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Table des Marchand

La Table des Marchand (An Daol Varchant en breton) est un vaste dolmen situé sur le site mégalithique de Locmariaquer (le Groh), dans le département français du Morbihan.

Table des Marchand
Image illustrative de l’article Table des Marchand
Vue générale du cairn reconstitué avec dolmen à couloir et son accès par un cheminement extérieur dont la bordure par des mono-fils canalise la fréquentation touristique.
Présentation
Nom local An Daol Varchant
Chronologie 3900 Ă  3800 av. J.-C.
Type Dolmen
PĂ©riode NĂ©olithique
Faciès culturel Mégalithisme
Protection Logo monument historique ClassĂ© MH (1889)
Visite Payant (6.00€ par adulte (2017))
Caractéristiques
Dimensions 12 m
Matériaux Pierres
GĂ©ographie
CoordonnĂ©es 47° 34′ 18″ nord, 2° 56′ 59″ ouest
Pays Drapeau de la France France
RĂ©gion Bretagne
DĂ©partement Morbihan
Commune Locmariaquer
GĂ©olocalisation sur la carte : alignements de Carnac
(Voir situation sur carte : alignements de Carnac)
Table des Marchand
GĂ©olocalisation sur la carte : golfe du Morbihan
(Voir situation sur carte : golfe du Morbihan)
Table des Marchand
GĂ©olocalisation sur la carte : arrondissement de Lorient
(Voir situation sur carte : arrondissement de Lorient)
Table des Marchand
GĂ©olocalisation sur la carte : Morbihan
(Voir situation sur carte : Morbihan)
Table des Marchand

Propriété de l'État, le dolmen, dit aussi Table-des-Marchands, fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1889[1].

Toponymie

Le site des mégalithes de Locmariaquer est situé sur la parcelle appelée Er Groh (qui peut se traduire par « la grotte ») ou Er Groh vihan (« la petite grotte »)[2].

L'appellation toponymique locale de ce mégalithe est An Dol March'hand (littéralement table cheval allée, ce qui se traduit par « Table de l'allée du cheval »). Sa douteuse francisation en Table des Marchands par le peintre Jean-Baptiste-Joseph Jorand qui participe à la fouille en 1824, puis en Table des Marchand (parenthèse onomastique qui associe faussement ce dolmen à une famille Marchand), s'est imposée, notamment sous l'influence de l'inspecteur des Monuments historiques Prosper Mérimée qui a popularisé la traduction française erronée après sa visite des fouilles ouvertes à Locmariaquer et Carnac[3].

Histoire

La construction du dolmen et du cairn remonte au début du IVe millénaire av. J.-C. ; la datation retenue se situe entre -3900 et -3800. Le monument a été utilisé pendant plusieurs siècles, avant de servir de carrière de pierres, notamment pour un théâtre gallo-romain tout proche, si bien que le cairn disparaît au début de l'ère chrétienne[4].

Les premières fouilles remontent Ă  1811, sous la direction du Comte Maudet de PenhouĂ«t, mais les objets qui sont alors dĂ©couverts sont dissĂ©minĂ©s ou perdus. Ă€ l’époque, le monument a l'aspect d'une dalle plate reposant sur trois piliers. Il est restaurĂ© en 1883, et Ă  nouveau Ă©tudiĂ© et consolidĂ© en 1937-1938 par Zacharie Le Rouzic qui reconstitue un tertre artificiel autour du monument et jusqu'au niveau infĂ©rieur de la table. Après les recherches de 1985 et la restauration de 1991 qui dĂ©truit celle de Le Rouzic pour en proposer une nouvelle Ă  partir d'une extrapolation des Ă©boulis, l'ensemble prend la forme d’un cairn[5]. Un mur d'enceinte, un pavillon d’accueil et un circuit de visite sont finis d'ĂŞtre amĂ©nagĂ©s en 1992 sur le site mĂ©galithique dont l'accès et la visite se font après paiement d'un droit d'entrĂ©e (près de 7 000 entrĂ©es payantes et 6 000 entrĂ©es gratuites en 2010)[6].

Description

Ligne de fosses de calage (reconstituée) d'un alignement de dix-neuf menhirs aujourd'hui disparus, orientée sur la fosse d'implantation supposée du Grand Menhir[7].

