Philipp Schwartz

Philipp Schwartz commence à étudier la médecine à l'Université Peter Pazmany de Budapest en 1912. Durant la Première Guerre Mondiale, il sert l'Armée Royale Hongroise en tant qu'Officier d'infanterie de réserve sur le front Galicien[1].

Il obtient son doctorat en 1919. La même année, il émigre en Allemagne et devient l'élève du professeur Bernhard Fischer-Wasels à l'Institut de pathologie Senckenberg, rattaché à l'Université de Francfort. Il obtient son habilitation en 1923, devient professeur associé en 1926, puis professeur titulaire en 1927.

Bien que l'université reconnaissait ses titres académiques et ses travaux, en tant que non citoyen allemand, Philipp Schwartz ne pouvait pas percevoir de salaire. Il a obtenu une bourse du gouvernement prussien ainsi qu'une aide de Kurt Steiner, directeur de l'Institut de Neurologie. Il vivait dans des conditions précaires, "à la limite de la famine"[1].

Ses premières publications scientifiques se portent sur le traumatisme cérébral d'origine obstétrical, notamment sur la pathogénie de la compression de la tête du fœtus durant l'accouchement et ses lésions neurologiques associées. Durant plusieurs années, il pratique de nombreuses autopsies de nouveau-nés décédés lors d'accouchements ou d'enfants décédés en bas-âge de causes naturelles. Il procède à des analyses histologiques de leurs cerveaux.

Les 26 et 27 avril 1924, Philipp Schwartz et son collaborateur le docteur Joseph Berberich participent à la 2ème Conférence des Pathologistes Allemands du Sud-Ouest qui s'est tenue à Mannheim et y présentent leurs travaux sur le traumatisme de la naissance[2].

En décembre 1924, Philipp Schwartz publie sa première monographie sur les troubles du système nerveux central conséquents du traumatisme de la naissance[3].

1924 SCHWARTZ-STERN Changement de forme du cerveau après un traumatisme à la naissance.

En mars 1926, il présente ses travaux à Düsseldorf lors de la 37^e Assemblée de la Société Allemande de Pédiatrie, présidée par le professeur de pédiatrie Fritz Goebel.

En 1927, il publie sa deuxième monographie consacrée aux lésions traumatiques du système nerveux central à la naissance dans la prestigieuse revue allemande Ergebnisse der inneren medizin und kinderheilkunde, éditée par Springer-Verlag.

En septembre 1928, Philip Schwartz participe à la Conférence des médecins sur la lutte contre la mortalité prématurée, qui s'est tenue à Hambourg. Il a présenté ses travaux sur l'évolution de la mortalité au cours de la première année de vie et sa relation avec les lésions traumatiques du système nerveux à la naissance[4].

En septembre 1929, il est invité par Willy Vorkastner, professeur de médecine légale et sociale à l'Université de Francfort, à présenter ses travaux lors de la 18^e réunion de la Société allemande de médecine légale et sociale[5].

Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est nommé Chancelier du Reich. Le 15 mars 1933, le Troisième Reich existe officiellement, et les premières persécutions contre les personnes juives ont lieu.

Quelques jours avant la promulgation de la Loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933, qui avait pour but de destituer tous les fonctionnaires juifs de leurs postes, Philipp Schwartz est averti par des collègues de son arrestation imminente. Quelques jours auparavant, la police avait perquisitionné son domicile au prétexte qu'une arme à feu s'y serait trouvée. Il est également accusé de communisme, ce dont il s'est défendu.

Il parvient à fuir le soir même avec son jeune fils Andrew, et tous deux prennent le train de nuit à destination de Zurich, où ils trouvent refuge chez son beau-père Sinai Tschulok, professeur de biologie exilé de la révolution russe de 1905. Son épouse Vera et leur fille Susan les ont rejoint quelques jours plus tard.

En avril 1933, constatant le grand nombre de scientifiques allemands réfugiés condamnés à l'inactivité, Philipp Schwartz décide d'agir en fondant la Notgemeinschaft Deutscher Wissenschaftler im Ausland, une organisation d'aide d'urgence destinée aux scientifiques allemands juifs persécutés afin de les aider à trouver un poste dans des pays prêts à les accueillir[6].

