Accueil🇫🇷Chercher

Sagesse de la foule

La sagesse des foules est une théorie émergente popularisée notamment par James Surowiecki[1] et la base de la philosophie pour les enfants Matthew Lipman. Elle présuppose que la perception et la résolution d'un problème sont plus efficaces par une foule que par n'importe quel individu en faisant partie ou non, et le procédé enrichit du même coup le savoir de chaque personne de cette foule.

En bref, la sagesse de la foule est l'idée qu'un grand nombre d'amateurs peut mieux répondre à une question qu'un seul expert.

La sagesse des foules n'est pas une entité philosophique, mais bien un phénomène mathématique et statistique :

Trois ingrĂ©dients doivent ĂŞtre rĂ©unis pour parvenir Ă  rĂ©vĂ©ler l'intelligence de la foule[2] :

  • la diversitĂ© : avoir un grand nombre de personnes de divers milieux avec des idĂ©es originales ;
  • l'indĂ©pendance : permettre Ă  ces avis divers de s'exprimer sans aucune influence ;
  • la dĂ©centralisation : laisser ces diffĂ©rents jugements s'additionner plutĂ´t que de laisser une autoritĂ© supĂ©rieure choisir les idĂ©es qu'elle prĂ©fère.

Histoire et explications

Francis Galton, un statisticien, voulait initialement prouver qu’un groupe du « bas peuple », même en grand effectif, ne pouvait même pas réaliser une tache aussi simple qu'estimer le poids d'un bœuf dans une foire agricole. Au cas par cas, ce fut effectivement mauvais, mais en faisant la moyenne des estimations, on atteint un résultat qui est qualifié d'excellent.

Cela s'explique par la formule suivante : erreur du groupe = erreur individuelle moyenne - diversitĂ© des prĂ©dictions

Francis Galton fut donc surpris et pris au dépourvu par ces résultats.

L'idĂ©e de sagesse des foules n'est pas nouvelle : Aristote en est certainement le prĂ©curseur. Dans son ouvrage La Politique, il Ă©crit : « La MajoritĂ©, dont chaque membre pris Ă  part n'est pas un homme remarquable, est cependant au-dessus des hommes supĂ©rieurs. »

Le grand problème était qu'Aristote n'a pas testé cette théorie de façon empirique, ce qui aurait pourtant été une certaine avancée démocratique.

S'intéressant à la question des assemblées qui délibèrent, Nicolas de Condorcet a mis en relief le risque que certains choix collectifs deviennent intransitifs. Mais il a défendu aussi de façon précoce l'idée de la sagesse des foules en considérant, dans son Essai sur l'application de l'analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix (chapitre CLXXX), que si chaque votant a une probabilité de chance supérieure à 50 % de prendre une bonne décision, plus l'assemblée est importante, plus la probabilité est grande qu'une décision collective, prise à la majorité, tende vers une conclusion optimale et rationnelle. C'est le théorème de Condorcet qui considère que la délibération, au sein d’un groupe nombreux, est supérieure à celle d’un groupe restreint[3].

Ce qui explique l'actuelle mode de la sagesse des foules, c'est la possibilité de maximiser la valeur « diversité des prédictions » dans la formule ci-dessus grâce à Internet, qui permet le rassemblement d'un grand nombre de personnes d'origines et d'opinions différentes.

Applications

Internet, par son grand nombre d'utilisateurs, est aujourd'hui un vĂ©ritable centre d'expĂ©rimentation pour la sagesse de la foule, comme l'a si bien illustrĂ© le projet « Twitch Play PokĂ©mon Â». Dans ce projet, tous les utilisateurs du site de streaming Twitch contrĂ´laient le mĂŞme personnage simultanĂ©ment, par un système de vote qui exĂ©cutait toutes les trente secondes l'action la plus demandĂ©e. Si l'on admet que terminer un jeu vidĂ©o est un acte constructif, alors on a lĂ  la preuve que la sagesse des foules est un phĂ©nomène avĂ©rĂ© ; les participants du projet « Twitch Play PokĂ©mon » ont terminĂ© le jeu PokĂ©mon Rouge en 16 jours.

L'expérience a été rééditée sur des jeux comme Super Mario Bros., Metal Gear ou même Dark Souls, qui est pourtant réputé pour son extrême difficulté. Et à chaque fois, ça a fonctionné.

Dans le domaine du football le club d'Ebssfleet a en 2007 recrutĂ© son Ă©quipe grâce au vote de ses 30 000 fans-actionnaires (dont chacun avait payĂ© sa voix 35 ÂŁ). Le club a remportĂ© le FA Trophy l'annĂ©e suivante[4].

On peut aussi noter le cas de Wikipédia, qui voit les milliers de modifications ponctuelles de ses utilisateurs « moyennée » dans la ligne éditoriale : une information va être donnée, détaillée, améliorée et corrigée jusqu'à atteindre une neutralité et une véracité optimale.

En informatique, le Planning poker est une technique d'estimation s'appuyant sur une délibération collective entre les membres de l'équipe[5].

Limites

La sagesse des foules entre en conflit avec plusieurs biais cognitifs et phĂ©nomènes psychologiques. Les effets de cascade de deux types : les « cascades d'information Â» qui se produisent lorsque les individus, en carence d'information, imitent celui qui semble savoir[6]. Ce conformisme cognitif est Ă  priori efficace et peu coĂ»teux, mais il peut aussi ĂŞtre dangereux. Si le leader est dans l'erreur, la foule qui le suit converge vers l'erreur, ce qui peut conduire Ă  des situations catastrophiques. La « cascade de rĂ©putation Â» conduit les individus Ă  endosser le point de vue du plus grand nombre pour Ă©viter le coĂ»t social dont doit s'acquitter tout contestataire. L'« effet de polarisation » qui consiste Ă  adopter une attitude plus intransigeante collectivement qu’individuellement, d'oĂą le risque de radicalisation de la foule[7].

Notes et références

  1. (en) James Surowiecki, The wisdom of crowds : why the many are smarter than the few and how collective wisdom shapes business, economics, society and nations, Doubleday,
  2. « Sagesse des foules », sur netizen3.org, (consulté le )
  3. Gérald Bronner, La Démocratie des Crédules, Presses universitaires de France, (lire en ligne), p. 134.
  4. Simon Kuper et Stefan Szymanski (trad. de l'anglais par Bastien Drut), Les attaquants les plus chers ne sont pas ceux qui marquent le plus et autres mystères du football décryptés [« Soccernomics »], Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, , 2e éd. (1re éd. 2011), 482 p. (ISBN 978-2-8073-0006-4, lire en ligne), chap. 7 (« L'entraineur sert-il à quelque chose ? »), p. 164.
  5. addinquy, « En finir avec les estimations ? », sur Software Freethinker, (consulté le )
  6. En psychologie sociale, cet effet leader concerne ceux qui ont la capacité de prise de parole publique (expert, militant, journaliste…) générant un effet d'ancrage.
  7. Gérald Bronner, La Démocratie des Crédules, Presses universitaires de France, , p. 135

Voir aussi

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.