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Treillis de Young

En mathématiques, et notamment en combinatoire, le treillis de Young est l'ensemble partiellement ordonné composé de toutes les partitions d'entiers. Cet ensemble est un treillis. Il est nommé ainsi d'aprÚs Alfred Young qui, dans une série d'articles intitulés On quantitative substitutional analysis a développé la théorie des représentations du groupe symétrique. Dans la théorie de Young, les objets appelés maintenant diagrammes de Young ou diagrammes de Ferrers et l'ordre partiels définis sur eux jouent un rÎle central. Le treillis de Young occupe une place éminente en combinatoire algébrique, et est l'exemple le plus simple d'ensemble ordonné différentiel (en) au sens de Stanley 1988. Il est aussi étroitement lié à la base canonique[1] des algÚbres de Lie affines.

Le diagramme de Hasse du treillis de Young.

DĂ©finition

Le treillis de Young est l'ensemble partiellement ordonné formé de toutes les partitions d'entiers, ordonnées par l'inclusion de leur diagramme de Young (ou diagramme de Ferrers).

Signification

L'application traditionnelle du treillis de Young est la description des reprĂ©sentations irrĂ©ductibles du groupe symĂ©trique pour tout et de leurs propriĂ©tĂ©s de branchement en caractĂ©ristique zĂ©ro. Les classes d'Ă©quivalences de reprĂ©sentations irrĂ©ductibles peuvent ĂȘtre paramĂ©trĂ©es par des partitions ou diagrammes de Young. La restriction de Ă  est sans multiplicitĂ©, et la reprĂ©sentation de avec partition est contenue dans la reprĂ©sentation de avec partition si et seulement si couvre dans le treillis de Young. En itĂ©rant cette procĂ©dure, on arrive Ă  la base semi-canonique de Young dans la reprĂ©sentation de avec partition qui est indexĂ©e par les tableaux de Young standard de forme .

Propriétés

Soit l'ensemble ordonné de toutes les partitions.

  • L'ensemble ordonnĂ© est un ensemble graduĂ© : le plus petit Ă©lĂ©ment est l'ensemble vide qui est l'unique partition du nombre zĂ©ro. Chaque partition a un rang. Les partitions de l'entier ont toutes rang . Ceci signifie que les rangs de deux partitions comparables sont ordonnĂ©s comme les partitions, et il existe au moins une partition intermĂ©diaire pour tout rang intermĂ©diaire.
  • L'ensemble ordonnĂ© est un treillis. Les bornes infĂ©rieure et supĂ©rieure sont donnĂ©es par l’intersection et la rĂ©union de leurs diagrammes de Young respectifs. Comme l'ensemble est un treillis dans lequel les bornes infĂ©rieures et supĂ©rieures sont reprĂ©sentĂ©es par des intersections et rĂ©unions, le treillis est distributif.
  • Si une partition couvre[2] Ă©lĂ©ments du treillis de Young pour un certain , alors il est lui-mĂȘme couvert par Ă©lĂ©ments. Les partitions couvertes par sont obtenues en supprimant une « coin » du diagramme, c'est-Ă -dire une cellule qui termine une ligne et une colonne. Toutes les partitions qui couvrent sont obtenues en ajoutant une cellule qui est un « coin dual » : c'est une cellule nouvelle qui est la premiĂšre cellule nouvelle dans sa ligne ou et sa colonne. En fait, une telle cellule existe pour la premiĂšre ligne, et pour tout autre coin dual, il existe un coin dans coin dans la ligne prĂ©cĂ©dente, d'oĂč la diffĂ©rence de 1 entre les partitions qui couvrent et les partitions couvertes. Par exemple, la partition (2,1,1) de l'entier 4 possĂšde deux coins, l'un dans la premiĂšre ligne et l'un dans la troisiĂšme, ce qui donne les deux partitions (1,1,1) et (2,1). La partition (2,1,1) elle-mĂȘme possĂšde trois coins duaux, dans la premiĂšre, la deuxiĂšme et la quatriĂšme ligne.
  • Si deux partitions distinctes et couvrent chacune Ă©lĂ©ments de , alors ou , et et sont couvertes par Ă©lĂ©ments. Autrement dit : deux partitions ne peuvent couvrir qu'une seule mĂȘme partition, car leurs diagrammes respectifs contiennent chacun exactement une cellule qui ne figure pas dans l’autre. Dans ce cas, il existe une quatriĂšme partition qui couvre ces deux partitions et qui est la rĂ©union de leur diagrammes.
  • Les chaĂźnes saturĂ©es (c'est-Ă -dire les suites de partitions dont chacune couvre la prĂ©cĂ©dente) entre la partition vide et une partition sont en bijection naturelle avec les tableaux de Young standard de forme : les cellules du diagramme sont numĂ©rotĂ©es dans l'ordre dans lequel elles sont ajoutĂ©es. Plus gĂ©nĂ©ralement, les chaĂźnes saturĂ©es entre et sont en bijection naturelle avec les tableaux de Young gauches de forme .
  • La fonction de Möbius du treillis de Young prend les valeurs 0, +1, ou -1. Elle est donnĂ©e par la formule

Symétrie diédrale

Ce dessin inhabituel d'une partie du treillis de Young montre une symétrie axiale et une symétrie de rotation d'ordre 5, donc une symétrie diédrale.

