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Phare des Pâquis

Le phare des Pâquis est un phare situé sur le lac Léman, à l'embouchure de la rade de Genève.

Phare des Pâquis
Le phare des Pâquis en 2013.
Localisation
Coordonnées
46° 12′ 36″ N, 6° 09′ 25″ E
Baigné par
Localisation
Histoire
Construction
1er phare : 1857
2e phare :
Mise en service
Automatisation
horloge Ă©lectrique
Architecture
Hauteur
Ă©difice : 18,70 m
foyer lumineux : 15 m
Hauteur focale
15 m
Matériau
Équipement
Lanterne
ampoule halogène de 1 000 watts
Optique
appareil Barbier et Fenestre Ă  Ă©clats et Ă©clipses
Portée
lumineuse : 36 km
gĂ©ographique : 15 km
Feux
Ă©clat blanc toutes les 5 s
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Historique

Approche de Genève par le lac

Pour la batellerie lémanique, pénétrer dans l’émissaire du Rhône était difficile. L’hydrologie complexe du bassin genevois a imposé, au fil du temps, la recherche de remèdes à cette situation en créant, finalement, deux digues perpendiculaires aux rives. La rade de Genève (ou port principal) est construite en 1857. Pour favoriser l’alignement des bateaux dans la passe d’entrée de ce port, deux phares vont se succéder sur la jetée des Pâquis.

Jadis, la navigation lacustre à l'approche de Genève était difficile. Pour accéder au port de Longemalle en rive gauche, les barques du Léman devaient négocier le délicat passage d'un haut fond nommé « Grand Banc » ou « Banc de Travers ». Cet obstacle courait du cap de Sécheron au-dessous de Cologny aux pierres du Niton. Il a été signalé une première fois en 1728 par le scientifique Jacques Fatio de Duillier[1], un grand ami et correspondant de Newton. Ce passage, dont le niveau variait en fonction du flux à l'émissaire du Rhône et du reflux causés par les crues de l'Arve dans le sud de la ville, demandait de la part des marins une attention soutenue. Le contre-courant de l'Arve pouvait à l'occasion infliger une aqua alta aux places du Molard et de la Fusterie. Le , Genève fait le choix d'entrer dans la Confédération suisse et s'ouvre largement à sa nouvelle alliée. Cette décision donne le départ de l'extension de la localité vers le nord. En 1823, on améliore l'accès aux ports par le dragage d'un chenal dans le Banc de Travers. Votée le , la destruction des fortifications est entreprise. Les moellons et gravats tirés des murailles serviront, en annexant des espaces sur le lac, à la création de quais. Le rôle joué par le premier bateau à vapeur le Guillaume Tell[n 1] dans la réforme urbaine est significatif. Les voyageurs qui débarquaient non loin des abattoirs de Longemalle tombaient de haut par le spectacle piteux que donnait la ville[2]. L'embellissement des abords du lac devint une nécessité et l'augmentation des échanges commerciaux avec les cantons amis imposa la création d'un nouveau port à la hauteur des ambitions de la cité.

Création de la rade de Genève

L’ingénieur de la ville Rochat-Maury rédige un mémoire pour le conseil municipal en 1855, faisant suite à la loi de 1849 sur la démolition des fortifications qui mentionne la création de ports aux Pâquis et aux Eaux-Vives, leur attribuant la moitié du produit net de la vente des terrains libérés sur la « ceinture fazyste »[3]. Ces ports sont nécessaires vu la création de la gare qui « doit se relier avec le lac » : l’ingénieur constate une augmentation considérable du commerce sur le lac, de 58 à 85 barques en à peine deux ans. Ce rapport mentionne la construction des deux jetées et l’édification de « deux petits phares, dont les feux de couleurs différentes indiqueront aux embarcations, par leurs positions relatives, la situation où elles se trouvent et la route qu'elles auront à suivre »[4].

