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TĂȘte du Coquin

La tĂȘte du Coquin ou roche du Coquin est un petit sommet en conglomĂ©rat, pointant sur la crĂȘte grĂ©seuse du Coquin, Ă  l'extrĂ©mitĂ© orientale de la forĂȘt domaniale de Celles-sur-Plaine, Ă  6 kilomĂštres au nord-est de l'ancien village de Celles. Le Coquin est un petit massif grĂ©seux qui, dans le prolongement du Gros Colas, sĂ©pare le vallon de la Haute Sciotte et le vallon du ruisseau du Coquin, dans le dĂ©partement des Vosges. Le massif du Coquin, autrefois dans une acception large incluant les Brocards, dominait le val de Plaine et le val du Rabodeau ou de Senones, deux vallĂ©es qui remontent continĂ»ment vers le nord-est oĂč trĂŽne le massif du Donon, sommet des Vosges grĂ©seuses[2]. En particulier, le sommet surplombe l'ancienne petite ville industrielle de Moussey au sud.

TĂȘte du Coquin
Image illustrative de l’article TĂȘte du Coquin
GĂ©ographie
Altitude 837 m[1]
Massif Vosges
CoordonnĂ©es 48° 27â€Č 11″ nord, 7° 00â€Č 39″ est[1]
Administration
Pays Drapeau de la France France
RĂ©gion Grand Est
DĂ©partement Vosges
GĂ©ologie
Roches Conglomérat
GĂ©olocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
TĂȘte du Coquin
GĂ©olocalisation sur la carte : Vosges
(Voir situation sur carte : Vosges)
TĂȘte du Coquin

Toponymie

Plusieurs hypothĂšses successives peuvent expliquer l'oronyme Coquin et sa francisation en tĂȘte du Coquin :

  • la forme en vieux patois vosgien Caquin, le son a se prononçant comme un o doux français, pourrait ĂȘtre l'application du verbe cĂąquĂšr, « montrer la tĂȘte, sortir (aprĂšs l'hiver) »[3]. Le massif du Coquin se caractĂ©risait, plus encore qu'aujourd'hui, par cette roche ou tĂȘte sortante emblĂ©matique. Les sommets dĂ©nommĂ©s Brocards semblent tirer leur dĂ©nomination du latin brocchum, signifiant saillant, forme en saillie ;
  • en ancien français, dans la Geste des Lohereins rĂ©digĂ©e Ă  la fin du XIIe siĂšcle, le « coquin » dĂ©signe un mendiant, un faux pĂšlerin, porteur d'une fausse coquille Saint-Jacques. Le calvaire du Coquin peut venir Ă  l'appui de cette dĂ©nomination plus tardive, peut-ĂȘtre moderne. Sa francisation a appelĂ© l'ajout de tĂȘte ;
  • la forme sphĂ©rique pourrait faire songer Ă  une coque ou petite coque, chapelle naturelle pour s'y abriter de la pluie. D'oĂč le Coquin expliquant Ă  l'origine uniquement la roche sommital.

La premiĂšre hypothĂšse patoise peut ĂȘtre allĂšgrement confondue avec le verbe homophone en patois vosgien, cĂącquĂšr, caqueter (cri de la poule sauvage, cri rĂ©gulier de la poule domestique). On comprend alors une tradition orale qui Ă©voque pour le Coquin la poule sauvage ou coq de bruyĂšre, Ă  savoir lo nĂąre coquelā, « le noir coq de bruyĂšre »[4]. Le Gros Colas, sommet et mont effondrĂ© dans le prolongement du massif du Coquin, indique dans la mĂȘme veine lĂ©gendaire en vieux patois lo grous coquelā ou « gros coq de bruyĂšre ».

Il est probable que la premiĂšre hypothĂšse, plus populaire, ou ses variantes a Ă©tĂ© combattue par l’Église au dĂ©but de l'Ă©poque moderne. Faire passer la croyance en un coq noir caquetant Ă  tue-tĂȘte pour le diable ou attribuer au sommet montrant une petite tĂȘte tel un accouchement de gĂ©ante, la rĂ©sidence d'un haut lieu hantĂ© par un ĂȘtre coquin, menaçant et libidineux, est une façon moderne, avec l'exorcisme des roches Ă  l'Ă©poque tridentine, de combattre, de dĂ©valoriser et d'effacer les vieilles traditions et croyances mĂ©diĂ©vales.

