Sieste
La sieste est un temps de repos pris au cours de la journĂ©e (ou la nuit pour les travailleurs nocturnes), le plus souvent aprĂšs le dĂ©jeuner. La sieste[1] ferait partie du patrimoine gĂ©nĂ©tique de l'ĂȘtre humain et serait programmĂ©e pour ĂȘtre pratiquĂ©e entre 12 h et 15 h au moment oĂč la fatigue apparaĂźt et l'attention diminue, et dure gĂ©nĂ©ralement entre 10 et 45 minutes. Contrairement aux idĂ©es reçues, mĂȘme si l'on n'a pas pris de repas avant, le besoin de dormir se fait sentir [2] - [3]. NĂ©anmoins le besoin de sieste est Ă©galement plus prĂ©sent aprĂšs un gros repas[4] - [5] - [6].
Ătymologie
Le mot sieste vient de l'espagnol siesta, et celui-ci du latin [hora] sexta, qui signifie « la sixiÚme [heure du jour] »[7]. Il s'agissait de midi, suivant le décompte des heures canoniales, c'est-à -dire l'heure la plus chaude[8].
Pratiques et cultures
La pratique de la sieste diffĂšre selon les cultures, le climat et les individus.
Variantes
Il est important de distinguer plusieurs types de siestes :
- la micro-sieste, qui dure moins de 5 minutes ;
- la sieste éclair, qui dure généralement entre 10 et 30 minutes ;
- le café-sieste (ou power nap) est le fait de prendre un café juste avant de faire une courte sieste. Cela pourrait paraßtre paradoxal mais les bienfaits du café-sieste ont été prouvés scientifiquement[9].
- la bonne grosse sieste, Ă partir d'une heure[10].
Climats
Dans les pays chauds, la sieste est couramment pratiquée, aux heures les plus chaudes lorsque le soleil est au zénith : la chaleur ne permet pas d'activité trÚs physique et le travail est remis aux heures plus fraßches.
Dans les pays plus froids, la sieste est moins courante. Les enfants en bas ùge ont souvent besoin de ce moment de repos, au moins sous la forme d'un « temps calme » tel que le pratiquent les écoles, par exemple.
Cultures
En Occident, la sieste est souvent vue comme un luxe, un temps volĂ© au temps de travail ou Ă d'autres activitĂ©s ; elle peut ĂȘtre stigmatisĂ©e comme paresseuse. Lors de la sieste, il est possible de s'allonger simplement ou de dormir franchement.
En Espagne, les horaires des bureaux laissent aux Espagnols le temps de faire la sieste : ils reprennent le travail dans lâaprĂšs-midi, vers 15 ou 16 heures, pour finir entre 20 heures et 21 heures. Mais les Espagnols profitent en fait de la longue pause dĂ©jeuner pour rester des heures Ă table : plus de 2 heures, contre 45 minutes dans les autres pays europĂ©ens[11]. Le gouvernement espagnol essaye sans succĂšs de modifier cette habitude : les horaires des fonctionnaires pourraient dĂ©sormais finir Ă 18 heures[12].
En Chine, la sieste est appelée le hsiuhsi[13] - [14] - [15].
Au Japon, de nombreuses entreprises ont aménagé dans leurs locaux des espaces destinés à la sieste plus ou moins obligatoire de leurs employés[16].
La Constitution de la RĂ©publique populaire de Chine inscrit dans son article 43 le repos (mais pas la sieste) comme droit pour les travailleurs[17].
Certains hÎtels et motels québécois annoncent des tarifs « sieste » pour le loyer d'une chambre pendant quelques heures[18].
Il existe un café à Barcelone, appelé Nappuccino[19], qui propose des espaces pour faire la sieste. Ils font partie intégrante du café.
Les effets sur l'organisme
IntĂ©rĂȘts
La sieste permet de regagner de la concentration et de l'Ă©nergie, et met de bonne humeur[20].
La sieste a des effets bénéfiques non négligeables sur la santé. Elle permettrait une diminution significative de prÚs d'un tiers de la mortalité due aux maladies cardiovasculaires[21].
Une sieste courte permettrait mĂȘme de faire un gain de une Ă deux heures de sommeil par nuit[22]. En effet, la sieste est composĂ©e essentiellement de sommeil lent profond, et ce sommeil est de loin le plus rĂ©parateur pour l'organisme.
