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Stalker (film, 1979)

Stalker (Сталкер) est un film soviétique réalisé par Andreï Tarkovski, sorti en 1979. Le scénario du film a été écrit par Arcadi et Boris Strougatski. C'est une libre adaptation de leur titre Stalker : Pique-nique au bord du chemin.

Stalker

RĂ©alisation AndreĂŻ Tarkovski
Scénario Arcadi et Boris Strougatski
Acteurs principaux
Sociétés de production MK2 (France)
Pays de production Drapeau de l'URSS Union soviétique
Genre Science-fiction, fantastique
DurĂ©e 163 minutes
Sortie 1979

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Le titre Stalker vient d'un terme anglais qui signifie « harceleur », « monomaniaque » ou « traqueur » (chasseur furtif et silencieux).

Synopsis

Vidéo externe
Film complet sur la chaîne YouTube de Mosfilm.

Dans un futur lointain, le protagoniste (Alexandre Kaïdanovski) travaille en tant que « stalker », une sorte de passeur pouvant guider les visiteurs à travers la zone, un lieu en ruine où les lois de la réalité ne s'appliquent pas et dont personne ne connaît la nature. En son cœur, on dit qu'il existe un lieu, « la chambre », où tous les souhaits peuvent être réalisés. Les environs de la Zone ont été scellés par le gouvernement et des militaires les quadrillent.

Le film commence sur le Stalker qui se réveille auprès de sa femme et de sa fille. Sa femme (Alissa Freindlich) le supplie de ne pas retourner à l'intérieur de la Zone, mais il rejette sa prière. Dans un bar miteux, le Stalker rencontre les deux clients qu'il doit guider à travers la zone, l'Écrivain (Anatoli Solonitsyne) et le Professeur (Nikolaï Grinko).

Leur voyage commence lorsqu'ils contournent le barrage des gardes de la Zone en suivant un train jusqu'à l'intérieur des portes puis en empruntant une draisine. Après quelque temps, le Stalker arrête la machine, les voyageurs étant entrés dans la Zone (et le film passe du noir et blanc à la couleur). Le Stalker avertit ses clients qu'ils devront le suivre à la lettre s'ils veulent survivre aux dangers que l'on trouve dans la Zone, celle-ci suivant ses propres règles, dont seul le Stalker peut comprendre le sens. Il évoque aussi son maître, puis un Stalker surnommé « Porc-épic » qui a fini par trouver la Chambre pour y gagner énormément d'argent, le conduisant au suicide.

Le Stalker déjoue les différents pièges qu'il actionne en envoyant des leurres à partir d'écrous propulsés par une fronde en bas de laine. Si l'Écrivain se montre sceptique quant aux dangers, le Professeur lui, choisit de suivre les conseils du Stalker. Il réprimande l'Écrivain lorsque celui-ci touche une plante et finit par expliquer que la Zone modélise son chemin en fonction de leur état d'esprit : ceux qui trouvent la Chambre étant ceux qui n'ont plus rien à perdre dans leur vie.

Au cours de leur voyage les personnages expliquent pourquoi ils souhaitent trouver la Chambre : L'Écrivain est anxieux à l'idée de perdre l'inspiration et pense que la Chambre pourrait lui en donner. Le Professeur, qui trimballe un sac avec lui, espère avoir le prix Nobel pour ses découvertes sur la Chambre. Le Stalker avoue n'être là que pour les guider. Tous trois sont régulièrement suivis par un chien noir.

Après une sieste durant laquelle le Stalker est visité en rêve par une vision, tous reprennent la route. Ils doivent traverser un tunnel estimé comme dangereux et le Stalker insiste pour que l'Écrivain passe devant. Après avoir atteint leur destination, un bâtiment industriel décrépit à l'intérieur duquel se trouvent d'étranges dunes blanches, le Stalker avoue à l'Écrivain que le passage par les tunnels est dangereux et que le frère de Porc-épic lui-même y a perdu la vie.

Alors qu'ils se reposent dans une antichambre, un téléphone sonne : c'est un faux numéro. Le Professeur utilise alors le téléphone afin d'appeler un collègue et lui révèle sa position. Arrivés au seuil de la chambre, le Stalker demande que chacun entre, toutefois l'Écrivain hésite et le Professeur veut détruire la zone par crainte qu'elle ne tombe en de mauvaises mains, son sac contenant une bombe de vingt kilotonnes. Le Stalker tente de l'en empêcher, expliquant que guider les visiteurs vers la Chambre est ce qui le motive à vivre ; l'Écrivain s'interpose et estime que le Stalker est probablement un escroc. Questionnant la motivation des stalkers, l'Écrivain s'interroge sur la raison pour laquelle Porc-épic n'aurait pas ressuscité son frère dans la Chambre et découvre que celle-ci n'exauce que les désirs cachés : ayant pris conscience que la Chambre avait préféré lui donner de l'argent plutôt que de ressusciter son frère, celui-ci a fini par se suicider par culpabilité. Le Professeur préfère détruire sa propre bombe qui finit au fond d'une flaque d'eau. Aucun d'entre eux n'entre dans la Chambre.

