Accueil🇫🇷Chercher

Scène de genre

Une scène de genre, peinte, gravée, dessinée ou sculptée, est un type d’œuvre qui figure une scène à caractère anecdotique ou familier. Elle est parfois appelée peinture de genre lorsqu'il s'agit d'une peinture.

La Visite à la grand-mère de Louis Le Nain, fin des années 1640, huile sur toile, 58 x 73 cm, musée de l'Ermitage.

En tant que peinture, son classement dans la hiérarchie des genres était assez bas, mais elle a été portée à un point de perfection au XVIIe siècle dans les pays du nord de l'Europe. La peinture de genre était fort prisée de la seconde moitié du XIXe siècle aux années 1930, détrônant la peinture d'histoire. Elle faisait l'objet d'un enseignement à part dans les différentes académies des beaux-arts européennes.

Histoire succincte de la peinture de genre

Avant la Renaissance

Les Époux Arnolfini de Jan van Eyck, 1434.

On peut parfois considĂ©rer que la peinture de genre existe dès l’AntiquitĂ©, mĂŞme si elle est connotĂ©e religieusement. Certains historiens d’art considèrent ainsi les peintures Ă©gyptiennes reprĂ©sentant les travaux des champs, les banquets, les fĂŞtes, etc. comme peinture de genre. Pline l'Ancien cite Peiraikos comme peintre hellĂ©nistique de sujets « bas Â», tels qu’ils survivent en mosaĂŻques et sur les peintures murales Ă  PompĂ©i : « Ă©choppes de cordonniers, salons de coiffure, Ă©tals, ânes, vivres et sujets similaires[1] Â» De mĂŞme, dans les vases grecs ou Ă©trusques, on peut trouver parfois des scènes de marchĂ© ou de chasse qui s’apparentent Ă  des scènes de genre, tout comme certaines mosaĂŻques et peintures romaines.

Avec le Moyen Âge, qui produit essentiellement un art à vocation religieuse, la scène de genre est cantonnée dans les marges et les lettrines historiées des manuscrits. Les manuscrits enluminés médiévaux illustrent souvent les scènes de la vie paysanne au quotidien, en particulier dans les Très Riches Heures du duc de Berry. Elle ne fait son retour que timidement dans certaines fresques du trecento, comme dans les Allégories du bon et du mauvais gouvernement par Lorenzetti, mais elles restent attachées à un sujet moral ou religieux.

C’est avec Van Eyck et les primitifs flamands que la scène de genre semble réellement renaître. Les Époux Arnolfini, au-delà du portrait, présente des personnages dans un intérieur bourgeois, détaché du monde religieux, et peut être considéré comme la première scène de genre. D’autres compositions de Van Eyck, aujourd’hui perdues, comme une Dame à sa toilette confirment cette interprétation. Il est intéressant de constater que c’est dans les Flandres que débute réellement cette pratique : ce sont surtout les écoles du Nord qui mettront ensuite ce genre à l’honneur.

Renaissance

Le PrĂŞteur et sa femme de Quentin Metsys, 1514.

Avec la baisse de l'implication de la religion dans l'art, la scène de genre commence à se développer à partir de la Renaissance, en particulier dans les Flandres. Le Peseur d’or et sa femme de Quentin Matsys en est un exemple parfait, même si comme la plupart du temps, il doit se lire de manière symbolique. Jérôme Bosch et Bruegel l’Ancien n’hésiteront pas à exploiter les scènes de genre, pour illustrer des proverbes et des histoires (aujourd’hui souvent perdus) qui donnent une nuance « laïque » à l’œuvre religieuse.

En Italie comme en France, ce thème est beaucoup moins bien perçu, malgré de fréquentes femmes au bain dans l’école de Fontainebleau, mais qui se rattachent le plus souvent à la peinture mythologique ou à la peinture d’histoire, plus qu’à la scène de genre proprement dite.

 Ă‰poque moderne

 Pays-Bas

Joyeuse compagnie, par Dirck Hals.

