Problème de Milne
Le problème de Milne concerne la résolution analytique du transfert radiatif dans un milieu semi-infini homogène, sans absorption ni émission en volume, avec source située loin de l'origine. Il a été posé et résolu par Edward Arthur Milne en 1921 pour expliquer le phénomène d'assombrissement centre-bord d'une étoile[1]. Par la suite des solutions mathématiques rigoureuses ont été proposées par Norbert Wiener, Eberhard Hopf[2] et Kenneth Case[3] dans le cadre de travaux concernant la neutronique.
Le problème de Milne
Le problème du transfert radiatif (au sens large, incluant le transfert neutronique et de nombreuses autres particules élémentaires ou non) est décrit par l'équation de Boltzmann[N 1]. Il s'agit d'une équation intégro-différentielle linéaire portant sur la distribution angulaire du nombre de particules transportées ou de toute quantité relative à celui-ci (l'énergie par exemple, auquel cas on parle de luminance totale, c'est-à-dire intégrée sur tout le spectre électromagnétique). La résolution de ce problème est possible dans le cas d'un problème unidimensionnel plan, cylindrique ou sphérique dans le cas particulier d'une diffusion isotrope dans le milieu. Cette résolution a une origine historique, les travaux ayant été menés à une époque où le calcul numérique n'existait pas. Ils sont aujourd'hui utilisés comme benchmark pour tester des méthodes numériques.
L'équation de Boltzmann pour un milieu homogène stationnaire, unidimensionnel et semi-infini, sans émission ni absorption en volume, avec diffusion isotrope[N 2] s'écrit
où
luminance, | |
avec θ l'angle de propagation, | |
épaisseur optique (ou profondeur optique), | |
coefficient d'extinction totale supposé constant. |
On utilise également l'énergie volumique définie par
où c est la vitesse de la lumière. À l'énergie on associe parfois une température radiative TR qui est celle du corps noir produisant la même énergie rayonnée, définie par E = 4 σ TR4 / c où σ est la constante de Stefan-Boltzmann. L'hypothèse κt constant implique la conservation du spectre dans le milieu, lequel est donc celui de la source. TR n'est donc pas en général la température thermodynamique du milieu, laquelle ne joue aucun rôle dans le problème.
Les conditions aux limites sont les suivantes :
- pas de flux entrant à la surface (origine des coordonnées spatiales x ou τ, axe dirigé vers l'intérieur du milieu)
- source plane située à l'infini, entraînant un flux F0 < 0 donné, le flux d'énergie étant défini par
- On remarque que pour une distribution isotrope le flux est nul, l'énergie étant également propagée dans toutes les directions.
Le problème consiste à calculer la luminance sortante ou tout au moins la fonction de phase (la distribution angulaire) de celle-ci.
Propriétés de la solution
On peut donner pour ce problème[4] les propriétés suivantes sur les premiers moments de la luminance :
- le flux d'énergie ou exitance est constant ;
- la pression radiative augmente linéairement avec la profondeur optique.
On peut donner[4] - [5] une solution formelle de l'équation sous la forme
Par intégration on obtient l'équation intégrale de Milne
où E1 est l'exponentielle intégrale.
En particulier on voit que la solution du problème est donnée par une transformée de Laplace
Solution approchée
Arthur Schuster (1905)[6] et Karl Schwarzschild (1906)[7] ont donné une solution approchée en séparant les intensités dans les deux sens de propagation opposés, méthode rendue possible par la linéarité de l'équation de Boltzmann. Cette méthode est connue sous le nom d'« approximation à deux flux ».
Soit L+ la luminance constituée par une valeur angulaire constante dans le demi-espace x positif et valant 0 dans le demi-espace négatif. L− est son complémentaire, alors, en introduisant ces expressions dans l'équation de Boltzmann il vient
La condition en τ = 0 est
En termes d'énergie et de flux la solution de ce système s'écrit
En oubliant l'hypothèse qui a conduit à ce résultat on peut recalculer une solution générale du problème en utilisant ce qui a été baptisé plus haut « solution formelle » (cas μ < 0)
En particulier la luminance émergente est
Cette solution constitué une bonne approximation de la solution rigoureuse (voir courbe).
Solution générale
Les solutions font appel
- soit à la méthode SN (ou méthode des ordonnées discrètes) conduisant à une solution semi-analytique[4].
- soit à la méthode de Wiener-Hopf[2] - [8] - [9] - [5] utilisant la transformation de Laplace,
- soit à l'étude des valeurs propres singulières de l'opérateur de transport associé à l'équation de Boltzmann[3].
Les longs calculs mènent à la fonction de phase suivante[2] - [5]
En particulier l'émission rasante vaut
La figure montre le processus par lequel la luminance quasi-isotrope pour τ > 10 se déforme dans la région proche de la paroi.
Notes
- Le terme équation de Boltzmann s'applique d'abord aux milieux gazeux. Par extension ce nom est utilisé pour tout système obéissant à une équation semblable.
- Le choix d'une diffusion isotrope résulte de la volonté d'obtenir une solution analytique. On peut y arriver avec la diffusion Thomson mais ceci n'ajoute pas grand-chose au problème.
Références
- (en) Edward Arthur Milne, « Radiative Equilibrium in Outer Layers of a Star: Temperature Distribution and the Law of Darkening », Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vol. 81, , p. 361–375 (lire en ligne)
- (de) Norbert Wiener et Eberhard Hopf, « Über eine klasse singulärer integralgleichungen », Sitzungsberichte Akademie der Wissenschaften Berlin, vol. 31, , p. 696–706
- (en) Kenneth Case, « Elementary Solutions of the Transport Equation and their Applications », Annals of Physics, vol. 9, no 1, , p. 1-23 (lire en ligne)
- (en) Subrahmanyan Chandrasekhar, Radiative Transfer, Dover Publications, , 393 p. (ISBN 0-486-60590-6, lire en ligne)
- (en) G. Placzek, « The Angular Distribution of Neutrons Emerging from a Plane Surface », Physical Review, vol. 72, no 7, , p. 556-558
- (en) A. Schuster, « Radiation Through a Foggy Atmosphere », The Astrophysical Journal, vol. 21, no 1, (lire en ligne)
- (de) K. Schwarzschild, « Ueber das Gleichgewicht der Sonnenatmosphäre », Nachrichten von der Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, Mathematisch-Physikalische Klasse, , p. 41-53 (lire en ligne)
- (en) Eberhard Hopf, Mathematical Problems of Radiative Equilibrium, Cambridge University Press,
- (en) G. Placzek et W. Seidel, « Milne's Problem in Transport Theory », Physical Review, vol. 72, no 7, , p. 550-555