Il fait connaitre l'organisation via le journal quotidien Neue Zürcher Zeitung. Peu de temps après la parution de l'article, le politicien et professeur genevois Albert Malche prends contact avec Philipp Schwartz. Il a été missionné par Mustafa Kemal Atatürk, fondateur et premier Président de la République Moderne de Turquie, pour organiser une vaste réforme universitaire. Des scientifiques hautement qualifiés sont nécessaires, et les compétences des professeurs universitaires destitués de leurs fonctions par l'Allemagne nazie intéressent la Turquie[1] - [7].

Emportant avec lui une liste de noms de professeurs juifs ayant rejoint la Notgemeinschaft, Philipp Schwartz a pris l'Orient Express pour se rendre à Ankara afin d'assister à une réunion avec le Ministre de l'Éducation turc. La rencontre a duré sept heures et s'est déroulée intégralement en français, langue de la diplomatie et de la science en Turquie. Trente professeurs ont été retenu pour intégrer l'Université d'Istanbul. Chacun pourraient faire venir avec lui sa famille ainsi que ses assistants. Le Ministre de l'Éducation a ensuite demandé à Philipp Schwartz de lui fournir une autre liste deux semaines plus tard, suivie d'une demande similaire venant du Ministre de la Santé.

Le 25 juillet 1933, Philipp Schwartz s'est rendu à Istanbul accompagné du professeur de chirurgie Rudolf Nissen pour assister à une deuxième réunion avec le Ministre de l'Éducation turc. Les salaires, les conditions de travail, l'organisation des locaux universitaires et les logements ont été définis.

Parallèlement Albert Einstein, alors président de l'Union des sociétés pour la protection de la santé des populations juives (OSE), écrivait le 17 septembre 1933 une lettre au Président du Cabinet des Affaires Etrangères de la République Turque lui demandant d'accueillir les médecins allemands juifs ne pouvant plus exercer en Allemagne.

Le 4 octobre 1933, les contrats entre les professeurs juifs de la Notgemeinschaft et l'Ambassadeur de Turquie en Suisse, son Excellence Cemal Hüsnü, ont été signés à Genève. 42 universitaires allemands ont ainsi commencé à travailler à l'Université d'Istanbul, avec des contrats de cinq ans[8].

Finalement, environ 1 000 personnes ont été sauvées des persécutions nazies grâce à l'initiative de Philipp Schwartz, incluant les scientifiques, leurs assistants et leurs familles[1].

Lettre d'Albert Einstein au président du Cabinet des Affaires étrangères de la République turque (1933).

Le 27 octobre 1933 Philipp Schwartz est nommé titulaire de la Chaire du Département de Pathologie de l'Université d'Istanbul, poste qu'il a occupé pendant près de deux décennies[9].

À son arrivée, il fait rénover une ancienne prison militaire située non loin de l'Université d'Istanbul pour y installer le Département de Pathologie, qu'il fait équiper de tables d'autopsies, de microscopes et de macroscopes.

Ses travaux scientifiques se concentrent sur la pathologie tumorale, la tuberculose et sur les techniques d'autopsies.

De 1936 à 1944, Philipp Schwartz dirige trois conférences. La première, intitulée Le chercheur et son temps, a eu lieu durant l'hiver 1936/37. La deuxième, intitulée La naissance de l'homme, a eu lieu durant l'hiver 1938/39. La troisième, intitulée Sigmund Freud et la psychanalyse, a eu lieu durant l'hiver 1943/44[10].

En décembre 1949, il publie dans la revue médicale israélienne Harefuah l'étude Kystes sous-épendymaires du noyau caudé ; une lésion cérébrale typique à la naissance.

Sur invitation américaine, Philipp Schwartz intègre le 15 janvier 1950 le Département de Pathologie de la Wrentham State School, un hôpital psychiatrique situé dans le Massachusetts, pour y reprendre ses recherches scientifiques sur les lésions cérébrales permanentes des nouveau-nés causées par le traumatisme obstétrical[1].