Sortis de la Zone, le film repasse en noir et blanc, et tous reviennent dans le bar où ils se sont rencontrés, accompagnés du chien noir. Le Stalker rentre avec sa femme et sa fille ainsi que le chien qu'ils semblent adopter, ce qui est une marque d'humanité selon sa femme. À la maison, le Stalker est en proie à une crise : l'humanité va perdre la foi en la Chambre et en l'espoir d'une vie meilleure. La femme du Stalker entre dans un monologue face caméra dans laquelle elle raconte comment elle l'a rencontré. Le dernier plan du film, en couleur, s'arrête sur la fille du Stalker : après avoir récité un poème de Fiodor Tiouttchev celle-ci utilise des pouvoirs télékinétiques afin de faire bouger des verres sur la table. La salle finit par trembler au son d'un tramway passant non loin.

Fiche technique

Distribution

Production

Écriture

Après avoir lu le roman d'Arcadi et Boris Strougatski Stalker : pique-nique au bord du chemin, Tarkovski le recommande au réalisateur Mikhaïl Kalatozov, qui abandonne finalement lorsqu'il n'obtient pas les droits du roman. Tarkovski adapte alors le roman pour finalement en faire quelque chose de très différent et conforme à sa vision du monde et dans lequel il ne garde que les concepts de Stalker et de Zone. Il cherche à lui faire garder la règle des trois unités : une seule action (la recherche de la chambre) un seul endroit (la Zone) un seul temps (Tarkovski voulant à l'origine que le film se déroule sur 24 heures). L'idée est de faire de la Zone un instrument dramatique permettant de faire ressortir la personnalité des trois protagonistes, notamment ce qui arrive aux idéalistes lorsqu'ils n'arrivent pas à faire le bonheur d'autrui[2].

Tournage

Le film est tourné dans les environs de Tallinn, en Estonie, notamment dans le quartier de Rotermann, et devant la centrale électrique de Tallinn (pour la scène où Stalker entre dans la Zone) ; les lettres U et N, peintes sur les cheminées de cette dernière, sont toujours visibles de nos jours[3].

Grâce à ses contacts à l'Ouest, Tarkovski a obtenu pour son film des pellicules Kodak d'un type nouveau. Mais les laboratoires soviétiques ne sont pas familiarisés avec ce produit et, à la suite d'erreurs dans le développement de la pellicule, une partie du film est détériorée (ce que Tarkovski attribue à un complot de ses ennemis[4]). Un an de travail sur les scènes d'extérieur est ainsi perdu. Après un moment d'abattement, Tarkovski reprend le tournage, mais il doit refaire les scènes avec le reste du budget normalement alloué à la deuxième partie du film.

Cet incident contribue au remplacement du directeur de la photographie, Gueorgui Rerberg, par Aleksandr Kniajinski. Les relations entre Rerberg et Tarkovski s'étaient déjà dégradées tout le long du tournage depuis que Rerberg s'était opposé à ce que la femme de Tarkovski, Larissa Tarkovskaïa jouât le rôle de la femme de Stalker.

Plusieurs membres de l'équipe de tournage sont morts, quelques années après, de cancer, ce que Vladimir Charoun (responsable de la prise de son) attribue, dans une interview, à la forte pollution industrielle des différents lieux de tournage autour de Tallinn[5].

Le réalisateur Konstantine Lopouchanski a été stagiaire de Tarkovski pour le tournage du film.

Analyse

La Zone

La Zone est un lieu inconnu, le film donne peu d'indications sur elle : c'est un pan de territoire qui a été bouclé par les autorités à la suite d'un événement mal défini : chute d’une météorite ou accident nucléaire. Les seules informations que l’on apprend sur la Zone sont données par le Stalker. La première est qu’il est interdit d’y entrer, qu’il y a un cordon militaire serré qui empêche d’y accéder et que l’on doit traverser au péril de sa vie. Le seconde est qu’en son centre se trouve une Chambre dans laquelle le vœu le plus cher de celui qui y pénètre sera exaucé. Mais peu nombreux sont ceux qui y parviennent, la plupart meurent en chemin. On apprend également que les Stalker n’ont pas le droit de pénétrer dans la Chambre, leur rôle se borne à accompagner les visiteurs jusqu’au seuil. On ne saura rien de plus sur la Chambre car le professeur et l’écrivain renonceront à y pénétrer[6].

