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Trou d'harmonie

Un trou d'harmonie (aussi appelĂ© trou de tonalitĂ©, trou de rĂ©sonance ou simplement trou latĂ©ral) est une ouverture latĂ©rale dans le corps d'un instrument Ă  vent qui, lorsqu'il est alternativement fermĂ© et ouvert, change la hauteur du son produit. Les trous d'harmonie peuvent servir Ă  des fins spĂ©cifiques, comme un trou de trille (qui offre un doigtĂ© alternatif adaptĂ© Ă  cette ornementation aux dĂ©pens d'une justesse ou d'une stabilitĂ© de la note jouĂ©e) ou un trou de registre (qui est utilisĂ© pour atteindre un registre supĂ©rieur, en crĂ©ant un ventre de vitesse). Un trou d'harmonie est, « dans les instruments Ă  vent[,] un trou qui peut ĂȘtre bouchĂ© par le doigt, ou une clĂ©, pour changer la hauteur du son produit[1]. »

Une sélection de flûtes du monde entier avec diverses dispositions de trous latéraux.

Histoire

Flûte aurignacienne en os de vautour à cinq trous latéraux de Hohle Fels.

Les plus vieux instruments de musique connus, sont des flĂ»tes Ă  encoche de type quena Ă  5 trous latĂ©raux datant d'au moins 35 000 ans. Elles ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es dans des grottes du Jura Souabe, rĂ©gion situĂ©e au sud-ouest de l'Allemagne[2].

L’évolution de la facture instrumentale a accompagnĂ© l'Ă©volution des diffĂ©rents genres musicaux selon les continents (cycle des quintes dans les pays d'ExtrĂȘme-Orient, Ă©chelle « Ă©quiheptatonique » thai-khmer, Ă©chelle pentatonique pelog en IndonĂ©sie, gammes et tempĂ©raments dans la musique occidentale...), des goĂ»ts musicaux et du rĂ©pertoire au cours de l'histoire : le jeu chromatique s'est dĂ©ployĂ© dans le rĂ©pertoire de la fin du 19Ăšme siĂšcle et du 20Ăšme siĂšcle avec l'apparition de la gamme tempĂ©rĂ©e (gĂ©nĂ©ralisation de l'accompagnement au piano)[3] et a gĂ©nĂ©ralisĂ© l'emploi d'instruments chromatiques plus complexes nĂ©cessitant un nombre accru de trous latĂ©raux, de clefs et d'anneaux en musique occidentale.

Disposition des trous sur la perce

Les frĂ©quences de rĂ©sonance de la colonne d'air dans un tuyau sont inversement proportionnelles Ă  la longueur effective du tuyau. En d'autres termes, un tuyau plus court produit des notes plus aiguĂ«s. Pour un tuyau sans trou mais ouvert aux deux extrĂ©mitĂ©s, la longueur effective est la longueur physique du tuyau, augmentĂ©e des deux petits volumes d'air juste au-delĂ  des extrĂ©mitĂ©s du tuyau qui sont Ă©galement impliquĂ©s dans la rĂ©sonance. Un trou ouvert n'importe oĂč entre les deux extrĂ©mitĂ©s du tuyau raccourcit la longueur effective du tuyau et augmente donc la hauteur des notes qu'il produit. Plus un trou ouvert est proche de l'extrĂ©mitĂ© d'excitation, plus la longueur effective restante est courte et plus la hauteur des notes est Ă©levĂ©e.

À partir du trou utile Ă  la note la plus grave, les trous sont percĂ©s sur le tube avec un espacement dĂ©pendant de la gamme choisie[4]. Pour une gamme tempĂ©rĂ©e, l'espacement entre les trous de demi-tons rĂ©pond Ă  la formule : , soit 6%[5].

En premiĂšre approche, on considĂšre qu'un trou du diamĂštre de la perce est Ă©quivalent Ă  couper le tube Ă  cet endroit[6].

La dimension d'un trou dans une position donnĂ©e modifie la longueur effective[6], il doit donc ĂȘtre remontĂ© par rapport Ă  la position attendue avec un tuyau coupĂ©; plus le trou est petit, moins il rĂ©duit la longueur effective lorsqu'il est ouvert. Fermer le trou augmente la longueur effective et abaisse Ă  nouveau la hauteur du son.

