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Templon

Le templon (en grec : Ï„Î­ÎŒÏ€Î»ÎżÎœ, pluriel templa ; aussi appelĂ© ÎșÎŹÎłÎșΔλλα ou ÎșÎčÎłÎșÎ»ÎŻÎŽÎ”Ï‚) caractĂ©ristique des Ă©glises byzantines est une cloison de pierre ou de bois sĂ©parant le bĂȘma[N 1] (ÎČáż†ÎŒÎ± en grec), la bimah (hĂ©breu Ś‘Ś™ŚžŚ”), ou sanctuaire, du naos (Μαός en grec) ou nef. TantĂŽt plein tantĂŽt Ă  claire-voie, il Ă©tait constituĂ© de larges panneaux dĂ©corĂ©s de feuillages, d’animaux et, plus rarement de reprĂ©sentations de personnages sacrĂ©s reprĂ©sentĂ©s en buste dans des mĂ©daillons[1]. Ces panneaux Ă©taient joints par des colonnettes surmontĂ©es d’une architrave ou d’un Ă©pistyle[2].

Églises des Saints-ApĂŽtres d’AthĂšnes oĂč le templon sĂ©pare la nef du chƓur.

Son Ă©volution se fit en trois temps :

  1. d’abord barriùre basse (muret) venant à hauteur de poitrine ;
  2. il prit de l’ampleur vers le Ve siĂšcle pour devenir une barriĂšre haute coiffĂ©e d’un Ă©pistyle sur lequel on prit l’habitude de placer des icĂŽnes ;
  3. avant que celles-ci n’apparaissent entre les colonnettes de la barriùre[3] pour devenir l’iconostase que l’on connait aujourd’hui.

ConsidĂ©rĂ© comme une ouverture sur le monde divin, le templon Ă©tait normalement percĂ© de trois portes. Le clergĂ© avait accĂšs au sanctuaire par une porte centrale, portillon Ă  deux vantaux appelĂ© « Portes royales » ou « saintes » rĂ©servĂ©es au cĂ©lĂ©brant et reprĂ©sentant l’entrĂ©e dans le Royaume de Dieu ou le Paradis. TrĂšs tĂŽt, deux autres entrĂ©es furent amĂ©nagĂ©es, l’une sur la droite pour le diacre, l’autre sur la gauche pour les clercs infĂ©rieurs[4] - [2].

Origine et Ă©tymologie

Plan-type d’une Ă©glise de rite byzantin.

Ce dispositif architectural a reçu, suivant les époques et les endroits des noms variés : templon, diastyles, treillage ou chancel, voile[2].

Dans sa forme originelle le templon ressemblait beaucoup au chancel des Ă©glises d’Occident des premiers siĂšcles (voir image ci-contre). Mais alors qu’en Occident cette simple barriĂšre Ă©volua en hauteur pour devenir une clĂŽture haute faite de bois, de pierre ou d’une grille en fer forgĂ©, appelĂ©e « clĂŽture de chƓur », dans l’Orient orthodoxe son Ă©lĂ©vation en hauteur permit de fermer l’espace entre les colonnettes au moyen d’icĂŽnes ou d’un rideau empĂȘchant de voir le sanctuaire Ă  certains moments de la liturgie.

Plusieurs hypothĂšses ont Ă©tĂ© donnĂ©es quant aux origines du templon. Elles ont pour la plupart en commun l’idĂ©e d’une sĂ©paration entre le « profane » et le « sacrĂ© », entre le clergĂ© qui peut accĂ©der au sanctuaire et les laĂŻcs ou clercs non officiants qui doivent rester Ă  l’extĂ©rieur[4]. DĂšs le VIIIe siĂšcle certaines priĂšres Ă©taient dites par le cĂ©lĂ©brant Ă  voix basse pour sa propre purification avant le dĂ©but des rites, alors que certaines Ă©taient faites Ă  voix haute de façon Ă  ĂȘtre entendues de l’extĂ©rieur par les fidĂšles qui devaient suivre « avec crainte et tremblements » certaines parties de la liturgie particuliĂšrement solennelles oĂč les rideaux du bĂȘma Ă©taient fermĂ©s et oĂč, selon certaines inscriptions sur les murs, « les anges eux-mĂȘmes encerclent le sanctuaire avec crainte »[5].

