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Profil sensoriel

Le profil sensoriel, dans le domaine de la psychiatrie et de la psychologie, de l'ergothérapie et de la psychomotricité est à la fois une méthode psychométrique (Dunn et Westman, 1997) et le nom de l'un des outils d’évaluation des particularités sensorielles, utilisé, parmi d'autres.

Selon Aristote l'être humain possède cinq sens, ici évoqués par leurs organes sensoriels inhérents : oreilles (ouïe), yeux (vision), langue et nez (goût et odorat), peau (tact).
On y ajout aujourd'hui le système vestibulaire qui permet la perception du sens de la gravité, et l'ajustement des mouvements corporels et de leur vitesse ; ainsi que le système proprioceptif (relatif à la perception des muscles, viscères, nerfs, articulations, de la pression sanguine, de la glycémie, de la faim, de la soif…). Ces sens contribuent à rendre perceptible (dans une certaine mesure) puis intelligible le monde sensible (ce qui nous entoure et notre corps.

Ces outils sont utilisés en complément d'un bilan ou diagnostic clinique, pour établir un « diagnostic fonctionnel », pour un individu, à un moment de son évolution, idéalement dans le cadre d'une approche multidisciplinaire ; l’observation clinique restant un complément essentiel à l’évaluation.

Le profil sensoriel contribue à la détection de troubles de la modulation sensorielle, via une description de « la réception, la modulation, l'intégration et l'organisation variables des stimuli sensoriels, telles qu'identifiées par certaines réponses comportementales aux entrées sensorielles qui altèrent les routines et les rôles quotidiens »[1] ; il permet, pour chaque sens, de positionner l'individu sur un spectre allant de l'hyposensibilité, qui peut être dangereuse et handicapante (ex. : pour un enfant regardant une lumière ou le soleil sans ciller, ou ne ressentant pas la douleur, n'entendant pas le danger venir) à l'hyperréactivité (l'hypersensibilité sensorielle étant une source d'irritabilité, de colère ou de douleur, de fatigue et d'angoisse).

Il existe divers outils standardisĂ©s, complĂ©mentaires, incluant notamment le bilan cognitif et neuropsychologique, par exemple utilisĂ©s pour diagnostiquer les troubles du spectre autistique et Ă©valuer leur intensitĂ©, et Ă©galement utilisĂ©s par les protocole de recherche pour rendre comparables entre eux les rĂ©sultats de recherches diffĂ©rents. On sait que la pĂ©riode de la petite enfance est dĂ©terminante pour la santĂ© et pour le bien-ĂŞtre et de l'acquisition de compĂ©tences dans le futur de la personne. On cherche donc a adapter certains outils et Ă©chelles d'Ă©valuation sensorielle au nourrisson et au tout-petit enfant (de la naissance Ă  l'âge de 3 ans), afin de dĂ©tecter d'Ă©ventuels traits autistiques prĂ©coces ou dysfonctionnements du traitement sensoriel aussi tĂ´t que possible. Dans ces cas, ce sont les parents qui remplissent le questionnaire[1] - [2].

Le profil sensoriel de Dunn

C'est un outil standardisé, initialement conçu pour des enfants de 3 ans à 11 ans (ensuite prolongé à 14 ans)[3], sur la base d'un socle théorique synthétisé par Winifred (Winnie) Dunn [ergothérapeute, PhD, OTR, FAOTA ; Pr au Medical Center de l'Université du Kansas] (modèle de traitement de l'information sensorielle de Dunn).

Il se prĂ©sente comme un questionnaire rempli par les parents ou la personne qui s’occupe de l’enfant (remarque : une Ă©tude (2015) a montrĂ© que pour l'enfant neurotypique comme pour l'enfant Ă  TSA, l'ouĂŻe et le toucher sont les voies sensorielles les plus citĂ©s par les parents et par les enseignants en termes de frĂ©quence[4]. Mais dans le groupe TSA uniquement, les informations rapportĂ©es par les parents et celles rapportĂ©es par les enseignants diffèrent : « les enseignants ont signalĂ© un plus grand dysfonctionnement que les parents dans la participation sociale, le toucher et les dyspraxies »[4]. Ces rĂ©sultats suggèrent que les parents peuvent sous-estimer certaines difficultĂ©s de l'enfant quand il est hors du contexte familial. Ceci invite aussi Ă  aussi interroger les enseignants lors d'un processus d'Ă©valuation du profil sensoriel, et de contextualiser les informations sur la sensorialitĂ© de la personne autiste[4].

Pour chacun des principaux sens, le questionnaire de PS évalue quantitativement et qualitativement la capacité de perception et de traitement de l'information sensorielle par l'individu. Le profil définit notamment des niveaux en termes généraux et pour les sens de l’ouïe, tactile, visuel, oral, du mouvement et de la position du corps ; ainsi que des scores comportementaux (social, émotionnel, attentionnel…) et des données sur les aspects « hyper ou hypo-réactivité à l'entrée sensorielle ou d'un intérêt inhabituel pour les aspects sensoriels de l'environnement » qui sont l'un des critères du DSM-5 pour les TSA[3].

