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Propulsion électrique (spatial)

La propulsion électrique dans le domaine spatial est un type de propulsion à réaction dans lequel l'électricité est utilisée comme source d'énergie pour accélérer un fluide. Contrairement à la propulsion chimique, ce type de propulsion spatiale ne fournit pas des poussées suffisamment importantes (poussées inférieures à 1 newton, soit 100 gramme-force) pour placer en orbite des satellites artificiels mais, grâce à une impulsion spécifique très élevée, elle permet de réduire de manière très importante (jusqu'à dix fois) la masse d'ergols nécessaire pour manÅ“uvrer un engin dans l'espace par rapport aux autres types de propulsion. L'énergie électrique est fournie généralement par des panneaux solaires photovoltaïques, mais elle pourrait également provenir de générateur thermoélectrique à radioisotope (RTG).

Des prototypes de propulseurs ont été développés dans les années 1960, mais ce n'est que depuis les années 2000 que son emploi s'est généralisé pour les corrections orbitales des satellites circulant en orbite géostationnaire, et pour l'exploration du système solaire sur certaines sondes spatiales (Smart 1, Dawn, Hayabusa, BepiColombo). De nombreuses techniques coexistent, mais deux catégories se sont particulièrement développées : les moteurs à effet Hall et les moteurs ioniques à grilles.

Historique

Le concept de la propulsion électrique spatiale est décrit de manière relativement simultanée et indépendante en 1906 par les pionniers du domaine spatial Robert Goddard, en 1906, et Constantin Tsiolkovski, en 1911. Différentes modalités de mise en œuvre sont décrites par Hermann Oberth, en 1929, puis par Shepherd et Cleaver, au Royaume-Uni, en 1949. Les premières recherches pratiques démarrent dans les années 1960, au début de l'ère spatiale. Elles sont menées aux États-Unis par le centre de recherche Glenn de la NASA, par le JPL et par les laboratoires de recherche Hughes et en Union soviétique par plusieurs laboratoires de recherche. Les premiers propulseurs électriques expérimentaux utilisés dans l'espace sont des moteurs ioniques, utilisant comme fluide du mercure ou du césium. Les recherches soviétiques se concentrent sur les moteurs à effet Hall, tandis que les chercheurs américains s'intéressent plus particulièrement aux moteurs ioniques à grilles[1].

L'installation d'un couple de moteurs SPT-60 à bord des satellites météorologiques soviétiques Meteor (premier lancement en 1971) constitue la première application opérationnelle de la propulsion électrique spatiale. Ces moteurs à effet Hall sont utilisés pour maintenir les satellites sur leur orbite. Le Japon lance en 1995 le satellite Engineering Test Satellite VI, qui est équipé d'un moteur ionique à grilles. Aux États-Unis, la première utilisation commerciale débute en 1997 avec le lancement de satellites de télécommunications Hughes équipés de moteurs XIPS (Xenon Ion Propulsion System). La sonde spatiale Deep Space 1, lancée en 1998, est le premier engin destiné à explorer le Système solaire dont la propulsion principale est assurée par un moteur électrique[1].

Avantages et inconvénients

La propulsion électrique est avantageuse par son impulsion spécifique élevée, qui lui permet d'accélérer en consommant moins d'ergols et donc d'emporter une charge utile de masse plus importante.

En effet, pour une force de poussée et un temps de poussée donné, la masse de carburant nécessaire est inversement proportionnelle à l'impulsion spécifique, tel que

Où

  • est le débit massique (kg/s) ;
  • (Thrust en anglais) la poussée (N) ;
  • le temps de poussée (s) ;
  • l'impulsion spécifique (s) ;
  • l'accélération de pesanteur (m/s²).

