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TĂȘte (sommet)

Une tĂȘte dĂ©signe un sommet de montagne associĂ© Ă  une proĂ©minence dont la partie supĂ©rieure prend le plus souvent une forme arrondie[1]. En France, le terme est surtout reprĂ©sentĂ© dans le massif des Vosges dans le Grand Est, mais aussi dans une moindre mesure dans toute la façade est du pays et en Suisse romande. La version germanique Kopf est trĂšs rĂ©pandue dans les pays germanophones[2] en moyenne montagne comme en trĂšs haute altitude, y compris dans les Vosges[2] alsaciennes et mosellanes[3].

Rainkopf, Rothenbachkopf, Batteriekopf.

Étymologie et significations

TĂȘte de Chien vue de Monaco.

L’étymon bas-latin testa[4] provenant du latin classique testa avec le sens de « coquille » ou « carapace de tortue » prend progressivement le sens de « pot », « tesson »[5], puis « crĂąne » ou « boĂźte crĂąnienne »[5]. La forme arrondie du sens initial se retrouve donc dans l’usage toponymique qui s’est imposĂ© dans certaines rĂ©gions.

Le sommet en tĂȘte joue en effet le rĂŽle du point de repĂšre ; en gĂ©nĂ©ral, il attire le regard par son cĂŽtĂ© massif en opposition avec les parties basses des alentours[6], il peut ĂȘtre le premier sommet apparent Ă  l’entrĂ©e d’une vallĂ©e, mĂȘme de faible altitude ; il peut servir de limite supĂ©rieure d’une micro rĂ©gion ou d’une zone administrative, ou bien encore de la montagne fĂ©tiche ou identitaire du secteur.

Quant Ă  la version haut allemande Kopf, elle dĂ©passe les rĂ©gions du bassin mĂ©ridional des langues germaniques oĂč sont situĂ©s les massifs des Alpes, de la ForĂȘt-Noire, des Vosges et plus globalement de toutes les parties du Massif schisteux rhĂ©nan. En Suisse alĂ©manique, le terme Grind se substitue parfois Ă  celui de Kopf, mais il a la mĂȘme signification[2]. Suivant les rĂ©gions, les formes phonĂ©tiques divergent: Gupf, Kopp, Koppe ou Kuppe[2]. De fait, les deux termes Kopf et Kuppe se chevauchent dans leur sens puisque le second terme dĂ©signe en allemand un sommet arrondi.

Massif vosgien

Dans les Vosges romanes, il cohabite avec les oronymes en haut, ballon ou mont. Dans la partie germanophone, Kopf[7] est prĂ©sent Ă  cĂŽtĂ© des nombreux Berg sans que l'altitude entre en ligne de compte dans la distribution des termes. On remarque dans la liste des principaux sommets des Vosges du Nord[8]. Le nombre des oronymes en -kopf dans le parc naturel rĂ©gional des Vosges du Nord est effectivement important alors que les sommets ne dĂ©passent pas les 590 m d'altitude (le Grand Wintersberg culmine Ă  seulement 581 m).

TĂȘte ou Kopf sont interchangeables dans leur usage dans la rĂ©gion de transition Ă  cheval sur la limite des langues germano-romanes. Certains sommets sont indiquĂ©s sur les cartes topographiques avec les deux noms comme la « tĂȘte des Russiers » ou « Steinkopf ». Les locuteurs locaux choisissent par commoditĂ© le terme qui correspond Ă  leur langue vernaculaire.

Les toponymes germaniques en Thal et Bach sont gĂ©nĂ©ralement dans les environs immĂ©diats des toponymes en Kopf. Ainsi, afin de l'illustrer par un terme totalement fictif, le ruisseau que l'on nommerait Raimbach donnerait son nom Ă  la vallĂ©e Raimbachthal qui serait dominĂ©e dans sa partie la plus Ă©levĂ©e par le Raimbachkopf. On retrouve la mĂȘme configuration sur le versant occidental des Hautes-Vosges avec les toponymes Ă©quivalents en val (aussi basse ou colline[9]), goutte et tĂȘte.

