Rapport Thiriez
Les propositions de la mission sur la haute fonction publique (dites rapport Thiriez) portent sur les carriĂšres dans la haute fonction publique et la profonde rĂ©forme des Ă©tudes de certaines Ă©coles françaises, telle l'Ăcole nationale d'administration.
Le rapport est rĂ©digĂ© par FrĂ©dĂ©ric Thiriez, avocat aux Conseils, Florence MĂ©aux, conseillĂšre maĂźtre Ă la Cour des comptes, dĂ©lĂ©guĂ©e aux cadres dirigeants de lâĂtat au secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral du Gouvernement, et Catherine Lagneau, ingĂ©nieure en chef des mines, directrice adjointe de lâĂcole des Mines de Paris. Il est remis au Premier ministre le .
Historique
Fin , FrĂ©dĂ©ric Thiriez Ă©crit une note au prĂ©sident de la RĂ©publique pour proposer un tronc commun dans la formation de la future Ă©lite dâĂtat et de carriĂšres moins automatiques[1] - [2] - [3].
Dans son discours du en clÎture du Grand débat national, le Président de la République appelle à une réforme ambitieuse de la haute fonction publique française.
Trois objectifs sont fixés à la « mission Thiriez » par le Premier ministre dans la lettre de mission du :
- revoir les modalités de recrutement des hauts fonctionnaires en mettant en place une sélection exigeante, ouverte à la diversité des talents,
- revoir la formation initiale des hauts fonctionnaires pour la rendre plus opérationnelle, plus ouverte et renforcer leur formation continue,
- dynamiser les parcours de carriĂšre[4].
Ă l'automne 2019, la presse annonce que le rapport, au lieu d'ĂȘtre remis en comme cela Ă©tait prĂ©vu, pourrait ĂȘtre remis fin janvier ou dĂ©but [5].
Selon des fuites dans la presse courant , le rapport proposerait une formation commune ENA/ENM débutant par deux mois de service national, dont un mois consacré à la préparation militaire, et l'autre mois consacré à l'encadrement des jeunes du service national universel. Dans un article ironique, le Canard enchaßné souligne : « Marcher au pas cadencé en saluant les chefs, quoi de mieux pour apprendre l'indépendance ? »[6]. Les énarques et magistrats stagiaires suivraient ensuite des « stages exploratoires », enfin un stage « FiliÚre justice et sécurité »[7].
MĂ©thode de travail de la mission Thiriez
La mission a dâabord dĂ©fini le pĂ©rimĂštre de son Ă©tude et retenu les corps relevant de « lâencadrement supĂ©rieur et dirigeant » des trois versants de la fonction publique :
- Corps « ENA » ;
- Corps «Polytechnique» ;
- Administrateurs territoriaux ;
- Directeurs dâhĂŽpital et dâĂ©tablissement sanitaire, social et mĂ©dico-social ;
- Directeurs dâorganismes de sĂ©curitĂ© sociale ;
- Directeurs des services pĂ©nitentiaires et directeurs pĂ©nitentiaires dâinsertion et de probation ;
- Commissaires de police ;
- Magistrats de lâordre judiciaire.
Elle a procĂ©dĂ© ensuite Ă de nombreuses auditions, plus de deux cent cinquante, et a recueilli plus dâune centaine de contributions Ă©crites, spontanĂ©es ou sollicitĂ©es.
Trois principes préalables ont structuré sa réflexion :
- lâimpĂ©ratif dâexcellence dans le recrutement,
- le maintien du principe fondateur du recrutement par concours,
- la nĂ©cessitĂ© dâune solide formation initiale des candidats reçus, sans prĂ©judice de leur formation continue.