La Zone, lorsque les trois personnages y sont, présente plusieurs aspects. Le premier est, contrairement à ce qu'on attend, une campagne verdoyante. Il contraste avec le bar, les bâtiments-frontières et les grillages qui précèdent l’entrée dans la Zone. Le film passe du noir et blanc à la couleur dans la majorité des scènes se déroulant à l'intérieur. Le Stalker, bien qu’il semble particulièrement heureux d’être là, met tout de suite en garde ses compagnons contre les dangers inattendus et imprévisibles de la Zone. Plus les trois compagnons avancent dans la Zone, plus les indices de danger apparaissent : carcasses de véhicules militaires, verre brisé, changements impromptus de météo, ossements, tunnel obscur, voix venue de nulle part.

Deux éléments perceptifs sont dominants. L'omniprésence de l’eau : sale, marécageuse, bourbeuse, sous laquelle on ne sait jamais ce qui se trame. Ensuite, les sons qui suivent chaque pas du périple des trois voyageurs : d’abord le vent – ou la musique électronique – qui annonce la Zone, ensuite les gouttes d’eau qui tombent, le verre brisé écrasé par les chaussures.

Le Stalker

Le Stalker a plusieurs facettes. Au début du film, lorsqu'il a une altercation avec son épouse qui ne veut pas qu’il aille dans la Zone, on découvre un homme qui ne peut pas ne pas y aller[7]. La Zone est pour lui une sorte de nécessité. Lorsqu’il rencontre le professeur et l'écrivain et qu’il leur fait franchir la frontière de la Zone, c’est à un homme anxieux qu'on a affaire, un homme qui connaît les dangers de cette frontière, les risques de se faire tuer par les militaires.

Son état d'esprit change lorsqu’il est dans la Zone : des signes de joie se manifestent et le Stalker montre qu'il connait les lieux. En revanche, dès que l’Écrivain veut s’écarter du chemin qu’il lui prescrit, il est nerveux et considère cela comme « sacrilège ». La Zone est pour lui de l’ordre de la nécessité. Plus il avance dans son cheminement en compagnie des deux hommes, plus on découvre un homme pour qui la foi en la Zone, ou plus exactement en la Chambre qui exauce les vœux, est essentielle, foi sans laquelle la vie n’a pas de sens. C’est, d’ailleurs, cette absence de foi qui le mènera au désespoir et à la lassitude, à la fin du film, quand il fera le compte-rendu de son expérience à sa femme. Il refuse d’entrer dans la Chambre : son seul bonheur est de conduire les gens désespérés jusqu’à la Chambre pour qu’ils puissent retrouver un peu d’espoir.

Sa femme le dépeint comme un niais ou un marginal, il a presque la posture d'un mage ou d’un possédé, de quelqu’un qui a accès à ce que l’homme ne saurait voir. C’est une sorte de voyant ou de prophète, mais qui doit s’arrêter au seuil de la vision (de la Chambre).

L'Écrivain

Ce personnage n'existe pas dans le roman Pique-nique au bord du chemin mais provient d'un autre roman, Les mutants du brouillard, également écrit par les frères Strougatski. On reconnaît aisément Victor Baniev, l'écrivain à la mode, séducteur, alcoolique, fumeur et toujours à la recherche d'inspiration et de discussions interminables...

La scène finale

Les objets présents dans la scène finale ne sont pas déplacés par une force rationnelle, mais par la seule pensée de la fille du personnage principal. Jusqu'à cette scène, Stalker est un film sur le doute : celui d'un guide qui conduit ceux qui le souhaitent dans la Zone, aux effets incertains. Le personnage semble alors perdre foi dans ce lieu et dans son rôle : cet évènement miraculeux le contredit, clôturant le film au son de l'Hymne à la joie[8].