Chancel simple dans une Ă©glise occidentale : Santa Maria in Cosmedin (Rome, fin du VIIIe siĂšcle).

Certains ont fait un rapprochement avec la peinture et la sculpture. Les architectes byzantins, influencĂ©s par les thĂ©Ăątres grecs, imitant le classique proskenion, auraient reproduit la rangĂ©e de colonnes entre lesquelles se trouvaient une large porte au centre et deux plus petites de chaque cĂŽtĂ©[6]. La similaritĂ© n’est probablement toutefois que visuelle. En effet, si les drames grecs classiques Ă©taient effectivement prĂ©sentĂ©s Ă  Constantinople aux Ve et VIe siĂšcles alors qu’apparaissent les premiers templa dans les Ă©glises, il est peu probable que les piĂšces et l’architecture des thĂ©Ăątres oĂč elles Ă©taient jouĂ©es aient pu influencer le cadre dans lequel se dĂ©roulait une liturgie en train de se former.

D’autres ont notĂ© la similitude tant au niveau de la forme que du contenu avec la niche de l’Arche sainte que l’on retrouve dans les synagogues juives des IIe et IIIe siĂšcles[7]. Celles-ci avaient Ă©galement trois divisions : une porte centrale conduisant Ă  l’autel et deux passages latĂ©raux. Elle fut reprise dans certains temples paĂŻens de Syrie.

Aron Kodesh de la synagogue italienne de Padoue (1617).

L’idĂ©e de sĂ©paration entre le « sacrĂ© » et le « profane » se retrouve plus nettement encore dans le Temple de JĂ©rusalem dont la partie la plus sacrĂ©e ou « Saint des saints » qui contenait l’arche de l’Alliance Ă©tait sĂ©parĂ©e du reste du temple par le « Voile du Temple ». Seul le grand prĂȘtre Ă©tait autorisĂ© Ă  y pĂ©nĂ©trer, et ce, une seule fois pendant l’annĂ©e lors de la fĂȘte du Yom Kippur[8]. Ce concept de rideau cachant le lieu le plus sacrĂ© se retrouve encore dans les Ă©glises prĂ©chalcĂ©doniennes armĂ©niennes, coptes et Ă©thiopiennes oĂč un rideau est situĂ© lĂ  oĂč se trouve l’iconostase des Ă©glises orientales[9].

Hors du contexte religieux, tant Ă  Rome qu’à AthĂšnes, des barriĂšres Ă©galement appelĂ©es « chancel », Ă©taient utilisĂ©es dans les Ă©difices publics pour dĂ©fendre l’endroit oĂč se tenaient les orateurs, les magistrats, les juges ou les scribes contre l’envahissement du public[4].

L’empereur ThĂ©odose Ier et sa cour sĂ©parĂ©s du public par un chancel (obĂ©lisque de ThĂ©odose).

On ignore Ă©galement pourquoi on a donnĂ© Ă  cette structure le nom de « templon », mot technique que le grec a empruntĂ© au latin « templum » ou temple. L’explication la plus probable est que sa forme s’apparentait Ă  celle des temples paĂŻens de l’époque. Les marches qui conduisent Ă  l’abside sont analogues Ă  celles qui permettaient d’accĂ©der Ă  l’intĂ©rieur du temple. Les colonnettes alignĂ©es ressemblent Ă  celles que l’on retrouve tout autour d’un temple et l’architrave qui les surmonte est identique Ă  celle des anciens temples. Les Ă©lĂ©ments sculptĂ©s que l’on retrouve sur l’architrave rappelle les mĂ©topes ou frises situĂ©es dans les temples au-dessus de l’épistyle.