Trous fermés

Cependant, un tuyau avec un trou fermé n'est pas acoustiquement identique à un tuyau sans trou ; la forme du bout du doigt (doigt fin ou épais), du tampon, l'éventuel résonateur, la forme du trou (cylindrique, conique...) et l'épaisseur de la paroi qui ferme le trou définissent un volume variable qui modifie le volume interne du tuyau et sa longueur effective. Ces trous fermés abaissent les notes produites par rapport à un tube sans trou fermé.

Les différents volumes enfermés par les trous fermés piÚgent et affectent les harmoniques des composantes du spectre du son projeté, donc le timbre et l'homogénéité de l'instrument dans les différents registres[7].

« Les anciens disaient : les trous fermés « mangent le son ». »

— Ernest Ferron[7]

Trous ouverts

Le son s'échappe et se projette par les trous ouverts de l'instrument ; ils permettent aux composantes spectrales élevées du son de se diffuser. Ces derniÚres sortent également par l'extrémité ouverte ou le pavillon[8].

La portion de perce située entre deux trous ouverts est appelée « bout mort »[8] et peut entrer en résonance si sa longueur est un multiple d'harmonique du son joué et contribue à sa stabilité, à jouer les notes suraigues et les sons multiples.

L'emploi du barillet pour accorder un instrument impacte le rÎle stabilisateur des « bouts morts »[8].

Lorsqu'il existent plusieurs trous ouverts, le premier trou ouvert (le plus proche de l'extrĂ©mitĂ© d'excitation) possĂšde la plus grande influence sur la longueur effective du tuyau. Cependant, le fait de fermer les trous situĂ©s en dessous du premier trou ouvert sans fermer le premier trou peut Ă©galement abaisser la hauteur du son de maniĂšre significative ; de tels « doigtĂ©s particuliers » peuvent souvent ĂȘtre utiles pour corriger la justesse d'une note ou exciter des sons polyphoniques. En gĂ©nĂ©ral, la hauteur et le timbre des notes produites dĂ©pendent de la position, de la taille, de la hauteur et de la forme de tous les trous, qu'ils soient ouverts ou fermĂ©s. Des modĂšles thĂ©oriques permettent de calculer ces effets avec une certaine prĂ©cision, mais la conception des trous d'harmonie et de la perce reste dans une certaine mesure une question d'essais et d'erreurs.

Le facteur d'instrument dispose d'une palette de technique pour fabriquer et corriger un trou latéral: perce cylindrique, perce conique convergente ou divergente, chambrage d'un trou pour augmenter la diffusion du son, décolletage intérieur...

Un trou fraisé par l'intérieur est similaire à un trou cylindrique de diamÚtre plus large[9].

On peut également trouver des trous latéraux inclinés fréquemment employés sur les bassons et les flûtes à bec pour des raisons d'ergonomie de la position des doigts sans impacter la justesse des notes.

DĂ©tail d'un corps de clarinette :
1= trou cylindrique simple
2= trou avec cheminée (anneau démontée)
3= trou avec biseau (clé avec tampon démontée)
4= trou avec cheminée et anneau relevé

Les trous latéraux surélevés d'une cheminée permettent de résoudre un problÚme d'ergonomie en présence d'anneaux mobiles et servent également à stabiliser et ajuster les notes entre le registre inférieur et le registre supérieur.

Problématique de la levée des clés à plateau

Trou latéral ouvert avec plateau (effet de la levée sur la diffusion du son et la hauteur de la note).

Pour les trous dotĂ©s d'un plateau, celui-ci doit ĂȘtre suffisamment relevĂ© lorsque le trou est ouvert au moyen du rĂ©glage de la butĂ©e pour ne pas « voiler » le son projetĂ©, voire fausser la hauteur de la note jouĂ©e; l'opĂ©ration associĂ©e s'appelle le « rĂ©glage de la levĂ©e des clĂ©s ». Il appartient au luthier de maĂźtriser cet aspect du rĂ©glage lors de l'entretien d'un instrument sous peine de fausser l'instrument lors du changement des tampons au cours d'une rĂ©vision gĂ©nĂ©rale.

Chemisage et insert

Afin de protéger les trous latéraux et le corps de l'instrument de l'humidité stagnante favorisant la création de fentes et fissures dans le bois, notamment sur le basson, il est possible de chemiser le trou avec un tube métallique (maillechort)[10] ou un insert en matériau composite (carbone, Delrin, Green Line...).

