AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Prisonniers de guerre de la guerre franco-allemande de 1870

À l'issue de la guerre franco-allemande de 1870 fin , 371 981 soldats et 11 810 officiers sont prisonniers[Note 1] en Allemagne contre moins de 40 000 Allemands capturĂ©s par l’armĂ©e française. On peut ajouter aux militaires captifs en Allemagne, les 87 000 hommes de l’armĂ©e de l’Est internĂ©s en Suisse en [1].

Édouard Castres, Panorama Bourbaki (1889, dĂ©tail), Lucerne, Panorama Bourbaki. ArmĂ©e de l'Est arrivant en Suisse.

L'inconfort du transfert en Allemagne et de la captivité dans des camps improvisés est principalement dû au manque de moyens des autorités allemandes débordées par cet afflux imprévu.

ConsĂ©quence du dĂ©sastre subi par l’ArmĂ©e française

Ces chiffres peuvent ĂȘtre mis en rapport avec des effectifs d’environ 290 000 prĂ©sents dans l’Est Ă  l’entrĂ©e en guerre et de 1 600 000 hommes mobilisĂ©s au maximum dont seule une partie fut engagĂ©e au combat. En , le nombre de prisonniers est probablement supĂ©rieur Ă  celui des combattants rĂ©els[1]. L'ampleur du dĂ©sastre apparaĂźt d'autant plus en comparaison avec les 600 000 prisonniers français de la PremiĂšre Guerre mondiale d'une armĂ©e qui mobilisa 8 400 000 hommes durant quatre ans.

Les principales captures de prisonniers par les armĂ©es allemandes ont eu lieu successivement le Ă  la bataille de Woerth (9 000), le Ă  la capitulation de Sedan (75 000), aux redditions Ă  la suite des siĂšges de Strasbourg (17 000) le , de Metz le (142 000).

Les officiers sont faits prisonniers aprÚs avoir refusé la proposition des Allemands de libération sous engagement de ne pas reprendre les armes[2].

Par ailleurs, 87 000 hommes de l’ArmĂ©e de l’Est furent internĂ©s en Suisse en .

Le transfert en Allemagne

L’armĂ©e vaincue de Sedan fut laissĂ©e pendant dix jours, de la reddition du au dĂ©part le , dans la presqu’üle d’Iges, dans un mĂ©andre de la Meuse. Cet espace fermĂ© au nord par la Meuse, au sud par le canal de l'Est, cernĂ© de gardes bavarois brutaux fut surnommĂ© le camp de la MisĂšre[3]. Les 80 000 soldats parquĂ©s avec leurs chevaux sous la pluie, sans matĂ©riel de campement, affamĂ©s avec pour seul approvisionnement des rations acheminĂ©es par la place de MĂ©ziĂšres meurent par centaines de faim ou de dysenterie provoquĂ©e par l'absorption d'aliments corrompus ou de l'eau de la Meuse polluĂ©e par les cadavres. Les survivants partent ensuite Ă  pied jusqu’à Pont-Ă -Mousson Ă  une centaine de kilomĂštres. La garde de ces files est insuffisante ce qui permet de nombreuses Ă©vasions. AprĂšs cette marche Ă©puisante, les prisonniers sont transportĂ©s en train dans des wagons de marchandises, dans quelques cas dans des tombereaux non couverts sous la pluie, jusqu’à leur lieu de captivitĂ© en Allemagne[4].

Les officiers furent convoyés avec leurs ordonnances par trains spéciaux en voitures de voyageurs et leurs chevaux dans des fourgons[1].

Les prisonniers du siĂšge de Metz furent d’abord parquĂ©s dans des camps dans les localitĂ©s environnantes dans le froid et sous la pluie avant une marche jusqu’à des localitĂ©s distantes de plusieurs dizaines de kilomĂštres, Remilly, Forbach et Sarrelouis, puis un voyage en train de plusieurs jours jusqu'en Allemagne, entassĂ©s dans des wagons Ă  bestiaux[4]. Les habitants des dĂ©partements français de l’Est s’efforcent d’aider les prisonniers au cours de leur voyage en distribuant des vivres, des boissons et des vĂȘtements. Certains parviennent Ă  s’évader Ă  cette occasion[5].

  • Sedan et le camp de la misĂšre sur carte contemporaine du dĂ©sastre de 1870.
    Sedan et le camp de la misÚre sur carte contemporaine du désastre de 1870.
  • Adolph Menzel, ArrivĂ©e des prisonniers de guerre français Ă  Berlin, Berlin, Alte Nationalgalerie.
    Adolph Menzel, Arrivée des prisonniers de guerre français à Berlin, Berlin, Alte Nationalgalerie.
  • Transport des prisonniers français en 1870, illustration du journal Die Gartenlaube (1870).
    Transport des prisonniers français en 1870, illustration du journal Die Gartenlaube (1870).