Historique

Du Ve au Xe siĂšcle

Dans les Ă©glises palĂ©ochrĂ©tiennes, le sanctuaire oĂč prenait place le clergĂ© Ă©tait, comme dans tous les autres Ă©difices publics, sĂ©parĂ© de la nef oĂč prenaient place les laĂŻcs par des panneaux installĂ©s entre les piliers d’environ un mĂštre de haut[10] et n’empĂȘchaient nullement ces derniers de suivre l’office[11].

DĂšs le Ve siĂšcle se gĂ©nĂ©ralisa le passage d’une clĂŽture de sanctuaire basse vers une clĂŽture plus haute oĂč les colonnettes des chancels portaient un Ă©pistyle* que l’on entreprit par la suite Ă  dĂ©corer d’images[3]. Mais Ă  moins que des rideaux ne soient suspendus Ă  l’épistyle il demeurait possible Ă  la foule des fidĂšles de voir ce qui se passait dans le sanctuaire. La dĂ©coration Ă©tait Ă©galement semblable Ă  celle des autres Ă©difices publics : scĂšnes de chasse ou bucoliques auxquelles commencent Ă  se mĂȘler des personnages en priĂšre[11].

Le VIe siĂšcle verra apparaitre sur le templon des images du Christ et de la Vierge, des saints et des anges. Dans la deuxiĂšme moitiĂ© du VIIe siĂšcle on voit apparaitre des scĂšnes de la vie de divers saints. Dans la mĂȘme pĂ©riode le caractĂšre « sacrĂ© » du sanctuaire s’affirme, celui-ci se fermant et les laĂŻcs n’y ayant plus accĂšs pour prier. Ce serait Ă  ce moment que la barriĂšre sĂ©parant la nef du sanctuaire reçut le nom de « templon » Les icĂŽnes, dĂ©jĂ  installĂ©es sur des prĂ©sentoirs devant le templon et celles qui se retrouveront sur celui-ci deviendront les objets sur lesquels se concentrera la piĂ©tĂ© populaire et prendront alors une importance accrue[12].

Il ne reste pas d’exemples des premiers templa en bois Ă©rigĂ©s dans les Ă©glises chrĂ©tiennes. Toutefois de nombreux auteurs en font mention. EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e (vers 260-339) mentionne ainsi que dans l’église du Saint-SĂ©pulcre Ă©rigĂ©e par Constantin Ă  JĂ©rusalem, « l’abside Ă©tait entourĂ©e par autant de colonnes qu’il y avait d’apĂŽtres[13] et, pour la basilique de Tyr : « Il a placĂ© l’autel au milieu [du sanctuaire] et l’a entourĂ© d’une magnifique clĂŽture en bois sculptĂ© que le peuple ne pouvait approcher[14]".

Le premier exemple de templon que nous connaissions est celui du monastĂšre du Stoudion Ă  Constantinople, bĂąti vers 463 et dĂ©diĂ© Ă  saint Jean Baptiste. La barriĂšre du chƓur, en forme de lettre grecque « π » entourait l’autel et avait une porte principale faisant face Ă  la nef et deux plus petites sur les cĂŽtĂ©s. Douze petits piliers ancraient les panneaux du chancel* larges d’environ 1,6 m. On a trouvĂ© des restes de colonnettes qui indiquent que cette barriĂšre basse devait ĂȘtre surmontĂ©e d’un architrave reposant sur ces celles-ci[15].

Outre ces preuves architecturales et archĂ©ologiques de l’existence de templa dans les Ă©glises des Ve et VIe siĂšcles, la description littĂ©raire la plus complĂšte que nous ayons d’un templon nous est donnĂ©e dans un poĂšme de Paul le Silentiaire qui a laissĂ© une description cĂ©lĂšbre de la cathĂ©drale Hagia Sophia de Constantinople. Elle fut composĂ©e vers la fin du rĂšgne de Justinien Ier et fut probablement lue lors de la fĂȘte de l’Épiphanie de 563 oĂč l’on cĂ©lĂ©bra la reconstruction de la coupole l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Selon Paul, le templon « entourait l’espace qui Ă©tait rĂ©servĂ© dans l’arche de l’est de la grande Ă©glise aux sacrifices sans victimes[16] ». Il s’étendait sur l’ensemble du demi-dĂŽme de l’est, y compris l’abside, mais Ă  l’exclusion de l’exĂšdre*. Douze colonnes de marbres revĂȘtues d’argent d’une hauteur approximative de 9,49 mĂštres de la base aux chapiteaux Ă©taient disposĂ©es sur trois des cĂŽtĂ©s entourant l’autel.