Application aux instruments Ă  vent

La plupart des instruments à vent de la famille des bois utilisent des trous d'harmonie pour produire différentes hauteurs de son. Deux exceptions sont la flûte à coulisse et la flûte harmonique.

La plupart des cuivres utilisent des pistons, des valves, ou une coulisse à la place des trous d'harmonie, à l'exception des trompettes baroques à trous ou à clés (clarino...), du serpent et de l'ophicléide.

« Parmi les instruments modernes, le piccolo a conservĂ© une gĂ©omĂ©trie proche de celle de la flĂ»te baroque (corps conique convergent et embouchure cylindrique) mĂȘme s’il est devenu chromatique et possĂšde un clĂ©tage de type Boehm. Cela correspond en fait Ă  la premiĂšre Ă©tape de transformation de la facture effectuĂ©e par Boehm, le corps cylindrique n’étant venu que par la suite. Notons de plus que dans le cas des flĂ»tes, le fonctionnement acoustique est plutĂŽt celui d’un cylindre corrigĂ© que d’un vĂ©ritable cĂŽne tant la conicitĂ© (du corps de la flĂ»te baroque ou de l’embouchure de la flĂ»te Boehm) est lĂ©gĂšre. Le hautbois ou le saxophone prĂ©sentent, eux, une conicitĂ© beaucoup plus forte. Enfin, le saxophone et la clarinette sont percĂ©s de trous “larges” et ont donc une perce trĂšs rĂ©guliĂšre alors que le hautbois et le basson se rapprochent plus de la description que nous avons faite de la flĂ»te baroque avec des « petits » trous latĂ©raux et une perce nettement moins rĂ©guliĂšre. »

— B. Fabre[11]

Cas des clarinettes

Détails du corps inférieur d'une clarinette en la systÚme Oehler: cheminées de trous d'harmonie avec anneaux mobiles relevés.

Pour les clarinettes systĂšme Boehm, les trous ont tendance Ă  ĂȘtre plus petits lorsque la longueur effective de la colonne d'air est courte et plus grands lorsque celle-ci est plus longue, c'est-Ă -dire que le rapport entre le volume des trous et le volume de la colonne d'air est Ă  peu prĂšs constant. Il en rĂ©sulte un haut degrĂ© d'homogĂ©nĂ©itĂ© du son des diffĂ©rents registres. Dans le cas de la clarinette allemande systĂšme Oehler, ce rapport varie d'un registre Ă  l'autre en raison d'une diffĂ©rence moindre entre les diamĂštres des trous, ce qui conduit Ă  des caractĂ©ristiques propres dans le son des diffĂ©rentes positions et donc Ă  une plus grande diversitĂ© de couleurs et Ă  des diffĂ©rences sonores notables entre les diffĂ©rents modĂšles de clarinettes.

« Souvent les clarinettes ne sont pas trÚs homogÚnes parce que le fraisage (ou le non-fraisage) des trous n'assurent pas une bonne continuité dans la répartition du volume des trous en fonction du rapport diamÚtre / longueur de la perce.
En d'autres termes, le volume du trou doit ĂȘtre proportionnel au volume de la portion de perce qui lui est consacrĂ©e Ă  partir du bec. Les trous sont donc logiquement plus grands en s'Ă©loignant du bec et en suivant l'Ă©vasement de la perce. (...)
Les clarinettes allemandes de systĂšme Oehler n'ont pas le mĂȘme nombre, ni les mĂȘmes dimensions de trous que les clarinettes Boehm et ils ne sont pas placĂ©s aux mĂȘmes endroits. Pour cette raison, mĂȘme avec une perce identique, les deux instruments restent fondamentalement diffĂ©rents, surtout que le bec et l'anche diffĂšrent Ă©galement.» »

— Ernest Ferron[12]

Cas des flûtes traversiÚres en métal

Trous avec cheminée d'une flûte traversiÚre en métal

Les flûtes traversiÚres en métal disposent de trous latéraux avec une « cheminée » sur laquelle les clés de la flûte se ferment. Il existent deux techniques de fabrication : cheminée étirée et cheminée soudée.

Pour fabriquer une cheminée étirée, les orifices sont étirés à partir du matériau du tube, puis enroulés au sommet. Il s'agit d'une technique de fabrication rapide et moins coûteuse que le soudage et la plupart des flûtes, pour débutants à niveau intermédiaire, ont des trous latéraux à cheminée étirée. Un trou à cheminée étirée a des parois plus fines qu'un trou à cheminée soudée, simplement parce que le tube de la flûte a été percé et que le métal a été étiré pour former la cheminée. La difficulté reste d'obtenir une surface de cheminée plane pour contact avec le tampon.

