Tommie Smith
Tommie Smith (né le à Clarksville au Texas) est un athlète américain. Surnommé « Tommie jet », cet athlète de 1,91 mètre pour 84 kilos fut l'un des meilleurs athlètes de tous les temps sur 200 mètres, mais il est surtout resté célèbre pour avoir protesté après sa victoire, avec son compatriote John Carlos, en levant un poing ganté de noir contre les discriminations dont étaient victimes les Noirs aux États-Unis sur le podium du 200 mètres des Jeux olympiques d'été de 1968 à Mexico. Sur le podium, en signe de soutien, Peter Norman, un athlète blanc, porte un badge de l’Olympic Project for Human Rights (OPHR), dont John Carlos a participé à la fondation. Les trois athlètes sont hués par les spectateurs.
Tommie Smith | |||||||||
Tommie Smith en 1968 | |||||||||
Informations | |||||||||
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Disciplines | 200 m, 400 m | ||||||||
Période d'activité | Années 1960 | ||||||||
Site officiel | www.tommiesmith.com | ||||||||
Nationalité | Américain | ||||||||
Naissance | |||||||||
Lieu de naissance | Clarksville[1], Texas | ||||||||
Taille | 1,91 mètre[2] | ||||||||
Poids | 84 kilos[2] | ||||||||
Surnom | « Tommie jet »[3] | ||||||||
Records | |||||||||
Ancien détenteur des records du monde du 200 et du 400 m | |||||||||
Distinctions | |||||||||
Élu au Temple de la renommée de l'athlétisme des États-Unis en 1978 | |||||||||
Palmarès | |||||||||
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Biographie
Jeunesse
Tommie Smith est né le , jour du débarquement américain en Normandie, à Clarksville au Texas[1]. Il est le septième d'une famille de douze enfants[1]. Il souffre d'une pneumonie peu après sa naissance mais survit[1]. Smith considère ses débuts dans l'athlétisme lorsqu'il est en 4e du primaire (plus ou moins l'équivalent du CM1 en France) et qu'il fait une course contre le meilleur coureur de l'école qui n'est autre que sa sœur[4].
Études
Il étudie la sociologie à l'université d'État de San José où il s'entraîne sous la direction de Lloyd « Bud » Winter[2] en compagnie de Lee Evans et John Carlos. Il survole les disciplines des 200 et 400 mètres entre 1965 et 1968 grâce à son accélération de fin de course.
Le à San José, il établit ses premiers records du monde en courant un 220 verges (201,17 m) en ligne droite en 19 s 5, soit une vitesse moyenne de 37 km/h 139, pulvérisant le record du monde précédent de 5 dixièmes de seconde. Ce temps fut également homologué comme record du monde du 200 m en ligne droite. Ce record aura une longévité exceptionnelle, puisqu'il tiendra 44 ans avant d'être battu par Tyson Gay en , avec un temps de 19 s 41 sur 200 m. Mais il est vrai que le 200 m ne se court plus beaucoup en ligne droite.
Le à Sacramento, il bat le record du monde du 220 verges avec virage en 20 s 0. Là encore, ce temps est également le nouveau record du monde du 200 m bien qu'il ait couru un peu plus que la distance. Toujours en 1966, le à Los Angeles, il bat le record du monde du relais 4 × 400 mètres avec l'équipe nationale américaine en 2 min 59 s 6. C'est la première fois que l'on descend sous les 3 minutes dans cette discipline. Le à San José, il s'approprie dans la même course le record du monde du 440 verges (402,34 m) en 44 s 8, et le record du 400 mètres en 44 s 5. Il semble capable de faire bien mieux sur cette distance, mais il préfère se concentrer sur le 200 mètres. Au total, durant sa période universitaire, il égalera ou dépassera treize records mondiaux[1] et sera reconnu « Most Valuable Athlete » (meilleur athlète) trois années consécutives en basket-ball, football américain et athlétisme[4].
Après avoir passé son baccalauréat en arts de sociologie avec comme spécialité la science militaire et l'éducation physique auprès de l'université d'État de San José[1], Tommie Smith reçut sa maîtrise en sociologie à Goddard-Cambridge, Boston[1].
