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Système Boehm

Le système Boehm est un système de clefs pour les flûtes, créé par le flûtiste et inventeur bavarois Theobald Boehm entre 1831 et 1847[1]. Il facilite les doigtés grâce à un système d'anneaux mobiles.

Détail de clefs de flûte en système Boehm.

Système Boehm pour les flûtes

Système Boehm sur une flûte - Encyclopædia Britannica, 1911

Avant l'apparition du système Boehm, les flûtes étaient la plupart du temps en bois, avec une perce inversement conique, huit clefs, et des trous de petite taille facilement couverts par le bout des doigts. Boehm fut inspiré dans son travail par un concert donné à Londres en 1831 par Charles Nicholson (en), qui avait introduit dans les années 1820 une flûte avec des trous plus larges que ceux des modèles précédents. Cet instrument produisait des sons plus forts que les autres flûtes, et Boehm décida de créer son propre modèle d'instrument à trous larges.

En plus des trous larges, Boehm dota sa flûte d'une « aération complète », c'est-à-dire que toutes les clefs étaient normalement ouvertes (auparavant certaines clefs étaient fermées et s'ouvraient lorsqu'elles étaient actionnées par le flûtiste). Boehm voulait également localiser les trous de tonalité à des endroits acoustiquement optimaux sur le corps de l'instrument, plutôt qu'à des endroits facilement couverts par les doigts du musicien. Pour cela, Boehm adapta un système de clefs montées sur essieu avec une série d'« anneaux ouverts » (appelés « brille», « lunettes » en allemand, car ils ressemblaient au type de montures de lunettes courant au XIXe siècle) qui étaient montés autour d'autres trous de tonalité, de sorte que la fermeture d'un trou par un doigt pouvait également fermer une clef placée sur un deuxième trou.

Flute traversière Djalma Julliot

En 1832, Boehm introduisit un nouveau modèle de flûte à perce conique qui rencontra un certain succès. Il continua cependant à travailler pour améliorer l'instrument. Constatant qu'un volume d'air accru produisait un son plus fort et plus clair, il remplaça la perce conique par une perce cylindrique, remarquant qu'une contraction parabolique de la perce près de l'embouchure améliorait le registre grave de l'instrument. Il constata également que la sonorité était optimale lorsque les trous de tonalité étaient trop grands pour être recouverts du bout des doigts, il mit donc au point un système de plateaux pour couvrir les trous. Ces nouvelles flûtes étaient d'abord en argent, mais Boehm produisit plus tard des versions en bois.

La flûte cylindrique de Boehm fut introduite en 1847, et l'instrument fut progressivement adopté presque universellement par les musiciens professionnels et amateurs en Europe et dans le monde entier pendant la seconde moitié du XIXe siècle. L'instrument fut adopté pour l'interprétation de musique orchestrale et de musique de chambre, d'opéra et de théâtre, d'ensembles à vent (orchestres militaires et civils) et de la plupart des autres musiques que l'on pourrait décrire de façon générale comme se rapportant à la « musique classique occidentale » (y compris, par exemple, le jazz). Les concepts du système Boehm ont été appliqués à toute la gamme des flûtes disponibles, y compris les piccolos, les flûtes alto, les flûtes basses, les flûtes piccolos, etc. ainsi que d'autres instruments à vent. Le matériau de l'instrument peut varier (beaucoup de piccolos sont en bois, certaines très grandes flûtes sont en bois ou même en PVC).

Système Boehm pour la clarinette

1. Clarinette système Boehm avec 17 clés et 6 anneaux
2. Clarinette système Full-Boehm au Mib, avec 20 clés, 7 anneaux et levier de Mib

Le système Boehm a été adapté à la clarinette sous le nom de « clarinette à anneaux mobiles », sans l'intervention de Theobald Boehm, entre 1839 et 1843, par Hyacinthe Klosé et Louis Auguste Buffet[2] - [3] - [4]. Dans les années 1860, le nom de clarinettes « système Boehm » est définitivement utilisé[5]. Il permet de jouer avec facilité et élégance les passages chromatiques grâce aux différents doigtés disponibles.

Depuis les années 1930-1940, et surtout la fin de la seconde guerre mondiale[6], le système Boehm est universellement appliqué pour la clarinette dans le monde, excepté en Allemagne et en Autriche.

Le système Albert, ou système simple en Angleterre, du facteur belge Eugène Albert est un autre système de clefs pour la clarinette, créé dans la deuxième moitié du XIXe siècle pour améliorer la clarinette à 13 clés d'Iwan Müller, base du système allemand (Baermann, Oehler... ). Ce système a été très diffusé aux États-Unis au début du XXe siècle par la majorité des facteurs d'instruments en dépit de ses limites face au système Boehm et reste pratiqué de nos jours dans certaines musiques traditionnelles.

