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Théorie de l'approximation

En mathĂ©matiques, la thĂ©orie de l'approximation concerne la façon dont les fonctions peuvent ĂȘtre approchĂ©es par de plus simples fonctions, en donnant une caractĂ©risation quantitative des erreurs introduites par ces approximations.

Problématique

Le problÚme de l'approximation s'est posé trÚs tÎt en géométrie, pour les fonctions trigonométriques : ce sont des fonctions dont on connaßt les propriétés (parité, dérivabilité, valeurs en des points particuliers) mais qui ne s'expriment pas à partir d'opérations réalisables à la main (les quatre opérations). Cela a conduit à la notion de développement en série. On a pu ainsi constituer des tables trigonométriques, puis, avec une démarche similaire, des tables logarithmiques, et de maniÚre générale des tables pour les fonctions couramment utilisées en sciences comme la racine carrée.

Un problÚme particuliÚrement intéressant est celui de l'approximation de fonctions par d'autres définies uniquement à partir d'opérations de base d'un ordinateur, comme l'addition et la multiplication, afin de créer des bibliothÚques de fonctions mathématiques qui à l'exécution produisent des valeurs les plus proches possibles des valeurs théoriques. C'est ce qui s'appelle l'approximation polynomiale ou rationnelle (c'est-à-dire par des fonctions rationnelles).

L'objectif est de donner une approximation aussi prĂ©cise que possible d'une fonction rĂ©elle donnĂ©e, de façon Ă  fournir des valeurs les plus exactes possibles, Ă  la prĂ©cision prĂšs de l'arithmĂ©tique en virgule flottante d'un ordinateur. Ce but est atteint en employant un polynĂŽme de degrĂ© Ă©levĂ©, et/ou en rapetissant le domaine sur lequel le polynĂŽme doit approcher la fonction. Le rapetissement du domaine peut souvent ĂȘtre effectuĂ©, bien que cela nĂ©cessite la composition par d'autres fonctions affines, de la fonction Ă  approcher. Les bibliothĂšques mathĂ©matiques modernes rĂ©duisent souvent le domaine en le divisant en de multiples minuscules segments et emploient un polynĂŽme de bas degrĂ© sur chaque segment.

Une fois le domaine et le degrĂ© du polynĂŽme choisis, le polynĂŽme lui-mĂȘme est choisi de façon Ă  minimiser l'erreur dans le pire des cas. Autrement dit, si f est la fonction rĂ©elle et P le polynĂŽme devant approcher f, il faut minimiser la borne supĂ©rieure de la fonction sur le domaine. Pour une fonction « convenable », un polynĂŽme optimum de degrĂ© N est caractĂ©risĂ© par une courbe d'erreur dont la valeur oscille entre +Δ et -Δ et qui change de signe N + 1 fois, donnant une erreur dans les pires cas de Δ. Il est possible de construire des fonctions f pour lesquelles cette propriĂ©tĂ© ne tient pas, mais dans la pratique elle est gĂ©nĂ©ralement vraie.

  • Erreur entre le polynĂŽme optimal de degrĂ© 4 et le logarithme nĂ©pĂ©rien ln (en rouge), et entre l'approximation de Tchebychev de ln (en bleu) sur l'intervalle [2, 4]. Le pas vertical est de 10−5. L'erreur maximale pour le polynĂŽme optimal est de 6,07 × 10−5.

  • Erreur entre le polynĂŽme optimal de degrĂ© 4 et l'exponentielle e (en rouge), et entre l'approximation de Tchebychev et exp (en bleu) sur l'intervalle [−1, 1]. Le pas vertical est de 10−4. L'erreur maximale pour le polynĂŽme optimal est de 5,47 × 10−4.

Dans chaque cas, le nombre d'extrema est de N + 2 c'est-à-dire 6. Deux des extrema sont les extrémités du segment. Les courbes en rouge, pour le polynÎme optimal, sont de « niveau » c'est-à-dire qu'elles oscillent entre +Δ et -Δ exactement. Si un polynÎme de degré N mÚne à une fonction d'erreur qui oscille entre les extrema N + 2 fois, alors ce polynÎme est optimal.

