur mais aussi de mĂ©tis. La condescendance et les prĂ©jugĂ©s vis Ă vis des afro-boliviens est Ă recontextualiser : elle Ă©tait courante Ă l'Ă©poque[6]. Une rĂ©fĂ©rence plus ancienne de cette danse avait Ă©tĂ© mentionnĂ©e par le mĂȘme auteur dans le livre "MonografĂa de la Province de Puna" en 1898, livre disponible Ă la BibliothĂšque Municipale de La Paz.
Le costume est composĂ© d'un pantalon et veste blanc. Il tient dans ses mains deux morceaux de bois coupĂ©s et avec dentures permettant de produire un son Ăąpre avec le frottement de les deux parties et des clochettes aux pieds. Ils entonnent des chants rythmĂ©s par le mouvement des clochettes et le son des bois. Ils chantent et dansent avec beaucoup de rythme, sans perdre un moment la mesure. Le noir montre toujours des aptitudes spĂ©ciales pour la danse câest pourquoi les mĂ©tis, ceux qui font des tundiques, ne comprennent pas la grĂące de celui-ci[7].
La Tundique appartient Ă une tradition de danses en AmĂ©rique latine connue sous le nom de Danza de los Negritos et appartient aussi Ă une multitude de danses andines satiriques qui reprĂ©sentent la noirceur, appelĂ©es negrerĂas. En Bolivie le Tundiqui est appelĂ© aussi " de los Negritos" car il Ă©tait dansĂ© par des mĂ©tis grimĂ©s en africains et dirigĂ©s par un "caporal" (contremaĂźtre)[8]. La danse reflĂšte l'importance du statut de ces contremaĂźtres esclavagistes Ă l'Ă©poque de la colonisation espagnole[9].
Cette danse des Negritos fait partie du patrimoine oral et immatériel de l'humanité, les danseurs sont pour la plupart des jeunes qui au rythme de la musique joyeuse rendent hommage à la Virgen del Socavón[2] vénérée dans les mines par des mineurs esclaves soumis à la violence des porions et au danger de mines non sécurisées.
Elle se danse lors des fĂȘtes comme le Carnaval d'Oruro, avec des ensembles tel que les âNegritos de Pagadorâ fondĂ© en 1956 et "Negritos Unidos de la Saya" fondĂ© en 1957, les deux groupements sont encore actifs aujourd'hui.
On le danse aussi au dĂ©but de la Fiesta de JesĂșs del Gran Poder (FĂȘte de Jesus du Grand Pouvoir) dans la ville de La Paz avec la fraternitĂ© des "Negritos del Colegio Nacional San SimĂłn de Ayacucho" fondĂ©e en 1973[10].
Il y a eu certaines restrictions, par exemple, il est interdit d'utiliser le blackface et de fouetter les gens pendant la danse comme s'ils Ă©taient des esclaves. Pourtant, ces choses continuent de se produire[11] - [9].
Le Tundiqui n'exprime pas l'identité culturelle des personnes d'ascendance africaine, au contraire, il la dégénÚre, exhibant l'humiliation et la souffrance des afro-descendants, car le président du comité soutient la dénonciation des propos racistes et/ou des attitudes discriminatoires qui portent atteinte à la dignité humaine, a déclaré Félix Cårdenas, vice-ministre de la Décolonisation. La lutte contre le racisme et la discrimination du peuple afro-bolivien a commencé il y a des années et s'est renforcée en 2013 avec les plaintes présentées aux entités nationales et internationales pour des attitudes de violation des droits de l'homme, la loi 045 sur la lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination et la Constitution politique de l'Etat[12] - [13].
Tundique du PĂ©rou
Emilio Romarin dans son Ćuvre MonografĂa del Departamento de Puno en 1928, notait l'origine coloniale du Tundique, l'exĂ©cution par certains aymaras et la classait parmi les "danse puneña" : âTundiquis⊠de facture coloniale.Les danseurs sont des couples dâhommes et de femmes. Lâun des Indiens se dĂ©guise en zambo[14] et mulato (mulatres, mĂ©tis) et marche au son dâune cornemuse faite dâune flĂ»te et dâune vessie gonflĂ©e[15].
Cette danse semble connue des mĂ©tis des basses couches du peuple limeño (de Lima) sous le nom de son de los diablosâ (1928:212).
Les" Negritos del 10 de Octubre" est un ensemble emblĂ©matique du Tundique, dont le nom est un hommage Ă saint François Borgia ou âTata Panchoâ, patron de Yunguyo. De cet ensemble, DarĂo Parent GuzmĂĄn disait: âLos Negritos de 10 de Octubre⊠la danse noire de Yunguyo⊠est nĂ© sous la domination espagnole. (âŠ) Les paysans de ces village ont appris les danses africaines et tropicales et les ont incorporĂ©es Ă leur rĂ©pertoire avec quelques modifications (âŠ) maintenant (âŠ) les mĂ©tis ont retirĂ© aux paysans le droit de l'interprĂ©terâ (C 19/11/64).
