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Relation spéciale

L'expression de « relation spĂ©ciale » (anglais : « Special Relationship ») est couramment utilisĂ©e pour dĂ©signer les liens diplomatiques, Ă©conomiques, militaires et culturels trĂšs Ă©troits entre le Royaume-Uni et les États-Unis. On attribue la paternitĂ© de ces termes Ă  Winston Churchill ; l'expression a Ă©tĂ© employĂ©e dans le mĂȘme discours qui a rendu l'expression « Rideau de fer » cĂ©lĂšbre, en 1946, dans le Missouri[1].

Britannia coude à coude avec l'Oncle Sam, symbole de l'alliance anglo-américaine lors de la PremiÚre Guerre mondiale.

Historique

Aux niveaux diplomatiques et militaires, de fortes relations se sont nouées à la suite de la Seconde Guerre mondiale, sous la forme de multiples accords.

Au lendemain de la guerre, le United Kingdom - United States Communications Intelligence Agreement, souvent appelĂ© traitĂ© UKUSA, est signĂ© le : le Royaume-Uni et les États-Unis sont rejoints par le Canada, l’Australie et la Nouvelle-ZĂ©lande et dans une moindre mesure d'autres pays. Cet accord concerne la collaboration internationale en matiĂšre de renseignement d'origine Ă©lectromagnĂ©tique[2].

Le chef de poste de la CIA à Londres assiste réguliÚrement aux réunions du Joint Intelligence Committee, sauf lors des sujets purement intérieurs[3].

Les accords de Nassau, signĂ©s le aux Bahamas, entre les États-Unis reprĂ©sentĂ©s par John F. Kennedy et le Royaume-Uni reprĂ©sentĂ© par Harold Macmillan, portent sur la fourniture de missiles Polaris au Royaume-Uni[4]. Depuis, l'arsenal nuclĂ©aire du Royaume-Uni repose sur des missiles louĂ©s aux États-Unis Ă©quipĂ©s d'ogives britanniques et une partie de la flotte du Royal Air Force Bomber Command jusqu’à la dissolution de cette unitĂ© est placĂ©e Ă  la disposition du commandant suprĂȘme des forces alliĂ©es en Europe[5].

Entre autres accords militaires moins importants, le programme d'armĂ©es ABCA, dont la premiĂšre mouture est fondĂ©e en 1947, vise Ă  optimiser l’interopĂ©rabilitĂ© et la normalisation de la formation et de l'Ă©quipement entre ses membres. C'est un moyen de capitaliser l'Ă©troite coopĂ©ration entre les armĂ©es de terre des États-Unis, du Royaume-Uni et du Canada pendant la Seconde Guerre mondiale[6].

Contestation

Avant l'arrivĂ©e des premiĂšres troupes amĂ©ricaines en 1942, les Britanniques connaissent les AmĂ©ricains essentiellement par l'intermĂ©diaire du cinĂ©ma amĂ©ricain, en particulier, selon l'universitaire Jean-Claude Sergeant, des « films noirs de la pĂ©riode dont Scarface Ă©tait le prototype », qui connaissent un grand succĂšs au Royaume-Uni[7]. Les troupes amĂ©ricaines arrivent progressivement sur le territoire britannique au cours de la guerre, jusqu'Ă  atteindre 1 600 000 soldats Ă  la veille du dĂ©barquement de Normandie[7]. Les relations entre les civils britanniques et les militaires amĂ©ricains se dĂ©gradent Ă  mesure de l'augmentation de ces derniers. En 1943, George Orwell compare ce contingent Ă  une force d'occupation[7].

L'annonce par les États-Unis, en , de la suspension du Lend-Lease est trĂšs mal accueillie au Royaume-Uni. Selon Jean-Claude Sergeant, « l’opinion publique britannique a vu dans cette dĂ©cision le signe concret de l’égoĂŻsme des AmĂ©ricains, qui semblaient avoir oubliĂ© un peu rapidement les sacrifices consentis par le peuple britannique au nom de la dĂ©fense de la dĂ©mocratie »[7]. La mĂȘme annĂ©e, « la difficile nĂ©gociation du prĂȘt amĂ©ricain liĂ© Ă  la ratification par le Parlement britannique de l’accord de Bretton Woods allait achever d’épuiser le crĂ©dit de sympathie dont bĂ©nĂ©ficiaient les États-Unis en Angleterre »[7]. L'annonce du plan Marshall en 1947 suscite une euphorie dans le pays, mais certaines voix (le Daily Express, la gauche bevaniste) s'inquiĂštent de la menace qu'il peut faire peser sur la libertĂ© du gouvernement en matiĂšre de politique Ă©trangĂšre[7].

En 1951, aprĂšs le blocus de Berlin, des bombardiers amĂ©ricains armĂ©s d’engins nuclĂ©aires sont stationnĂ©s sur le sol britannique. Un groupe de parlementaires proches d’Aneurin Bevan s'oppose Ă  cette dĂ©cision et exige qu'elle soit soumise Ă  l’autorisation du gouvernement britannique[7].