Cette technologie présente toutefois certains inconvénients :

  • La poussée générée par ces moteurs étant très faible (équivalent au souffle d'un homme sur une main, pour certains de ces moteurs), la durée des missions peut être très longue pour pouvoir fournir le Delta-v souhaité ;
  • La puissance des panneaux solaires apportant l'énergie au système est limitée par la masse de ceux-ci, par conséquent cela réduit aussi la poussée que peut produire le moteur. Ce phénomène est d'autant plus présent que la sonde ainsi équipée s'éloigne du Soleil (lorsque la distance double, la puissance reçue par les panneaux est divisée par quatre).

Bien que l'avantage de la propulsion électrique soit son impulsion spécifique et donc son efficacité, il n'est pas forcément judicieux de vouloir la maximiser. En effet, la masse des batteries et du système d'alimentation électrique évolue de manière à peu près linéaire en fonction de la puissance requise par le moteur, tel que .

On peut alors démonter qu'il y a un une impulsion spécifique optimale pour un moteur électrique[2] :

Qui dépend du temps de poussée (environ le temps de mission) , de l'efficacité de conversion de la puissance électrique en poussée , de la masse spécifique ou coefficient de proportionalité , ainsi que de l'accélération de la pesanteur .

Au delà de cette valeur, certes la poussée sera plus efficace, mais le système d'alimentation électrique sera si lourd que le moteur fournira un Delta-v moindre.

Familles de propulseurs

Les propulseurs électriques peuvent être rangés dans trois catégories :

  • Les propulseurs électrothermiques, dans lesquels un fluide est porté à une température élevée par une décharge électrique. Le gaz résultant se détend dans une tuyère. Ce sont par exemple les « arcjets », propulseurs électrothermiques à hydrazine ;
  • Les propulseurs électromagnétiques, dans lesquels le fluide est utilisé sous forme de plasma ionisé qui est accéléré par une interaction entre les champs électrique et magnétique : ce sont les propulseurs dits « magnéto plasma dynamiques » (MPD), propulseurs à plasma pulsé PPT... ;
  • Les propulseurs électrostatiques, dans lesquels le fluide est utilisé sous forme d'ions accélérés par un champ électrique. Ce sont les moteurs ioniques, les propulseurs à effet Hall.
Principales caractéristiques des moteurs spatiaux électriques
Mécanisme d'accélération Moteur Impulsion spécifique (s) Poussée (N) (valeurs indicatives)
Propulsion électrothermiqueRésistojet
Arcjet500 - 2 0000,15 - 0,30
VASIMRvariable
1 000 - 30 000
variable
10 - 500
Propulsion électromagnétique
(forces de Lorentz)
Propulseur magnétoplasmadynamique (MPD) et LFA (Lorentz Force Accelerator) 1 000 - 10 00020 - 200
propulseur à force ponderomotrice (ElPT) 1 000 - 10 000 1 × 10−3 - 100
MPD pulsé = Propulseur à plasma pulsé (en) (PPT)
Propulsion électrostatique Césium contact 7 0004 × 10−3
Propulseur à émission de champ (en) (FEEP) 5 000 - 8 000 10 × 10−6 - 2,5 × 10−3
Moteur ionique à grilles3 000-8 000 0,05-0,5
Propulseur RIT (Radiofrequency ionisation thruster) 18 × 10−3 - 100 × 10−3
Helicon double-layer thruster (en)
Propulseur à effet Hall (SPT, PPS, ALT) 1 000 - 3 000 10 × 10−3 - 1,5

Applications

Contrôle d'attitude

De par les très faibles poussées produites, ce type de propulsion est idéal pour effectuer des corrections d'orientation de vaisseaux ou satellites en orbite ou sur une trajectoire vers un autre corps céleste. Il évite aux concepteurs de devoir incorporer dans le vaisseau de lourds systèmes à base de monergols (RCS) ou de roues de réaction. La faible consommation de ces moteurs permet de plus d'assurer ce rôle sur une très longue durée.