La sieste est fortement conseillée par de nombreux spécialistes du sommeil. Elle permettrait de réduire significativement les risques d'accident de la circulation. Les statistiques nationales indiquent que la majorité des accidents se produisent au cours de périodes chronobiologiques de somnolence maximale (entre 2 et 6 heures du matin et entre 13 et 15 heures).
C'est pendant ces périodes que se comptent les accidents les plus graves pour toute tùche qui exige une grande vigilance et une grande efficacité[23].
Certains employeurs en ont d'ailleurs bien compris l'intĂ©rĂȘt â en termes de productivitĂ© notamment â, et amĂ©nagent un espace Ă cet effet pour ceux qui le dĂ©sirent, au calme et dans le noir.
La sieste serait Ă©galement bĂ©nĂ©fique pour la mĂ©morisation : d'aprĂšs une Ă©tude, les personnes qui dorment dans l'aprĂšs-midi retiennent beaucoup plus de choses[24]. D'autres Ă©tudes confirment mĂȘme que non seulement elle augmenterait les performances intellectuelles de 20 %, mais aussi qu'elle libĂšre notre crĂ©ativitĂ©[25].
Cette pratique est utile pour lutter efficacement contre le stress accumulé dans la journée, et favorise la récupération musculaire et mentale[26]. Or, on ne compte plus les études ayant établi un lien entre les effets néfastes du stress et l'incidence de la mortalité résultant de maladies coronariennes, ce qui pourrait avoir indirectement des effets positifs sur l'espérance de vie[27].
En 2007, en France, un « programme d'action sur le sommeil » (PAS) visant Ă rĂ©habiliter la sieste est mis en place par le ministĂšre de la SantĂ© et des SolidaritĂ©s. Le plan est composĂ© de 4 axes : informer et Ă©duquer le grand public, enfants et adultes ; informer et former les professionnels de santĂ© ; auditionner les structures existantes et donner la prioritĂ© au financement de rĂ©seaux ville-hĂŽpital et de centres dâexploration du sommeil ; proposer des recommandations sur les psychotropes, tranquillisants et expĂ©rimenter la sieste en entreprise.
Mais la pratique de la sieste fait face à deux facteurs de la vie moderne, atténuant les historiques axes nord-sud et est-ouest qui en traçaient la carte mondiale : d'une part, la société de marché qui impose des horaires continus[28] et, d'autre part, les progrÚs de la climatisation dans les pays chauds[28].
Inconvénients
Au-delĂ de 30 minutes de sieste, il peut ĂȘtre assez difficile de revenir Ă un Ă©tat d'Ă©veil concentrĂ©, des consĂ©quences nĂ©gatives sur la vigilance et les performances, que l'on nomme « l'inertie du sommeil » : plus on dort longtemps dans la journĂ©e, moins on Ă©merge facilement du sommeil. Juste aprĂšs une longue sieste, l'idĂ©al est d'Ă©viter de rĂ©aliser des tĂąches nĂ©cessitant un temps de rĂ©action rapide[29].
Une sieste trop longue ou trop tardive serait néfaste sur la quantité et la qualité du sommeil nocturne qui suit [29].
La sieste n'est pas recommandée en cas d'insomnies sévÚres[30].
Les effets bĂ©nĂ©fiques de la sieste sur le cĆur sont controversĂ©s : certaines Ă©tudes concluent Ă une augmentation de 50 % du risque d'attaque cardiaque chez les personnes pratiquant rĂ©guliĂšrement la sieste[31].
Chronobiologie de la sieste
Chez la drosophile
La sieste nâest pas un phĂ©nomĂšne propre Ă lâhumain. En effet, plusieurs autres espĂšces diurnes effectuent des siestes pour diffĂ©rentes raisons adaptatives. La mouche du vinaigre, Drosophila melanogaster, situĂ©e en Afrique tropicale, dort lors de pĂ©riodes trop chaudes de la journĂ©e. Le moment de la sieste varie selon la tempĂ©rature, puisque les siestes sont moins importantes chez les mouches vivant dans un environnement plus froid[32], et est rĂ©gulĂ© par lâĂ©pissage de lâintron 3â, servant Ă la crĂ©ation dâun ARNm, du gĂšne «period »[33], un des gĂšnes responsables de lâhorloge circadienne chez lâorganisme[34].