Les propositions
Les propositions sont déclinées sous trois rubriques :
- décloisonner la haute fonction publique ;
- diversiïŹer le recrutement ;
- dynamiser les carriĂšres
DĂ©cloisonner la haute fonction publique
- Avant quâils ne rejoignent leur Ă©cole dâapplication, les candidats reçus aux diffĂ©rents concours administratifs suivraient un « tronc commun » de six mois, dont lâessentiel se passerait sur le terrain ;
- La nouvelle « Ăcole des Hautes Ă©tudes de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© sociale » serait issue de la fusion de l'Ăcole des hautes Ă©tudes en santĂ© publique et de l'Ăcole nationale supĂ©rieure de sĂ©curitĂ© sociale ;
- Replacer l'administration parisienne dans le droit commun, en conséquence le corps des administrateurs de la ville de Paris serait mis en extinction ;
- LâENA serait remplacĂ©e par une grande « Ă©cole dâadministration publique » (EAP), Ă©cole dâapplication regroupant les administrateurs de lâĂtat (ex-Ă©narques) et les ingĂ©nieurs des corps techniques ; deux conïŹgurations diffĂ©rentes de lâEAP ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©es par la mission ;
- Il nây aurait pas de classement de sortie Ă lâEAP mais une procĂ©dure dâaffectation par rapprochement des offres et des demandes, Ă©vitant les risques de cooptation ou de favoritisme ; la rĂ©partition des postes offerts en sortie dâĂ©cole serait revue pour privilĂ©gier les ministĂšres prioritaires ;
- Tous les administrateurs de lâĂtat et les ingĂ©nieurs des corps civils seraient dâabord affectĂ©s, pour un an au moins, en administration dĂ©concentrĂ©e ou sur une mission prioritaire, sauf cas particulier ;
- LâaccĂšs au doctorat pour les hauts fonctionnaires serait facilitĂ©, pour favoriser les parcours Ă lâinternational des hauts fonctionnaires français ;
- La « marque ENA » serait conservĂ©e Ă lâinternational. LâENAi, ïŹliale de lâEAP serait chargĂ©e notamment des actions de formation « Ă la carte » aux questions europĂ©ennes, de la prĂ©paration des hauts fonctionnaires europĂ©ens Ă la prĂ©sidence tournante de lâUE, du Cycle des hautes Ă©tudes europĂ©ennes et de la prĂ©paration aux concours de la fonction publique de l'Union europĂ©enne ;
- Il serait mis ïŹn au « systĂšme des grands corps » par la transformation des corps dâinspection (des finances, de l'administration, des affaires sociales) en emplois fonctionnels dâune part et, pour les corps juridictionnels (Conseil d'Ătat et Cour des comptes) dâautre part, par un recrutement diffĂ©rĂ© aprĂšs la sortie de lâĂ©cole.
DiversiïŹer le recrutement
- Les Ă©preuves des diffĂ©rents concours Ă©tudiants seraient revues, pour les rendre moins acadĂ©miques, moins discriminantes socialement et plus opĂ©rationnelles. Les proïŹls diversiïŹĂ©s seraient mis en valeur par des Ă©preuves Ă options. Des tests psychotechniques, non notĂ©s, seraient prĂ©vus au stade de lâadmission.
- La composition des jurys serait revue et leur formation généralisée.
- Un concours unique serait organisĂ© pour lâensemble des Ă©coles administratives, avec des Ă©preuves spĂ©ciïŹques par Ă©cole.
- Une vingtaine de nouvelles classes prĂ©paratoires « Ă©galitĂ© des chances (CPE) », rĂ©parties sur le territoire Ă raison dâune classe au moins par rĂ©gion, outre-mer compris, seraient crĂ©Ă©es par appel Ă projets. Les Ă©lĂšves seraient sĂ©lectionnĂ©s sur des critĂšres sociaux combinĂ©s au mĂ©rite acadĂ©mique et bĂ©nĂ©ïŹcieraient dâun accompagnement social durant leur prĂ©paration aux concours.
- Un concours spĂ©cial, la voie « Ă©galitĂ© des chances », ouvert aux Ă©lĂšves sortis des CPE, serait instituĂ© pour lâaccĂšs aux diffĂ©rentes Ă©coles du service public, dans la limite de 10 Ă 15 % de lâeffectif des promotions.