Universiade de 1967
Tommie Smith participe à l'Universiade d'été 1967 à Tokyo où il remporte la médaille d'or sur 200 mètres.
Les Jeux olympiques de 1968
Aux Jeux olympiques à Mexico, le programme ne lui permet pas de s'aligner sur le 400 mètres. Sur le 200 m des sélections olympiques américaines, il est battu par John Carlos, en 19 s 9 contre 19 s 7 pour Carlos (19 s 98 électroniques). Ce temps n'est pas homologué comme record du monde, car Smith et Carlos portent des chaussures spéciales, interdites par le règlement. À Mexico, le duel entre les deux hommes est très attendu, d'autant que Carlos est aussi le champion en titre du 200 mètres aux Jeux panaméricains de 1967.
Le , Tommie Smith est le vainqueur du 200 m olympique, malgré une légère blessure aux adducteurs contractée lors des demi-finales. Avec un chrono de 19 s 83[1], favorisé il est vrai par l'altitude, il bat le record du monde du 200 mètres grâce à une éblouissante ligne droite, devant l'Australien Peter Norman 20 s 06, et Carlos, troisième en 20 s 10. Il se relâcha ostensiblement durant les derniers mètres de la course, levant les bras au ciel en signe de victoire[2], et gaspillant par là même occasion quelques centièmes voire quelques dixièmes de seconde[5].
Lors de la montée sur le podium le 17 octobre, il est en chaussettes noires montantes et lève un poing ganté de noir, tête baissée pendant l'hymne américain The Star-Spangled Banner[6]. Son compatriote John Carlos l'accompagne en levant son autre poing puisqu'à cause de l'oubli de sa propre paire de gants, il partage la même paire de gants que Smith[7]. Très symbolique, ce geste est souvent associé au Black Panther Party, bien que Tommie Smith n'en ait jamais fait partie. En effet, il se réclame de l'Olympic Project for Human Rights, groupe qui proposait un boycott des Jeux olympiques par les athlètes afro-américains tant que leurs droits civils ne seraient pas respectés. Des badges de l'organisation seront d'ailleurs portés lors du geste, y compris par John Carlos et Peter Norman, athlète australien deuxième de la course, qui suggéra lui-même le partage de la paire de gants des autres athlètes[7]. Un autre geste symbolique qui a moins été remarqué lors de cet épisode est qu'il a posé sur le podium sa paire de Puma Suède pour rappeler que les afro-américains n'ont même pas le moyen de s'offrir ce type de chaussures, les chaussettes noires montantes étant le symbole de la pauvreté des noirs[8].
Le président du CIO, Avery Brundage, déclare qu'une protestation concernant la politique intérieure d'un pays n'a pas sa place au sein d'un évènement apolitique tels que le sont les Jeux olympiques. En réponse à leur action, il ordonne que Smith et Carlos soient suspendus de l'équipe américaine et bannis du village olympique. Les deux athlètes seront suspendus puis interdits de compétition à vie[9]. Peter Norman sera lui aussi mis à l'écart par son pays[7]. À la suite de ce geste, que Smith appellera « Stand for Victory »[1], les deux hommes recevront également des menaces de mort contre eux et leur famille. Smith n'est alors âgé que de 24 ans. Son record homologué ne sera pas battu avant 1979 et restera un record olympique jusqu'en 1984[1].
L'athlète américaine Wyomia Tyus et ses coéquipières ont dédié leurs médailles d'or du relais 4 × 100 mètres de Mexico à Smith et Carlos pour leur geste[10].
