Transformation de Weierstrass
En analyse, la transformĂ©e de Weierstrass[1] d'une fonction f : â â â, du nom de Karl Weierstrass, est une version "lissĂ©e" de f (x) obtenue en moyennant les valeurs de f, pondĂ©rĂ©es avec une courbe gaussienne centrĂ©e en x.
La fonction, notée F, est définie par
la convolution de f avec la fonction gaussienne
Le facteur 1/ â4Ï est choisi pour des raisons de normalisation, la gaussienne Ă©tant ainsi d'intĂ©grale Ă©gale Ă 1 et les fonctions constantes ne sont pas changĂ©es par la transformation de Weierstrass.
On pourra aussi utiliser la notation W[f](x). La transformĂ©e F (x) n'est pas nĂ©cessairement dĂ©finie pour tout x, oĂč l'intĂ©grale ne converge pas.
La transformation de Weierstrass est intimement liée à l'équation de la chaleur (ou, plus généralement, l'équation de diffusion avec coefficient de diffusion constant). Si la fonction f décrit la température initiale en chaque point d'une poutre infiniment longue de conductivité thermique égale à 1, alors la distribution thermique de la poutre au temps t = 1 sera donnée par la fonction F. En faisant varier les valeurs de t, on peut construire une transformée généralisée de Weierstrass de f.
La transformation généralisée de Weierstrass donne un moyen d'approcher une fonction intégrable f donnée arbitrairement avec des fonctions analytiques.
DĂ©signations
Weierstrass a utilisĂ© cette transformation dans sa preuve originale du thĂ©orĂšme d'approximation de Weierstrass. Elle est Ă©galement appelĂ©e transformation de Gauss ou de GaussâWeierstrass du nom de Carl Friedrich Gauss et aussi transformation de Hille d'aprĂšs Einar Carl Hille qui l'a Ă©tudiĂ© en profondeur. La gĂ©nĂ©ralisation Wt mentionnĂ©e supra est connue en traitement du signal comme un filtre de Gauss et en traitement de l'image (quand dĂ©finie sur ) comme un flou gaussien.
Transformées de fonctions particuliÚres
Toute fonction constante est également à sa transformée de Weierstrass.
La transformĂ©e de Weierstrass d'un polynĂŽme est un polynĂŽme de mĂȘme degrĂ©. En effet, si Hn dĂ©signe le polynĂŽme d'Hermite (physique) de degrĂ© n, alors la transformĂ©e de Weierstrass de Hn(x/2) est Ă©gale Ă xn. On peut le voir en utilisant le fait que la fonction gĂ©nĂ©ratrice des polynĂŽmes d'Hermite est proche du noyau gaussien utilisĂ©e dans la dĂ©finition de la transformĂ©e de Weierstrass.
La transformée de Weierstrass de la fonction eax (avec a une constante arbitraire) est ea2 eax. Les fonctions exponentielles de la forme eax sont donc des fonctions propres de la transformation de Weierstrass. (Cette propriété est, en fait, vraie pour toutes les transformations basées sur une convolution.)
En posant a=bi avec i l'unitĂ© imaginaire, et grĂące Ă l'identitĂ© d'Euler, on peut vĂ©rifier que les transformĂ©es de Weierstrass de fonction cos(bx) est eâb2 cos(bx) et celle de sin(bx) vaut eâb2 sin(bx).
La transformée de Weierstrass de la fonction eax2 est
- vraie si a < 1/4 et non définie sinon.
En particulier, en choisissant a négatif, il est évident que la transformée de Weierstrass d'une gaussienne est une autre gaussienne, mais plus large.
Propriétés générales
La transformation de Weierstrass qui associe une fonction f à une fonction F est linéaire et invariante par translation : la transformée de f(x + a) est F(x + a).
Si la transformée F(x) est bien définie pour les réels x = a et x = b, alors il existe pour toutes les valeurs comprises entre elles et y forme une fonction analytique ; plus encore, F(x) existe pour tout complexe x tel que a †Re(x) †b et forme une fonction holomorphe sur cette bande du plan complexe. C'est la traduction précise de la propriété de "lissage" de la transformation.