Les conditions de captivité

CimetiÚre de prisonniers français de 1870-1871 de Lamsdorf (actuellement Ɓambinowice).

Soldats du rang

Les soldats du rang rĂ©partis dans 242 localitĂ©s sur l'ensemble de l'Allemagne, d'ouest en est, des rĂ©gions proches de la frontiĂšre Ă  la PomĂ©ranie, sont entassĂ©s dans des camps Ă©tablis dans des vieux forts, des casernes, des baraques en bois construites par les premiers arrivĂ©s, dans des conditions d’hygiĂšne prĂ©caires. L’alimentation est insuffisante et les prisonniers souffrent du froid d’un hiver trĂšs rude. La promiscuitĂ© et la saletĂ© sont un terrain propice aux Ă©pidĂ©mies de variole et de fiĂšvres diverses. Beaucoup souffrent de scorbut dĂ» aux carences alimentaires[6].

Le travail n’est pas obligatoire mais beaucoup y sont contraints par la nĂ©cessitĂ© d’un gagne-pain. AprĂšs un hiver trĂšs dur les conditions s’amĂ©liorent au printemps avec une meilleure nourriture et un moindre entassement dans les camps aprĂšs les premiers rapatriements[7]. Les conditions sont trĂšs variables suivant les camps. Dans certains, les gardiens maltraitent les prisonniers, dans d'autres leur comportement est humain. Cependant, la cause principale de la duretĂ© de la captivitĂ© est le manque de moyens face Ă  un afflux exceptionnellement massif qui n'avait pas Ă©tĂ© prĂ©vu.

18 000 prisonniers morts en captivitĂ© sont enterrĂ©s en Allemagne.

Officiers

Les sous-officiers peuvent cependant sortir de la caserne ou du camp.

Le sort des 11 860 officiers, comprenant 956 officiers supĂ©rieurs dont 152 gĂ©nĂ©raux et 183 colonels est plus confortable. Le gouvernement allemand leur verse une demi-solde de captivitĂ©, 70 thalers pour un gĂ©nĂ©ral, 25 pour un capitaine, 12 pour un sous-lieutenant. Beaucoup d'entre eux bĂ©nĂ©ficient d'une aide complĂ©mentaire de leur famille[8]. Prisonniers sur parole dans la ville oĂč ils sont assignĂ©s Ă  rĂ©sidence, ils logent chez l'habitant ou dans des auberges et sont libres de leurs dĂ©placements sous condition de se rendre une fois par semaine au bureau de la place, ce qui leur permet des excursions[2].

L’aide aux prisonniers

Des secours, initiatives privĂ©es, amis sollicitĂ©s par les officiers prisonniers et associatives, attĂ©nuent la dĂ©tresse des prisonniers par des aides financiĂšres et en nature notamment vĂȘtements chauds. Des journaux publient des listes et lancent des souscriptions. Des dons parviennent Ă©galement d’autres pays, par exemple ceux du ComitĂ© amĂ©ricain de la ville de New York[9].

La Prusse et la France avaient adhĂ©rĂ© Ă  la Convention de GenĂšve du portant principalement sur les secours aux militaires blessĂ©s sur le champ de bataille. À la suite de cette convention, des sociĂ©tĂ©s nationales de la Croix-Rouge sont constituĂ©es en France, en Prusse et au Wurtemberg. Des sociĂ©tĂ©s neutres d’autres nationalitĂ©s aident Ă©galement les blessĂ©s. La Croix Rouge ouvre Ă  BĂąle le , sa premiĂšre agence qui constitue un ComitĂ© international de secours pour les prisonniers de guerre, la Croix verte oĂč travaillent fin , une cinquantaine de bĂ©nĂ©voles. La Croix Verte se charge de l’envoi des lettres, mĂ©dicaments, mandats, vivres et s'efforce de rĂ©pondre aux demandes de renseignements. À cet effet, des listes de prisonniers sont Ă©tablies. Mille lettres sont acheminĂ©es par jour en [10].

Les Ă©vasions

La surveillance est assez lĂ©gĂšre au dĂ©but ce qui permet des Ă©vasions, nombreuses dans les villes proches des frontiĂšres de Belgique, des Pays-Bas et d’Autriche-Hongrie.

Un seul des gĂ©nĂ©raux capturĂ©s Ă  Metz et Ă  Sedan, Clinchant s’évade de Mayence dĂ©but dĂ©cembre, rejoint la Loire, puis est nommĂ© adjoint de Bourbaki Ă  l’armĂ©e de l’Est.