Dans le rapport annuel de l'établissement, le directeur dénonce des "pressions exercées par des politiciens, obstétriciens et spécialistes de l'enfance pour qu'il accepte la prise en charge institutionnelle de nombreux nouveau-nés". Il s'étonne du profil de ces enfants, qui ne sont "pas difficiles à entretenir, ni désagréables à regarder"[11].

En mars 1952, Philipp Schwartz souhaite réintégrer l'Université de Francfort, mais sa demande est rejetée au motif de son âge avancé (58 ans). Il soupçonne que son implication dans l'évacuation des scientifiques juifs vers l'étranger durant l'Holocauste en était la vraie raison. Il s'exprime dans un discours qu'il a tenu en 1972 à Copenhague :

« Je ne veux pas manquer de souligner que mon travail en tant que fondateur et développeur d'une organisation d'émigrés en Allemagne a été considéré comme antiallemand non seulement pendant le règne hitlérien, mais aussi après son effondrement[7].»

En mai 1952, il participe à la conférence annuelle de l'American Association on Mental Deficiency qui s'est tenue à Philadelphie. Il y présente ses travaux sur la pathogénie du Status Marmoratus[12].

En 1953 il démissionne de la Wrenthram State School pour prendre la direction de l'Institut d'Étude d'Anatomie Pathologique du Warren State Hospital, situé en Pennsylvanie. Il y poursuit ses recherches sur le traumatisme cérébral d'origine obstétrical, les accidents vasculaires cérébraux, la pathologie tumorale, la tuberculose, et la maladie d'Alzheimer[7].

En décembre 1956, il publie Lésions à la naissance du nouveau-né. Morphologie, pathogénèse, pathologie clinique et prévention dans la revue américaine ayant un facteur d'impact élevé Archives of Pediatrics.

En 1957, il est nommé Professeur émérite de pathologie générale et d'anatomie pathologique par l'Université de Francfort.

Durant l'année 1958, il publie a deux reprises dans Archives of Pediatrics : Les lésions de la naissance comme cause de Status Marmoratus et L'encéphalopathie congénitale de Virchow's. Un problème classique mais négligé.

Le 28 juillet 1959, ses travaux sur les traumatismes cérébro-spinaux de la naissance ont été présentés à la première Conférence médicale internationale sur le retard mental, qui s'est tenue à Portland. Parmi les participants figurent les pédiatres français Alexandre Minkowski et Jean Sutter, ainsi que le psychiatre autrichien, ancien partisan du régime nazi, Hans Asperger[13].

Début 1961, Philipp Schwartz publie à deux reprises dans la revue médicale française généraliste La Presse Médicale. Dans l'édition du 22 février, il publie Les traumatismes cérébro-spinaux de la naissance : Types, causes, pathogénie et conséquences. Dans l'édition du 11 mars, il publie Développement des lésions cérébro-spinales obstétricales. Prévention et correction des traumatismes obstétricaux. Ses publications étaient en langue française.

En 1961 il publie chez Basel-Karger le monographe Lésions à la naissance du nouveau-né. Morphologie, Pathogenèse, Pathologie Clinique et Prévention. Il est préfacé par Sir Eardley Holland, membre fondateur et ancien président du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists. Il s'agit d'un volumineux recueil des découvertes scientifiques qui ont été réalisées au niveau mondial sur le traumatisme cérébral occasionné au fœtus lors de l'accouchement, en particulier sur la pathogénie de la compression du crâne et de l'encéphale du fœtus. Le livre a reçu le soutien de la fondation Josiah Macy Jr.

• 
  Déformation du cerveau chez un enfant à terme mort-né. Pr P.Schwartz : Birth injury of the newborn. 1961.
• 
  Modelage de la tête d'un enfant à terme mort-né. Présentation occipitale. Aplatissement et élongation marquée. Pr P.Schwartz : Birth injury of the newborn. 1961.
• 
  Chevauchement des os du crâne d'un nouveau-né à terme décédé deux jours après la naissance. Pr P.Schwartz : Birth injury of the newborn. 1961.

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• Histoire des Juifs en Allemagne
• Loi allemande sur la restauration de la fonction publique du 7 avril 1933

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