Parmi plusieurs projets architecturaux, c'est celui de LĂ©opold Stanislas Blotnitzki[5] (successeur de Guillaume Henri Dufour au poste d'ingĂ©nieur cantonal) que le Grand Conseil genevois retient. Son plan propose de dresser une double barrière perpendiculaire aux rives du RhĂ´ne pour s'opposer aux assauts des vents du nord. Ses deux digues sont asymĂ©triques. Chacune d'elles est percĂ©e, d'une ouverture nommĂ©e « GolĂ©ron »[n 2] pour le passage de la petite batellerie. La jetĂ©e des Pâquis est la plus avancĂ©e dans le lac. Celle des Eaux-Vives, qui verra, Ă  l'occasion de la fĂŞte fĂ©dĂ©rale de gymnastique surgir le Jet d'eau le , se situe en aval. Un goulet de 230 mètres de largeur et de 2,80 mètres de sonde est prĂ©vu pour l'accès au plan d'eau.

Le , le Grand Conseil genevois vote un budget de 750 000 francs pour la crĂ©ation de ce projet de port principal.

Très rapidement les travaux dĂ©butent. La construction des deux jetĂ©es est confiĂ©e aux puissants entrepreneurs Henri Santoux et Charles Schaek-Jaquet. Le gros Ĺ“uvre est terminĂ© le . Cet acte visionnaire, complĂ©tĂ© au sud en 1862 par le pont du Mont-Blanc, dessine pour longtemps le contour trapĂ©zoĂŻdal du port de la future mĂ©tropole. Il prendra le nom de « Rade de Genève ». Les barques Ă  voile, les bateaux Ă  vapeur de la Compagnie gĂ©nĂ©rale de navigation (CGN) peuvent enfin rejoindre une aire protĂ©gĂ©e de 33 hectares proposant de multiples possibilitĂ©s d'accostage et de radoubs.

Afin de permettre aux navires de s'aligner dans la passe et d'autoriser un trafic nocturne, on dresse sur la digue des Pâquis, un phare principal.

Le premier phare (1857)

Le premier phare des Pâquis en 1857.
Prototype de "fixateur de la lampe à arc" conçu et présenté à Paris en 1855 par Elie Wartmann. Cet appareil a été testé sur le fanal des Pâquis à Genève le 6 décembre 1857 pendant 5-6-mois.Cet instrument se trouve au musée d'Histoire des Sciences villa Bartholdi (Genève)

DessinĂ©e dans le style « Beaux Arts », la structure de ce premier phare est construite en grande partie par le serrurier FĂ©lix Durand. Elle est constituĂ©e d'une base octogonale en pierres de taille blanches d'une hauteur de 4 mètres, prolongĂ©e d'une petite pyramide Ă  degrĂ©s de mĂŞme forme. Cet habitacle, percĂ© de quatre fenĂŞtres en forme de meurtrières et d'une porte, sert de rĂ©duit pour le matĂ©riel nĂ©cessaire au bon fonctionnement du feu. Sur ce socle, quatre colonnes corinthiennes cannelĂ©es, en fonte, supportent une vaste lanterne qui surplombe le lac Ă  7 mètres. L'accès Ă  celle-ci se fait par une Ă©chelle de fer extĂ©rieure Ă  l'Ă©difice. Ce fanal est Ă©rigĂ© au « musoir »[n 3] de la jetĂ©e des Pâquis. C'est sous la direction du physicien Elie François Wartmann[6] (1817-1886) que le mĂ©canicien du cabinet Rossier accomplit la partie technique de l'appareil d'Ă©clairage. Elie Wartmann utilise pour cette tentative son "fixateur", un système qui maintient un Ă©cart constant entre les 2 charbons de la lampe Ă  arc. Le feu fixe s'illumine la première fois, le . Il a la particularitĂ© singulière pour son Ă©poque de fonctionner, au moyen de piles Ă  charbon, Ă  l'Ă©lectricitĂ©. Cette tentative audacieuse est probablement une première mondiale[n 4]. Mais cet essai ne dure que quelques mois. Les rĂ©glages dĂ©licats de la lampe Ă  arc et les problèmes dus Ă  la condensation ont raison de cette expĂ©rience. On retourne Ă  la maĂ®trise de l'Ă©clairage Ă  pĂ©trole et, quatre annĂ©es plus tard, par le gaz alimentant six becs Bunsen. La puissance lumineuse est augmentĂ©e Ă  2 km par la suppression des verres rouges en 1875.

