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Rutilio Grande

Rutilio Grande, nĂ© le Ă  El Paisnal (Salvador), et mort (assassinĂ©) le Ă  Aguilares (Salvador), est un prĂȘtre jĂ©suite salvadorien, qui Ă©tait curĂ© de Aguilares oĂč il dĂ©veloppa une action pastorale inspirĂ©e de la thĂ©ologie du peuple. Il fut tuĂ© par balles par des membres de la police du rĂ©gime, ainsi que ses deux collaborateurs, alors qu’il rentrait d’une visite pastorale. Reconnu martyr, il est vĂ©nĂ©rĂ© comme bienheureux par l'Église catholique, et fĂȘtĂ© le 12 mars.

Rutilio Grande
Image illustrative de l’article Rutilio Grande
PrĂȘtre, martyr et Bienheureux
Naissance
El Paisnal, Salvador
DĂ©cĂšs
Aguilares, Salvador
Nationalité Salvadorien
Ordre religieux Compagnie de JĂ©sus
Vénéré à église San José à El Paisnal
BĂ©atification 22 janvier 2022 Ă  San Salvador, par le cardinal Gregorio Rosa ChĂĄvez
VĂ©nĂ©rĂ© par l'Église catholique
FĂȘte 12 mars
Attributs clergy man et palme du martyre

Biographie

Jeunesse et formation

De famille modeste, Rutilio perd sa mĂšre Ă  4 ans. À 12 ans, il confie Ă  l’évĂȘque du diocĂšse, Mgr. Luis Chavez, son souhait de devenir prĂȘtre. L’annĂ©e suivante, en 1941, l’évĂȘque l’envoie au petit sĂ©minaire du Nicaragua, Ses Ă©tudes secondaires terminĂ©es, il entre dans la Compagnie de JĂ©sus le et fait son noviciat au Venezuela. Une crise spirituelle lui fait interrompre ses Ă©tudes: il enseigne alors durant deux ans Ă  Panama (1949-1950). Pour les Ă©tudes de philosophie et de thĂ©ologie, il est envoyĂ© en Espagne, Ă  Oña, prĂšs de Burgos (1953-1960). Il est repris de doutes sur sa vocation, mais dans un acte de confiance, va de l’avant. Il est ordonnĂ© prĂȘtre le Ă  Oña.

AprĂšs deux ans d’enseignement dans son pays, il retourne en Espagne pour son TroisiĂšme An (1962-1963). Cependant, ce temps de silence et de rĂ©flexion intĂ©rieure rĂ©veille en l’homme qu’il est - portĂ© ordinairement Ă  l’introspection - un sentiment d’anxiĂ©tĂ©. Un grand changement intervient lorsqu’il se spĂ©cialise en thĂ©ologie pastorale Ă  Lumen Vitae, Bruxelles (1963-1964). Il y dĂ©couvre la thĂ©ologie de la libĂ©ration.

Enseignement et travail socio-pastoral

Oscar Romero au centre et Rutilio Grande Ă  droite

De retour dans son pays, il enseigne la thĂ©ologie pastorale au grand sĂ©minaire de San Salvador (1964-1970) et est chargĂ© de guider l’action pastorale et sociale des sĂ©minaristes sous sa direction. Il apprend, personnellement, Ă  tempĂ©rer un vif idĂ©alisme de ‘libĂ©ration’ au contact des rĂ©alitĂ©s concrĂštes des quartiers populaires et bidonvilles. Les nĂ©cessitĂ©s graves du travail apostolique le libĂšrent alors des scrupules qui l'avaient longtemps tourmentĂ©.

Comme professeur de sĂ©minaire, il a une position en vue dans l’Église locale. L’archevĂȘque Chavez lui confie la responsabilitĂ© de la commission chargĂ©e de prĂ©parer la rĂ©union des Ă©vĂȘques du pays. En 1970, il invite les Ă©vĂȘques Ă  ne pas s’aliĂ©ner leur peuple Ă©crasĂ© par tant d’injustices. Cela ne passe pas inaperçu. La presse commence Ă  parler de Rutilio Grande comme d’un « crypto-communiste ». Un sermon dans la cathĂ©drale (en ) devant un parterre d'autoritĂ©s civiles et ecclĂ©siastiques fait grand bruit : il y exalte JĂ©sus, le Salvador venu sauver les peuples.