Approximation par des polynĂŽmes

ÉnoncĂ©

Soit f une fonction continue sur un intervalle réel fermé [a , b]. Soit P un polynÎme de degré n.

On note l'erreur d'approximation entre P et f.

S'il existe et tels que

,

alors P est un polynÎme d'approximation optimal de f parmi les polynÎmes de degré inférieur ou égal à n au sens de la norme sup sur [a , b] :

Approximation de Tchebychev

Il est possible d'obtenir des polynÎmes trÚs proches d'un polynÎme optimal en développant une fonction donnée avec des polynÎmes de Tchebychev puis en coupant le développement à un certain degré. Ce procédé est semblable au développement en séries de Fourier d'une fonction, en analyse de Fourier, mais en utilisant les polynÎmes de Tchebychev au lieu des fonctions trigonométriques habituelles.

On calcule les coefficients dans le développement de Tchebychev d'une fonction f :

dont on ne garde que les N premiers termes de la série, ce qui donne un polynÎme de degré N approchant la fonction f.

La raison pour laquelle ce polynĂŽme est presque optimal est que, pour des fonctions admettant un dĂ©veloppement en sĂ©rie entiĂšre, dont la sĂ©rie a une convergence rapide, l'erreur commise sur le dĂ©veloppement au bout de N termes est approximativement Ă©gale au terme suivant immĂ©diatement la coupure. C'est-Ă -dire que, le premier terme juste aprĂšs la coupure domine la somme de toutes les termes suivants appelĂ©e reste de la sĂ©rie. Ce rĂ©sultat subsiste si le dĂ©veloppement se fait avec des polynĂŽmes de Tchebychev. Si un dĂ©veloppement de Tchebychev est interrompu aprĂšs TN, alors l'erreur sera proche du terme en TN + 1. Les polynĂŽmes de Tchebychev possĂšdent la propriĂ©tĂ© d'avoir une courbe reprĂ©sentative « au niveau », oscillant entre +1 et −1 dans l'intervalle [−1, 1]. Tn + 1 a n + 2 extrema. Cela signifie que l'erreur entre f et son approximation de Tchebychev jusqu'Ă  un terme en Tn est une fonction ayant n + 2 extrema, dont les maxima (respectivement les minima) sont Ă©gaux, et est ainsi proche du polynĂŽme optimal de degrĂ© n.

Dans les exemples graphiques ci-dessus, on peut voir que la fonction d'erreur représentée en bleu est parfois meilleure (lorsqu'elle reste en dessous) que la fonction représentée en rouge, mais plus mauvaise sur certains intervalles, ce qui signifie que ce n'est pas tout à fait le polynÎme optimal. Cette différence est relativement moins importante pour la fonction exponentielle, dont la série entiÚre est trÚs rapidement convergente, que pour la fonction logarithme.

SystĂšmes de Tchebychev

Cette partie et les suivantes reposent principalement sur les ouvrages de Cheney[1] et de Powell[2].

Il est possible de généraliser la caractérisation de «meilleure approximation» avec des espaces de fonctions d'approximations qui ne sont pas des polynÎmes mais des fonctions standard. Cependant, de telles familles de fonctions se doivent d'avoir certaines bonnes propriétés qu'ont les polynÎmes. On parle alors de « polynÎmes généralisés ». Ces « polynÎmes » auront pour monÎmes des fonctions de base (que l'on considÚre agréables) qui satisfont les conditions de Haar.

Conditions de Haar

Une famille de fonctions d'un intervalle dans satisfait les conditions de Haar si et seulement si

  1. Toutes les fonctions sont continues.
  2. Les fonctions satisfont les conditions équivalentes suivantes :
    1. Pour tous distincts
    2. Pour tous distincts, pour tous , il existe un unique tuple tel que la fonction satisfasse
    3. Les fonctions sont linéairement indépendantes et est l'unique fonction de la forme ayant strictement plus racines

Une famille finie de fonctions satisfaisant les conditions de Haar est appelée un systÚme de Tchebychev. Bien évidemment les monÎmes de degré échelonnés forment un systÚme de Tchebychev : les polynÎmes sont continus, la condition 2.1 est le déterminant de Vandermonde, la condition 2.2 est la caractérisation du polynÎme d'interpolation et la condition 2.3 est le fait qu'un polynÎme de degré fixé ne peut avoir plus de racine qui son degré.