Le balisage de l'entrée de la rade est complété, sur le môle de la digue des Eaux-Vives, par un petit édifice octogonal en pierre, dans le même style que le socle du phare des Pâquis. Il est surmonté d'une colonne et d'une cloche. Côté Nord un simple falot glissant sur un rail fait office de balisage secondaire.

Embellissement de la rade

Aménagement du quai, suite de candélabres.

En vue de la seconde exposition nationale suisse qui ouvre ses portes en , dans les quartiers de Plainpalais et de la Jonction à Genève, la ville entreprend de grands travaux d'ornements. Elle porte une attention particulière à la rive droite, la première à recevoir les visiteurs arrivant par bateau ou par train en gare de Cornavin. Sur le quai des Pâquis sont créés une promenade et une rotonde éclairées par des candélabres. Ces derniers qui illuminent le fond de la rade alimentent la grogne des marins qui du coup distinguent difficilement le balisage d'entrée du port.

Projet de restauration

Dans un document daté du , Émile Charbonnier[n 5] (1857-1935) décrit son projet de restauration. Il donne de précieux renseignements sur le phare devenu obsolète. Dans son introduction, il explique les raisons du changement :

« La lanterne, Ă  laquelle on ne parvient que par une Ă©chelle de fer, ne peut ĂŞtre nettoyĂ©e que très imparfaitement et cette opĂ©ration prĂ©sente de sĂ©rieux dangers pour le gardien du phare. Le feu est Ă  une hauteur insuffisante. Il apparaĂ®t en effet au mĂŞme niveau que les rĂ©verbères du pont du Mont-Blanc et des quais. Enfin la lumière est beaucoup trop faible. Elle est presque effacĂ©e par les candĂ©labres et elle n'est visible qu'Ă  une distance de 2 kilomètres environ par temps clair. »

Puis il poursuit en proposant l'implantation d'une tour mĂ©tallique d'une douzaine de mètres surmontĂ©e d'un kiosque vitrĂ© protĂ©geant un appareil lenticulaire tournant. Cette nouvelle technologie, inventĂ©e par le français Augustin Fresnel, consiste Ă  l'aide de prismes de verre Ă  rĂ©cupĂ©rer la majeure partie des rayons Ă©mis par la source lumineuse pour les concentrer dans un faisceau parallèle. Il rĂ©sulte de ce système un rendement augmentĂ©, un Ă©clat plus puissant. Pour l'Ă©clairage, l'ingĂ©nieur Ă©carte l'Ă©lectricitĂ© au profit d'un seul bec de gaz de type Auer. Il prĂ©voit pour la rotation de l'optique une mĂ©canique d'horloge animĂ©e par des contrepoids que le gardien remonte toutes les 72 heures. Le document se poursuit par un plan financier d'un coĂ»t estimĂ© Ă  22 500 francs pour l'ensemble du projet comportant aussi l'amĂ©lioration du phare secondaire au musoir des Eaux-Vives. La CGN se propose de participer Ă  hauteur de 2 000 francs. Est joint Ă  cette Ă©tude, le devis de 9 450 francs de la maison parisienne Barbier et Fenestre pour « un appareil lumineux, une lanterne octogonale surmontĂ©e d'une coupole en cuivre rouge, une girouette et un paratonnerre Ă  pointe de platine ».

