Pinson de Darwin
Les pinsons de Darwin (connus aussi sous le nom de pinsons des Galápagos) sont 13 ou 14 espèces apparentées dont Charles Darwin a recueilli des spécimens en recensant la faune sur les îles Galápagos durant son voyage sur l'HMS Beagle. Treize espèces résident sur les îles Galápagos et une sur les îles Cocos.
Ces oiseaux sont tous de la même taille : de 10 à 20 cm. Les plus importantes différences entre ces espèces se trouvent dans la taille et la forme du bec. Ces variations s'expliquent par les pratiques alimentaires propres à chaque espèce. Les oiseaux sont tous bruns ou noirs. Leurs comportements sont différents, tout comme leurs chants.
Les pinsons et la théorie darwinienne
Bien que ces oiseaux aient joué un grand rôle dans la conception de la théorie darwinienne de l'évolution par la sélection naturelle, Darwin, durant son voyage autour du monde à bord de l'HMS Beagle, n'avait pas conscience de leur importance. On suppose souvent que c'est la découverte de ces oiseaux dans l'archipel des Galápagos qui inspira la théorie de l'évolution à Darwin, mais ce n'est pas tout à fait exact : ce n'est qu'à son retour, et à la suite de nombreux échanges scientifiques, que Darwin s'aperçut de l'intérêt que présentent ces multiples espèces d'oiseaux pour comprendre les phénomènes de spéciation et d'évolution par sélection naturelle. L'expression pinsons de Darwin est d'abord apparue en 1936, mais elle fut véritablement popularisée en 1947 à travers les écrits de David Lack.
À son retour en Angleterre, Darwin, qui n'est pas un expert sur le sujet, présente les pinsons capturés aux Galápagos[1] durant la réunion du de la Société géologique de Londres, parmi d'autres spécimens de vertébrés récoltés durant ce même voyage. C'est John Gould (1804-1881), célèbre ornithologue de la Société géologique de Londres, qui se charge de l'identification et de la classification des spécimens rapportés par Darwin[2]. Gould conclut alors qu'il s'agit là d'un cas rare d'espèces appartenant toutes à un même groupe, malgré leurs différences morphologiques apparentes.
N'ayant pas pris soin de noter systématiquement le lieu de capture de chaque spécimen, Darwin se base sur les collectes effectuées par les autres membres de l'équipage du capitaine FitzRoy pour identifier l'origine géographique de chaque espèce. Ce faisant, il prend conscience que chaque espèce occupe une île différente et en conclut que l'isolement géographique a pu mener à la formation d'espèces distinctes à partir d'ancêtres communs (spéciation allopatrique). Par la suite, ses réflexions sur ces pinsons l'amènent à établir un lien direct entre la végétation, et donc le régime alimentaire de chaque espèce et ses caractéristiques morphologiques, la forme du bec notamment : le fin bec de Geospiza scandens lui permet de se nourrir de la chair des cactus ainsi que de ses fleurs, alors que Geospiza magnirostris a un gros bec adapté à la casse de solides graines. Certhidea olivacea a un bec pointu et étroit, typique des insectivores.
Les pinsons des Galápagos font toujours l'objet de travaux de recherches. Les époux Peter et Rosemary Grant étudient ainsi depuis 1973 ces populations d'oiseaux dans leur milieu naturel. Ils ont ainsi pu mettre en évidence des évolutions, dues à la sélection naturelle au sein de ces espèces, en réponse à des changements environnementaux. Par exemple, à la suite d'un épisode de sécheresse sur l'île Daphne Major, entre 1976 et 1977, ils observèrent une augmentation de la taille du bec chez les pinsons, due au fait que les animaux à large bec étaient plus capables de se nourrir des graines enveloppées dans une coquille très résistante, qui avaient elles-mêmes mieux survécu à la sécheresse. Le travail des époux Grant a fait l'objet d'un livre de vulgarisation, The Beak of the Finch, par Jonathan Weiner, couronné par le Prix Pulitzer en 1994.
Il est à noter qu'une des sous-espèces (Geospiza difficilis septentrionalis) du Géospize à bec pointu est partiellement hématophage et se nourrit du sang des gros oiseaux marins[3].
Même s'il est l'un des plus célèbres, le cas de la spéciation des pinsons est loin d'être unique. On retrouve par exemple ce phénomène chez une autre sous-famille, les drépanis des îles Hawaï (Carduelinae, drepanini) et chez la famille des Vangidae de Madagascar[4].
Les espèces
Remarquez en gras les espèces identifiées par John Gould.
- Genre Geospiza
- Geospiza conirostris Ridgway, 1890 (Large Cactus-Finch) — Géospize à bec conique
- Geospiza difficilis Sharpe, 1888 (Sharp-beaked Ground-Finch) — Géospize à bec pointu
- Geospiza fortis Gould, 1837 (Medium Ground-Finch) — Géospize à bec moyen
- Geospiza fuliginosa Gould, 1837 (Small Ground-Finch) — Géospize fuligineux
- Geospiza magnirostris Gould, 1837 (Large Ground-Finch) — Géospize à gros bec
- Geospiza scandens (Gould, 1837) (Common Cactus-Finch) — Géospize des cactus
- Genre Camarhynchus
- Camarhynchus crassirostris syn. Platyspiza crassirostris (Vegetarian Finch) — Géospize crassirostre
- Camarhynchus psittacula Gould, 1837 (Large Tree-Finch) – Géospize psittacin
- Camarhynchus pauper Ridgway, 1890 (Medium Tree-Finch) — Géospize modeste
- Camarhynchus parvulus (Gould, 1837) (Small Tree-Finch) — Géospize minuscule
- Camarhynchus pallidus (Sclater et Salvin, 1870) (Woodpecker Finch) — Géospize pique-bois
- Camarhynchus heliobates (Snodgrass et Heller, 1901) (Mangrove Finch) — Géospize des mangroves
- Genre Certhidea Gould, 1837
- Certhidea olivacea Gould, 1837 (Warbler Finch) — Géospize olive
- Genre Pinaroloxias Sharpe, 1885
- Pinaroloxias inornata (Gould, 1843) (Cocos Island Finch) — Spizin de Cocos
Notes et références
- Ces oiseaux ont été en fait capturés par le jeune assistant de Darwin, Syms Covington (1816-1861), chargé de leur recherche et de leur capture, Darwin préférant observer la géologie et les invertébrés des régions traversées (voir Steinheimer, 2004).
- Voir Steinheimer, 2004.
- Rédaction, « L'étonnant régime des pinsons-vampires des îles Galapagos », sur Maxisciences, .
- O. Langrand, Guide des Oiseaux de Madagascar, Delachaux & Niestlé, Lausanne, Paris, 1995, 415 p.
Sources
- (en) Frank D. Steinheimer (2004). Charles Darwin’s bird collection and ornithological knowledge during the voyage of H.M.S. Beagle, 1831–1836, Journal für Ornithologie, 145 : 300-320.
- Charles Darwin, Zoologie du voyage du H.M.S. Beagle. Troisième partie : Oiseaux, trad. Roger Raynal sous la direction de Patrick Tort, coord. par M. Prum. Précédé de Patrick Tort, « L’ordre des migrations ». Vol. V des Œuvres complètes de Darwin. Travaux de l’Institut Charles Darwin international, Genève, Slatkine, 2015.