Ă€ la Renaissance, dans la première moitiĂ© du XVIe siècle, le peintre flamand Jan Sanders van Hemessen avait peint de grandes scènes de genre innovantes, parfois avec un thème moral ou une scène religieuse en arrière-plan, qui faisaient partie d’un modèle d’« inversion maniĂ©riste Â» dans la peinture anversoise, donnant des Ă©lĂ©ments « bas Â» auparavant dans le fond dĂ©coratif des images. Joachim Patinir a Ă©largi ses paysages, faisant des figures un petit Ă©lĂ©ment, et Pieter Aertsen a peint des Ĺ“uvres dominĂ©es par des natures mortes et des figures de genre de cuisiniers ou de vendeurs de marchĂ©, avec de petites scènes religieuses dans les espaces en arrière-plan. Pieter Brueghel l'Ancien a fait des paysans et de leurs activitĂ©s, traitĂ©es de façon très naturelle, le sujet de beaucoup de ses peintures. Dans le sillage de ce peintre la peinture de genre devait s’épanouir dans le nord de l’Europe et les Pays-Bas dominer la scène de genre. Jusqu’au XVIIIe siècle et, au XVIIe siècle, la peinture baroque flamande et la peinture hollandaise de l’âge d’or ont donnĂ© naissance Ă  de nombreux spĂ©cialistes peignant essentiellement dans ce genre.

Intérieur avec femme par Wybrand Hendriks.

Les Pays-Bas du XVIIe siècle comptent Adriaen et Isaac van Ostade, Jan Steen, Adriaen Brouwer, David Teniers, Aelbert Cuyp, Johannes Vermeer et Pieter de Hooch parmi les nombreux peintres spécialisés en scènes de genre. La taille, généralement petite de ces tableaux les rendait particulièrement propres à être exposées chez leurs acquéreurs issus de la classe bourgeoise. Le sujet de ces scènes de genre émanait souvent d’un emblème populaire tiré d’un livre d'emblèmes qui pouvait donner un double sens au tableau, comme dans le Vendeur de volaille de Gabriel Metsu, 1662, où un vieil homme offre un coq dans une pose symbolique basée sur une gravure obscène de Gillis van Breen (1595-1622), avec la même scène. La joyeuse compagnie montre un groupe de personnages à une fête, soit faisant de la musique à la maison soit buvant dans une taverne. D’autres types de scènes courantes montrent des marchés ou des foires, des kermesses ou des soldats dans les camps.

Piété filiale de Jean-Baptiste Greuze, 1765.

 Italie

En Italie, l’arrivĂ©e, en 1625, du peintre nĂ©erlandais Pieter van Laer Ă  Rome, a donnĂ© naissance Ă  une « Ă©cole Â» de peinture de genre dont les Ĺ“uvres ont fini par triompher du dĂ©dain affichĂ© par d’éminents peintres romains et bolognais, comme Andrea Sacchi, Francesco Albani et Guido Reni, pour ĂŞtre très prisĂ©es au fil du temps. Le style pictural de van Laer, surnommĂ© « Il Bamboccio Â» et de ses disciples, appelĂ©s les « Bamboccianti Â», inspirera les Ĺ“uvres de Giacomo Ceruti, Antonio Cifrondi et Giuseppe Maria Crespi parmi tant d’autres.

 France

En France, Louis le Nain, qui a peint des groupes de paysans à la maison, a été un important représentant de la peinture de genre dans la France du XVIIe siècle, où le XVIIIe siècle allait manifester un intérêt accru pour la représentation de la vie quotidienne, que ce soit à travers les peintures romantiques de Antoine Watteau et Jean-Honoré Fragonard, ou le réalisme prudent de Jean Siméon Chardin. Jean-Baptiste Greuze et d’autres ont peint des groupes détaillés et plutôt sentimentaux ou des portraits individuels de paysans qui allaient influencer la peinture du XIXe siècle.

L’Arrestation pour dettes de William Hogarth (1732-5).

 Angleterre

En Angleterre, William Hogarth a véhiculé la comédie, la critique sociale et les leçons de morale au travers de toiles représentant l’histoire de gens ordinaires remplie, parfois à l’aide de longs sous-titres, de détails narratifs, souvent sous forme de séries, comme dans A Rake’s Progress, d’abord peint en 1732-33, puis gravé et publié sous forme imprimée en 1735.