Hommages

  • L'affiche du film pour sa diffusion occidentale fut rĂ©alisĂ©e par Jean-Michel Folon[9].
  • Chris Marker, dans son film de 1982 Sans soleil, s'est sans doute inspirĂ© de la « Zone » pour dĂ©crire l'espace de transformation entre les images et la mĂ©moire qui leur est liĂ©e.
  • Les paroles de la chanson de Björk The Dull Flame of Desire (sorti sur son album Volta en 2007) sont la traduction du poème de Fiodor Tiouttchev qui est citĂ© Ă  la fin du film. Le livret indique que le film est bien la source d'inspiration.
  • Le morceau Requiem for Dying Mothers, Partie 2 de l'album The Tired Sounds of Stars of the Lid des Stars of the Lid sorti en 2001, utilise la bande-son de la scène oĂą la fille du Stalker use de ses pouvoirs de tĂ©lĂ©kinĂ©sie pour pousser des verres.
  • Brian Lustmord et Robert Rich ont composĂ© ensemble un album Stalker, sorti en 1995.
  • L'artiste techno Richie Hawtin s'inspire de la scène de tĂ©lĂ©kinĂ©sie dans la version DVD de son album de 2005 DE9 - Transitions.
  • Jacek Kaczmarski a Ă©crit une chanson Stalker, inspirĂ©e du film.
  • Orchestral Manoeuvres in the Dark ont enregistrĂ© The Avenue, autour de la bande-son de la draisine du film.
  • Dans le film In the Soup de 1992, on peut voir un poster du film dans l'appartement d'Aldolfo.
  • Dans la BD La Femme piège, d'Enki Bilal, il est Ă©crit « stalker » sur un immeuble, en hommage Ă  Tarkovski.
  • Dans le film turc Uzak de Nuri Bilge Ceylan, rĂ©alisĂ© en 2002, l'un des protagonistes visionne le film chez lui.
  • Damien Gouviez, artiste français, dĂ©die deux sculptures au rĂ©alisateur en les nommant Stalker et Solaris[10].
  • L'artiste de musique Ă©lectronique Carsten Nicolai, alias Alva Noto, lui dĂ©die un titre nommĂ© Stalker (For Andrei Tarkovski) dans son album For 2.
  • Deux hommages par le groupe de musique Ă©lectronique et flamenco Von Magnet : « Stalker Project », un spectacle Ă©crit pour trois usines dĂ©saffectĂ©es en France, ainsi que leur morceau Stalker, figurant dans l'album Mezclador paru en 1998.
  • La Maison d'Ailleurs propose l'exposition « Stalker – ExpĂ©rimenter la zone », du au .
  • L'artiste suisse Yannick Barman rĂ©alise, en 2016, sous le nom de Stalker, un album intitulĂ© Beauty and the Devil Are the Same Thing. Ce projet est accompagnĂ© en live de vidĂ©os tournĂ©es par Yannick Barman lors de voyages en Russie et en Asie, et traitĂ©es en direct[11]
  • Dans le film Atomic Blonde (2017), la scène de combat se dĂ©roule dans un cinĂ©ma dont le film Ă  l'affiche est Stalker.
  • Le roman L'Ă©nigmaire (Quidam Ă©diteur, 2021) de Pierre Cendors, qui peut se dĂ©chiffrer comme une rĂ©Ă©criture partielle du film, est dĂ©diĂ© Ă  Tarkovski et cite Stalker en exergue.

Jeux vidéo

Le jeu vidéo S.T.A.L.K.E.R.: Shadow of Chernobyl, sorti en 2007, emprunte quelques éléments de l'histoire du film.

Exposition

L'exposition Les choses. Une histoire de la nature morte au musée du Louvre du 12 octobre 2022 au 23 janvier 2023, présente la scène finale Stalker parmi les œuvres de l'espace nommé « Ce qui reste »[12].

Distinctions

Notes et références

  1. « Stalker — Expérimenter la Zone — La Maison d'Ailleurs », sur ailleurs.ch (consulté le ).
  2. John Gianvito, « Andrei Tarkovsky: Interviews », University Press of Mississippi, (ISBN 1-57806-220-9), p. 50–54.
  3. Tallinn Creative Hub - History of the building
  4. Andrëi Tarkovski, Journal 1970-1986, traduit par Anne Kichilov et C. H. Brantes, Cahiers du Cinéma, 2004 (ISBN 2-86642-373-9) p. 176 : " D'abord parce que les laboratoires de Mosfilm ont bousillé la pellicule…" journée du 26 août 1977 à Tallin
  5. (en) Stas Tyrkin, « In Stalker Tarkovsky foretold Chernobyl », Komsomolskaya Pravda,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. Alexandra Kaourova et Eugène, Phénomène Stalker, Lausanne, L'Âge d'Homme,
  7. « Stalker », sur Travelling - RTS.ch, (consulté le )
  8. Philippe Bettinelli, Les choses. Une histoire de la nature morte, p. 38
  9. Affiche du film (sortie occidentale) dessinée par Jean-Michel Folon
  10. Site de Damien Gouviez
  11. https://www.yannickbarman.com/ everestrecords.ch
  12. Laurence Bertrand Dorléac (sous la dir. de), p. 38

Voir aussi

Bibliographie

  • Laurence Bertrand DorlĂ©ac (sous la dir. de), Les choses. Une histoire de la nature morte, Paris, Lienart Ă©ditions, , 447 p. (ISBN 978-2-35906-383-7).

Liens externes

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