Après 1968
Nationalité | États-Unis |
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Naissance |
Ă Clarksville |
Numéro | 24 |
Position | Wide receiver |
Choix draft NFL |
Bengals de Cincinnati (1967, 226e choix au total) |
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1969 | Bengals de Cincinnati |
Carrière pro. | 1969-1969 |
(en) Statistiques sur pro-football-reference
Après 1968, Smith est invité à différents camps d'entraînement d'équipes professionnelles de football américain, comme celui des Bengals de Cincinnati et des Raiders de Los Angeles[11]. Ce fut par l'intermédiaire de l'ancien copain de chambre de Smith à San José et désormais joueur à Cincinnati Saint Saffold, que Smith tente sa chance chez les Bengals alors en AFL[11]. Là , Bill Walsh, l'entraîneur assistant de l'époque, confie pour mission au quart-arrière remplaçant Sam Wyche d'envoyer le ballon aussi loin que possible afin que Smith ne puisse pas le rattraper et ainsi tester la vitesse de course de Smith[11]. Smith rattrapa tous les ballons, impressionnant tout le monde[11]. La franchise de Cincinnati s'attache donc ses services et Smith est posté comme receveur éloigné spécialisé dans les réceptions lointaines[11]. Cependant, le quart-arrière titulaire de l'équipe Greg Cook manque de puissance pour envoyer le ballon sur lui, obligeant Smith à faire régulièrement marche arrière pour espérer attraper des ballons[11]. Lors d'un match contre les Raiders, il rattrape en l'air une passe devant George Atkinson et Chip Oliver mais est blessé à la clavicule par les joueurs en revenant au sol[11]. Smith est donc indisponible le reste de la saison et s'il participe à la saison suivante, il ne fait aucune réception officialisée et annonce son retrait de l'équipe, après notamment des menaces de mort[11]. Smith ne sera comptabilisé que de deux matchs en 1969 pour une réception et 41 verges gagnés[12].
Tommie Smith retournera ensuite à l'athlétisme et sera entraîneur des équipes de sprint de l'Oberlin College dans l'Ohio puis de l'université de Santa Monica en Californie.
La reconnaissance
Bien qu'étant le seul athlète à avoir tenu onze records mondiaux simultanément[1] en comprenant les records universitaires et par équipe, Tommie Smith ne fut pas directement élevé au statut d'athlète majeur, mais le sera au fur et à mesure, avec l'évolution des mentalités. Le déclic vient en 1978 où il est intronisé au Temple de la renommée de l'athlétisme des États-Unis[13].
En 1995, il est un des entraîneurs aux Championnats du monde d'athlétisme en salle 1995 à Barcelone mais ne put participer aux Championnats du monde d'athlétisme 1997 d'Athènes à cause de son travail à l'université[13]. En 1995 également, il est intronisé au Hall of Fame afro-américain de Californie du sport[13].
Le documentaire Fists of Freedom: The Story of the '68 Summer Games () sur les événements des Jeux olympiques de Mexico est diffusé sur la chaîne HBO[1]. Celui-ci permet à Smith de donner sa version de l'histoire.
Néanmoins, il faut attendre 2004 pour qu'un équipement sportif porte son nom, à Saint-Ouen, inauguré en sa présence. Pour l'occasion, il a aussi donné une conférence au lycée de la ville.
Une statue de l'artiste Rigo 23 à l'université d'État de San José commémorant le geste de Tommie Smith et de John Carlos lors des Jeux olympiques d'été de 1968 est créée en 2005[14]. À la place du numéro 2, celle où se tenait l'Australien Peter Norman, on peut voir une plaque qui rend hommage au soutien de Peter Norman pour ses collègues athlètes, et qui invite le passant à prendre parti en prenant la place et en devenant un acteur de la statue.
Le , la commune française de La Courneuve donne son nom à la Maison des Sports inaugurée aussi en sa présence[15] et Smith publie son autobiographie intitulée Silent Gesture avec l'écrivain David Steele.
En , Tommie Smith et John Carlos reçoivent le Arthur Ashe Courage Award en hommage à leur geste.
Une statue de l'artiste Claude Cauquil, L'Homme droit, est érigée en Martinique au stade Pierre-Aliker de Fort-de-France. réalisation polychrome en tôle d'acier, de 8 mètres de haut[16], elle a été inaugurée le en présence de Tommie Smith et de son épouse[17].
Le , soit plusieurs décennies après avoir été ignorés, Smith et Carlos sont reçus à la Maison Blanche par le président Barack Obama[18].
Le , il est intronisé en compagnie de John Carlos au Hall of Fame du Comité olympique et paralympique américain au cours d'une cérémonie à Colorado Springs, ce qui constitue la première promotion depuis 2012[19] - [20].
Divers
En août 2008, Tommie Smith donne comme cadeau d'anniversaire au triple médaillé d'athlétisme aux Jeux olympiques d'été de 2008 de Pékin Usain Bolt une des chaussures qu'il portait aux Jeux olympiques d'été de 1968[21].