Paul DĂ©roulĂšde, assignĂ© Ă  rĂ©sidence Ă  Breslau, passe la frontiĂšre autrichienne en dĂ©cembre arrive Ă  Tours aprĂšs un long pĂ©riple ferroviaire et participe aux combats de l’armĂ©e de l’Est de [11]. Le capitaine Albert Louis Candelot s'Ă©vade et traverse la Meuse Ă  la nage et prend part au siĂšge de Paris.

Les rapatriements

L’article 6 des prĂ©liminaires de paix du prĂ©voit la libĂ©ration des prisonniers. Seule une minoritĂ© a les moyens de financer le retour Ă  cette date. Le rapatriement est organisĂ© par la convention de FerriĂšres du . Le retour est assez lent. Une minoritĂ© est transportĂ©e par bateaux envoyĂ©s par le Gouvernement français Ă  BrĂȘme et Hambourg : 270 000 rentrent en train, 25 000 isolĂ©ment, de fin mars au .

Le rapatriement est suspendu jusqu’à la signature du traitĂ© de Francfort le . À cette date, il reste 138 000 prisonniers[7]. Le rapatriement s’achĂšve le sauf pour des francs-tireurs et des condamnĂ©s de droit commun pour avoir attaquĂ© ou blessĂ© des Allemands. Ceux-ci restent en Allemagne jusqu’en 1872 et ne sont libĂ©rĂ©s qu’aprĂšs nĂ©gociations. Parmi ces condamnĂ©s, certains Ă  de longues peines, figuraient des soldats rĂ©guliers[12].

La durée de captivité a été variable, de deux à trois mois pour les plus courtes, dix mois pour beaucoup[12].

Le souvenir de la captivité

Les prisonniers ont beaucoup Ă©crit, certains ont tenu un journal quotidien. Quelques-uns ont Ă©tĂ© publiĂ©s au cours des dĂ©cennies suivant la guerre. Les documents originaux non retouchĂ©s reflĂštent la diversitĂ© des expĂ©riences, des Ă©preuves les plus pĂ©nibles, Ă  des captivitĂ©s acceptables, de la duretĂ© de certains gardiens, aux rapports amicaux avec la population. La plupart des officiers ont Ă©vitĂ© par patriotisme les contacts avec les classes dirigeantes. Tous ont constatĂ© l’explosion du nationalisme allemand. La plupart sont revenus avec la conviction d’une hostilitĂ© du peuple allemand. Cependant beaucoup lui reconnaissent des qualitĂ©s : ordre, propretĂ© des appartements[13]. L’ennemi hĂ©rĂ©ditaire est en mĂȘme temps un modĂšle dont la France devrait s’inspirer[14].

Les prisonniers allemands

Beaucoup moins nombreux que les prisonniers français, quelques-uns des prisonniers allemands en France ont laissĂ© des tĂ©moignages trĂšs variĂ©s d’une captivitĂ© sinistre dans des locaux infects, dont ils conservent une image noire de la France, Ă  des sĂ©jours agrĂ©ables dans le Midi ou en AlgĂ©rie.

L’écrivain ThĂ©odore Fontane, prisonnier civil Ă  l'Ăźle d'OlĂ©ron, a publiĂ© des souvenirs. Sa description de la France et des Français y est sĂ©vĂšre[15].

Notes et références

Notes

  1. En fĂ©vrier 1871, Jules Favre, ministre des Affaires Ă©trangĂšres donnait une estimation sensiblement diffĂ©rente : 509 000 combattants français prisonniers dont 420 000 dĂ©tenus en Allemagne, 4 000 internĂ©s en Belgique et 85 000 en Suisse contre 35 000 soldats allemands faits prisonniers.

Références

  1. François Roth, p. 418.
  2. François Roth, p. 422.
  3. GĂ©rald Dardart, Glaire, Villette et Iges sur le boulevard des invasions, Ville de Glaire Ă©diteur
  4. François Roth, p. 419.
  5. François Roth, p. 420.
  6. François Roth, p. 428.
  7. François Roth, p. 502.
  8. François Roth, p. 423.
  9. François Roth, p. 433.
  10. François Roth, p. 432.
  11. François Roth, p. 429.
  12. François Roth, p. 503.
  13. François Roth, p. 504.
  14. François Roth, p. 608.
  15. François Roth, p. 622.

Bibliographie

Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.

  • François Roth, La guerre de 70, Fayard, (ISBN 2-213-02321-2). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Émile Zola, La DĂ©bĂącle, Paris, Charpentier et Fasquelle, 1892. — Roman dans lequel un passage Ă©voque l'enfermement des prisonniers dans une boucle de la Meuse aprĂšs la capitulation de Sedan.
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.