ModĂšles de sommeil
Chez lâhumain, le besoin physiologique de se reposer aprĂšs le repas du midi, dĂ» Ă lâaugmentation de la fatigue, nâest pas causĂ© par la digestion, contrairement aux croyances populaires[35]. Plusieurs modĂšles permettent dâexpliquer le cycle de sommeil et la cause de cette soudaine fatigue. Un des plus reconnus est le modĂšle des deux processus de BorbĂ©ly[36], ou « Two-process model », Ă©tabli en 1982. Il est caractĂ©risĂ© par le couplage du « Process S », les procĂ©dĂ©s homĂ©ostatiques dĂ©pendant du niveau de sommeil, et du « Process C », les processus circadiens indĂ©pendants. Le « Process S » peut ĂȘtre mesurĂ© Ă lâaide dâune analyse des activitĂ©s cĂ©rĂ©brales de faible longueur dâonde, ou « Slow Wave Activity », par Ă©lectroencĂ©phalographie (EEG). Son niveau augmente en fonction du temps passĂ© en Ă©tat dâĂ©veil, reprĂ©sentant donc le niveau de fatigue ressenti par lâindividu, et diminue considĂ©rablement lorsque le sommeil sâĂ©tablit. Le « Process C » est contrĂŽlĂ© par les cycles circadiens, tel que le cycle du sommeil paradoxal (REM) et des autres phases du sommeil (nonREM) et le cycle circadien de tempĂ©rature corporelle. Le « Process C » gĂ©nĂšre des Ă©pisodes de creux lorsque la pĂ©riode de sommeil paradoxale est Ă son maximum. Les deux procĂ©dĂ©s sont rĂ©gulĂ©s de façon sĂ©parĂ©s, mais agissent ensemble afin de contrĂŽler le niveau de fatigue, ainsi que la durĂ©e de lâĂ©pisode de sommeil . La probabilitĂ© de sâendormir est mesurĂ© par la diffĂ©rence entre le niveau du « Process S » et du « Process C ». Elle augmente donc fortement lorsque le « Process C » est Ă son minimum et que lâindividu a passĂ© plusieurs heures en Ă©tat dâĂ©veil, causant un niveau Ă©levĂ© du « Process S ». Ceci amĂšne la pĂ©riode de sommeil, suivie, aprĂšs plusieurs heures, par le moment dâĂ©veil. Celui-ci correspond thĂ©oriquement au moment oĂč la diffĂ©rence entre les deux procĂ©dĂ©s est nulle[36].
Ce modĂšle a plus tard Ă©tĂ© complĂ©mentĂ© par le modĂšle bimodal de tempĂ©rature afin dâexpliquer le patron des siestes, puisque la tempĂ©rature circadienne a Ă©tĂ© originellement liĂ© au cycle de sommeil REM-nonREM. La relation entre le « Process C » et la tempĂ©rature est inverse Ă celle observĂ© avec le sommeil REM-nonREM. Le niveau du « Process C » est donc Ă son minimum lorsque la tempĂ©rature corporelle chute[36]. Cette observation permet donc lâassociation du cycle de sommeil au cycle circadien de tempĂ©rature corporelle. Le patron de tempĂ©rature corporelle suit un cycle sinusoĂŻdal possĂ©dant un Ă©vĂšnement majeur de chute de tempĂ©rature 12 heures suivant lâĂ©vĂšnement de chute mineur. Il y a une durĂ©e de 24 heures entre les deux minimums de tempĂ©rature du modĂšle[37]. Ce cycle circadien sert de rĂ©gulateur au cycle de sommeil, qualifiĂ© de bimodal puisquâil est composĂ© de pĂ©riode de sommeil majeures et de pĂ©riode de sieste[38] - [39].Les pĂ©riodes de sommeil nocturne sont synchronisĂ©s avec le moment oĂč la tempĂ©rature corporelle atteint son minimum. Le moment propice Ă la sieste est caractĂ©risĂ© par une chute plus lĂ©gĂšre de tempĂ©rature corporelle en milieu dâaprĂšs-midi, gĂ©nĂ©ralement entre 14 heures et 16 heures[37]. Cette pĂ©riode, qualifiĂ©e de « nap zone » ou « zone de sieste » est gĂ©nĂ©ralement associĂ©e Ă lâaugmentation de la fatigue et Ă une rĂ©duction des performances[40] - [41].