Ă€ l'origine, le cairn Ă  double parement mesure 30 m sur 25 m, et 6 Ă  m de hauteur. Il est maintenu par deux murailles circulaires maçonnĂ©es Ă  sec, la seconde, de 18 m Ă  20 m de diamètre, tangente au mur extĂ©rieur au niveau de l'entrĂ©e. Il adopte le modèle ramassĂ© Ă  plan subcirculaire caractĂ©ristique du mĂ©galithisme armoricain[Note 1].

Ce cairn protège une tombe Ă  couloir complĂ©tĂ©e par une chambre funĂ©raire. Cette tombe comporte 18 orthostates[Note 2]. D’une orientation nord-sud, le tertre actuel est long d'environ 12 m. Le couloir une longueur de m pour une hauteur Ă  l’entrĂ©e de 1,4 m (orientĂ©e au sud-est, vers l'entrĂ©e du golfe du Morbihan) ; la chambre polygonale a une hauteur de 2,5 m.

Le système d’éclairage permet de mieux distinguer les pétroglyphes de la dalle de chevet.
Sur la dalle de couverture sont gravées une grande hache emmanchée, une crosse, la tête et les antérieurs d'un animal qui est sans doute un caprin aux cornes dont le dos et la tête apparaissent sur le bloc de Gavrinis[10].

En 1994, les fouilles d'une Ă©quipe d'archĂ©ologues dirigĂ©e par Jean L'Helgouach ont mis au jour 19 fosses de calage correspondant Ă  une ligne de stèles[Note 3] alignĂ©es sur 55 m, en dĂ©croissant vers le nord[12]. La stèle la plus grande correspond au grand menhir brisĂ©, la plus petite Ă  la dalle de chevet qui constitue le fond de la chambre funĂ©raire de la Table des marchand. Ces stèles ont Ă©tĂ© dĂ©bitĂ©s pour servir en rĂ©emploi dans les monuments mĂ©galithiques de Locmariaquer. Une de ces stèles demeurĂ©e dans sa position d'origine, est ainsi devenue la dalle de chevet de la Table des Marchand, appelĂ©e la « stèle aux crosses ». La fosse de calage et les traces d'Ă©rosions montrent en effet que cette dalle a Ă©tĂ© Ă©rigĂ©e Ă  ce mĂŞme emplacement en plein air durant près de cinq siècles[Note 4].

Les deux faces de la « stèle aux crosses » en grès ladère (unicum dans le mégalithisme de la région)[Note 5] sont ornées de gravures. Sur son dos, est gravé un double arc radié (arc-en-ciel), une figure quadrangulaire (une terre ou une habitation) et une portion de disque représentant, selon Cassen, le ciel, l'habitat-monde et un bateau[15]. La face interne de la chambre représente, selon l'interprétation du préhistorien C.-T. Le Roux une déesse Mère à la chevelure rayonnante[Note 6] et sous forme humaine schématisée en écusson[Note 7]. Cet écusson présente quatre registres de crosses, symétriquement opposées, symboles de pouvoir[Note 8] orientées à gauche et symétriquement. La face externe est non visible. L’ensemble du mégalithe a été construit par la suite, à partir et autour de cette première stèle qui fait face à la rivière d'Auray. Les crosses étant un augmentatif de puissance, elles délivrent probablement un message d'avertissement à l'attention de ceux qui abordent la presqu'île[17].

La seconde dalle de couverture constitue le plafond de la chambre ; elle mesure 6 mètres de long, 4 de large et 0,80 d’épaisseur, son poids est estimé à 40 tonnes. Cette dalle en orthogneiss est ornée d’une hache emmanchée avec sa lame triangulaire[Note 9] insérée sur un manche crossé (à extrémité recourbée), et muni d'une lanière de préhension), d’une crosse superposée par la crosse de la hache et, dans la partie inférieure, du train avant d'un caprin, caractérisé par un mufle large, la nuque courte, l'échine droite et la croupe anguleuse. C’est une partie d’un bloc tabulaire cassé (issu d'une stèle à côté du grand menhir, dressée en troisième position dans l'alignement) dont une autre partie a été transportée par voie maritime sur le tumulus de Gavrinis, distant d'environ 5 kilomètres (on retrouve sur la dalle de couverture les cornes et l'échine du caprin, ainsi qu'un bovidé avec ses encornures parallèles se terminant de manière divergent, et au-dessus un cachalot), et l’autre sur le tumulus d'Er Grah situé juste à quelques mètres de la Table des Marchand, car les motifs de décoration se complètent parfaitement[18] - [19].