Sur ces colonnes reposait une entablure horizontale. Trois portes permettaient d’accĂ©der Ă  l’abside, la porte centrale Ă©tant plus large que les deux autres. Bien que des Ă©tudes anciennes aient suggĂ©rĂ© que toutes les colonnes et les portes Ă©taient disposĂ©es sur une seule ligne parallĂšle Ă  l’abside, des reconstructions modernes ont montrĂ© que la porte centrale faisait face Ă  la nef alors que les deux plus petites Ă©taient disposĂ©es sur les cĂŽtĂ©s d’un plan rectangulaire[17].

Entre les colonnes Ă©taient disposĂ©es des plaques de marbre recouvertes d’argent d’environ m Ă  1,10 m. On avait sculptĂ© sur celles-ci au VIe siĂšcle les monogrammes de Justinien et de ThĂ©odora, mĂȘme si l’impĂ©ratrice Ă©tait disparue depuis plusieurs annĂ©es, ainsi qu’une croix Ă  bras multiples. Au milieu de l’architrave se trouvait, en repoussĂ©, un mĂ©daillon du Christ. De part et d’autre de ce mĂ©daillon, se trouvaient d’autres mĂ©daillons reprĂ©sentant les anges, les prophĂštes, les apĂŽtres et la Vierge Marie, tous intimement reliĂ©s Ă  la liturgie.

Un autre templon, construit presque Ă  la mĂȘme Ă©poque se trouve dans l’église Saint-Jean-d’ÉphĂšse reconstruite par Justinien selon un plan basilical* avec dĂŽme central[18]. Au-dessus de l’une des portes latĂ©rales on peut voir une inscription se rapportant Ă  Jean l’ÉvangĂ©liste alors qu’une autre inscription se rapportant Ă  Jean le Baptiste devait figurer sur l’autre porte puisqu’il Ă©tait l’une des figures dominantes de la liturgie cĂ©lĂ©brĂ©e en ce lieu.

La majoritĂ© des templa Ă©taient construits sur le mĂȘme modĂšle. Ils Ă©taient gĂ©nĂ©ralement faits de marbre sculptĂ© quoique certains comme celui de Hagia Sophia Ă©taient revĂȘtus de mĂ©tal prĂ©cieux; d’autres faisaient usage de marbres polychromes. Les panneaux Ă©taient souvent sculptĂ©s et portaient des reprĂ©sentations d’animaux ou de plantes alors que sur les architraves* se trouvaient des bustes de Dieu, de la Vierge et des saints. La tradition se perpĂ©tua du temps de Justinien jusqu’au milieu du Moyen Âge comme le montre le templon de marbre dĂ©couvert lors d’excavation Ă  SĂ©baste en Phrygie et sur l’épistyle duquel s’alignaient les bustes de divers saints. Il semble bien que des icĂŽnes firent leur apparition entre les colonnes avant la pĂ©riode de l’iconoclasme[19]. NicĂ©phore Ier, patriarche de Constantinople de 806 Ă  815, fait Ă©tat dans son Antirretikoi d’icĂŽnes portatives suspendues aux colonnes et Ă  la porte du templon[20]. Des icĂŽnes portatives ainsi que de plus grandes icĂŽnes Ă©taient Ă©galement placĂ©es devant la porte du templon, ainsi qu’en fait foi l’église Saint-Panteleimon Ă  Gorno Nerezi.

Pendant cette pĂ©riode palĂ©ochrĂ©tienne, les images Ă©taient incorporĂ©es dans les Ă©lĂ©ments du templon et faites de la mĂȘme matiĂšre, gĂ©nĂ©ralement le marbre[21].