GĂ©ographie

Entre la tĂȘte du Coquin Ă  837 mĂštres d'altitude et le Pain de Sucre au sud-ouest Ă  671 mĂštres d'altitude commence Ă  s'Ă©chancrer une profonde vallĂ©e qui prend naissance en deux lieux-dits, le Calvaire du Coquin Ă  789 mĂštres et du col Ferry sous les roches Ferry Ă  801 mĂštres, deux hauteurs qui surplombent directement la vallĂ©e du Rabodeau, de Senones et Moussey. Les roches sont des grĂšs vosgiens d'Ăąge triasique. Les amateurs gĂ©ologues reconnaissent un ancien cirque glaciaire dans un modelĂ© de calotte islandaise, comparable Ă  celui, d'ailleurs plus petit et moins Ă©levĂ©, du lac de la Maix. En effet, les recherches actuelles, rejoignant les constats modestes de terrains depuis la Belle Époque, proposent un niveau nival situĂ© entre 650 et 700 mĂštres d'altitude durant les ultimes (dĂ©)glaciations[5].

Au nord du Coquin, se poursuit une ligne de faĂźte qui gagne le Gros Colas dont la tĂȘte en sommet arrondi est Ă  726 mĂštres d'altitude et la tĂȘte des Herrins, partie de la forĂȘt communale d'Allarmont surmontant au-delĂ  de la Plaine le hameau des Noires Colas, en aval de Bionville. La forĂȘt de Celles est limitĂ©e par les Hayes de Celles, terme qui signifie en dialecte lorrain les « bois ou forĂȘt de clĂŽture ou limite de Celles ».

Histoire

Les observateurs Ă  la Belle Époque pouvaient interprĂ©ter de loin la forme tabulaire Ă©trange de la roche sommitale comme un coq Ă©lancĂ© ou un mendiant au grand chapeau. Divers clichĂ©s d'Adolphe Weick avant la Grande guerre montrent la roche sommitale en forme de table en partie Ă©vasĂ©e avec un soubassement plus Ă©troit[6]. L'Ă©rosion rĂ©gressive du conglomĂ©rat explique cette forme tabulaire et la difficultĂ© d'accĂšs au sommet, au point qu'il avait fallu construire, adosser et tailler un escalier d'accĂšs en pierre de grĂšs. Le sentier d'accĂšs Ă©tait jalonnĂ© par le Club alpin français, puisque le site Ă©tait visitĂ© par de nombreux touristes.

Voici comment le cartographe Adolphe Garnier le dĂ©crit : « Il s'agit d'une roche en grĂšs vosgien de forme sphĂ©rique, parsemĂ©e de cailloux blanc, de 8 mĂštres de haut et prĂ©sentant une base de 5 Ă  6 mĂštres. Son sommet Ă  843 mĂštres d'altitude est atteint par des marches d'escalier taillĂ©es dans la pierre[2]. La vue y est magnifique, par sa position avancĂ©e et dominante sur toute la vallĂ©e de la Plaine jusqu'au Donon. Au sud-ouest, toute proche est la roche des Brocards sur la commune d'Allarmont. Si on distingue par temps clair seulement une partie du val de Senones et des villages du canton de Senones, la crĂȘte des Vosges apparaĂźt facilement ainsi que les hauteurs des Hautes Chaumes avoisinant Le Valtin et GĂ©rardmer. À l'ouest, les ruines du chĂąteau de Pierre-PercĂ©e se dĂ©tachent avec nettetĂ©, et la Lorraine prend forme avec les environs de LunĂ©ville, Nancy et Avricourt ».

Le point d'observation allemand, dénommé Coquin Felsen dans cette langue, c'est-à-dire « rocher du Coquin », a été complétement transformé par creusage de la base des roches pour y fixer des abris ou des points d'artillerie, puis bétonnage et fixation de structure en acier pour fixer des projecteurs puissants, à partir de septembre 1914[7]. Il s'agit d'un poste d'observation stratégique, doublé plus tard d'un poste optique qui communique avec les étangs de Ban-le-Moine au nord d'Allancombe (commune de Badonviller). La construction de tranchées allemandes du Coquin au Gros Colas, la ligne du Dialtrepoix à l'ouest rejoignant les tranchées du Coquin à l'est, avec les casemates et installations militaires nécessaires, ont transformé la montagne du Coquin[8]. Le démantÚlement et déferrage rapide des postes et tranchées militaires aprÚs novembre 1918 ont causé d'autres dégradations, en particulier sur les roches soumises aux effets des explosifs.

