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Subjonctif plus-que-parfait

En grammaire, le subjonctif plus-que-parfait est une forme verbale temporelle de passé existant dans certaines langues, comme le latin et les langues romanes modernes, sauf le roumain. C'est un temps relatif utilisé spécifiquement dans plusieurs types de propositions subordonnées.

En latin

Le latin avait plusieurs formes de subjonctif plus-que-parfait.

À la voix active, il est synthétique, formé du thème morphologique du parfait, dont a évolué le passé simple des langues romanes. Par exemple, le verbe ayant les formes de base amō (indicatif présent, « j'aime »), amāre (infinitif, « aimer »), amāvī (parfait, « j'aimai »), amātus (participe passé passif, « aimé ») a pour thème du parfait amāv-, auquel on ajoute le suffixe -issē- (avec e bref à certaines personnes), plus les désinences visibles ci-après. Sa conjugaison au subjonctif plus-que-parfait est la suivante[1] :

1re sg.amāvissem
2e sg.amāvissēs
3e sg.amāvisset
1re pl.amāvissēmus
2e pl.amāvissētis
3e pl.amāvissent

Les verbes passifs et déponents (à formes de passif et à sens actif) ont le plus-que-parfait du subjonctif analytique, avec le verbe auxiliaire esse « être » au subjonctif imparfait. Exemple (Le verbe déponent a pour formes de base potior, potīrī, potītus sum « s'emparer de ») :

PersonneVerbe passif[1]Verbe déponent[2]
1re sg.amātus/-a/-um essempotītus/-a/-um essem
2e sg.amātus/-a/-um essēspotītus/-a/-um essēs
3e sg.amātus/-a/-um essetpotītus/-a/-um esset
1re pl.amātī/-ae/-a essēmuspotītī/-ae/-a essēmus
2e pl.amātī/-ae/-a essētispotītī/-ae/-a essētis
3e pl.amātī/-ae/-a essentpotītī/-ae/-a essent

À la voix active aussi, une forme analytique est apparue, avec l'auxiliaire habere « avoir » au subjonctif imparfait, ex. habuisset cantatum « qu'il/elle eût chanté »[3].

Le subjonctif plus-que-parfait latin est employé dans des phrases simples, des propositions principales, ainsi que dans des subordonnées de plusieurs types :

  • en subordonnée de but, exprimant un procès antérieur à celui de la principale : Canēbam, cum mē rogāvisset « Je chantais, parce qu'il/elle m'en avait prié(e) »[4];
  • dans les deux propositions d'une phrase conditionnelle au passé : vēnissēs, laetī fuissēmus « Si tu étais venu(e), nous aurions été contents »[5] ;
  • pour exprimer un regret au sujet d'un procès passé : Utinam Rōmam vēnisset « Si au moins il/elle était venu(e) à Rome ! »[6].

En français

Le français a hérité de la forme analytique du subjonctif plus-que-parfait latin avec l'auxiliaire avoir, mais il utilise l'auxiliaire être aussi, pour certaines catégories de verbes.

En italien

Il y a des ressemblances entre italien et français quant à la formation et à l'emploi du subjonctif plus-que-parfait. En italien aussi, on utilise les auxiliaires correspondant à « avoir » (avere) et « être » (essere) au subjonctif imparfait. Tous les verbes transitifs directs utilisent avere et tous les verbes réfléchis ou seulement de forme réfléchie – essere. La plupart des verbes actifs intransitifs et transitifs indirects se conjuguent avec avere et une partie des intransitifs, plus grande qu'en français, avec essere. Le groupe de ceux-ci comprend des verbes exprimant un déplacement mais d'autres aussi, conjugués avec avoir en français, par exemple le verbe essere même. En italien aussi, le participe passé des verbes conjugués avec essere s'accorde en genre et en nombre avec son sujet[7]. Exemples :

PersonneVerbe actif avec avere
parlare « parler »[8]
Verbe actif avec essere
partire « partir »[8]
Verbe réfléchi
svegliarsi « se réveiller »
1re sg.avessi parlatoero partito/ami fossi svegliato/a
2e sg.avessi parlatoeri partito/ati fossi svegliato/a
3e sg.avessi parlatoera partito/asi fosse svegliato/a
1re pl.avessimo parlatoeravamo partiti/eci fossimo svegliati/e
2e pl.aveste parlatoeravate partiti/evi foste svegliati/e
3e pl.avessero parlatoeravano partiti/esi fossero svegliati/e

Le subjonctif plus-que-parfait est plus fréquemment utilisé en italien qu'en français, par exemple, conformément à l'une des règles de concordance des temps, exprimant en proposition subordonnée l'antériorité par rapport au verbe de la principale faisant partie de certaines catégories, comme ceux exprimant un sentiment, ex. Speravo che avessi capito « J'espérais que tu avais compris »[9].