En octobre 2010, il met en vente sa médaille d'or olympique à une enchère de départ de 250 000 dollars[22].
Palmarès
International
Date | Compétition | Lieu | Résultat | Épreuve |
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1967 | Universiade | Tokyo | 2e | 100 m |
1er | 200 m | |||
1968 | Jeux olympiques | Mexico | 1er | 200 m |
National
- Championnats des États-Unis :
- vainqueur du 200 m en 1967 et 1968[23]
- Championnats NCAA d'athlétisme :
- vainqueur du 220 verges en 1967[24]
Records du monde
- 200 mètres ligne droite : 19 s 5 (1966) temps également sur 220 verges
- 200 mètres : 20 s 0 (1966) temps également sur 220 verges, 19 s 83 (1968)
- 400 mètres : 44 s 5 (1967) et 440 verges : 44 s 8 dans la même course
- 4 × 200 mètres : 1 min 22 s 1 (1967)
- 4 × 400 mètres : 2 min 59 s 6 (1966)
Bibliographie
- 19 secondes 83 centièmes, Pierre-Louis Basse, 2005 (ISBN 2-234-06044-3)
- (en) Tommie Smith, Silent gestures: The Autobiography of Tommie Smith.
- Robert Parienté La fabuleuse histoire de l'athlétisme, éd. ODIL 1979.
- Miroir de l'athlétisme no 26, : Records du monde au 66
- « Tommie Smith : Celui qui osa relever le gant », dans Lilian Thuram, Mes étoiles noires : De Lucy à Barack Obama, Paris, Éditions Philippe Rey, , 50 ill., 400 (ISBN 978-2-84876-148-0), p. 317-323
Notes et références
- (en) « Tommie's Bio », Site officiel de Tommie Smith
- (en) « About Tommie », sur tommiesmith.com (consulté le )
- Tommie Jet - Les coulisses de l'exploit, ORTF/Ina, 21 juin 1967 [vidéo]
- (en) « Tommie Smith Humble Beginnings », sur tommiesmith.com (consulté le )
- Tommie Smith vainqueur du 200m lève le poing - Les Actualités Françaises, Ina, 23 octobre 1968 [vidéo]
- Tommie Smith et John Carlos poings gantés mains levées - ORTF/Ina, 17 octobre 1968 [vidéo]
- (en) Caroline Frost, « The other man on the podium », BBC News,
- Mathieu Le Maux, 1000 baskets cultes, Hachette Pratique, , p. 22
- JO de 1968 : deux poings levés... et un troisième homme, acteur lui aussi - L'Obs, 15 août 2015
- (en) Wyomia Tyus (b. 1945) - Lisa A. Ennis, New Georgia Encyclopedia, Université de Géorgie, 3 novembre 2003
- (en) « Running with the Bengals », sur tommiesmith.com (consulté le )
- Tommie Smith, NFL.com
- (en) « Tommie Smith Life After », sur tommiesmith.com (consulté le )
- (en) « America finally honours rebels as clenched fist becomes salute », sur timesonline.co.uk (consulté le )
- Regards, journal municipal de La Courneuve, n°234
- L'homme droit érigé ce matin au stade Pierre Aliker - Site officiel de Fort-de-France, 5 septembre 2011
- Tommie Smith est désormais « l’homme droit » - Francis Gom, FranceAntilles.fr, 4 novembre 2011
- « Owens, Smith et Carlos honorés par Obama, plusieurs décennies après avoir été ignorés », sur Le Monde, (consulté le ).
- « Tommie Smith et John Carlos honorés au Hall of Fame - Athlé », sur L'Équipe (consulté le )
- « Tommie Smith et John Carlos intronisés au Hall of Fame du comité olympique américain - Athlé - JO », sur L'Équipe (consulté le )
- (en) Puma, « Time To Dance: Usain v Asafa », (consulté le )
- « Tommie Smith vend sa médaille d'or des JO de Mexico », Le Point/AFP,
- (en)« Palmarès des Championnats des États-Unis d'athlétisme », sur gbrathletics.com (consulté le )
- (en)« Palmarès des Championnats NCAA d'athlétisme », sur gbrathletics.com (consulté le )