Dans les annĂ©es 1930 les ensembles de Tundique ont cessĂ© de participer Ă la Festividad Virgen de la Candelaria . Ainsi, en 1943 il notait : âdepuis quelques annĂ©es, beaucoup de ces danses typiques ont disparu : le monotone âdanzanteâ et ses multiples clochettes, les âTundiquesâ avec ses paroles subversives donnaient de plus en plus de tracas aux autoritĂ©s de policeâ (LA 3/2/43). Trois dĂ©cennies aprĂšs, il reparaissait lors de la fĂȘte patronale puneña ; en 1968 ont Ă©tĂ© organisĂ©s les Tundiques de Yunguyo (LA 8/2/68); en 1970 Tundiques du Quartier IndĂ©pendance (LA 7/2/70); et en 1972 Tundiques du Quartier Orkopata (LA 8/2/72). En 1959 dans un concours scolaire de Tundique (EEP 4/7/59). En 1964, dans le concours de Ăcora, participaient lesTundiques de Tancani (EEP 24/2/64). Ces derniĂšres annĂ©es lors du Carnaval de Juliaca Ă©tait prĂ©sente l'Ăcole d'Art JosĂ© Carlos MariĂĄtegui Zambos Tundiques[16] - [17] - [18].
Tundiqui afrobolivien
« Le Tundiqui a toujours Ă©tĂ© une manifestation raciste et discriminatoire pour un peuple qui, au-delĂ d'avoir perdu tout lien avec ses racines, doit endurer la parodie de cette danse, qui ne reprĂ©sente que l'humiliation et le gĂ©nocide subis par ces premiers noirs amenĂ©s aux riches. colline de Potosà » selon Alejandro GutiĂ©rrez. En Bolivie, il y a 23 330 Afro-Boliviens, selon le recensement de 2012. De plus, ils sont les promoteurs de la loi 045 pour lutter contre la discrimination et le racisme[6]. Le ComitĂ© national contre le racisme et toutes les formes de discrimination, Ă la plainte du Conseil national afro-bolivien (Conafro), a dĂ©cidĂ© d'interdire la danse du « Tundiqui ou Negritos » , oĂč les « blancs peints » de noir faisaient une parodie du souffrance des esclaves afro, Ă l'Ă©poque coloniale[12]. Ce faisant, l'observation de la production sur le net montre des danseurs majoritairement indigĂšnes et des costumes qui sont inspirĂ©s de ceux des colons blancs.
Le tundiqui, fait aussi référence à un type de villancicos (chants de Noël) de la communauté afrobolivienne, qui aurait servi de base à l'émergence d'une autre danse, La Danza de Caporales qui est une danse néo-folklorique créée en 1969 par les frÚres de la famille Estrada de Chijini, un quartier populaire de La Paz, en Bolivie qui est rapidement devenue un succÚs auprÚs des jeunes. Elle est arrivée au Pérou au début des années 1970 et s'est rapidement propagé à travers l'Amérique du Sud et le monde[19] - [9].
Le tundiqui est toujours dansĂ© lors de la fĂȘte de San Benito, dans la rĂ©gion afrobolivienne des Yungas.
Il est évoqué dans le titre "fiesta de san Benito" repris par le groupe chilien Inti-Illimani,
c'est le tundique le plus fameux, connu dans le monde entier :
« Dónde estå mi negra bailando con la saya de tundiki, bailando.
DĂłnde se ha metido mi negra, cargada de su guagĂŒita, bailando
Negra, samba, aunque tunante (coge su manta) siempre adelante.
Hay un lorito con su monito. Es un regalo de San Benito para la fiesta de los negritos.
Un viejo caña con su caballo, estån durmiendo en su cabaña.
Ya nos vamos, ya nos vamos cantando, con la saya de tundiki cantando, con la saya de tundiki bailando... Fiesta de San Benito (Los Yungas-La Paz) »
Les paroles changent d'un village à l'autre, avec des traductions et des références culturelles (sous entendu, contexte) différentes.
"OĂč est allĂ©e danser ma belle avec sa robe de tundiqui, portant son enfant dans son chĂąle, noirs et mĂ©tis[14] avançant sans repos"
"un oiseau et un singe, cadeau de St Benoit pour notre fĂȘte, un vieux dort dans sa cabane avec sa monture"
Il est interprĂ©tĂ© par ce groupe par un ensemble de guitare, charango, quenas et zampona, avec bien sĂ»r les percussions habituelles dont celles produisant le raclement, crĂ©celles ou gĂŒiro. On peut l'Ă©couter sur youtube.
La richesse des costumes est commune avec ceux utilisé dans les morenada, dont on peut avoir un aperçu dans cette référence[20], tant pour les masques, les attributs du contremaßtre (épaulettes et fouet) que les lourdes robes imitant celles à arceaux de la noblesse espagnole. Le bébé (factice) dans le chùle, sur le dos ou sur le ventre de sa maman fait partie des attributs fréquents des danseuses (cholita) : c'est lui qui est repris dans la "Fiesta de San Benito".