Caractéristiques principales

Le système Boehm à anneaux mobiles se caractérise à la clarinette par trois caractéristiques principales:

  • le trou du pouce gauche fermĂ© donne la note fa du registre chalumeau (fa# en système Albert ou allemand de type Baermann) ;
  • les doigts de la main gauche plus l'index droit fermĂ©s donnent la note sibĂ©mol dans le grave du chalumeau (fa dans le registre clairon) au lieu d'un si naturel (fa# dans le clairon) pour les systèmes Albert ou Baermann) ;
  • les clĂ©s des notes graves sont doublĂ©es pour les petits doigts (rouleaux ou bien doigts glissĂ©s pour les systèmes Albert ou Baermann).

La clarinette système Boehm ordinaire dispose de 17 clés et 6 anneaux.

Évolutions du système Boehm pour clarinette

Ce système a été régulièrement amélioré mais aucune proposition n'a réellement rencontré l'adhésion des clarinettistes, notamment à cause de l'ajout de clés supplémentaires augmentant le poids et le coût de l'instrument mais également à cause de l'impact sur sa fiabilité (difficulté de réglage, fente sur le corps de la clarinette...). On notera néanmoins:

  • le système dit « Full-Boehm »[7], crĂ©Ă© par Buffet-Crampon dans les annĂ©es 1870, descendant au mi bĂ©mol grave (cela permet de transposer toutes les notes d'une clarinette en la avec une clarinette en sibĂ©mol) et ajoutant des doigtĂ©s simplificateurs. Ce système est le plus ancien et le plus accessible des systèmes Boehm amĂ©liorĂ©s;
    • ajout d'une clĂ© de do# (chalumeau) / sol# (clairon) articulĂ©e avec clĂ© de trille fa#-sol# (clairon).
    • nouveau doigtĂ© pour obtenir les notes mib (chalumeau) / sib (clairon) avec un doigtĂ© en fourche index et annulaire gauche.
    • Certaines possèdent une clĂ© de renvoi du sol# (chalumeau) / rĂ©# (clairon) Ă  l'auriculaire gauche.
    • Tous les doigtĂ©s classiques d'une clarinette système Boehm normale se retrouvent en système Full-Boehm.
    • Certains doigtĂ©s de suraigu peuvent nĂ©anmoins ĂŞtre rendu impossible par le do# articulĂ© (comme le fa aigu bouchĂ©). De mĂŞme, les doigtĂ©s des multiphoniques sont Ă©galement impactĂ©s par une distribution diffĂ©rente des trous sur le corps de la clarinette.
    • Pour obtenir le do# articulĂ©, la clĂ© est placĂ©e sur le corps du bas au lieu de celui du haut comme sur une clarinette normale ce qui fait que le tenon comporte un trou correspondant au trou prĂ©sent sur le corps du haut, les clarinettes Full-Boehm possèdent gĂ©nĂ©ralement un repère d'alignement des deux corps ou une butĂ©e.
    • Des clarinettes en mĂ©tal existent Ă©galement en système Full-Boehm.
  • le « système Gomez-Boehm »[8], proche du système Full-Boehm; il est mis au point par la clarinettiste virtuose espagnol Manuel GĂłmez qui gĂ©nĂ©ralisera le système Boehm au Royaume-Uni.
  • le système « demi-Boehm », proche des doigtĂ©s des saxophonistes ; Ce système est reconnaissable car seule une partie des six trous d'harmonie principaux de la face supĂ©rieure sont munis d'anneaux (deux[9] ou quatre) et 17 clĂ©s. Il dispose des clĂ©s doublĂ©es pour les auriculaires;
  • le système « double Boehm »[10] - [11] brevetĂ© en 1948 par l'acousticien Charles Houvenaghel, travaillant principalement pour la maison Leblanc ;
  • vers 1950, le système Mazzeo (en), essentiellement utilisĂ© pendant quelques annĂ©es en Italie ;
  • vers 1960, le système Marchi[10] - [12] du clarinettiste Joseph Marchi facilitant l'usage du registre aigu et sur-aigu en ajoutant des clĂ©s supplĂ©mentaires, dont une clĂ© d’harmonique (de 17e degrĂ©) sur le barillet favorisant les harmoniques de rang 5. Ce système est basĂ© sur une clarinette Full-Boehm ;
  • le système Boehm rĂ©formĂ©, tentative des fabricants allemands pour rĂ©sister Ă  la suprĂ©matie du système Boehm en y combinant des spĂ©cificitĂ©s de clĂ©tage du système Oehler (rouleaux sur les clĂ©s de l'auriculaire droit...) ainsi qu'une perce Ă©troite et un bec Ă  l'allemande augmentant la sensation de rĂ©sistance Ă  la projection du son.

