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Thor (missile balistique)

Le PGM-17 Thor est un missile balistique de portĂ©e intermĂ©diaire amĂ©ricain dĂ©ployĂ© au Royaume-Uni en 1958 Ă  une soixantaine d'exemplaires pour contrer la menace de missiles soviĂ©tiques de portĂ©e Ă©quivalente alors que la guerre froide battait son plein. DĂ©veloppĂ© pour le compte de l'US Air Force en un temps record par la sociĂ©tĂ© Douglas Aircraft Ă  partir de composants dĂ©jĂ  mis au point pour d'autres missiles. Il a une portĂ©e de 2 400 km, emporte une charge nuclĂ©aire de mĂ©gatonnes et est propulsĂ© par un moteur-fusĂ©e Ă  ergols liquides. Sa carrière opĂ©rationnelle est très brève, puisqu'il est retirĂ© du service en 1963. Quelques exemplaires ont Ă©tĂ© utilisĂ©s en tant que missile antisatellite jusqu'en 1972. Alors qu'il vient tout juste d'ĂŞtre mis en service, le missile sert de point de dĂ©part pour le dĂ©veloppement des familles de lanceurs Thor et surtout celle des Delta. Le premier Ă©tage du lanceur Delta II, utilisĂ© entre 1989 et 2018, Ă©tait une version allongĂ©e et plus puissante du missile.

Premier lancement du missile Thor ancĂŞtre de la famille des lanceurs Delta (1957).
Le missile Thor est toujours utilisé dans une version allongée et plus puissante (ici un Thor XLT) comme premier étage sur les lanceurs Delta II lancés de nos jours.
Missile Thor de la Royal Air Force sur sa table de lancement.

Historique

En 1954, en pleine guerre froide, l'ArmĂ©e de l'air amĂ©ricaine veut disposer dans un dĂ©lai très court d'un missile balistique d'une portĂ©e d'environ 2 000 km, pour faire face Ă  la menace du missile balistique R-5 soviĂ©tique, en cours de dĂ©ploiement dans les pays de l'Est et qui est pointĂ© sur les pays d'Europe occidentale. La portĂ©e du missile Ă  dĂ©velopper doit permettre de menacer Moscou depuis le Royaume-Uni, oĂą seront stationnĂ©es ces armes. Après avoir envisagĂ© d'utiliser le deuxième Ă©tage du missile balistique lourd Titan I, l'ArmĂ©e de l'air amĂ©ricaine lance un appel d'offres pour le dĂ©veloppement d'un nouveau missile avec une contrainte de dĂ©lai très forte. Ă€ l'Ă©poque, l'armĂ©e de terre des États-Unis dĂ©veloppe un missile aux caractĂ©ristiques Ă©quivalentes, le PGM-19 Jupiter, qui est dĂ©libĂ©rĂ©ment ignorĂ© par les responsables de l'ArmĂ©e de l'air amĂ©ricaine du fait des rivalitĂ©s entre les deux armes (syndrome « NIH », « Not Invented Here »)[1] - [2].

Pour rĂ©duire la durĂ©e de la mise au point, les composants les plus complexes du nouveau missile sont repris de projets existants : ainsi le moteur-fusĂ©e, d'une poussĂ©e de 68 tonnes, et les moteurs-vernier ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s initialement pour le missile intercontinental Atlas. Le projet bĂ©nĂ©ficie d'une prioritĂ© nationale et le le dĂ©veloppement du missile est adjugĂ© Ă  la sociĂ©tĂ© Douglas Aircraft. Le Thor est dĂ©veloppĂ© en un temps record et le tir du premier prototype intervient 13 mois après le dĂ©but du projet. Pour sa mise au point, 18 prototypes et 28 exemplaires de prĂ©sĂ©rie sont tirĂ©s. 22 exemplaires sont Ă©galement tirĂ©s pour l'entrainement des unitĂ©s qui les prendront en charge. En 1959, le système est dĂ©clarĂ© opĂ©rationnel. 225 missiles Thor ont Ă©tĂ© produits, dont 160 engins de sĂ©rie. Le coĂ»t du dĂ©veloppement du programme est estimĂ© de 500 millions de dollars de 1958 (soit 4,431 milliards de dollars de 2023).

Caractéristiques techniques

Le missile Thor comporte un seul Ă©tage, pèse 48 tonnes (3 tonnes Ă  vide) et a une portĂ©e d'environ 2 400 km. Il est long de 19,8 mètres et a un diamètre de 2,44 mètres Ă  la base, se rĂ©duisant au sommet, ce qui lui donne une forme aĂ©rodynamique. Le diamètre a Ă©tĂ© dĂ©fini Ă  partir de la dimension de la soute des avions cargos de l'Ă©poque. En consĂ©quence, plus allongĂ© que le Jupiter, il ne peut pas ĂŞtre tirĂ© depuis un sous-marin ou un navire de surface. Il emporte une charge nuclĂ©aire W-49 d'une puissance de 1,45 mĂ©gatonnes. Les deux tiers du missile sont occupĂ©s par des rĂ©servoirs rĂ©alisĂ©s en alliage lĂ©ger usinĂ©s chimiquement[1] - [2].