Si f est intĂ©grable sur toute la droite rĂ©elle (i.e. f â L1(â)), sa transformĂ©e de Weierstrass F l'est Ă©galement, de plus, si f est positive, F aussi et leurs intĂ©grales sur â sont Ă©gales. On retrouve ainsi la propriĂ©tĂ© physique que l'Ă©nergie thermique totale est conservĂ©e par lâĂ©quation de la chaleur, ou que la quantitĂ© totale de matĂ©riau diffusant est conservĂ© par l'Ă©quation de diffusion.
Par la suite, il vient que pour 0 < p †â et f â Lp(â), alors F â Lp(â) et ||F||p †||f||p. La transformĂ©e de Weierstrass permet de dĂ©finir un opĂ©rateur bornĂ© W : Lp(â) â Lp(â).
Si f est assez réguliÚre, alors la transformée de Weierstrass de la dérivée d'ordre k de f est égale à la dérivée d'ordre k de la transformée de Weierstrass de f.
On peut relier la transformation de Weierstrass W et la transformée bilatérale de Laplace L. En notant
alors
Filtre passe-bas
D'aprĂšs les remarques prĂ©cĂ©dentes, on peut dire que du point de vue du traitement du signal, pour un signal f contenant la frĂ©quence b (i.e. contenant une combinaison linĂ©aire de sin(bx) et cos(bx)), sa transformĂ©e de Weierstrass F contiendra la mĂȘme frĂ©quence, mais avec une amplitude multipliĂ©e par un facteur eâb2. Ainsi, les frĂ©quences hautes seront plus rĂ©duites que les frĂ©quences basses, donc la transformation de Weierstrass agit comme un filtre passe-bas, une propriĂ©tĂ© analogue Ă la transformation de Fourier. On sait que la transformation de Fourier analyse un signal Ă travers ses frĂ©quences, transforme les convolutions en produits, et les gaussiennes en gaussiennes. La transformation de Weierstrass est une convolution avec une gaussienne et doit donc ĂȘtre vu comme une multiplication du signal transformĂ© Fourier avec une Gaussienne, qui subit une transformation inverse de Fourier. C'est cette multiplication avec une gaussienne en frĂ©quence qui attĂ©nue les hautes frĂ©quences, et permet de retrouver les propriĂ©tĂ©s rĂ©gularisantes de la transformation de Weierstrass.
Transformée inverse
La formule qui suit, proche de la transformée de Laplace d'une gaussienne, et un analogue réel de la transformation de Hubbard-Stratonovich (en), est assez simple à établir :
En remplaçant u par l'opĂ©rateur formel de dĂ©rivation D=dâdx et en utilisant l'opĂ©rateur de dĂ©calage de Lagrange
- ,
(cette égalité se déduit de la série de Taylor de l'exponentielle), on a
ce qui permet de déduire une expression formelle de la transformation de Weierstrass W,
oĂč l'opĂ©rateur est Ă comprendre comme agissant sur f (x) comme
L'égalité précédente dépend de propriétés de convergence non précisées, et l'égalité W=eD2 n'est donc pas toujours vérifiée ; ainsi, il existe des fonctions f dont la transformée de Weierstrass est bien définie, mais pour lesquelles eD2f(x) n'a aucun sens.
Elle est cependant utile et permet de trouver rapidement les transformées de Weierstrass de fonctions usuelles simples, comme les polynÎmes, les fonctions exponentielles et trigonométriques.
L'opérateur inverse formel de la transformation de Weierstrass est donc donné par
Une fois encore, la formule est vérifiée sous réserve de propriétés de convergence et ne peut que servir de guide. Elle est vraie pour certaines classes de fonctions si l'opérateur donné dans le membre droit est bien défini[2].
On peut, par un autre moyen, essayer d'inverser la transformée de Weierstrass : d'une fonction analytique donnée
on applique Wâ1 pour obtenir
avec les polynĂŽmes d'Hermite (physiques) Hn.
Cette formule de f(x) reste un indicateur formel, vraie si la sĂ©rie Ă droite converge. Mais si, par exemple, f â L2(â), alors il suffit de connaĂźtre les valeurs des dĂ©rivĂ©es de F en x = 0 pour obtenir les coefficients an, et donc reconstruire f comme une sĂ©rie de polynĂŽmes d'Hermite.