Selon la tradition orale, ces anciennes hauteurs au lointain modelĂ© glaciaire sont considĂ©rĂ©es comme des refuges longtemps prĂ©servĂ©s du coq de bruyĂšre des Vosges ou grand tĂ©tras, faisant entendre en automne un concert de caquetage. L'historien peut montrer aussi la compatibilitĂ© de cet oiseau, aujourd'hui en voie de disparition dramatique depuis un siĂšcle, et un environnement agro-pastoral et forestier traditionnel. Contrairement Ă  une conception historique erronĂ©e de forĂȘts immuables, les forĂȘts des anciennes terres de Salm, en particulier celle de Celles, possĂ©daient Ă©videmment avant la RĂ©volution des chaumes amodiĂ©es ou des montagnes d'estives privĂ©es, en particulier sous le Coquin :

  • au sud la chaume des BƓufs ;
  • la chaume du Coquin Ă  l'est ;
  • la chaume de Riangoutte au nord ;
  • il est possible d'ajouter la chaume des Gardes en dessous du col des roches Ferry.

L'indice de quatre fontaines anciennes correspondantes, toujours en eau et mentionnĂ©es sur la carte topographie corrobore les traces de cette prĂ©sence pastorale d'estives sous l'Ancien RĂ©gime. La gestion traditionnelle de ces estives montre que seuls les sommets rocheux Ă©taient couverts de belles forĂȘts ainsi que les fonds. Sur Allarmont, le prolongement du massif du Coquin peut Ă  la rigueur englober la chaume des Gros Colas.

Tous les espaces ouverts, calmis, calvus mons, calvomontensis devenu chaume, la « montagne » des montignons ou marcaires, ou l'ancien campus altĂ©rĂ© en *champ, s'ils Ă©taient entourĂ©s de forĂȘts majestueuses Ă  grand arbres, ont donnĂ© lieu selon la tradition paysanne dans les montagnes vosgiennes, Ă  des explications de crĂ©ation/revigoration de vents rĂ©guliers froids et secs. Le « bise de la chaume des BƓufs » ou « bise du Coquin » ne fait pas exception : elle dĂ©signait autrefois le vent froid venu d'Alsace ou d'Allemagne, bise de l'Est qui frigorifiait les habitants de Celles. Les mĂ©tĂ©orologues identifient dĂ©sormais l'anticyclone russe formĂ© d'air froid et dense, gelant la mer Baltique et s'avançant vers l'Europe occidentale par avancĂ©es brusques de languettes d'air froid.

À proximitĂ© de la tĂȘte du Coquin se rejoignaient les deux chemins partant Ă  l'occident de l'abbaye de Senones, le chemin de Celles qui reliait par le col Ferry Senones ou La Petite-Raon Ă  Celles-sur-Plaine, le chemin d'Allarmont qui reliait, par le col du Calvaire, Moussey Ă  Allarmont. En Ă©tĂ©, le Coquin n'Ă©tait pas encore un territoire de solitude sylvicole.

Randonnée

C'est un lieu de promenade silencieux Ă  proximitĂ© du sentier de grande randonnĂ©e GR533 qui longe la ligne de crĂȘte depuis les cĂŽtes de Senones avant de gagner en bifurquant Ă  l'ouest Celles-sur-Plaine. L'altitude de la tĂȘte du Coquin est de 837 mĂštres et reste facilement accessible depuis la passĂ©e du Calvaire Ă  789 mĂštres d'altitude, par une lĂ©gĂšre descente et une montĂ©e. La tĂȘte du Coquin offre toujours un point de vue remarquable.

Bibliographie

  • Adolphe Garnier, « Paysages, sites pittoresques et curiositĂ©s naturelles du dĂ©partement », Annales de la SociĂ©tĂ© d'Ă©mulation du dĂ©partement des Vosges, juillet 1907. Partie 2 : « La Montagne », paragraphe « Celles-sur-Plaine, TĂȘte ou Roche du Coquin », en particulier p. 127.