Il est propulsĂ© par un moteur-fusĂ©e unique LR-79 montĂ© sur vĂ©rins de Rocketdyne de 68 tonnes de poussĂ©e, consommant un mĂ©lange d'oxygène liquide et de kĂ©rosène. Ce moteur, conçu initialement pour le lanceur Atlas, a des caractĂ©ristiques très proches de celles moteurs d'appoint de ce dernier. Son impulsion spĂ©cifique est de 282 secondes. Deux petits moteurs verniers LR-101 interviennent en roulis et affinent la poussĂ©e du moteur principal. Le guidage est rĂ©alisĂ© par un système Ă  inertie de General Electric.

Contrairement au Jupiter, le missile n'Ă©tait pas conçu pour ĂŞtre mobile et les Ă©quipements au sol sont donc relativement peu importants. Le Thor est stockĂ© horizontalement et Ă©rigĂ© verticalement pour son lancement. Après avoir Ă©tĂ© alimentĂ© en ergols, il est alors tirĂ© environ 15 minutes après le dĂ©but de la sĂ©quence de tir. Le moteur fonctionne durant 165 secondes et l'apogĂ©e de la trajectoire du missile se situe Ă  environ 520 km d'altitude. Peu après avoir atteint son apogĂ©e, la tĂŞte de rentrĂ©e, qui est celle de l'Atlas C avec un revĂŞtement thermique en cuivre, se dĂ©tache du lanceur. Le temps de vol total est d'environ 18 minutes.

Vie opérationnelle

Une soixantaine d'exemplaires est déployée au Royaume-Uni en 1960 dans le cadre du Projet Emily. Vingt squadrons de la Royal Air Force Bomber Command, comportant chacun trois missiles, sont répartis du Yorkshire au Suffolk[3]. Mais leur carrière opérationnelle est brève, puisque les missiles sont retirés du service en 1963, à la suite de leur obsolescence et d'un accord secret passé entre les gouvernements américain et soviétique[1]. Le missile Jupiter, dont la responsabilité a été transférée en 1958 à l'Armée de l'air américaine, sera déployé en Turquie et en Italie.

L'aurore boréale créée par l'essai nucléaire Starfish Prime, vue depuis Honolulu.

Peu après la crise des missiles de Cuba, les essais nuclĂ©aires Ă  l'air libre reprennent : cĂ´tĂ© amĂ©ricain il s'agit des opĂ©rations Dominic I (OcĂ©an Pacifique) et Dominic II (Nevada). Plusieurs missiles Thor sont tirĂ©s. L'essai Starfish Prime fait partie de l'opĂ©ration Fishbowl, destinĂ©e Ă  tester les consĂ©quences d'une explosion nuclĂ©aire Ă  très haute altitude. L'explosion de la tĂŞte nuclĂ©aire est dĂ©clenchĂ©e Ă  une altitude d'environ 400 km, Ă  environ 31 km au sud-ouest de l'Ă®le Johnston, dans l'ocĂ©an Pacifique. Les consĂ©quences sont plus dramatiques que prĂ©vues : l'explosion dĂ©clenche des coupures d'Ă©lectricitĂ© aux Ă®les HawaĂŻ et plusieurs satellites sont mis hors service dans la pĂ©riode qui suit. Un autre missile Thor explose au dĂ©collage, dispersant ses composants radioactifs dans les environs.

Certains missiles Thor connaissent un prolongement de leur vie opérationnelle comme missile antisatellite. Après plusieurs tests menés en 1964, le Thor est déclaré opérationnel dans ce nouveau rôle. Jusqu'à la fin de l'année 1972, deux missiles Thor sont maintenus en alerte. Certains Thor désarmés seront réutilisés pour effectuer des tests de rentrée atmosphérique de têtes nucléaires. Les autres seront utilisés comme premiers étages des lanceurs civils Thor et Thor-Delta (voir ci-dessous).

Lanceurs développés à partir du missile Thor

Pour répondre aux besoins de la course à l'espace (1957), les ingénieurs américains testent plusieurs combinaisons du missile Thor avec différents étages (Agena, Able) entre 1958 et 1960. La NASA retient pour ses besoins en 1960 un engin baptisé Thor Delta, composé du missile jouant le rôle de premier étage et un deuxième étage, dit Delta. La famille de lanceurs Delta, toujours en service, descend de cet assemblage. La Delta II en particulier utilise toujours une version, plus puissante et allongée du missile Thor (Le lanceur Delta IV n'a par contre plus aucun point commun avec le missile).

L'Armée de l'air américaine a également utilisé jusqu'en 1972 les lanceurs Thor, association du missile Thor avec un second étage Agena, dont font partie les Thor-Agena et Thorad-Agena[1].

Notes et références

  1. (de) « Die Thor Rakete », Site Bernd Leitenberger (consulté le ).
  2. (en) Mark Wade, « Delta », sur Encyclopedia Astronautica (consulté le ).
  3. Ravi Rikhye, « RAF Thor Missile Units: Note », sur Orbat, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

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