Le moment et la durĂ©e optimale dâune sieste dĂ©pend de caractĂ©ristiques individuelles tel que lâĂąge, le genre et lâhistorique de sommeil de lâindividu. Par contre, certaines Ă©tudes ont permis dâobtenir des informations gĂ©nĂ©ralisĂ©es sur la durĂ©e et le moment idĂ©al pour la sieste.
Moment de la sieste
LâefficacitĂ© dâune sieste peut varier selon le moment oĂč celle-ci est prise. Une sieste de 20 minutes effectuĂ©e entre 12h00 et 14h00 nâaugmente pas les performances. En revanche, elle a un impact positif sur la volontĂ©, rĂ©duit la fatigue et attĂ©nue les activitĂ©s Ă©lectriques cĂ©rĂ©brales : un indicateur de la vigilance. Les effets de la sieste persistent durant 1-2 heures[42]. Cependant, une sieste de la mĂȘme durĂ©e effectuĂ©e entre 14h00 et 14h20, possĂšde une plus grande efficacitĂ©. Elle rĂ©duit la fatigue subjective, amĂ©liore le niveau de performance et possĂšde un effet positif sur la vigilance. Les effets persistent beaucoup plus longtemps que lors dâune sieste du midi[43]. Une sieste en milieu dâaprĂšs-midi dans la pĂ©riode correspondant Ă la zone de sieste est donc gĂ©nĂ©ralement plus efficace.
Durée de la sieste
La durĂ©e de la sieste affecte aussi son efficacitĂ©. Des siestes effectuĂ©es Ă la mĂȘme heure, soit Ă 15h00 et sous les mĂȘmes conditions, ont Ă©tĂ© testĂ©es. Une sieste de 5 minutes ne prĂ©sente presque aucune diffĂ©rence sur le niveau de fatigue, la vigueur et les performances cognitives par rapport Ă lâabsence de sieste. Une sieste de 10 minutes permet une augmentation du niveau dâattention et une amĂ©lioration des performances immĂ©diatement aprĂšs la sieste et jusquâĂ 155 minutes Ă la suite de celle-ci[44] - [45]. LâefficacitĂ© dâune sieste dâune dizaine de minutes provient dâune courte pĂ©riode passĂ©e dans la deuxiĂšme phase de sommeil, permettant au corps de mieux se reposer que lors de la premiĂšre phase[41]. Lâinertie du sommeil a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e lors de la sieste de 20 minutes puisquâun temps de latence de 35 minutes est nĂ©cessaire avant lâapparition des bĂ©nĂ©fices. Les effets de la sieste de 20 minutes ont aussi durĂ© 125 minutes, soit moins longtemps que ceux de la sieste de 10 minutes[45]. Lâinertie du sommeil provient dâun Ă©veil lors de la phase de SWS, ou « Slow Waves Sleep », correspondant au sommeil profond[46]. Pour la sieste de 30 minutes, lâinertie du sommeil est aussi prĂ©sente allant mĂȘme jusquâĂ rĂ©duire les performances immĂ©diatement aprĂšs la sieste. Par contre, les effets durent aussi longtemps que pour la sieste de 10 minutes[44] - [45]. La durĂ©e optimale dâune sieste est donc de 10 minutes.
Illustrations
- Ludwig Richter (1865)
- Garçon dormant dans le foin, Albert Anker, (1897)
Notes et références
- "Les bienfaits de la sieste" par Doctissimo
- "Les bienfaits de la sieste", Doctissimo
- Blogtimiste: eloge de la sieste
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- La sieste: vice ou vertu?
- Article: La sieste pour tous
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- Article 20minutes pour se régénérer
- Article : pour lutter contre le stress
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Voir aussi
Bibliographie
- Bruno Comby, L'Ă©loge de la sieste, Ă©ditions J'ai lu, Paris, 2005 (ISBN 2-290-34804-X).
Articles connexes
Liens externes
- Exercices pour bien pratiquer la sieste
- Sommeil et médecine générale
- Guide pour une bonne sieste (article du Boston Globe en anglais)