Le meilleur exemple de la cohabitation des « tĂȘtes Â» et des « Kopf Â» dans les Vosges est le massif qui sert de frontiĂšre dĂ©partementale entre les Vosges et le Haut-Rhin entre Bussang et Saint-Amarin. La limite correspond Ă©galement Ă  la frontiĂšre linguistique entre les langues romanes et germaniques. Sur la façade vosgienne, on a les sommets suivants :

Une fois qu'on passe la frontiĂšre linguistique ou mĂȘme parfois sur la mĂȘme crĂȘte en alternance, on observe les noms germaniques :

  • Hasenkopf ;
  • Steinkopf ;
  • Rimbachkopf ;
  • Mittelrainkopf ;
  • Johanneskopf ;
  • Hoherkopf ;
  • Brandkopf ;
  • Hirschbachkopf ;
  • GrĂŒnenwaldkopf ;
  • Rothenbachkopf ;
  • Klebbachkopf ;
  • Stiftkopf ;
  • Belackerkopf ;
  • Bannbergkopf.

Champagne-Ardennes

Une tiste[12], variante rĂ©gionale de teste, dĂ©signe Ă©galement un sommet de butte ou colline dans le sens de tĂȘte en Champagne[13].

Dans les Ardennes dont les sommets arrondis de basse altitude rappellent ceux des Vosges du Nord ou de l’Eifel, ce n’est pas l’étymon testa qui s’est imposĂ©, mais le vocable rĂ©gional tringle. Dans ce massif forestier, il a le sens de « sommet » et « tĂȘte »[14].

Pays alpin

TĂȘte du Torraz
Testa Grigia, Italie

Les nombreuses variantes franco-provençales de la mĂȘme racine latine testa prennent le sens entre autres de « bosse », « crĂȘte » et « sommet arrondi »[1].

Les variantes rĂ©gionales[1] sont les suivantes pour les vallĂ©es alpines de la Suisse romande, de Savoie et du Val d’Aoste :

  • TĂ©ta (trĂšs reprĂ©sentĂ©e en Haute-Savoie) ;
  • TĂ©hha, tĂ©hho, tihha ;
  • TĂȘkha ;
  • TĂ©rha ;
  • TĂ©sha tĂȘsha ;
  • TĂȘssa ;
  • TĂ©a.

Ce ne sont pas forcĂ©ment les formes dialectales qui sont officiellement utilisĂ©es sur les cartes ou les panneaux de circulation. On lit certes « tĂȘte Â», mais on imagine aisĂ©ment que les autochtones ont employĂ© le terme local quand ils parlaient dans la langue vernaculaire.

Dans les Alpes maritimes, le Midi en général, mais aussi en Italie voisine, le nom féminin testa ou testo est utilisé dans la toponymie pour désigner un sommet isolé, un point culminant et une éminence généralement rocheuse[6].

Quelques exemples de tĂȘtes dans les pays alpins sont citĂ©s par Guex dans son ouvrage sur les noms de montagne :

  • TĂȘte Ă  GuĂšte[15] ;
  • TĂȘte au Veillon[15] ;
  • TĂȘta Perfia[16] ;
  • TĂȘte Crettex[17] ;
  • TĂȘte Biselx[18] ;
  • TĂȘte Blanche[18] ;
  • TĂȘte de Vare (ou VarĂ©)[19].

Corse

Bien que le terme testa existe en langue corse, c’est l’étymon latin caput qui a Ă©tĂ© retenu en Corse sous la forme capu[20] (le corse ferme en effet la voyelle finale -o du masculin en -u, contrairement Ă  l'italien standard) pour dĂ©signer les sommets de montagne en lieu et place de testa [21]. La toscanisation de certains toponymes est Ă©galement Ă  l'origine de quelques occurrences de la forme capo (graphie italienne).