  • Dolmen des marchands avant sa restauration (carte postale du dĂ©but du XXe siècle)
    Dolmen des marchands avant sa restauration (carte postale du début du XXe siècle)
  • Tumulus d’Er Grah et Grand Menhir
    Tumulus d’Er Grah et Grand Menhir
  • EntrĂ©e de la Table des Marchand : portail trilithe avec deux piliers et un linteau
    Entrée de la Table des Marchand : portail trilithe avec deux piliers et un linteau
  • IntĂ©rieur du cairn de la Table des Marchand
    Intérieur du cairn de la Table des Marchand
  • La dalle de couverture gravĂ©e de la Table des Marchand
    La dalle de couverture gravée de la Table des Marchand

Notes et références

Notes

  1. Le cairn de Gavrinis adopte quant à lui le modèle trapézoïdal[8].
  2. 15 orthostates sont en granite de Carnac, deux en orthogneiss de Roguedas (n° 4 et 15) et un en grès ladère (n° 10). Les n° 2 et 3 sont gravés sur leur face interne, les 16 et 17 sur leur face externe (invisible au public), le n°10 (la dalle de chevet) sur les deux faces, dont une invisible au public[9].
  3. « La barre de stèles dite du Grand Menhir (GM) est un ouvrage complexe dont nous n’avons sans doute entrevu que certains aspects, faute de l’avoir fouillé dans sa totalité. Au moins trois files de pierres dressées, certaines gravées, s’agencent en une géométrie de lignes orthogonales ; elles sont exactement placées sur la dorsale de la presqu'île de Locmariaquer. La ligne principale du GM est orientée transversalement à l’arête topographique, et accompagne, dans son placement, une faille majeure naturellement inscrite dans le granite du substrat. Le tumulus du Mané Lud est d’ailleurs placé au sommet et à la fin de cette dorsale, clôturant en quelque sorte vers l’intérieur des terres le complexe des tertres et stèles caractérisant cette partie du littoral morbihannais. L’entité archéo-géographique formée par la presqu’île répond aux deux autres entités centrées d’une part sur le tumulus de Tumiac en presqu'île de Rhuys à l’est, d’autre part sur le tumulus de Saint-Michel sur le plateau carnacois à l’ouest, cet ordre énumératif étant d’ailleurs l’ordre chronologique estimé à partir de plusieurs critères pertinents[11] ».
  4. De plus, « les fosses sont associées à des calages de trous de poteaux qui pourraient être les éléments des échafaudages destinés à tailler et lever ces grands menhirs »[13]}.
  5. Cette roche, connue dans la région sous le nom de « grès à sabals » ou « grès ladère », se répartit de part et d'autre du horst de la presqu'île de Rhuys. Elle résulte de silicifications intervenues vers la fin de l'Éocène au sein de masses sableuses, sous un climat subdésertique, dans le bassin oriental de la rivière de Vannes[14].
  6. Les signes divergents sur la bordure de la stèle évoqueraient la chevelure abondante de cette déesse néolithique
  7. L'écusson est l'ultime schématisation d'une figure anthropomorphe, celle de la « grande déesse », maîtresse de la vie et de la mort, que l'on voit émerger dès le Néolithique ancien du Proche-Orient.
  8. Cette gravure, fréquente dans les monuments mégalithiques, a une symbolique à l'interprétation variée[16]
  9. Lame polie imposante, avec un talon pointu et un tranchant assez large).