À la fin du mois de , dans le contexte de la crise de Suez, une motion affirmant que « l’attitude des États-Unis compromet gravement l’Alliance atlantique » recueille 127 signatures Ă  la Chambre des communes, et celle appelant le gouvernement Ă  rĂ©tablir une coopĂ©ration active avec les États-Unis n'en reçoit que 22[7]. Une note de l’ambassade des États-Unis Ă  Londres fait explicitement Ă©tat de la vague d'antiamĂ©ricanisme qui touche le Royaume-Uni aprĂšs cet Ă©pisode, essentiellement nourrie par la droite conservatrice[7]. En 1958 naĂźt la Campagne pour le dĂ©sarmement nuclĂ©aire, groupe de pression anti-nuclĂ©aire animĂ© par des intellectuels qui rĂ©clame le dĂ©sarmement unilatĂ©ral du Royaume-Uni et le retrait de l’OTAN[7].

Lors du CongrÚs du Parti travailliste de 1982, une majorité se prononce pour la fermeture de toutes les bases nucléaires américaines situées sur le territoire britannique[7].

Selon des sondages MORI, les Britanniques ont constamment dévalorisé la relation avec l'Amérique entre 1969 et 1991, au profit de celle avec l'Europe[7].

Relations contemporaines

La diplomatie amĂ©ricaine actuelle considĂšre que « les États-Unis n'ont pas de plus proche alliĂ© que le Royaume-Uni »[8].

Cependant, pendant les années 2010, certains articles publiés par la presse britannique de qualité estiment que l'importance de cette « relation spéciale » serait sur le déclin[9] - [10] - [11].

Cette relation diplomatique s'est incarnée par des alliances personnelles fortes entre chefs d'état : Margaret Thatcher et Ronald Reagan se sont notablement illustrés dans leur opposition à l'Union soviétique, Tony Blair et Bill Clinton ont aidé à résoudre le problÚme irlandais et ont été compagnons d'armes lors de la guerre du Kosovo et Blair et George Bush ont lancé les forces armées de leur pays dans la guerre d'Irak[12].

En 2013, le vote de refus du Parlement britannique de participer à une hypothétique intervention américaine dans la guerre civile syrienne pourrait affecter, selon certains spécialistes, la relation entre les Britanniques et les Américains[13].

Jeremy Shapiro, ancien conseiller de Barack Obama, dĂ©clare en que la relation entre les deux pays "sans contrepartie". Il ajoute que cette relation « n’a jamais vraiment Ă©tĂ© quelque chose de bien important pour les États-Unis. De mon point de vue, il Ă©tait trĂšs important pour nous de mentionner la relation spĂ©ciale Ă  chaque confĂ©rence de presse oĂč le Royaume-Uni Ă©tait reprĂ©sentĂ© mais en fait nous en riions en coulisses »[14].

Références

  1. Jean-Claude Sergeant, « Londres réexamine sa relation avec Washington », Le Monde diplomatique, septembre 2010 (lire en ligne)
  2. (en)National Archives : UKUSA
  3. (en) Stephen Grey, « Why no questions about the CIA? », sur http://www.newstatesman.com, (consulté le ).
  4. Jacques Vernant, « La logique de Nassau », Politique Ă©trangĂšre, vol. 27, no 6,‎ , p. 507-515 (lire en ligne)
  5. (en) « UK'S TRIDENT SYSTEM NOT TRULY INDEPENDENT », sur Chambre des communes du Royaume-Uni, (consulté le )
  6. American, British, Canadian, Australian and New Zealand (ABCA) Armies Coalition Operations Handbook, https://publicintelligence.net/american-british-canadian-australian-and-new-zealand-abca-armies-coalition-operations-handbook/, , 220 p. (lire en ligne).
  7. Sergeant 2012
  8. (en) « US-UK relations », DĂ©partement d'État des États-Unis (lire en ligne)
  9. (en) Peter Foster, « Just not that into us: America has moved from the Special Relationship », The Telegraph, 15 janvier 2015 (lire en ligne)
  10. (en) Nicholas Watt, « Special relationship is over, MPs say. Now stop calling us America's poodle », The Guardian, 28 mars 2010 (lire en ligne)
  11. (en)Geoff Dyer, « White House no longer sees anything special in UK relations », The Financial Times, 1er mai 2015 (lire en ligne)
  12. (en) « U.S., Britain’s ‘special relationship’ endures but with less vigor », The Washington Post, 8 mai 2015 (lire en ligne)
  13. « Syrie: un "couac" dans la "relation spéciale" américano-britannique », Le Point, 30 août 2013 (lire en ligne)
  14. (en) By Eleanor Hayward Jack Doyle for the Daily Mail, « 'Special relationship' was seen as joke by Obama », Daily Mail,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).

Article connexe

Bibliographie

  • Jean-Claude Sergeant, « L’anti-amĂ©ricanisme en Grande-Bretagne », Revue française de civilisation britannique, vol. 12, no 1,‎ , p. 115-125 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Luca Bellocchio, L’eterna alleanza? La “special relationship” angloamericana tra continuitĂ  e mutamento, Milano, Franco Angeli, 2006, (ISBN 9788846476050)
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