Jusqu’à cette Ă©poque, il y a peu de diffĂ©rences entre l’Orient et l’Occident, puisque dans les Ă©glises de l’Occident latin existe Ă©galement une sĂ©paration entre le sanctuaire et la nef (le jubĂ©) que l’on peut encore voir dans certaines Ă©glises et qui perdurera jusqu’à la Contre-RĂ©forme[22]. Toutefois, le jubĂ© des Ă©glises catholiques ne servira pas de support aux icĂŽnes mais plutĂŽt d’ambon, de tribune, pour les lecteurs de l’épĂźtre et de l’évangile.

À partir du Xe siùcle

Iconostase de la cathĂ©drale de l’Annonciation dans le kremlin de Moscou.

Les changements qui surviendront par la suite s’inscriront dans un mouvement plus vaste qui englobera l’ensemble de l’art religieux en gĂ©nĂ©ral et la codification de la liturgie qui devint une reconstitution de la vie terrestre du Christ allant de l’Annonciation Ă  l’Ascension ainsi qu’à la descente de l’Esprit Saint Ă  la PentecĂŽte. Il s’ensuivit que la dĂ©coration du templon adopta un programme de plus en plus prĂ©cis alors que le sanctuaire acquĂ©rait une aura mystique, le faisant comparer par le Pseudo-Sophronius Ă  « une riviĂšre de feu » entre le sanctuaire et la nef[23] - [24].

Le templon remplaça graduellement toutes les autres formes de barriĂšres entre la nef et le sanctuaire dans les Ă©glises byzantines du VIe au VIIIe siĂšcle, sauf en Cappadoce oĂč la construction dans le roc posait des problĂšmes spĂ©ciaux[25]. AprĂšs la pĂ©riode iconoclaste de l’Empire byzantin (726-843), le templon fut prolongĂ© pour inclure les pastophoria, ces deux parties de l’église utilisĂ©es comme sacristies jouxtant l’abside et formant avec l’autel, les trois parties du sanctuaire[26] - [N 2].

C’est au XIe et au XIIe siĂšcle que le templon changea de forme; en s’élevant et en multipliant le nombre des icĂŽnes, le templon devient ainsi un Ă©cran fermĂ© qui empĂȘchait de voir l’intĂ©rieur du sanctuaire de façon permanente[27] - [28]. La composition dite de la DĂ©esis jusque-lĂ  placĂ©e sur l’arc d’entrĂ©e de l’abside vient couronner le centre du templon. De mĂȘme, l’Annonciation qui surplombait gĂ©nĂ©ralement l’entrĂ©e du sanctuaire vint prendre place sur les vantaux des Portes royales la Vierge figurant Ă  droite et l’ange Gabriel Ă  gauche. Apparait Ă©galement le proskynetarion, ou icĂŽne monumentale du Christ, de la Vierge ou du saint patron de l’église fixĂ©s Ă  l’architrave. De part et d’autre de la DĂ©esis qui continue Ă  former le centre du dĂ©cor s’ajoutent des images reprĂ©sentant les « Douze FĂȘtes » traduisant l’importance que prend la vie liturgique[29] - [N 3]. En plus des icĂŽnes monumentales placĂ©es des deux cĂŽtĂ©s du templon, on retrouve des icĂŽnes mobiles placĂ©es elles sur l’architrave* et peintes sur une seule planche de bois dont la longueur dĂ©pendait du nombre de reprĂ©sentations[30].

La DĂ©esis* semble avoir Ă©tĂ© l’image la plus rĂ©pandue Ă  cette Ă©poque non seulement parce qu’elle suggĂ©rait la puissance de la priĂšre en mĂȘme temps que la crainte du Jugement dernier, mais aussi parce qu’elle pouvait s’adapter au caractĂšre particulier de l’église en y ajoutant diverses scĂšnes et personnages. Ainsi, Ă  Sainte-Catherine, des scĂšnes tirĂ©es de la vie de saint Eustratios sont reprĂ©sentĂ©es des deux cĂŽtĂ©s de la DĂ©esis sur la poutre du templon. Ces icĂŽnes monumentales pouvaient ĂȘtre fixes sur les piliers du templon ou, sous forme d’icĂŽnes portatives, placĂ©es devant l’écran. Des exemples de l’un et l’autre existent encore Ă  Chypre provenant de Lagoudera et transfĂ©rĂ©es dans le palais archiĂ©piscopal de Nicosie ainsi qu’à Saint-NĂ©ophytos.