Controverse
La danse de Tundiqui suscite en Bolivie comme ailleurs des controverses à cause du message central de la chorégraphie qui serait se moquer de l'identité Afro-Américaine[11] : elle mettrait en scÚne des "blackface".
La réalité est trÚs compliquée.
Le tundiqui est une expression de la communauté indigÚne mais aussi métisse qui a été victime elle aussi de la colonisation, le tout étant compliqué par la place ou l'absence de place faite aux métis (le Zambo du chant ci-dessus était dans le littré en 1880 un métis afrobolivien) qui prend la place de contremaßtre dans la danse.
Les paroles ne traduisent pas ce racisme. "mi morena" y a par exemple la mĂȘme portĂ©e que "ma belle" ou "ma blonde" dans le texte ci-dessus (Fiesta de San Benito).
Justo Soria se justifie Ă propos de la Fiesta de JesĂșs del Gran Poder : « Cela fait quarante ans que le groupe qui interprĂšte cette danse participe Ă la fĂȘte, câest normal quâil soit encore prĂ©sent cette annĂ©e. Par contre, les Ă©lĂ©ments offensants, comme les chaĂźnes et les esclaves, ont bien sĂ»r Ă©tĂ© Ă©liminĂ©s. Tout cela est un malentendu, car câest une danse qui, en rĂ©alitĂ©, rend hommage Ă nos frĂšres Afro-Boliviens ».
Parmi les danseuses, celles grimées de noir portent parfois le bébé mais aussi le melon, attribut et fiertée de la Cholita, marquant leur appartenance commune[21].
De fait elle est considérée par certain comme une exhibition tandis que d'autres en font une commémoration des violences subies par des frÚres de peine.
Notes et références
- « Tundique, Tuntuna y Caporales de la Tuntuna - folklore marinera Peru », sur todaslassangres.com (consulté le ).
- (es) « Danza Negritos (Tundiquis) de Oruro | Costumbre - Folklore de Bolivia », sur Costumbres (consulté le ).
- « Défilé Bolivien | J.B. PRODUCTION », sur www.jbproduction.fr (consulté le )
- (en-US) « Moreno (Caporal Tundiqui) â Second Face » (consultĂ© le )
- « Manuel Rigoberto Paredes / BiografĂa .: Un dĂa en la historia de Bolivia », sur www.historia.com.bo (consultĂ© le )
- (es) « El Tundiqui es un baile de dolor para los Afrobolivianos », sur RC Noticias de Bolivia, (consulté le ).
- « Paredes (M. Rigoberto). El arte en la Altiplanicie (Folk-lore) [L'art dans le haut-plateau (Folk-lore)]. La Paz, 1913. », Journal de la sociĂ©tĂ© des amĂ©ricanistes, vol. 11, no 1,â , p. 309â310 (lire en ligne, consultĂ© le )
- « CAPORALES - Espagnol Traduction - Exemples Utilisation Caporales Dans Une Phrase En Français », sur tr-ex.me (consulté le )
- (en) Danielle Roper, « Blackface at the Andean Fiesta: Performing Blackness in the Danza de Caporales », Latin American Research Review, vol. 54, no 2,â , p. 381â397 (ISSN 1542-4278, DOI 10.25222/larr.300, lire en ligne, consultĂ© le ).
- « Bolivie: les vrais enjeux de la fĂȘte de Gran Poder », sur RFI, (consultĂ© le )
- (en-US) MarĂa Mercedes MartĂnez Milantchi et Nereida Apaza Mamani, « Artist Perspectives on the Politics of Andean NegrerĂa Dances », sur ReVista (consultĂ© le ).
- (es) « ComitĂ© Contra el Racismo prohĂbe el baile del Tundiqui », sur Erbol Digital Archivo, (consultĂ© le ).
- (en) « Eliminarån el racismo de la danza tundiqui », sur La Razón | Noticias de Bolivia y el Mundo (consulté le )
- « zambo : définition de zambo et synonymes de zambo (français) », sur dictionnaire.sensagent.leparisien.fr (consulté le )
- (es) « Monografia del Departamento de Puno de Emilio Romero: Good Hardcover (1928) | Books From California », sur www.iberlibro.com (consulté le )
- http://www.losandes.com.pe/oweb/Cultural/20110213/46332.html#:~:text=Los%20Caporales%20es%20una%20expresi%C3%B3n,colonial%2C%20inclusive%20al%20per%C3%ADodo%20prehisp%C3%A1nico.
- (es) « Ritmo del Quirqui milenario, entre la Saya y el Tundique », sur PerĂș Caporal, (consultĂ© le ).
- (es) « Historia de la danza de los caporales », sur PerĂș Caporal, (consultĂ© le ).
- Javier Salas Ăvila « SAYAS, TUNDIQUES, TUNTUNAS Y CAPORALES (Parte 1) » (lire en ligne)
- « Cholita Bonita » (consulté le )
- « La fiesta de San Benito (Saya) - Los Caballeros del folklore » (consulté le )