Contrairement à la cheminée soudée des instruments professionnels, il n'est pas possible de rectifier la planéité de la partie supérieure.

Cas des saxophones

Cheminées soudées d'un saxophone.

Comme pour les flûtes en métal, on retrouve les saxophones haut de gamme avec des cheminées soudées et les modÚles d'entrée de gamme avec des cheminées étirées et roulées.

Détails de cheminées roulées sur un pavillon de saxophone alto.

Cas des hautbois

Le hautbois moderne dispose d'une perce conique et possÚde la caractéristique d'avoir des trous latéraux de nombreuses formes, mais de petit diamÚtre. Le plus petit trou possÚde un diamÚtre de l'ordre de 2 mm généralement.

Comme ces trous sont petits, la longueur effective des ondes sonores s'étend dans la perce jusqu'à l'extrémité de l'instrument au lieu de se diffuser majoritairement par les premiers trous ouverts s'ils étaient plus larges comme sur la flûte Boehm. Cet aspect quelque peu irrégulier du hautbois lui confÚre sa sonorité unique.

L'extrémité des trous latéraux du hautbois est chambrée car le corps du hautbois est épais; le chambrage rend le trou progressivement plus large pour permettre au son de rayonner, autrement les notes seraient étouffées. Le facteur effectue également une opération de décolletage à la base du trou pour rendre le son plus aigu et brillant[13].

Cas des instruments traditionnels

Les techniques de distribution des trous latéraux pour les instruments traditionnels dépendent souvent de techniques transmises par tradition orale (emploi de dimension corporelle, prise de diamÚtre d'un bambou et report de proportion pour la lumiÚre du biseau, de la position du premier trou latéral, de l'écart entre trous...) ou par la copie d'un instrument de référence[14].

Le trou peut ĂȘtre percĂ© entre autres par brĂ»lage pour des trous ronds, par un objet coupant pour des trous carrĂ©s[15]...

Bibliographie

Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.

  • Ernest Ferron, Clarinette, mon amie, International Musique Diffusion, , 112 p. (OCLC 464203681), p. 29-35. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • BenoĂźt Fabre, « Les bois : rĂ©sonateurs », JournĂ©es PĂ©dagogiques en Physique des Instruments de Musique (JPPIM), gsam.sfa.asso.fr,‎ (lire en ligne [PDF])
  • « 7 Instruments Ă  vent : section variable et trous latĂ©raux », dans Antoine Chaigne et Jean Kergomard, Acoustique des instruments de musique, Belin, , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 2008) (ISBN 978-2-7011-8280-3).
  • (en) Arthur H. Benade, « Writings of Arthur H. Benade », sur ccrma.stanford.edu, 1958 Ă  1969 (consultĂ© le ).

Notes et références

  1. (en) William Lines Hubbard, ed. (1908). The American history and encyclopedia of music, Volume 10, p.532. Squire.
  2. « Des flĂ»tes vieilles de 35 000 ans », DNA,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  3. Fabre 2000, p. 15.
  4. (en) Peter Hoekje, « Peter Hoekje's Musical Acoustics Page », sur homepages.bw.edu/~phoekje, (consulté le ).
  5. Ferron 1994, p. 29.
  6. Victor-Charles Mahillon, Les ÉlĂ©ments d'acoustique musicale et instrumentale: comprenant l'examen de la construction thĂ©orique de tous les instruments de musique en usage dans l'orchestration moderne, Bruxelles, C. Mahillon, , 270 p. (lire en ligne).
  7. Ferron 1994, p. 30.
  8. Ferron 1994, p. 31.
  9. Ferron 1994, p. 35.
  10. (en) Oliver Ludlow, « Finger-hole liners: does my bassoon need them? », doublereed.co.uk,
  11. Fabre 2000, p. 16.
  12. Ferron 1994, p. 30-31.
  13. (en) « How the Oboe is Made - The sound is adjusted based on the shape of the tone hole? », sur yamaha.com (consulté le ).
  14. « Hautbois - pei ar ប៉ើឱ », sur soundsofangkor.org,‎ (consultĂ© le ).
  15. « Flûte », sur soundsofangkor.org, (consulté le ).

Articles connexes

Liens externes

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