Une troisiÚme méthode d'inversion consiste à utiliser l'égalité faisant intervenir la transformation de Laplace donnée supra, dont on connait la formule d'inversion. Le résultat est donné dans la suite pour les distributions.
Généralisations
Le noyau de convolution peut ĂȘtre remplacĂ© par le noyau gaussien (pour t > 0) au lieu de , qui permet de dĂ©finir l'opĂ©rateur Wt de la transformation gĂ©nĂ©ralisĂ©e de Weierstrass.
Pour les petites valeurs de t, Wt[f] est trÚs proche de f, mais réguliÚre. Plus t est grand, plus l'opérateur va moyenner et changer les variations de f. Physiquement, Wt revient à suivre l'évolution de l'équation de la chaleur (ou de diffusion) avec t correspondant au temps, avec une propriété additive,
qui se traduit par « diffuser pendant une durée t, puis pendant une durée s, est équivalent à diffuser pendant une durée s + t ». On peut étendre l'idée en définissant à t = 0 l'opérateur W0 qui est l'opérateur identité (le noyau devenant alors une distribution de Dirac), et construisant ainsi un semi-groupe d'opérateurs.
Le noyau de la transformation gĂ©nĂ©ralisĂ©e de Weierstrass est parfois appelĂ© noyau de GaussâWeierstrass, et est la fonction de Green de l'Ă©quation de diffusion sur â.
Wt peut ĂȘtre Ă©crit Ă partir de W : pour une fonction f(x), on dĂ©finit une nouvelle fonction ft(x) = f(xât), puis on pose Wt[f](x) = W[ft](x/ât), une consĂ©quence de la rĂšgle de substitution.
La transformation de Weierstrass peut Ă©galement ĂȘtre dĂ©finie pour certaines classes de distributions ou "fonctions gĂ©nĂ©ralisĂ©es"[3]. Par exemple, la transformĂ©e de Weierstrass d'une fonction delta de Dirac est la gaussienne .
Dans ce contexte, des formules d'inversion plus rigoureuses peuvent ĂȘtre prouvĂ©es :
oĂč x0 est un rĂ©el donnĂ©e pour lequel F(x0) existe, l'intĂ©grale s'Ă©tend autour de la ligne verticale de plan complexe de partie rĂ©elle x0, et cette limite est Ă voir au sens des distributions.
Partant de lĂ , la transformation de Weierstrass peut ĂȘtre dĂ©finie pour des fonctions Ă valeurs rĂ©elles ou complexes dĂ©finies sur ân. Il suffit de poser la convolution sur ân et de considĂ©rer le terme (x â y)2 comme le carrĂ© de la norme euclidienne du vecteur x â y; le facteur constant devant lâintĂ©grale est Ă©galement Ă ajuster pour retrouver une gaussienne d'intĂ©grale Ă©gale Ă 1.
Plus gĂ©nĂ©ralement, la transformation de Weierstrass peut ĂȘtre dĂ©finie sur une variĂ©tĂ© riemannienne : l'Ă©quation de la chaleur peut y ĂȘtre formulĂ©e (par l'opĂ©rateur de Laplace-Beltrami sur la variĂ©tĂ©), et la transformĂ©e de Weierstrass W[f] est alors donnĂ©e en suivant la solution de l'Ă©quation de la chaleur dans le temps, avec comme solution initiale une "distribution de tempĂ©rature" f.
Liens avec d'autres transformations
En considĂ©rant la convolution avec le noyau 1/(Ï(1 + x2)) au lieu d'une gaussienne, on trouve la transformation de Poisson qui a des propriĂ©tĂ©s de rĂ©gularisation et moyennage similaires.
Voir aussi
- Flou gaussien
- Filtre de Gauss
- Q-représentation Husimi
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Weierstrass transform » (voir la liste des auteurs).
- Ahmed I. Zayed, Handbook of Function and Generalized Function Transformations, Chapter 18. CRC Press, 1996.
- (en) G. G. Bilodeau, « The Weierstrass Transform and Hermite Polynomials », Duke Mathematical Journal, vol. 29,â , p. 293-308 (lire en ligne)
- Yu A. Brychkov, A. P. Prudnikov. Integral Transforms of Generalized Functions, Chapter 5. CRC Press, 1989