Position fortifiée de Namur
La position fortifiée de Namur (PFN) était constituée de neuf forts (quatre grands et cinq petits) de part et d’autre de la Meuse autour de Namur (Belgique), construits entre 1888 et 1891, à l’initiative du général Henri Alexis Brialmont (1821-1903).
Description
Les forts de Namur ont été disposés comme suit : Dans le sens horaire du nord au sud.
- Fort de Cognelée (rive gauche de la Meuse)
- Fort de Marchovelette (rive gauche)
- Fort de Maizeret (rive droite)
- Fort d'Andoy (rive droite)
- Fort de Dave (rive droite)
- Fort de Saint-HĂ©ribert (rive gauche)
- Fort de Malonne (rive gauche)
- Fort de Suarlée (rive gauche)
- Fort d'Émines (rive gauche)
Histoire
Les forts ont été construits par Jules Baratoux[1], en association avec Braive, Adrien Hallier[2] et les frères Eugène et Léon Letellier[3].
Tous les forts ont été construits avec un matériau inédit pour l’époque, le béton (non armé), et équipés de canons équivalents aux plus puissantes pièces d’artillerie de siège françaises et allemandes en 1888 (respectivement le 22 cm et le 21 cm). Le but militaire des forts était de ralentir la progression de l'ennemi le temps de la mobilisation.
De forme triangulaire ou quadrangulaire dans certains cas suivant la nature du terrain, les forts de Namur, de conception identique aux « petits forts » de Liège, sont constitués d’un massif bétonné de 3 à 4 m d’épaisseur entièrement entouré d’un fossé sec de 6 m de profondeur et 8 m de largeur, défendu par des coffres flanquants.
L’entrée unique est placée du côté de la gorge (soit le côté dirigé vers la ville, et donc théoriquement opposé à l’ennemi) et se présente toujours en bas d’une longue rampe d’accès (ce qui permet d’"effacer" l’entrée au tir ennemi, du moins au tir tendu).
L’entrée est défendue par plusieurs éléments :
- tout d'abord un « tambour » comprenant plusieurs embrasures pour fusils, perpendiculairement à la façade ;
- ensuite un « pont roulant » (qui roule latéralement sous le corps de garde attenant le couloir de l'entrée) qui découvre un fossé sec de 3,50 m de profondeur et long de 5 m, situé au début du couloir d'entrée ; 4 goulottes lance-grenades dirigées devant et derrière le pont complètent ce dispositif ;
- ensuite une grille ferme la galerie ;
- enfin, un canon de 5,7 cm placé dans l'axe de la galerie d'entrée, dans une casemate de l'autre côté du fossé de gorge, termine le dispositif défensif de l’entrée.
L’armement des forts en 1914
Chaque fort possédait trois types d’armement : le premier, sous coupoles cuirassées tournantes, pour l’action lointaine (5 à 8 canons selon la taille du fort), le second, également sous coupoles tournantes (qui étaient en plus éclipsables), pour la défense rapprochée (3 canons de 5,7 cm pour un petit fort triangulaire, 4 pour les autres), et enfin plusieurs canons de 5,7 cm sous casemates (ou "coffres") pour la défense des fossés (6 à 9 canons de 5,7 cm sur affût "chandelier").
En 1914, chaque fort était également doté d’un détachement d’infanterie qui pouvait, en théorie du moins, effectuer des sorties sur le terre-plein entourant le massif central, équipé de banquettes de tir en terre lorsque l’ennemi avait investi la place. Dans les faits, il s’est avéré impossible d’effectuer de telles sorties (l’artillerie allemande n’attendait que ça). L’expérience a été tentée une fois au fort de Barchon, à Liège, et s’est soldée par un carnage. De plus, comme l’armement principal des forts était concentré sur le massif central, la seule partie émergente de l’ouvrage, l’artillerie allemande, lorsque son tir était réglé, faisait mouche à chaque coup.