- Les actuels 2e et 3e concours, ainsi que le « tour extĂ©rieur », seraient remplacĂ©s par une nouvelle voie dâaccĂšs « professionnelle » unique, lisible, accessible au plus grand nombre. Le nombre de postes ouverts serait sensiblement Ă©gal Ă celui des concours Ă©tudiants. Les Ă©preuves seraient allĂ©gĂ©es par rapport aux concours « Ă©tudiants » et les candidats reçus seraient directement admis en Ă©cole dâapplication, sans passer par le « tronc commun ».
- Pour progresser vers la paritĂ© dans les emplois supĂ©rieurs, le Gouvernement pourrait sâengager Ă nommer, sur une annĂ©e, 50 % de femmes dans les emplois Ă la dĂ©cision du Gouvernement.
Dynamiser les carriĂšres
- Le rĂ©fĂ©rentiel de compĂ©tences des hauts fonctionnaires devrait ĂȘtre revu, faisant une plus large place Ă lâinnovation, au dialogue, Ă la culture du rĂ©sultat et Ă la mobilisation des collaborateurs.
- La Direction gĂ©nĂ©rale de l'Administration et de la Fonction publique deviendrait une vĂ©ritable « DRH groupe » pour lâencadrement supĂ©rieur, en Ă©troite liaison avec les DRH ministĂ©rielles (30 ETP Ă prĂ©voir pour lâensemble).
- Le suivi RH des cadres territoriaux serait organisĂ© sur le modĂšle de la fonction publique hospitaliĂšre (centre national de gestion - CNG). Cette nouvelle fonction pourrait ĂȘtre conïŹĂ©e au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
- Les cadres supérieurs seraient davantage évalués, formés et reconnus pour leurs performances.
- Un Institut des Hautes Ătudes du Service Public serait crĂ©Ă©, aïŹn de dispenser, en milieu de carriĂšre, une formation commune Ă temps partiel sur une annĂ©e Ă des hauts fonctionnaires des trois fonctions publiques, tous corps confondus, ainsi quâaux magistrats qui le souhaitent, aux ofïŹciers de la gendarmerie ou des armĂ©es et aux administrateurs des assemblĂ©es. Les laurĂ©ats de lâInstitut auraient vocation Ă accĂ©der aux emplois supĂ©rieurs des trois versants de la fonction publique.
- Tous les postes vacants de cadres dirigeants de lâĂtat seraient obligatoirement publiĂ©s, aïŹn dâouvrir plus largement lâĂ©ventail des possibles.
- Les mobilités seraient favorisées et davantage valorisées, notamment en encourageant et en sécurisant les passages du secteur public au secteur privé.
Calendrier
La Mission suggĂšre que la rĂ©forme sâapplique aux recrutements de 2022 (concours de 2021), et pour cela demande que les textes lĂ©gislatifs et rĂ©glementaires soient pris au plus tard le .
Notes et références
- « FrĂ©dĂ©ric Thiriez, premier de cordĂ©e », Le Monde,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Laurent Mauduit, « ENA: la mission de Frédéric Thiriez sÚme le doute sur la sincérité du projet présidentiel », sur Mediapart (consulté le )
- Le Figaro, « Suppression de lâENA: FrĂ©dĂ©ric Thiriez veut encourager la «discrimination positive» », sur Le Figaro Etudiant (consultĂ© le )
- Edouard Philippe, « Lettre de mission haute fonction publique », sur Vie-publique.fr,
- Le Monde, 22 novembre 2019.
- Le Canard enchaßné, 18 décembre 2019, page 4, « Thiriez veut des juges en treillis ».
- Le Canard enchaßné, 18 décembre 2019, op. cit.
Voir aussi
Bibliographie
- Frédéric Thiriez, Florence Méaux et Catherine Lagneau, Mission haute fonction publique - Propositions, , 96 p. (présentation en ligne, lire en ligne)
Articles connexes
Liens externes
- Sur Les Echos, 21 novembre 2019
- Sur Le Monde, 16 décembre 2019
- "La sortie de buts du rapport Thiriez", Commentaire, 2020/2 (juin) (version auteur).