En Espagne, il existait, une pratique d’observation sociale et de commentaires antĂ©rieure au Libro de Buen Amor basĂ©e sur la vieille habitude latine romaine, pratiquĂ©e par nombre de peintres et d’enlumineurs. Ă€ l’apogĂ©e de l’Empire espagnol et au dĂ©but de son lent dĂ©clin, des artistes du Siècle d'or espagnol comme VĂ©lasquez et Murillo ont peint de nombreuses scènes de genre picaresques de vie de rue, ainsi que les scènes de cuisine connues sous le nom de « bodegones Â». Plus d’un siècle plus tard, Goya a fait servir les scènes de genre en peinture et en gravure de support Ă  ses commentaires pessimistes sur la condition humaine. Ses DĂ©sastres de la guerre, sont une sĂ©rie de 82 Ă©vènements de genre de la guerre d'indĂ©pendance espagnole, qui ont portĂ© la scène de genre Ă  un niveau d’expressivitĂ© sans prĂ©cĂ©dent.

XIXe siècle

Paysans tyroliens de Franz Defregger, 1920.

Avec le dĂ©clin de la peinture religieuse et historique au XIXe siècle, les artistes ont de plus en plus souvent trouvĂ© leur sujet dans la vie autour d’eux. Des peintres rĂ©alistes comme Courbet ont bouleversĂ© les attentes en dĂ©peignant des scènes du quotidien dans d’immenses tableaux Ă  l’échelle traditionnellement rĂ©servĂ©e aux sujets « importants Â», brouillant ainsi la frontière qui avait fait de la peinture de genre une catĂ©gorie « mineure Â». La peinture d’histoire elle-mĂŞme est passĂ©e de la reprĂ©sentation exclusive d’évĂ©nements de grande importance publique Ă  la reprĂ©sentation de scènes de genre Ă  l’époque historique, Ă  la fois les moments privĂ©s des grandes figures et la vie quotidienne des gens ordinaires. L’expression « peinture de genre Â» s’est mise Ă  remplacer, par abrĂ©viation, les expressions « peinture de genre vulgaire Â», « de genre bas Â», « de genre mineur Â» qui dĂ©signaient des Ĺ“uvres reprĂ©sentant des scènes de la vie quotidienne ou intime, par opposition aux « peintures de genre historique Â». Des scènes tirĂ©es de la Bible pouvaient ĂŞtre prises pour des scènes de genre par ignorance du sujet. On a appelĂ© « bambochades » les peintures de genre vulgaire montrant des paysans ou des scènes d’auberges.

Dans l’art français, ce genre était connu sous le nom de style troubadour. Cette tendance, déjà apparente en 1817 lorsque Ingres peint Henri IV jouant avec ses enfants, culmine dans l’art pompier académicien français comme Gérôme et Meissonier. Dans la seconde moitié du siècle, l’intérêt pour les scènes de genre, souvent dans des contextes historiques ou avec des commentaires sociaux ou moraux pointus, a fortement augmenté dans toute l’Europe.

William Powell Frith, qui a peint de grandes scènes très peuplées, est peut-être le peintre de genre anglais le plus célèbre de l’époque victorienne. L’expansion de la taille et de l’ambition de la peinture de genre du XIXe siècle était une tendance commune. Parmi les autres peintres de genre anglais du XIXe siècle, on compte Augustus Egg, Frederick Daniel Hardy (en), George Elgar Hicks (en), William Holman Hunt et John Everett Millais. L’Écosse a produit deux peintres de genre influents, David Allan et David Wilkie. The Cottar’s Saturday Night de Wilkie (1837) a inspiré son Après-dînée à Ornans de Courbet (1849). Sa toile la plus renommée[2] est les Pensionnaires de Chelsea recevant la London Gazette extraordinaire du jeudi annonçant la bataille de Waterloo !!! qui, au lieu de dépeindre le champ de bataille, représente la réaction d’une cinquantaine de personnages à l’annonce de la nouvelle de la victoire remportée à Waterloo.

En Allemagne, Carl Spitzweg s’est spĂ©cialisĂ© dans les scènes de genre lĂ©gèrement humoristiques. Par la suite, les impressionnistes, ainsi que des artistes du XXe siècle comme Pierre Bonnard, Itshak Holtz, Edward Hopper et David Park ont peint des scènes de la vie quotidienne. Mais dans le contexte de l’art moderne, le terme « peinture de genre Â» a essentiellement Ă©tĂ© associĂ© Ă  la peinture rĂ©aliste particulièrement anecdotique ou sentimentale.