Liens externes

Notes et références

  1. « Carte IGN classique » sur Géoportail.
  2. Adolphe Garnier, opus cité.
  3. Les patronymes Caquel (simple diminutif) ou Caquelin (double diminutif) prĂ©sents dans les deux grandes vallĂ©es voisines, semblent dĂ©signer une tĂȘte ou l'emblĂšme d'une petite tĂȘte qui se montre, comme lors de la naissance du bĂ©bĂ©. La plupart des noms prĂ©noms vosgiens ou lorrains Ă©taient d'abord des prĂ©noms enfantins Ă  vocation protectrice ou rassurante pour la mĂšre, avant de prendre une signification complĂ©mentaire pour le monde adulte.
  4. Ce mot est proche de l'ancien français coquelin, signifiant un petit caquetage ou petit cri continu en saison de reproduction du coq sauvage. Le monde gallo-romain a transmis au locuteur roman la galine ou gĂ©line, devenue hhlĂźne en patois vosgien. Le peuple a eu recours Ă  des onomatopĂ©es ou surnom explicites pour dĂ©signer les gallinacĂ©s : il nous reste en français le coq, en ancien français coc attestĂ© en 1138, une onomatopĂ©e qui signifie le « crieur, baratineur » et qui est indubitablement associĂ©e au libertinage ou coquellerie en ancien français ; la poule en jeune femme sĂ©ductrice ou sĂ©duite provient du surnom de puella, « jeune fille » en latin classique. La racine qui a servi Ă©galement au coq domestique proviendrait de la racine reconstruite, soi-disant indo-europĂ©enne, *kak, au sens triple de « caqueter, chanter, parler avec aviditĂ© » que ce soit pour la louange ou la mĂ©disance.
  5. Jean-Luc Mercier, DĂ©glaciation des vallĂ©es glaciaires alsaciennes des Hautes Vosges centrales : Younger Drias, Little Ice Age, Equilibrium Line Altitude, pages 93-101 ; suivi d’une analyse des moraines perdues du Petit Rombach avec Natacha Jeser in Bulletin de la SociĂ©tĂ© d’histoire naturelle et d’ethnographie de Colmar, 64e volume, 1998–1999-2000, 160 pages.
  6. Par exemple, Celles-sur-plaine, Roches du Coquin
  7. Les Archives des Vosges possĂšdent dans leur fonds iconographique divers clichĂ©s photographiques sur papier par tirage Ă  dĂ©veloppement gĂ©latino-argentique de la tĂȘte du Coquin ou de ses abords ainsi amĂ©nagĂ©s, en particulier aux cotes 132 Fi 21/210 (« Un officier allemand assis au pied de l'escalier menant Ă  l'observatoire »), 132 Fi 21/100 (« Des officiers allemands observent les environs depuis le sommet du rocher de la TĂȘte du Coquin »), 132 Fi 21/60 (« L'escalier menant au poste d'observation amĂ©nagĂ© au sommet de la TĂȘte du Coquin »), 132 Fi 21/55 (« La construction d'un abri en bois sous la roche du Coquin »), 132 Fi 21/52 (« Cinq soldats allemands observent les environs depuis la TĂȘte du Coquin »), 132 Fi 21/50 (« Un soldat allemand au pied de l'escalier menant au sommet de la roche de la TĂȘte du Coquin »), 132 Fi 21/48 (« Un abri allemand et ses occupants dans la forĂȘt vosgienne »), 132 Fi 21/47 (« Deux soldats allemands au pied de la roche de la TĂȘte du Coquin »), 132 Fi 21/6 (« Les abris militaires allemands et leurs occupants au pied du rocher »), 132 Fi 21/1 (« Un abri allemand en bois et ses occupants »). Observable sur le site Archives des Vosges en ligne.
  8. « Visite au front de guerre », Sports des Vosges : bulletin officiel des promenades, 1er aoĂ»t 1925, Syndicat d'initiative d’Épinal. Le Pain de Sucre et la Roche-MĂšre Henry Ă  670 mĂštres d'altitude sont occupĂ©s par les troupes françaises. Une guerre de montagne y a fait rage jusqu'en 1915.
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