Citation

« La clarinette est sans contredit le plus beau et le plus complet des instruments à souffle humain. Sa grande étendue et les ressources de son mécanisme lui permettent de rivaliser avec les instruments à archet. Depuis l’application des anneaux mobiles d’après le système Boehm et l’addition de clés de correspondance par Buffet et Klosé surtout, la virtuosité est devenue moins rare, presque commune : l’avantage est tellement marqué, que parmi les artistes l’ayant adoptée après avoir commencé leurs études sur l’ancienne clarinette à treize clés, pas un n’a été tenté d’y revenir. Il nous a été donné d’en consulter un certain nombre, les témoignages ont été unanimes. Avec elle, la facilité d’exécution, exceptionnelle autrefois, est devenue générale ; »

— Constant Pierre, La facture instrumentale à l’Exposition de 1889 - Notes d’un musicien sur les instruments à souffle humain nouveaux et perfectionnés (1890)

Système Boehm pour les autres bois

Le système Boehm a également été adapté pour un petit nombre de flageolets. Boehm a travaillé sur un système pour basson, et des hautbois d'inspiration Boehm ont été fabriqués, mais les systèmes non-Boehm restent prédominants pour ces instruments.

L'adaptation du système Boehm au hautbois a permis de faire progresser son clétage et sa perce du milieu du XIXe siècle au début du XXe siècle[13] en dépit d'un impact sur le timbre de l'instrument ; cette version a été très jouée par les musiciens d'orchestre symphonique et de musique militaire avant d'être supplantée presque universellement par le Système 6bis (ou système Conservatoire à plateaux) de la maison F. Lorée.

Dans les années 1920-1930, le baron Kishichiro Okura a fait adapter un clétage de flûte moderne en système Boehm sur un instrument japonais traditionnel pentatonique avec un corps en métal au lieu du bambou, le shakuhachi, dans le but de le rendre chromatique; le nom de l'invention de ce nouvel instrument de musique est appelé okraulo[14]

Bibliographie

  • Michèle Castellengo et Luc Forest, « MĂ©tamorphoses de la flĂ»te traversière au 19ème siècle. EsthĂ©tique musicale, acoustique et facture. », Actes du colloque Acoustique et instruments anciens, Paris,‎ , p. 85-100 (lire en ligne, consultĂ© le ).

Notes et références

  1. (en) « Boehm-system flutes », sur flutehistory.com, (consulté le ).
  2. Louis-Auguste Buffet jeune, Application des anneaux mobiles aux clarinettes et aux hautbois, nouveau système (Brevet d'invention et de perfectionnement de 5 ans), Paris, (lire en ligne); Adresse du déposant : 4, rue de Rivoli, Paris (Seine) ; Profession du déposant : facteur d'instruments; Numéro de dépôt : Pas de numéro de dépôt entre 1791 et 1844 ; Date de dépôt : 15/12/1843 ; Date de délivrance : 19/02/1844.
  3. (en) « Système Boehm », Encyclopædia Britannica,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) E. A. K. Ridley, « Birth of the 'Boehm' Clarinet », The Galpin Society Journal, vol. 39,‎ , p. 68-76 (lire en ligne).
  5. (en) Pamela Weston, The New Grove Dictionary of Music and Musicians (édité par Stanley Sadie) : Klosé, Hyacinthe Eléonore, Londres, Macmillan, seconde édition, 29 vols. 2001, 25000 p. (ISBN 978-0-19-517067-2, DOI https://doi.org/10.1093/gmo/9781561592630.article.15164, lire en ligne)
  6. « La grande histoire de la clarinette », sur selmer.fr, (consulté le ).
  7. (en) « Terry Talks about the “full Boehm” Clarinet », sur biskey7.wordpress.com, (consulté le ).
  8. (en) Pedro Rubio, « Manuel Gómez and the Gomez-Boehm Clarinet: The Legacy of a Legendary Clarinetist », sur clarinet.org, ICA, (consulté le ).
  9. « Clarinette en sib - Chapelain Fernand et Cie (1890-1900) au Musée des Instruments à vent (La Couture-Boussey) », sur basenationale.philharmoniedeparis.fr, (consulté le ).
  10. Instrumentalis, « La Clarinette > Histoire 7. Le XXe siècle », sur instruments.free.fr (consulté le ).
  11. « Clarinettes Système Double Boehm D-B », sur clariboles-et-cie.blogspot.com/, (consulté le ).
  12. Joseph Marchi et Emile Leipp, « La clarinette système Marchi », bulletin du GAM, laboratoire de mécanique physique de l'université Paris VI, no 26,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. (en + fr) Robert Howe, « The Boehm System Oboe and its Role in the Development of the Modern Oboe », The Galpin Society Journal, vol. 56,‎ , p. 27-60 (lire en ligne [PDF]).
  14. (en) « Okura museum of art - Okraulo », sur website of Okura museum of art, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Pour les clarinettes, il existe d'autres systèmes de clétage moins répandus:

Liens externes

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