Après vérification de l'absence de causes somatiques (diagnostic sensoriel différentiel), il aboutira à la constitution d'un profil personnel permettant de mieux comprendre la personnalité sensorielle de l'enfant et de cerner ses besoins sensoriels dans la vie scolaire et quotidienne[3].

Il est réputé simple à administrer (il peut être fait en ligne via la plate forme logicielle Q-Global)[5], et à coter, mais « son interprétation nécessite des connaissances et une formation en intégration sensorielle »[6]. Ce n'est pas un outil conçu pour évaluer la progression de l'enfant[3].

Forme longue

Il s'agit d'un questionnaire regroupant 125 items, plutôt utilisé dans les protocoles de recherche, nécessitant deux heures environ.

Forme abrégée

Plutôt utilisée pour le dépistage, de certains troubles du spectre autistique par exemple, elle comprend 38 items (32 dans la version 2)[3] jugés les plus discriminants[7].

Autres outils

  • l'analyse comportementale Ă  partir de vidĂ©o du bĂ©bĂ©[8] ;
  • le BAMBI (de Lukens et Linscheid, 2008) ;
  • le questionnaire adaptĂ© du QSSA( de Tessier en 2006) ;
  • le questionnaire PARIS de Gilbert et al. (in Fernel 2010) ;
  • Infant/Toddler Sensory Profile (Profil sensoriel du nourrisson/tout-petit, basĂ© sur 81 items)[9] - [10] - [11] - [12] - [13].

Utilité

Les nouveau-nés et jeunes enfants chez lesquels le traitement sensoriel est médiocre présentent ou présenteront généralement des retards dans la motricité fine et globale, un mauvais équilibre, une incoordination et éventuellement des troubles du spectre de l'autisme (TSA)[14]. On ne sait par contre pas dans quelle mesure un déficit dans les capacités de traitement sensoriel précoce influera sur l'apprentissage ultérieur et le développement émotionnel, et il n'est pas certain que nous sachions détecter de manière fiable et adéquate tous les dysfonctionnements sensoriels du nourrisson et de l'enfant[15].

Plus tard dans la vie, un trouble sensoriel peut révéler une pathologie sous-jacente et être une source de handicap pour lequel, souvent, des solutions existent.

Le profil sensoriel d'un enfant, adolescent, adulte ou personne âgée est donc un élément essentiel de l'évaluation du développement psychomoteur de la personne. Il permet de repérer et mieux comprendre d'éventuelles réactions atypiques et/ou inadaptées au son, à la lumière, à certaines matières ou textures, à certaines températures ou à certains aliments. Ces informations permettront ensuite de plus facilement d'épargner à la personne certaine stimulations sensorielles désagréables voire insupportables, ou au contraire de lui faire découvrir ou retrouver des stimulations et sensations susceptibles de lui faire du bien (approche Snoezelen).

Le profil sensoriel permet aussi de classer un éventuel trouble du traitement sensoriel détecté, dans l'une des catégories suivantes[16] :

  1. trouble de la modulation sensorielle ;
  2. trouble moteur sensoriel ;
  3. trouble de discrimination sensorielle.

Le Profil sensoriel est aussi une base permettant aussi de travailler ces questions avec la personne, ses parents, proches, aidants, enseignant, etc. (éventuellement dans le cadre d'une thérapie d’intégration sensorielle)[17] - [18].

En France, les recommandations de bonnes pratiques (2012) de la Haute autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) incluent une évaluation fonctionnelle de l’enfant atteint d’autisme, évaluation devant notamment comprendre une identification des modalités sensorielles préférentielles. Elle est réalisée par un.e ergothérapeute ou un.e psychochomotricien.ne.