Par prudence, Grande est pour un temps Ă©loignĂ©. Il enseigne dans un collĂšge, puis est envoyĂ© Ă  l’institut pastoral de Quito (Équateur). En 1972 il est de retour dans son pays et, en septembre, il est nommĂ© curĂ© d’Aguilares, une ville en zone rurale de 30 000 habitants. Sa paroisse comprend Ă©galement de nombreux villages des alentours. Il dĂ©couvre les mauvais traitements que subissent les paysans et dĂ©nonce pendant ses messes les injustices, les salaires misĂ©rables et les trĂšs longues journĂ©es de travail[1].

À Aguilares, son projet de former des communautĂ©s de base prend forme. Des ‘missions’ de 15 jours sont organisĂ©es en 25 endroits diffĂ©rents. La lecture de l’Évangile est au point de dĂ©part des rĂ©unions. Les participants rĂ©flĂ©chissent au message Ă©vangĂ©lique et cherchent comment le mettre en pratique dans leur vie. Les communautĂ©s Ă©lisent leurs ‘DĂ©lĂ©guĂ©s de la Parole’ auxquels Grande donne une formation plus poussĂ©e : ils deviennent les responsables de ces groupes.

Le travail pastoral est essentiellement religieux, mais cela a des effets sociaux. Les paysans recouvrent leur dignitĂ©. Ils demandent un juste salaire. Une grĂšve est organisĂ©e dans une plantation de canne Ă  sucre; elle est un succĂšs. Les propriĂ©taires terriens et les milices s’alarment et accusent les prĂȘtres de 'subversion' et 'communisme'. Certains travailleurs sociaux sont torturĂ©s. Dans sa campagne Ă©lectorale de 1977, le candidat Ă  la prĂ©sidence promet de ‘libĂ©rer le pays des jĂ©suites'. Ses supĂ©rieurs, y compris l’archevĂȘque Chavez, recommandent ‘prudence et modĂ©ration’.

Assassinat en mars 1977

Oscar Romero présente au pape Paul VI une photographie de Rutilio Grande, aprÚs son assassinat.

Le , Mgr. Oscar Romero, Ă©vĂȘque auxiliaire depuis 1970, succĂšde Ă  Mgr. Chavez - qui accĂšde Ă  l'Ă©mĂ©ritat - comme archevĂȘque de San Salvador. Romero est dit 'conservateur', aussi cette nomination est-elle bien reçue par le gouvernement, au contraire des milieux d’Église qui sont consternĂ©s. Cependant, dĂšs le , l'archevĂȘque Romero Ă©crit une lettre censurant le gouvernement pour ses tentatives d’intimidation, y Ă©numĂ©rant une sĂ©rie de crimes et de disparitions restĂ©es sans investigation sĂ©rieuse.

Le , Rutilio Grande, accompagnĂ© d’un assistant paroissial de 72 ans, Manuel Solorzano, et d’un adolescent de 16 ans, Nelson Rutilio Lemus, se rendent d’Aguilares Ă  El Paisnal - son village natal - pour la messe du soir (de la neuvaine Ă  Saint-Joseph). Leur jeep est prise en embuscade sur la route. Une rafale de mitraillette envoie la jeep dans le fossĂ©. Grande et son assistant meurent sur le coup. L’adolescent, blessĂ©, est achevĂ© d’un coup de feu dans la tĂȘte. Des escadrons de la mort au service du rĂ©gime sont accusĂ©s du triple meurtre.

Tombe du P. Rutilio Grande

DĂšs qu’il est informĂ© du meurtre, l’archevĂȘque Oscar Romero, un ami personnel de Rutilio Grande, se rend immĂ©diatement dans la chapelle ardente oĂč se trouvent les corps des trois victimes. Il y passe des heures Ă  Ă©couter les paysans et leurs rĂ©cits de souffrances et injustices. L’évĂȘque est profondĂ©ment Ă©mu; cet assassinat est un tournant dans sa vie. Le dimanche suivant, toutes les messes dominicales sont supprimĂ©es dans son diocĂšse : une seule et solennelle eucharistie dans sa cathĂ©drale de San Salvator (malgrĂ© la loi martiale en vigueur, qui interdit toute rĂ©union publique). 200 prĂȘtres et plus de 100 000 personnes y participent. Romero lance un appel vibrant et solennel Ă  ce que cesse toute violence dans le pays. Lui-mĂȘme sera assassinĂ© trois ans plus tard, le .