On peut aussi dire d'un sous-espace vectoriel de de dimension satisfait les conditions de Haar si et seulement si ses bases sont des systĂšmes de Tchebychev.

Exemples

On peut citer deux exemples de systÚmes de Tchebychev :

  • Si sont deux-Ă -deux distincts alors forme un systĂšme de Tchebychev sur pour tout intervalle compact de .
  • Si sont deux-Ă -deux distincts et positifs alors forme un systĂšme de Tchebychev sur pour intervalle compact de .

ThéorÚme d'alternance

Les systÚmes de Tchebychev permettent de caractériser les meilleures approximations de fonctions continues étant des polynÎmes généralisés construites à partir des fonctions du-dit systÚme.

ÉnoncĂ©

Soit un systÚme de Tchebychev. Soit une fonction continue. Soient un polynÎme généralisé sur le systÚme de Tchebychev et l'erreur d'approximation. Alors est une meilleure approximation uniforme de , c'est-à-dire , ssi il existe tels que et

Remarque

Il est intéressant de noter que si le systÚme de Tchebychev considéré est la base canonique de alors cet énoncé est exactement celui du théorÚme dans le cas des polynÎmes.

Démonstration du théorÚme d'alternance

ThéorÚme de caractérisation

La premiÚre chose à faire est de caractériser les meilleures approximations par des polynÎmes généralisés. On peut commencer par montrer qu'il suffit que l'origine de l'espace soit dans une certaine enveloppe convexe. Pour un systÚme de Tchebychev, On note .

Soit un systÚme de Tchebychev. Soit une fonction continue. Soient un polynÎme généralisé sur le systÚme de Tchebychev et l'erreur d'approximation. Alors r est de norme minimale si et seulement si 0 est dans l'enveloppe convexe de .

Lemme d'alternance

Il vient un lien entre le fait que 0 soit dans une enveloppe convexe et qu'il y ait l'alternance de signe.

Soit un systĂšme de Tchebychev. Soient et des constantes non . Alors 0 est dans l'enveloppe convexe de si et seulement si pour nous avons .

Unicité de la meilleure approximation

Jusqu'ici, nous avons caractérisé ce qu'est une meilleure approximation. Nous allons maintenant montrer que la meilleure approximation existe et est unique.

ÉnoncĂ©

Soit un systĂšme de Tchebychev. Soit une fonction continue. Alors il existe une unique meilleure approximation de dans .

DĂ©monstration

Commençons par l'unicité. Supposons donc que et sont des meilleures approximations pour . Nous avons donc que et cette norme est minimale. Or nous avons alors . Donc est encore une meilleure approximation. Soient donnés par le théorÚme d'alternance pour . Supposons que . Alors au moins l'un des deux ne vaut pas , disons quitte à renommer , et donc . On a

. Ceci est absurde. Donc . Donc à zéros distincts. Donc par les conditions de Haar, nous obtenons qu'elle est identiquement nulle et donc que . Nous avons donc l'unicité.

Procédons maintenant à la démonstration de l'existence. Considérons . Cet ensemble est clairement fermé et borné. Il est non vide puisque la fonction nulle est dans et est de dimension finie. Donc est compact. Ainsi étant continue sur , elle y atteint un minimum, disons en . Or, si est la meilleure approximation de alors par inégalité triangulaire. Donc . Donc est bien une meilleure approximation pour .

Voir aussi


  • Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l'article intitulĂ© « ).

Sources

  1. (en) CHENEY E.W., Introduction to approximation theory,
  2. (en) POWEL M.J.D., Approximation theory and methods, Cambridge Univetrsity Press,