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Tonneaux monstres

Les tonneaux monstres sont des tonneaux en bois de grande taille, conçus à partir du XVIe siècle pour stocker le vin perçu par l'impôt. D'une grande valeur, les tonneaux monstres conservés dans d'anciens châteaux sont souvent ornés de sculptures en bas-reliefs. À partir de la seconde moitié du XXe siècle, des tonneaux de plus grande capacité ont été construits en béton armé pour les grandes distilleries et l'industrie vinicole.

Tonneau de Heidelberg au XVIIe siècle

Les premiers tonneaux

Au musée Calvet d’Avignon, se trouve sur un bas-relief, découvert à Cabrières-d’Aigues, la première représentation connue de tonneaux. La scène montre deux esclaves halant une barque dirigée par un nautonier, dans celle-ci deux barriques cerclées en bois[1] et, positionnées au-dessus, quatre amphores à fond plat avec trois autres récipients ressemblant à des bonbonnes.

Il s’agit, très certainement, du reste d’un monument à la gloire d’un négociant spécialisé dans le trafic des vins du pagus aquensi[2] sur la Durance.

Les tonneaux de Heidelberg

La visite du château de Heidelberg, dans le Bade-Wurtemberg, est cĂ©lèbre pour ses caves, accessibles par une vaste cour ayant servi de place d’armes. CreusĂ©es sous un bâtiment qui a depuis disparu, elles abritent deux gigantesques tonneaux : le plus petit contient 3 000 litres, et le plus gros 228 000. Un premier grand tonneau a Ă©tĂ© construit en 1591, avec une capacitĂ© de 127 000 litres, mais il a Ă©tĂ© dĂ©truit par le feu au cours de la guerre de Trente Ans. Un nouveau tonneau a Ă©tĂ© achevĂ© en 1664, avec une capacitĂ© de 195 000 L, et il a Ă©tĂ© dotĂ© d'une piste de danse. Après diverses rĂ©parations et amĂ©nagements en 1702, puis en 1724 et 1728, une reconstruction complète est achevĂ©e en 1751, sous le règne du Grand Électeur Charles ThĂ©odore de Bavière qui aurait payĂ© la somme de 80 000 florins. Ce dernier tonneau n'a Ă©tĂ© rempli que trois fois, et joue un rĂ´le essentiellement touristique. Il Ă©tait ornĂ© de sculptures de bois, aujourd’hui disparues, reprĂ©sentant l’apothĂ©ose de Bacchus. Son sommet reçut, dès le XVIIIe siècle, une plate-forme, oĂą l’on pouvait boire, manger et danser ; elle Ă©tait desservie par deux escaliers.

Chaque année, les châtelains buvaient un centième de leur contenu, que remplaçait une égale quantité de vin apporté par les vignerons du Rhin pour payer l'impôt seigneurial en nature. Pendant les guerres de l’Empire, les soldats de Napoléon auraient bu tout le contenu des tonneaux, et très courroucée, la cité wurtembergeoise réclama une indemnité après la bataille de Waterloo.

En face des tonneaux, contre la muraille, se trouve une statue de bois reprĂ©sentant un petit homme grotesque, le cĂ©lèbre PerkĂ©o, bouffon de la Cour. Une lĂ©gende prĂ©tend qu'il buvait dix-huit litres de vin par jour, ne laissant qu’une consommation journalière de 2,27 litres Ă  ses maĂ®tres. L’horloge, auprès de cette statue, aurait Ă©tĂ© construite par le bouffon lui-mĂŞme. Quand quelqu'un tire l’anneau suspendu au-dessous, le cadran se lève, et une queue de renard caresse le visage du curieux, tandis que retentit la sonnerie.

  • Tonneau de Königstein.
    Tonneau de Königstein.
  • Le premier tonneau de Heidelberg construit en 1591.
    Le premier tonneau de Heidelberg construit en 1591.
  • Un des tonneaux du château de Heidelberg.
    Un des tonneaux du château de Heidelberg.
  • PerkĂ©o en train de boire ses dix-huit litres de vin par jour.
    Perkéo en train de boire ses dix-huit litres de vin par jour.

Le tonneau de Ludwigsbourg

Malgré leur réputation, les tonneaux du château de Heidelberg, ne sont ni les plus grands, ni les plus beaux, ni les plus anciens. La palme revient au gigantesque foudre qui repose dans les caves du vieux château de Ludwigsbourg, sur les bords du Neckar, près de Stuttgart.

D’après les documents, soigneusement conservĂ©s dans la bibliothèque du château, il fut construit, en 1719, sur ordre du duc Eberhard-Louis, par son tonnelier J.W. Aekermann, et le sculpteur Kaspard Selfried fut chargĂ© de l’ornementation. Cette rĂ©alisation exigea l’emploi de trente chĂŞnes, cinq hĂŞtres et un poirier. Mais son coĂ»t de construction n’a pas excĂ©dĂ© 1 108 florins et 43 kreutzers.

D’une capacitĂ© de 5 430 hectolitres, il Ă©tait lui aussi rĂ©servĂ© Ă  la dĂ®me seigneuriale, il fut rempli pour la dernière fois en 1847. Sa moindre renommĂ©e face Ă  son rival wurtembergeois est sans doute dĂ» Ă  son emplacement sous une voĂ»te basse et sombre, qui n’a jamais permis de faire sur son dos les festivitĂ©s bachiques si chères aux visiteurs de Heidelberg.