Aprùs l’assassinat

Musée consacré à Rutilio Grande, avec ses objets personnels
  • Pour rĂ©futer une version officielle des faits publiĂ©e dans la grande presse nationale (contrĂŽlĂ©e par le pouvoir militaire), l’ArchevĂȘchĂ© de San Salvador publie le communique suivant () :

« La vraie raison de la mort de Grande Ă©tait son rĂŽle prophĂ©tique et ses efforts pastoraux pour une prise de conscience populaire dans sa paroisse. Le pĂšre Grande, sans s’imposer ni heurter ses fidĂšles dans leur pratique religieuse, formait avec eux une communautĂ© de foi, d’espĂ©rance et d’amour. Il les aidait Ă  retrouver leur dignitĂ© comme personnes, et reconquĂ©rir leurs droits. Ses efforts cherchaient un dĂ©veloppement humain intĂ©gral. Cet effort ecclĂ©sial, stimulĂ© par le concile Vatican II, n’est certainement pas agrĂ©able Ă  tous, car il rĂ©veille la conscience du peuple. Ce travail dĂ©range beaucoup de monde, et pour y mettre fin il Ă©tait nĂ©cessaire de liquider ceux qui y sont attelĂ©s. Dans ce cas-ci il s’agit du pĂšre Rutilio Grande ».

  • Le film biographique intitulĂ© Romero (en 1989) - une Ɠuvre de John Duigan - donne une grande place Ă  l’amitiĂ© entre Rutilio Grande et l’archevĂȘque Oscar Romero.
  • Le , un groupe de Salvadoriens rentrant au pays aprĂšs un exil de 11 ans au Nicaragua fonde la CommunautĂ© Rutilio Grande. Parmi les projets de ce groupe : une Radio Rutilio employant des jeunes Salvadoriens comme rĂ©dacteurs et radioreporters. En partenariat avec un groupe luthĂ©rien des États-Unis, le groupe finance Ă©galement l’éducation secondaire de nombreux enfants
  • En 1977, aprĂšs l’assassinat du PĂšre Rutilio Grande, tous les artistes du pays furent convoquĂ©s pour rendre hommage Ă  son Ɠuvre et sa vie. Face au silence et la peur des reprĂ©sailles envers les artistes, le peintre et sculpteur espagnol Pedro Gross crĂ©a le monument au PĂšre Rutilio. Quelques jours aprĂšs son inauguration, le buste fut dynamitĂ© par les escadrons de la mort. L’artiste reçut des menaces et subit un attentat sans consĂ©quences, Ă  la suite duquel il partit vers les États-Unis et la Colombie avec sa famille.

BĂ©atification

Reconnaissance du martyre

En septembre 2015, la CongrĂ©gation pour les causes des saints autorise le diocĂšse de San Salvador Ă  introduire la cause pour sa bĂ©atification et canonisation. L'enquĂȘte diocĂ©saine s'est clĂŽturĂ©e en octobre 2016 et le dossier est transfĂ©rĂ© Ă  Rome pour y faire reconnaĂźtre son martyre par le Saint-SiĂšge. Le , le pape François reconnaĂźt le martyre de Rutilio Grande, et signe le dĂ©cret de sa bĂ©atification.

Il fut solennellement proclamé bienheureux le 22 janvier 2022, au cours d'une messe célébrée à San Salvador par le cardinal Gregorio Rosa Chåvez. Avec lui, d'autres martyrs furent élevés à la gloire des autels : ses compagnons Manuel Solórzano et Nelson Rutilio Lemus, ainsi que le PÚre Cosma Spessotto.

Vénération

  • La tombe de Rutilio Grande se trouve devant le maĂźtre-autel de l'Ă©glise San JosĂ© d'El Paisnal. Elle est frĂ©quemment visitĂ©e. Plusieurs manifestations de dĂ©votion sont organisĂ©es chaque annĂ©es.
  • Du fait de sa proximitĂ© avec saint Oscar Romero, Rutilio Grande est l'objet d'une piĂ©tĂ© populaire fervente au Salvador.
  • Le bienheureux Rutilio Grande est liturgiquement commĂ©morĂ© le 12 mars.

Bibliographie

  • G. Arroyo, El Salvador: les risques de l'Évangile, dans Etvdes, vol.348, 1978.
  • (es) R. Cardenal, Historia de una esperanza: vida de R.G., San Salvador, 1985.
  • (en) William J. O'Malley, The voice of Blood, New-York, 1980.

Liens externes

Notes et références

  1. « El Salvador. BĂ©atification de deux prĂȘtres assassinĂ©s pendant la guerre civile », Ouest-France,‎ (lire en ligne)
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