Heureusement pour les défenseurs, la dispersion des obus allemands était considérable (au moins 60 % des obus tirés, voire plus pour les plus grosses pièces, n’atteignaient pas leur cible), si bien que les forts ont pu résister un peu et causer des dégâts certains. Les canons des forts étaient certes moins performants que ceux des Allemands, mais c’était en partie compensé par une plus grande précision à l’arrivée et par le fait que les forts pouvaient, dans certains cas, conjuguer leurs tirs sur un même objectif. Ainsi, lorsqu’un fort était investi par des troupes d’infanterie, il pouvait demander de l’aide aux forts voisins (les forts belges étaient conçus pour pouvoir se tirer dessus mutuellement). Brialmont avait disposé les forts de Liège et de Namur de telle façon que l’assaillant, d’où qu’il vienne, était obligé d’attaquer trois forts en même temps.
Le siège de Namur en 1914
Lors du siège de Namur, les Allemands ont retenu les leçons de l’échec cuisant de la première vague d’assaut lancée deux semaines auparavant contre la position fortifiée de Liège, et qui visait à prendre de vive force les différents forts. À Namur, les Allemands constituent immédiatement une armée de siège et commencent, à partir du vers 10 h du matin, le bombardement méthodique et intensif des forts, ainsi que de la ville elle-même. Les forts de Namur sont soumis à des tirs de la plus lourde artillerie dont disposent les Allemands, à savoir des mortiers autrichiens de 305 mm et les fameux mortiers de 420 mm type M (surnommés « Grosses Bertha »), qui, en plus de leur puissance de feu sans égale (pour donner une idée, le plus gros obus qu’un fort pouvait tirer pesait aux alentours de 90 kg, tandis qu’un obus de Grosse Bertha en pesait un peu plus de 800 !), tirent en dehors de la portée des canons des forts.
Le rapport de force est totalement inégal, et c’est sans surprise qu’ils se rendent relativement rapidement. Il convient de préciser que les garnisons des forts ne se sont rendues à l’ennemi qu’après la destruction complète de l’armement des forts, et lorsque l’air était devenu irrespirable (la ventilation des forts était désastreuse, voire inexistante).
Hormis la garnison du fort de Malonne, qui s’est rendue sans combattre et sans que le fort ait été bombardé, les défenseurs des forts de Namur n’ont nullement démérité et ont fait le maximum possible dans la mesure des moyens dont ils disposaient.
Les forts étaient considérés au début de la Première Guerre mondiale comme imprenables, ce qui s’est rapidement révélé inexact puisque, construits en béton non armé, ils ne pouvaient résister à la puissance de feu des armes développées depuis leur érection en 1887-1891 selon les plans de Henri Alexis Brialmont.
Notes et sources
Bibliographie
- P. Bragard, V. Bruch, J. Chainiaux, D. Francois, J. Marchal, Namur en état de siège. De Jules César au Général Hodges, Bouge, 2004.
- P. Bragard, J. Chainiaux (sous dir.), V. Bruch, D. Francois, A. Furnemont, J. Marchal, Namur face aux « Grosses Bertha » - Le siège de la position fortifiée en , Les Amis de la Citadelle de Namur, Bouge, 2006, (ISBN 2-9600661-0-3) / (ISBN 978-2-9600661-0-4)
- D. Dessy, Namur militaire - La Citadelle, les forts, Namur, 1976.
- C. Donnel, The Forts of the Meuse in World War I, Osprey Publishing, Oxford, 2007.
- C. Faque, Henri-Alexis Brialmont. Les Forts de la Meuse 1887-1891, Bouge, 1987.
- L. L’Entrée, L’historique du Fort de Saint-Héribert, s.l., 1960
- Georges Ricou, Construction des forts de la Meuse (têtes de pont de Liége et de Namur) : monographie des travaux exécutés par MM. Adrien Hallier, Letellier frères et Jules Baratoux, entrepreneurs de travaux publics., Paris, C. Béranger, , 68 p. (lire en ligne)
Références
- « Jules et Marcel Baratoux, président de père en fils des Éts Orosdi-Back (1895-1955) », sur http://www.entreprises-coloniales.fr, (consulté le ).
- Le Figaro, 24 février 1892 sur Gallica
- Théodore Cahu, L'Europe en armes en 1889 : étude de politique militaire, Paris, A. Savine, , 402 p. (lire en ligne), p. 273.