Notes et références

  1. (en) Abbey L Eeles, Alicia J Spittle, Peter J Anderson et Nisha Brown, « Assessments of sensory processing in infants: a systematic review: Review », Developmental Medicine & Child Neurology, vol. 55, no 4,‎ , p. 314–326 (DOI 10.1111/j.1469-8749.2012.04434.x, lire en ligne, consulté le ).
  2. (en) Cherie G. O'boyle et Mary K. Rothbart, « Assessment of distress to sensory stimulation in early infancy through parent report », Journal of Reproductive and Infant Psychology, vol. 14, no 2,‎ , p. 121–132 (ISSN 0264-6838 et 1469-672X, DOI 10.1080/02646839608404509, lire en ligne, consulté le ).
  3. (en) « Sensory Profile 2 Overview - PDF Free Download », sur docplayer.net (consulté le ).
  4. (en) Mª Inmaculada Fernández-Andrés, Gemma Pastor-Cerezuela, Pilar Sanz-Cervera et Raúl Tárraga-Mínguez, « A comparative study of sensory processing in children with and without Autism Spectrum Disorder in the home and classroom environments », Research in Developmental Disabilities, vol. 38,‎ , p. 202–212 (ISSN 0891-4222, DOI 10.1016/j.ridd.2014.12.034, lire en ligne, consulté le ).
  5. Q-global est une plateforme en ligne permettant la passation digitale de questionnaires, et qui génère des rapports chiffrés.
  6. Fiche explicative, validée par le Comité Technique et Scientifique du centre ressources autismes Nord-Pas de Calais | URL=https://www.cra-npdc.fr/wp-content/uploads/2019/10/PROFIL-SENSORIEL-DE-DUNN.pdf
  7. (en) Scott D. Tomchek et Winnie Dunn, « Sensory Processing in Children With and Without Autism: A Comparative Study Using the Short Sensory Profile », The American Journal of Occupational Therapy, vol. 61, no 2,‎ , p. 190–200 (ISSN 0272-9490 et 1943-7676, DOI 10.5014/ajot.61.2.190, lire en ligne, consulté le ).
  8. (en) Grace T. Baranek, « [No title found] », Journal of Autism and Developmental Disorders, vol. 29, no 3,‎ , p. 213–224 (DOI 10.1023/A:1023080005650, lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) Winnie Dunn et Debora B. Daniels, Infant/Toddler Sensory Profile, (lire en ligne).
  10. (en) Winnie Dunn et Debora B. Daniels, « Initial Development of the Infant/Toddler Sensory Profile », Journal of Early Intervention, vol. 25, no 1,‎ , p. 27–41 (ISSN 1053-8151 et 2154-3992, DOI 10.1177/105381510202500104, lire en ligne, consulté le ).
  11. (en) Debora B. Daniels et Winifred Wiese Dunn, « Development of the Infant-Toddler Sensory Profile », The Occupational Therapy Journal of Research, vol. 20, no 1_suppl,‎ , p. 86S–90S (ISSN 0276-1599, DOI 10.1177/15394492000200S107, lire en ligne, consulté le ).
  12. (en) Ted Brown et Carli Subel, « Known-Group Validity of the Infant Toddler Sensory Profile and the Sensory Processing Measure-Preschool », Journal of Occupational Therapy, Schools, & Early Intervention, vol. 6, no 1,‎ , p. 54–72 (ISSN 1941-1243, DOI 10.1080/19411243.2013.771101, lire en ligne, consulté le ).
  13. (en) Stepanka Beranova, Jan Stoklasa, Iva Dudova et Daniela Markova, « A possible role of the Infant/Toddler Sensory Profile in screening for autism: a proof-of-concept study in the specific sample of prematurely born children with birth weights », Neuropsychiatric Disease and Treatment, vol. 13,‎ , p. 191 (PMID 28182143, DOI 10.2147/NDT.S123066, lire en ligne, consulté le ).
  14. (en) Jamie M. Kleinman, Diana L. Robins, Pamela E. Ventola et Juhi Pandey, « The Modified Checklist for Autism in Toddlers: A Follow-up Study Investigating the Early Detection of Autism Spectrum Disorders », Journal of Autism and Developmental Disorders, vol. 38, no 5,‎ , p. 827–839 (ISSN 0162-3257 et 1573-3432, DOI 10.1007/s10803-007-0450-9, lire en ligne, consulté le ).
  15. (en) Georgia DeGangi, Ronald Berk et Stanley Greenspan, « The Clinical Measurement of Sensory Functioning in Infants: », Physical & Occupational Therapy In Pediatrics, vol. 8, no 2,‎ , p. 1–23 (ISSN 0194-2638, DOI 10.1300/j006v08n02_01, lire en ligne, consulté le ).
  16. (en) Lucy Jane Miller, Marie E. Anzalone, Shelly J. Lane et Sharon A. Cermak, « Concept Evolution in Sensory Integration: A Proposed Nosology for Diagnosis », The American Journal of Occupational Therapy, vol. 61, no 2,‎ , p. 135–140 (ISSN 0272-9490 et 1943-7676, DOI 10.5014/ajot.61.2.135, lire en ligne, consulté le ).
  17. (en) Roseann C. Schaaf, Janice Posatery Burke, Ellen Cohn et Teresa A. May-Benson, State of Measurement in Occupational Therapy Using Sensory Integration, vol. 68, (ISSN 0272-9490, DOI 10.5014/ajot.2014.012526, lire en ligne), e149–e153.
  18. (en) Ayres J.A (2005), Sensory Integration and the Child, Los Angeles Western Psychological Services.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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  • R. Gaudreault (2007) OptimalitĂ© neurologique Ă  terme et profil sensoriel Ă  huit mois chez les nouveau-nĂ©s Ă  risque de sĂ©quelles neurologiques.
  • (en) Douglas R. Gere, Steve C. Capps, D. Wayne Mitchell et Erin Grubbs, « Sensory Sensitivities of Gifted Children », The American Journal of Occupational Therapy, vol. 63, no 3,‎ , p. 288–295 (ISSN 0272-9490 et 1943-7676, DOI 10.5014/ajot.63.3.288, lire en ligne, consultĂ© le ).
  • (en) Abbey L Eeles, Alicia J Spittle, Peter J Anderson et Nisha Brown, « Assessments of sensory processing in infants: a systematic review: Review », Developmental Medicine & Child Neurology, vol. 55, no 4,‎ , p. 314–326 (DOI 10.1111/j.1469-8749.2012.04434.x, lire en ligne, consultĂ© le ). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

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