L'emploi du subjonctif plus-que-parfait en proposition conditionnelle introduite par la conjonction se et du conditionnel passé dans sa principale est la règle en italien quand la condition et sa conséquence ne sont pas réalisées dans le passé : Se avessi vinto, ti avrebbero dato un premio « Si tu avais vaincu, je t'aurais donné un prix »[10].

En espagnol

En espagnol, le subjonctif plus-que-parfait est également analytique. On utilise un seul verbe auxiliaire, haber « avoir », qui a deux paradigmes[11] :

1re sg.
2e sg.
3e sg.
1re pl.
2e pl.
3e pl.
hubiera
hubieras
hubiera
hubiéramos
hubierais
hubieran
hubiese
hubieses
hubiese
hubiésemos
hubieseis
hubiesen
cantado

Emplois :

  • expression exclamative d'un regret concernant un procès non réalisé dans le passé (seulement avec la forme avec -ra de l'auxiliaire) : ¡Ojalá lo hubiera sabido antes! « Si seulement je l'avais su avant ! »[12] ;
  • en phrase conditionnelle où on emploie la conjonction si :
    • seulement dans la subordonnée, le verbe de la principale étant au conditionnel passé : Si hubieses/hubieras venido conmigo, te lo habría contado todo « Si tu étais venu avec moi, je t'aurais tout raconté »[13] ;
    • facultativement, dans la principale aussi, d'ordinaire la forme avec -ra de l'auxiliaire : Si me lo hubieras/hubieses pedido, te hubiera ayudado « Si tu me l'avais demandé, je t'aurais aidé ».

Notes et références

  1. Mondon 2016, p. 66.
  2. (en) Daniel Libatique et al., « Deponent Verbs – Paradigms », sur lingualatina.github.io (consulté le ).
  3. Marchello-Nizia 2020, p. 836.
  4. Mondon 2016, p. 71.
  5. Mondon 2016, p. 159.
  6. Mondon 2016, p. 85.
  7. Peyronel et Higgins 2006, p. 88-90.
  8. Tchelycheva et Tcherdantseva 2001, p. 79-80.
  9. Proudfoot et Cardo 2005, p. 57.
  10. Tchelycheva et Tcherdantseva 2001, p. 88.
  11. Kattán-Ibarra et Pountain 2003, p. 64.
  12. Kattán-Ibarra et Pountain 2003, p. 92.
  13. Da Silva et Pereira-Tresmontant 1998, p. 216.

Annexes

Bibliographie

  • Da Silva, Monique et Pereira-Tresmontant, Carmen, La grammaire espagnole, Paris, Hatier, (ISBN 2-218-72267-4)
  • (en) Kattán-Ibarra, Juan et Pountain, Christopher J., Modern Spanish Grammar. A practical guide [« Grammaire de l’espagnol moderne. Guide pratique »], Londres – New York, Routledge, , 2e éd., PDF (ISBN 0-203-42831-5, lire en ligne)
  • Marchello-Nizia, Christiane et al. (dir.), Grande Grammaire Historique du Français, Berlin / Boston, De Gruyter Mouton, (ISBN 978-3-11-034819-4)
  • (en) Mondon, Jean-François R., Intensive Basic Latin: A Grammar and Workbook [« Manuel intensif de latin, niveau de base »], Londres / New York, Routledge, (ISBN 978-1-315-74022-5)
  • (en) Mondon, Jean-François R., Intensive Intermediate Latin: A Grammar and Workbook [« Manuel intensif de latin, niveau intermédiaire »], Londres / New York, Routledge, (ISBN 978-1-315-68352-2)
  • (en) Peyronel, Stella et Higgins, Ian, Basic Italian: A Grammar and Workbook [« Italien de base : grammaire et cahier d'exercices »], Londres / New York, Routledge, (ISBN 0-203-64007-1, lire en ligne)
  • (en) Proudfoot, Anna et Cardo, Francesco, Modern Italian grammar: a practical guide [« Grammaire italienne moderne : guide pratique »], Londres / New York, Routledge, , 2e éd., PDF (ISBN 0-415-33164-1, lire en ligne)
  • (ru) Tchelycheva, I. I. et Tcherdantseva T. Z., « Итальянский язык » [« L'italien »], dans I. I. Tchelycheva, B. P. Naroumov et O. I. Romanova (dir.), Языки мира. Романские языки [« Les langues du monde. Les langues romanes »], Akademia, , p. 56-89

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