La reprĂ©sentation picturale usuelle du treillis de Young est un diagramme de Hasse oĂč les Ă©lĂ©ments de mĂȘme rank sont tracĂ©s Ă  la mĂȘme hauteur. Suter, en 2002[3], a montrĂ© qu'un dessin diffĂ©rent pouvait faire apparaĂźtre des symĂ©tries inattendues.

La partition

du e nombre triangulaire a un diagramme de Ferrers en escalier. Les plus grandes partitions contenues dans cette partition et dont le diagramme de Ferrers est un rectangle sont les suivantes :

Par exemple, pour , les éléments rectangulaires maximaux sont :

1 + 1 + 1 + 1
2 + 2 + 2
3 + 3
4

Les partitions rectangulaires ne couvrent qu'un seul élément, puisqu'elles possÚdent un seul coin. Suter montre que l'ensemble des éléments en-dessous de ces partitions a non seulement une symétrie latérale à laquelle on s'attend dans le treillis de Young, mais aussi une symétrie de rotation : le groupe des rotations d'ordre agit sur cet ensemble. Comme il possÚde à la fois une symétrie axiale et une symétrie de rotation, il a une symétrie diédrale : le groupe diédral d'ordre opÚre fidÚlement sur cet ensemble. La taille de cet ensemble est .

Dans le cas représenté dans la figure, c'est le groupe diédral qui opÚre fidÚlement sur ce sous-ensemble du treillis de Young.

Formule de la somme des carrés

La considération du treillis de Young permet une démonstration simple d'une des formules étonnantes concernant les tableaux de Young, appelée parfois la « formule de la somme des carrés » (par exemple sum-of-squares formula chez Bruce Sagan[4]). Pour le diagramme de Ferrers d'une partition de donnée, notons le nombre de tableaux de Young de forme . D'aprÚs les propriétés du treillis de Young énoncées plus haut, est le nombre de chaßnes de longueur de l'ensemble vide à . La formule annoncée est :

Pour établir cette formule[5], on considÚre l'espace vectoriel des combinaisons linéaires formelles d'éléments de , et on définit sur cet espace deux opérateurs et (pour down et up) qui correspondent à la descente et la montée dans le treillis de Young, par :

,

oĂč resp. parcourt l'ensemble des Ă©lĂ©ments couverts par respectivement qui couvrent . Par exemple

et

Nous avons constaté qu'il y a un élément de plus qui couvre un diagramme donné que d'éléments couverts. Il en résulte la formule

oĂč est l'opĂ©rateur identitĂ©. En effet, on a

,

oĂč la somme est sur les Ă©lĂ©ments qui sont couverts par un Ă©lĂ©ment qui couvre aussi , et est le nombre d'Ă©lĂ©ments couvrant . De mĂȘme, , et en prenant la diffĂ©rence, on obtient la formule. Comme consĂ©quence, on obtient pour :

.

C'est la formule précédente pour n=1, et par récurrence on a

.

Le nombre de chaßnes de longueur reliant un élément donné à l'élément vide est . Il s'exprime par la formule

.

Les éléments qu'on peut atteindre par des chaßnes de longueur depuis l'élément vide est

.

Il en résulte que

.

Maintenant, on prouve que par récurrence sur . On a

.

Ceci termine la démonstration.

Voir aussi

Notes et références

Notes

  1. Une base de cristal ou base canonique est une base d'une représentation telle que les générateurs d'un groupe quantique ou d'une algÚbre de Lie semi-simple ont une action particuliÚrement simple sur elle.
  2. Un élément couvre un élément s'il est strictement plus grand que et qu'il n'y a pas d'élément intermédiaire entre eux.
  3. Suter 2002
  4. Sagan 2001, Chapitre 5.
  5. La démonstration suit Sagan 2001, p. 193-194.
(en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Young's lattice » (voir la liste des auteurs).

Références

  • Kailash C. Misra et Tetsuji Miwa, « Crystal base for the basic representation of », Communications in Mathematical Physics, vol. 134, no 1,‎ , p. 79-88 (DOI 10.1007/BF02102090)
  • Bruce Sagan, The Symmetric Group : Representations, Combinatorial Algorithms, and Symmetric Functions, New York/Berlin/Heidelberg etc., Springer, coll. « Graduate Texts in Mathematics » (no 203), , 2e Ă©d., 238 p. (ISBN 0-387-95067-2, lire en ligne), « Section 5.1. Young's Lattice and Differential Posets »
  • Richard P. Stanley, « Differential Posets », Journal of the American Mathematical Society, vol. 1, no 4,‎ , p. 919 (DOI 10.2307/1990995)
  • Ruedi Suter, « Young’s Lattice and Dihedral Symmetries », European Journal of Combinatorics, vol. 23, no 2,‎ , p. 233-238 (DOI 10.1006/eujc.2001.0541)
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