Au XIe siĂšcle, les icĂŽnes apparaissent dans l’entrecolonnement du templon, pendant en-dessous de l’architrave. Toutefois, Ă  cette Ă©poque, l’usage rĂ©pandu surtout dans les monastĂšres semblait ĂȘtre celle de rideaux tendus sur le templon. Ceux-ci Ă©taient fermĂ©s pendant les mystĂšres de façon Ă  cacher le cĂ©lĂ©brant. Selon NicĂ©tas StĂ©tahos (1005-1090), chartophylax et syncelle Ă  Hagia Sophia cette pratique se justifiait par le fait que seuls les membres du clergĂ© Ă©taient dignes de voir le mystĂšre[31].

Iconostase Ă  cinq registre du monastĂšre Cotroceni de Bucarest (1680).

C’est au XIIe siĂšcle que le templon commence Ă  devenir une sorte de mur recouvert d’icĂŽnes. C’est aussi vers cette Ă©poque qu’apparaissent les premiers templa en bois sculptĂ© qui donneront naissance aux iconostases. Jusqu’au XIVe siĂšcle cependant le templon demeure relativement ouvert, les icĂŽnes se retrouvant ou bien sur les colonnes, entre les colonnes, ou plus gĂ©nĂ©ralement sur l’épistyle[32].

Parmi les icĂŽnes les mieux prĂ©servĂ©es, on compte celles du monastĂšre de Sainte-Catherine au mont SinaĂŻ. La poutre de ce templon datant de la fin du XIIe siĂšcle comprend deux scĂšnes liturgiques avec, au milieu, une DĂ©esis* entre deux scĂšnes reprĂ©sentant la Transfiguration et la RĂ©surrection de Lazare, cette derniĂšre reliĂ©e aux images de la Semaine sainte selon le calendrier liturgique. Nombre d’épistyles de ce genre ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s ici et lĂ  dans l’empire, aucune toutefois antĂ©rieure au XIIe siĂšcle qui marqua la transition des bustes sculptĂ©s sur l’architrave, vers une dĂ©coration picturale plus directement liĂ©e Ă  la liturgie aprĂšs l’iconoclasme[33].

L’iconostase surĂ©levĂ©e devint le modĂšle traditionnel au XVe siĂšcle, avec la construction en Scandinavie et en Russie, d’églises faites entiĂšrement de bois et ne pouvant par consĂ©quent recevoir le programme de fresques conçu dans les Ă©glises byzantines pour des murs en pierre. On chercha donc Ă  reproduire ce programme au moyen d’icĂŽnes sur l’iconostase[34]. Aux trois premiers registres (Les grandes icĂŽnes sur les Portes royales, les grandes FĂȘtes et la DĂ©esis) s’ajouteront progressivement un quatriĂšme registre reprĂ©sentant les prophĂštes de la Bible et un cinquiĂšme reprĂ©sentant les patriarches de la GenĂšse. L’iconostase devient ainsi la reprĂ©sentation de l’histoire du salut comprenant la pĂ©riode d’Adam Ă  MoĂŻse, celle de MoĂŻse jusqu’au Christ pour se terminer avec l’Incarnation et le Nouveau Testament[35]. La premiĂšre iconostase Ă  cinq niveaux, s’élevant jusqu’au plafond, fut conçue pour la cathĂ©drale de l’Annonciation du kremlin de Moscou par ThĂ©ophane le grec en 1405 et fut bientĂŽt reproduite par son assistant Andrey Rublyov dans la cathĂ©drale de la Dormition Ă  Vladimir en 1408[36]. À partir du XVIIe siĂšcle, ce modĂšle d’iconostase Ă  cinq registres deviendra la norme mais variera en fonction de la grandeur et de la richesse des Ă©glises.