Maintien à poste des satellites en orbite géostationnaire

Le principe de fonctionnement de ces moteurs limite fortement leur poussée mais permet des durées de fonctionnement très longues. Ils ne sont donc pas toujours le meilleur choix pour un vaisseau spatial, mais leur emploi convient à merveille à des utilisations fréquentes et répétées pour maintenir des satellites à une orbite très précise. De plus, la nature de ces moteurs, contenant très peu de pièces mobiles, leur assure une très bonne fiabilité dans le temps (les moteurs chimiques subissent des contraintes mécaniques et thermiques bien plus fortes et ont une durée de vie plutôt limitée).

Un module de propulsion électrique de type VASIMR est actuellement en cours de réalisation et devrait être testé sur la Station Spatiale Internationale[3]. La station spatiale internationale, du fait de son orbite assez basse, subit encore les effets de l'atmosphère et perd quelques mètres d'altitude chaque jour (traînée aérodynamique). Un tel moteur serait la solution la plus adaptée à son maintien sur une orbite stable.

Propulsion interplanétaire ; sondes spatiales

La sonde spatiale de la NASA Deep Space 1, lancée en 1998, a été la première à utiliser comme système de propulsion spatiale un moteur électrique. La sonde Smart-1, de l'Agence spatiale européenne a été lancée en 2004 et s'est placée en orbite autour de la Lune à l'aide de la propulsion électrique. Elle a utilisé le moteur PPS-1350, de Snecma, qui produisait une poussée de grammes-force. C'est la première sonde européenne à rejoindre un corps du système solaire et à s'y être satellisé à l'aide d'une propulsion électrique.

Exemples de moteurs

Parmi ces moteurs figurent :

  • Le PPS-1350, d'une poussée de 9 grammes-force (environ 0,09 N) ;
  • Le PPS-5000, d'une poussée de 32 grammes-force (environ 0,32 N) et qui fonctionne pendant 15 000 heures et consomme kW de puissance électrique ; le moteur de la SNECMA est adopté en 2015 pour la nouvelle famille de Spacebus Neo[4] ;
  • Le PPS-20k qui consomme 20 kW de puissance et produit une poussée de 100 grammes-force (environ N).

Notes et références

  1. Fundamentals of Electric Propulsion: Ion and Hall Thrusters, p. 2-3.
  2. (en) Robert G. Jahn, Physics of Electric Propulsion, Dover Publications, , 325 p. (ISBN 978-0-486-45040-7), p. 7-8
  3. « VASIMR », Futura Sciences (consulté le ).
  4. Pierre-François Mouriaux, « Le moteur PPS-5000 équipera les satellites Neosat », dans Air & Cosmos, no 2486, 29 janvier 2016.

Bibliographie

  • (en) Robert G. Jahn, Physics of Electric Propulsion, Dover Publications, , 325 p. (ISBN 978-0-486-45040-7), p. 7-8
  • (en) Dan M. Goebel et Ira Katz, Fundamentals of Electric Propulsion : Ion and Hall Thrusters, JPL SPACE SCIENCE AND TECHNOLOGY SERIES, , 493 p. (lire en ligne).
  • (en) George P Sutton et Oscar Biblarz, Rocket Propulsion Elements 8e édition, Wiley, (ISBN 978-0-470-08024-5).
  • (en) Stéphane Mazouffre, « Electric propulsion for satellites and spacecraft: established technologies and novel approaches », IOP, vol. ¨25,‎ , p. 1-27 (DOI 10.1088/0963-0252/25/3/033002, lire en ligne) — Propulsion électriques des satellites et des sondes spatiales : technologies éprouvées et nouvelles approches.
  • (en) Igor Levchenko, « Space micropropulsion systems for Cubesats and small satellites: From proximate targets to furthermost frontiers », Applied Physics Reviews, vol. ¨5,‎ , p. 1-27 (DOI 10.1063/1.5007734, lire en ligne) — Micropropulsion pour Cubessats et petits satellites

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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