La plupart des capi se concentrent dans les massifs du Cinto et du Rotondo :

Notes et références

  1. Viret 2013, p. 2088
  2. (de) « Johannes Hoops Reallexikon der germanischen Altertumskunde », Vol. 10, , p. 611
  3. PĂ©gorier 2006, p. 274
  4. « Etudes littéraires fiche « teste » »,
  5. « Dictionnaire de français médiéval Godefroy sur Gallica », , p. 701-702
  6. PĂ©gorier 2006, p. 450
  7. AndrĂ© PĂ©gorier (cf. bibliographie ci-dessous) ne nomme aucune autre rĂ©gion de France pour Kopf que les Vosges : « Nom masculin : dĂ©signe certains monts des Vosges : tĂȘte » et le terme tĂȘte n'est pas prĂ©sent dans son ouvrage Ă  la lettre T
  8. Se reporter à la liste de la page Vosges du Nord qui indique que les Kopf et les Berg dominent à cÎté d'un Stein et d'un mont
  9. Dans le patois vosgien, une colline désigne également une vallée
  10. Oscar Bloch, Les Parlers des Vosges mĂ©ridionales, H. Champion Éditeur, Paris, (lire en ligne), p. 19
  11. Oscar Bloch, Les Parlers des Vosges mĂ©ridionales, H. Champion Éditeur, Paris, (lire en ligne), p. 153
  12. Prosper Tarbé, Recherches sur l'histoire du langage et des patois de Champagne, éditions P. Régnier, 1851, vol. 2, p. 137, [Extrait en ligne (page consultée le 24 janvier 2015)]
  13. PĂ©gorier 2006, p. 453
  14. Prosper Tarbé, Recherches sur l'histoire du langage et des patois de Champagne, éditions P. Régnier, 1851, vol. 2, p. 141, [Extrait en ligne (page consultée le 24 janvier 2015)]
  15. Guex 1976, p. 21.
  16. Guex 1976, p. 23.
  17. Guex 1976, p. 33.
  18. Guex 1976, p. 34.
  19. Guex 1976, p. 78
  20. « INFCOR Banca di dati di a lingua corsa »,
  21. PĂ©gorier 2006, p. 106

Voir aussi

Article connexe

Bibliographie

  • (en) Charles Darwin, A monograph on the sub-class Cirripedia, with figures of all the species, Ray Society,
  • AndrĂ© PĂ©gorier, Les Noms de lieux en France, glossaire de termes dialectaux, Paris, Institut gĂ©ographique national, , 3e Ă©d.
  • RenĂ© Vincent-Viry, Vosges, AtmosphĂšres d’un vieux massif, Photographies Pierre COLIN, GĂ©rardmer, Editions Pages du Monde, coll. « Anako », , 140 p. (ISBN 978-2-915867-66-4)
  • G. Leser, La ConquĂȘte des Hautes-Chaumes par les marcaires de la vallĂ©e de Munster. In : La conquĂȘte des Hauts. Explorateurs des Hautes-Vosges du Xe au XIXe siĂšcle, coll. « PNR Ballons des Vosges, Dialogues Transvosgiens n°2, Ă©diteur=Fombaron J.-C., Gueth F., Leser G. & Stoehr B.(dir.), », , p. 18-23
  • R. Carbiener, La dĂ©termination de la limite naturelle de la forĂȘt par des critĂšres pĂ©dologiques et gĂ©omorphologiques dans les Hautes-Vosges et le Massif Central. C.R. Aca. Sc. Paris, t. 258, Strasbourg, , p. 4136-4138
  • Jules Guex, La Montagne et ses noms : Ă©tude de toponymie alpine, Lausanne,
  • Hubert Bessat et Claudette Germi, Les Noms du paysage alpin : Atlas toponymique Savoie, Éditions ELLUG,
  • Nicolas Haillant, Du patois vosgien Ă  la dĂ©termination de l'origine des noms de lieu des Vosges, contribution Ă  l'examen d'une des questions du congrĂšs de la Sorbonne de 1883, Epinal,, Ă©diteurs Collot,, (lire en ligne)
  • Roger Viret, Dictionnaire français-savoyard, Roger Viret, , 3e Ă©d.
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