ChargĂ©s d’icĂŽnes Ă  l’extĂ©rieur, les templa (en particulier ceux qui, surtout dans les villages, Ă©taient faits de murs de maçonnerie pleins) Ă©taient souvent aussi dĂ©corĂ©s Ă  l’intĂ©rieur, du cĂŽtĂ© de l’autel. Outre les reprĂ©sentations du Christ et de la Vierge, on y retrouvait des saints et des personnages directement reliĂ©s Ă  l’église (Ă©vĂȘques, mĂ©cĂšnes, etc.). Ici encore primait l’idĂ©e de saintetĂ© du sacrifice eucharistique, le but Ă©tait de donner au cĂ©lĂ©brant l’idĂ©e qu’il n’était pas seul, mais qu’il faisait partie des Ă©lus pouvant participer au mystĂšre divin[37].

Glossaire

Abside
(Du latin absis, lui-mĂȘme dĂ©rivĂ© du grec áŒÏˆÎŻÏ‚ [voĂ»te, arcade])
Partie saillante en demi-cercle qui dans une Ă©glise chrĂ©tienne termine le chƓur et oĂč se trouve l’autel.
Arche sainte
Arche ou niche (Aron Kodesh —ŚŚšŚ• Ś§Ś•Ś“Ś© pour les AshkĂ©nazes ou Ś”Ś™Ś›Śœ – Hekhal, temple, pour les SĂ©farades —) est l’endroit oĂč sont conservĂ©s les rouleaux de la Torah.
Architrave
Partie de l’entablement qui porte horizontalement sur les colonnes. On donne gĂ©nĂ©ralement le nom d’architrave Ă  une structure faite d’un bloc de pierre et celui d’épistyle Ă  une structure de bois.
BĂȘma
Endroit surĂ©levĂ© qui dĂ©finit le sanctuaire; elle inclut la partie de l’église se trouvant derriĂšre l’iconostase ainsi que la plateforme devant celle-ci d’oĂč le diacre lit les litanies ainsi que l’ambon d’oĂč le prĂȘtre fait le sermon et distribue la communion.
Chancel
ClĂŽture basse en bois, en pierre ou en mĂ©tal qui sĂ©pare la nef oĂč sont rĂ©unis les fidĂšles, du chƓur rĂ©servĂ© au clergĂ©. AppelĂ©e « chancel » dans les Ă©glises palĂ©ochrĂ©tiennes et mĂ©diĂ©vales, celle-ci se transformera en « clĂŽture de chƓur », clĂŽture plus haute constituĂ©e de bois, de pierre ou d’une grille en fer forgĂ©.
DĂ©esis
Représentation du Christ en majesté, entouré de la Vierge et de Jean le Baptiste priant pour le salut des chrétiens.
Épistyle
voir « architrave »
ExĂšdre
demi-cercle au fond de l’abside muni d’un banc de pierre.
Iconostase
Cloison, de bois ou de pierre, qui, dans les Ă©glises orthodoxes, sĂ©pare le sanctuaire oĂč se tiennent les cĂ©lĂ©brants du reste de l’église oĂč prennent place le chƓur, le clergĂ© non cĂ©lĂ©brant et les fidĂšles. Elle est ornĂ©e d’icĂŽnes reprĂ©sentant en ordre d’importance, le Christ, la Vierge Marie ou ThĂ©otokos, Jean le Baptiste, les archanges Michel et Gabriel, les apĂŽtres Pierre et Paul, les prophĂštes de la Bible et les patriarches, divers saints y compris celui Ă  qui l’église est dĂ©diĂ©e.
MĂ©tope
Panneau architectural situĂ© au-dessus de l’architrave, de forme rectangulaire et le plus souvent dĂ©corĂ© de reliefs. L’ensemble des mĂ©topes forme une frise.
Naos
Dans les Ă©glises orthodoxes, l’espace oĂč se rĂ©unissent les fidĂšles entre le sanctuaire et l’entrĂ©e (narthex).
Narthex
Portique interne mĂ©nagĂ© Ă  l’entrĂ©e de certaines Ă©glises palĂ©ochrĂ©tiennes qui fait transition entre l’extĂ©rieur et l’intĂ©rieur, le profane et le sacrĂ©.
Pastophoria
Deux annexes liturgiques qu’on trouve en gĂ©nĂ©ral dans une basilique palĂ©ochrĂ©tienne de part et d’autre de l’abside : le diakonikon ou skeuophylakion, oĂč l’on range les vĂȘtements et objets liturgiques, et la prothesis, oĂč sont conservĂ©es les espĂšces pour l’eucharistie.
Plan basilical
plan d’église qui se dĂ©veloppe en longueur. Il s’oppose au plan centrĂ©.
Proskenion
(en grec : Ï€ÏÎżÏƒÎșÎźÎœÎčÎżÎœ; en latin « proscenium »)
Avant-scĂšne qui sĂ©pare les acteurs sur la scĂšne (espace derriĂšre le rideau de scĂšne) des spectateurs; il est composĂ© d’un plancher qui prolonge le plancher de scĂšne et d’une « arche » (arquĂ©e ou non) derriĂšre laquelle tombe le rideau.
Proskynetarion
(en grec Ï€ÏÎżÏƒÎșÏ…ÎœÎ·Ï„ÎŹÏÎčÎżÎœ [de Ï€ÏÎżÏƒÎșύΜησÎčς signifiant « oratoire » ou « place de priĂšre »)
TrĂšs grande icĂŽne, gĂ©nĂ©ralement reprĂ©sentant le Christ, la Vierge ou le saint patron d’une Ă©glise fixĂ© Ă  l’architrave du templon ou entre les piliers.