Le premier véritable peintre de genre aux États-Unis est l’immigrant allemand John Lewis Krimmel, qui produisit, de 1812 à 1821, des scènes de la vie à Philadelphie, dans le style de Wilkie et de Hogarth. D’autres peintres de genre au XIXe siècle aux États-Unis sont George Caleb Bingham, William Sidney Mount et Eastman Johnson. Harry Roseland[3] s’est concentré sur des scènes des Afro-Américains pauvres du Sud de l’après-guerre civile américaine[4], et John Rogers (en) était un sculpteur dont les petites œuvres de genre, produites en masse en plâtre moulé, furent immensément populaires en Amérique. Les œuvres du peintre américain Ernie Barnes et celles de l’illustrateur Norman Rockwell pourraient illustrer un type plus moderne de peinture de genre.

Arturo Ricci (1854–1919), Le thé l'après midi.

Dans l’Italie du XIXe siècle, les plus grands interprètes de la peinture de genre sont Antonio Rotta et Vincenzo Petrocelli ; Gerolamo Induno y a peint des scènes de la vie militaire.

En Russie, de célèbres peintres réalistes du groupe des Ambulants comme Vassili Perov, Ilia Répine, Constantin Savitski (À la Guerre) ont également produit des peintures de genre.

Notes

  1. Histoire naturelle, Livre XXXV.112 Â».
  2. Dominique Poulot, Une histoire des musées de France : XVIIIe-XXe siècle, Paris, La Découverte, , 196 p. (ISBN 978-2-7071-6409-4, OCLC 869369210, lire en ligne), p. 126.
  3. « Harry (or Ary, Herman) Roseland », sur safran-arts, (consulté le ).
  4. « Harry Roseland (1866–1950) », sur Quest Royal Fine Art (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Odette Aubrat, La Peinture de genre en Angleterre de la mort de Hogarth (1764) au PrĂ©raphaĂ©lisme (1850), Paris, Maison du Livre Français, , viii, 177, in-8° (OCLC 250104592, lire en ligne).
  • Colin B. Bailey, Philip Conisbee et Thomas W Gaehtgens, Au temps de Watteau Chardin et Fragonard : chefs-d’œuvre de la peinture de genre en France, MusĂ©e des beaux-arts du Canada ; National gallery of art ; Staatliche Museen Tournai la Renaissance du livre DL, , 410 p. (ISBN 978-2-8046-0752-4).
  • Carole Blumenfeld, Maurice Daumas, Axel HĂ©mery, Richard Rand et MusĂ©e des Augustins, Petits Théâtres de l’intime : la peinture de genre française entre RĂ©volution et Restauration, Toulouse, MusĂ©e des Augustins, , 175 p. (ISBN 978-2-901820-42-0).
  • Christopher Brown et Solange Schnall, La Peinture de genre hollandaise au XVIIe siècle : images d’un monde rĂ©volu, Paris ; Amsterdam, Vilo ; J. H. De Bussy, .
  • Jean Clair, Nouvelle subjectivitĂ© : notes et documents sur le retour de l’expression figurative et de la scène de genre dans la peinture de la fin du siècle, Bruxelles, Lebeer Hossmann, .
  • Philippe Costamagna, Olivier Bonfait et MusĂ©e Fesch, La Peinture de genre au temps du cardinal Fesch : actes du colloque Ajaccio 15 juin 2007, vol. 206, Paris, Gourcuff Gradenigo, (ISBN 978-2-35340-062-1).
  • Émile Gebhart, Essai sur la peinture de genre dans l’AntiquitĂ©, Paris, Imprimerie ImpĂ©riale, .
  • Élisabeth Lavezzi, La Scène de genre dans les « Salons » de Diderot, Paris, Hermann, , 126 p. (ISBN 978-2-7056-6833-4).
  • Jean Lombard, Peinture de genre et genres picturaux dans les Pays-Bas du XVIIe siècle, Paris, L'Harmattan, 2022 (ISBN : 978-2-14-030789-8)
  • Germaine Maillet, Rites et traditions dans la peinture de genre : Ă€ propos des Le Hain, Chalons, imp. de l’Union rĂ©publicaine, .
  • LĂ©onor MĂ©rimĂ©e, De la peinture Ă  l’huile : ou Des procĂ©dĂ©s matĂ©riels employĂ©s dans ce genre de peinture depuis Hubert et Jean Van-Eyck jusqu’à nos jours, Paris, Huzard, .

Articles connexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.