Le tonneau de Nagykanizsa

Ă€ l’exposition universelle de 1878, la Hongrie envoya, dans trois wagons, un Ă©norme tonneau qui fut l’attraction de son stand. Il Ă©tait l’œuvre de M. Gutmann, tonnelier Ă  Nagykanizsa. Ce « petit Â» chef-d’œuvre d’une longueur de 5,50 m et d’un diamètre Ă©gal (Ă  la bonde), avait nĂ©cessitĂ© des douelles de 20 cm d’épaisseur et pouvait contenir 1 000 hectolitres. Sa façade Ă©tait ornĂ©e d’une scène de vendanges. Son prix de revient fut estimĂ©, Ă  l’époque, aux environs de 10 000 florins. Durant l’exposition, il fut ouvert au public et 160 personnes purent se tenir Ă  l’aise Ă  l’intĂ©rieur.

Le foudre Mercier

En 1871, Eugène Mercier lance la construction d'un foudre de 160 000 litres et pour faire connaĂ®tre son champagne, il va le dĂ©placer jusqu'Ă  Paris pour l'Exposition universelle de 1889 oĂą il arriva le [3].

  • Pavillon des denrĂ©es alimentaires, Exposition Universelle.
    Pavillon des denrées alimentaires, Exposition Universelle.
  • Le foudre sculptĂ© par Gustave Navlet
    Le foudre sculpté par Gustave Navlet
  • ArrivĂ©e Ă  Paris, le 7 mai 1889.
    Arrivée à Paris, le .

Le tonneau de Thuir

Mais ces records des siècles passĂ©s ont largement Ă©tĂ© dĂ©passĂ©s par la technique contemporaine. Aujourd’hui le record de la plus grande cuve du monde appartient Ă  la maison Byrrh, Ă  Thuir, dans les PyrĂ©nĂ©es Orientales, avec une contenance de 10 002 hectolitres – soit plus d’un million de litres – Ce gĂ©ant, construit par la sociĂ©tĂ© française de tonnellerie Marchive-Fruhinsholz[4] - [5] , a une hauteur de 10 m, pour un diamètre de base de 12,46 m, celui du haut atteignant 10,48 m. Ses douelles en chĂŞne ont une Ă©paisseur de 16 cm pour le fond et de 14 cm pour les parois. La cuve pèse Ă  vide 110 tonnes et pleine 1100.

Pour rĂ©sister Ă  la pression, son cerclage a nĂ©cessitĂ© des rondins d’acier de cm d’épaisseur. Pour rendre compte de la complexitĂ© de la tâche, il est Ă  noter que la maison Byrrh passa sa commande en 1935 et rĂ©ceptionna sa cuve en 1950. Cette gigantesque cuve a une « petite sĹ“ur » de 4 205 hectolitres. Sa hauteur est de 7,20 m, avec un diamètre de 9,30 m. Cette dernière cuve pèse 35 tonnes Ă  vide et 455 tonnes quand elle est pleine.

L’astuce argentine

Il faut croire que la cuve catalane marquait une limite pour la tonnellerie. Quand, en 1971, les « Bodegas y Vinedos Penaflor » voulurent faire construire une cuve d’une contenance de 52 520 hectolitres, pour leurs entrepĂ´ts de Coquimbito, dans la province de Mendoza, en Argentine ; ce fut le bĂ©ton armĂ© qui fut choisi.

Ce monument a 6 mètres de haut pour un diamètre intĂ©rieur de 36 mètres avec des parois Ă©paisses de 50 cm. Pour loger cette cuve, il a fallu creuser une excavation de 33 000 m3 ; sa rĂ©alisation a nĂ©cessitĂ© 120 000 kg de fer, 575 000 kg de ciment et 1 146 m3 de sable et de gravier.

Autres boissons

Le tonneau de cachaça Ypióca

En 2002, la distillerie brĂ©silienne YpiĂłca fait fabriquer le plus grand tonneau de cachaça en bois destinĂ© Ă  devenir une attraction majeure au sein de son MusĂ©e de la Cachaça installĂ© dans la maison-mère Ă  Maranguape au Ceará. Son diamètre est de 7,85 m pour une hauteur de 8 m et une capacitĂ© de 374 000 l[6].

Un autre grand tonneau en bois a Ă©tĂ© fait par Fundokin Soy Co. Ltd, en 2002, pour le brassage de la sauce de soja. Son diamètre est de 9 m pour une hauteur de 9 m et une capacitĂ© de 540 000 l. Il se trouve Ă  Usuki, au Japon.

Notes et références

  1. Martine Sciallano, op. cité, signale un autre cas de cerclage en bois : « Une bacholle (tinette) sculptée dans la pierre, conservée au musée d’Arles, présente des ligatures de ces cerclages. Les extrémités amincies se chevauchent et sont maintenues par des brins d’osier. Dans tous les cas les fûts apparaissent entourés de plusieurs cercles de bois (noisetier, châtaignier). »
  2. Cette dénomination latine a été déclinée sous deux formes : le pays d'Aigues, au nord de la Durance ; le pays d'Aix, au sud.
  3. L'épopée du foudre Mercier
  4. « Annexes 3, 7 et 7 bis des caves Byrrh », notice no PA66000059, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  5. 5 choses que vous ne savez peut-ĂŞtre pas sur les caves Byrrh sur entrepriseetdecouverte.fr
  6. Données issues de la plaque informative installée sur le site.

Bibliographie

  • Adolphe Bitard, « La tonnellerie Â», in Les Arts et MĂ©tiers illustrĂ©s, T. II, Éd. Jules Rouff & cie, Paris, s.d. mais après 1883.
  • Martine Sciallano, L’art du tonnelier, Istres, 1993.

Voir aussi

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