Églises ayant conservĂ© leur templon

Églises que l’on sait avoir conservĂ© leur templon. Certaines portent des icĂŽnes entre les colonnes, d’autres sont la reconstruction des templa originaux.

Galerie

Illustrations de templa en existence. Certains ont Ă©tĂ© chargĂ©s d’icĂŽnes entre les colonnes.

Bibliographie

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Notes et références

Notes

  1. Les mots suivis d’un astĂ©risque sont dĂ©finis dans le glossaire Ă  la fin du texte.
  2. L’église byzantine type comprenait trois absides : une plus large, dite bĂȘma, au centre avec Ă  sa droite la prothesis oĂč les sacrements Ă©taient prĂ©parĂ©s et Ă  gauche le diaconicon oĂč les vases liturgiques Ă©taient conservĂ©s. (van Millingen 2006, chap. 1 : « Apses »)
  3. Il n’existe pas de liste canonique de ces fĂȘtes, seul Ă©tant maintenu le chiffre « douze ». On trouvera gĂ©nĂ©ralement de part et d’autre de la DĂ©esis : la NativitĂ© de la Vierge, sa PrĂ©sentation, l’Annonciation, la Naissance de JĂ©sus, sa rencontre avec SimĂ©on, son BaptĂȘme, la Transfiguration, les Rameaux, l’Ascension, la PentecĂŽte, la Dormition de la Vierge, l’Exaltation de la croix. (Spieser 1999, p. 150 et suivantes)

Références

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  2. Universalis « Iconostase », edu, para 2.
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  6. Strzygowski 1907, p. 99-122.
  7. Voir Ă  ce sujet la description de la synagogue de Doura Europos dans Hachlili 1998, p. 360.
  8. Saint Paul, Lettre aux HĂ©breux, IX, 7.
  9. Bortoli-Doucet 2001, para 36.
  10. (en) Harrisson, A Temple for Byzantium. The Discovery and Excavation of Anicia Juliana’s Palace-Chruch in Istanbul, , p. 109, fig. 136-142.
  11. Walter 1993, p. 204.
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  13. Bortoli-Doucet 2001, para 6, note 9.
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  37. Gerstel 2006, p. 154-155.

Voir aussi

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