Références

  1. « Dolmen dit Table-des-Marchands », notice no PA00091386, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. Charles-Tanguy Le Roux, Monuments mégalithiques à Locmariaquer (Morbihan), CNRS éditions, , p. 35
  3. Yann Le Gaudion, « Existe-t-il un rapport entre la Table des Marchands à Locmariaquer et une famille Marchand ? », Bulletin mensuel de la Société polymathique du Morbihan, t. 120,‎ , p. 73-85
  4. « Les surprises de Locmariaquer. Dans le Morbihan, des mégalithes vieux de quelque six mille ans sont entourés de vestiges anciens qui restent à découvrir », sur lemonde.fr, .
  5. Jean L'Helgouac'h, Locmariaquer, Ă©ditions Jean-Paul Gisserot, , p. 18.
  6. Charles-Tanguy Le Roux, Monuments mégalithiques à Locmariaquer, (Morbihan). Le long tumulus d’Er Grah dans son environnement, CNRS éditions, , p. 52.
  7. Table des Marchands et l'alignement du Grand Menhir brisé (d'après J. L'Helgouac'h S. Cassen et N. Le Meur, 1993).
  8. Jean Guilaine, Mégalithismes. De l'Atlantique à l’Éthiopie, Errance, , p. 51
  9. Serge Cassen, Guillaume Robin, « Le corpus des signes à la Table des Marchands. Enregistrement et analyses descriptives », dans S. Cassen (dir.), Autour de la Table. Explorations archéologiques et discours savants sur des architectures néolithiques à Locmariaquer, Morbihan (Table des Marchands et Grand Menhir), LARA, , p. 826-853.
  10. Proposition de reconstitution montrant le réemploi d'un grand menhir gravé pour les dalles de couverture de Gavrinis, de la Table des Marchand et d'Er Grah
  11. Serge Cassen, « Le Mané Lud en mouvement. Déroulé de signes dans un ouvrage néolithique de pierres dressées à Locmariaquer (Morbihan) », Préhistoires Méditerranéennes, no 2,‎ , p. 11-69
  12. Cette décroissance correspond à la taille respective des fosses, mais l'alignement se poursuit peut-être vers le sud.
  13. Jacques Briard, Les mégalithes de l'Europe atlantique. Architecture et art funéraire, 5000 à 2000 ans avant J.-C., Errance, , p. 23
  14. Charles-Tanguy Le Roux, Monuments mégalithiques à Locmariaquer, (Morbihan). Le long tumulus d’Er Grah dans son environnement, CNRS éditions, , p. 31
  15. Dos de la stèle dite de chevet à la Table des Marchands (Locmariaquer, Morbihan)
    tiré de Serge Cassen, « Le Mané Lud en mouvement. Déroulé de signes dans un ouvrage néolithique de pierres dressées à Locmariaquer (Morbihan) », Préhistoires Méditerranéennes, no 2,‎ , p. 11-69
  16. Serge Cassen, « La crosse, point d’interrogation ? Poursuite de l’analyse d’un signe néolithique, notamment à Locmariaquer », L'Anthropologie, vol. 116, no 2,‎ , p. 171 (DOI 10.1016/j.anthro.2012.03.006)
  17. Jacques Briard, Les mégalithes de l'Europe atlantique : architecture et art funéraire, 5000 à 2000 ans avant J.-C., Errance, , p. 23
  18. Charles-Tanguy Le Roux, Gavrinis et les îles du Morbihan. Les mégalithes du golfe, Guides archéologiques de la France, n° 6, Imprimerie Nationale, , p. 75
  19. CASSEN, Serge, VAQUERO LASTRES, Jacobo. « La Forme d’une chose ». Dans CASSEN, Serge, BOUJOT, Christine et VAQUERO, Jacobo (dir.). Éléments d’architecture. Exploration d’un tertre funéraire à Lannec er Gadouer (Erdeven, Morbihan). Constructions et reconstructions dans le Néolithique morbihannais. Propositions pour une lecture symbolique. Chauvigny : Association des publications chauvinoises, 2000, p. 611-656

Voir aussi

Bibliographie

  • Collectif, Toute l’histoire de Bretagne, Skol Vreizh, Morlaix, 1997, (ISBN 2-903313-95-4)
  • Jean L'Helgouac'h, Locmariaquer, Ă©ditions Jean-Paul Gisserot, Plouedern, 1994, (ISBN 2-87747-144-6)
  • Serge Cassen, Autour de la Table. Explorations archĂ©ologiques et discours savants sur des architectures nĂ©olithiques Ă  Locmariaquer, Morbihan, Presses universitaires de Nantes, , 918 p.
  • Christophe Bouillon, Serge Cassen, « De l’Airbus A380 au site nĂ©olithique de la ”Table des Marchands” (Morbihan) : limites et perspectives d’un transfert de technologie », dans Robert Vergnieux, Actes du Colloque Virtual Retrospect 2007, Ausonius, , 157-164 p. (lire en ligne)

Articles connexes

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