Finalement, après dĂ©libĂ©rations, le Grand Conseil genevois ouvre un crĂ©dit de 10 000 francs pour cette rĂ©alisation.

Compte tenu de l'abaissement du subside demandé, la transformation du phare (complémentaire) de la jetée des Eaux-Vives est reportée.

Le second phare (1894)

Le phare en attente de son appareil lenticulaire.

L'ingĂ©nieur cantonal confie Ă  l'architecte Neuchâtelois Paul Bouvier[n 6] - [7] la crĂ©ation et le suivi de l'Ă©difice. Il passe commande Ă  Paris pour un appareil de la Marine de Ve Ordre[8], Ă  quatre panneaux lenticulaires. Il soumissionne l'entreprise genevoise Charles Schmidt pour la rĂ©alisation de la tour mĂ©tallique, de la lanterne et de sa coursive. Les travaux dĂ©butent en . L'ingĂ©nieur conserve de l'ancien fanal sa construction octogonale en pierre de taille. Les quatre colonnes corinthiennes sont abaissĂ©es pour Ă©tayer la nouvelle surface d'appuis. Puis il dresse sur ce socle la tour d'acier. Par cette astuce, le phare est rehaussĂ©, Ă  moindres frais, de 4 mètres environ. Afin d'assurer la stabilitĂ© du fĂ»t, il rĂ©partit sur sa base interne, 5 tonnes de gueuses de fonte. Le cheminement pour accĂ©der Ă  la lanterne se pratique dĂ©sormais en toute sĂ©curitĂ© Ă  l'intĂ©rieur de la tour par quatre Ă©chelles en fer reliant trois paliers intermĂ©diaires.

La portĂ©e lumineuse est par temps clair de 36 kilomètres pour l'Ă©clat blanc et de 24 kilomètres pour le vert. Par ces colorations, le feu se met en conformitĂ© avec la lĂ©gislation internationale de rĂ©glant la navigation sur les lacs. La pĂ©riode de rotation est de 12 secondes pour un tour de l'appareil, les panneaux lenticulaires blancs et verts alternant toutes les 3 secondes. Le socle comporte un bac de mercure qui assure un mouvement rotatif « sans frictions ». L’énergie lumineuse est assurĂ©e par un bec Auer (manchons) alimentĂ© au gaz. La puissance est de 270 carcels (75 bougies) dans la couleur blanche et rĂ©duite Ă  38 dans la verte. L’appareil d'entraĂ®nement se prĂ©sente sous une forme analogue Ă  celui d’une horloge. Il est constituĂ© d'engrenages d'acier et de laiton, d'un enrouleur entraĂ®nĂ© par des contrepoids qui glissent par l'intermĂ©diaire de poulies dans la colonne du phare. Ce système assure une autonomie de près de 72 heures avant l'intervention du gardien pour remonter les charges[9].

Les lentilles du phare de 1894, encore en fonction en 2016.

Afin d'automatiser au maximum le fonctionnement, Charbonnier imagine un système à cames réglables fixées sur un disque de laiton qui déclenche à volonté[9] :

  • la rotation ou l'arrĂŞt de l'appareil lenticulaire ;
  • l’ouverture et fermeture de la vanne de gaz autorisant l'allumage du manchon du bec Auer ;
  • l’abaissement et le relèvement matin et soir des rideaux de toile de la lanterne qui protègent les dĂ©licats prismes des rayons solaires.

Ce moteur et son système à cames ont été réalisés par un mécanicien genevois.

Le samedi [10], le nouveau phare émet sa première signature optique.

XXe et XXIe siècles

Dans la lanterne du phare des Eaux-Vives
Une ampoule de 1 000 watts dans les mains du gardien.

1907 Daté du et signé de l'ingénieur cantonal Émile Charbonnier, un dessin propose, pour compléter le dispositif de balisage, l'implantation d'une nouvelle lanterne sur le musoir des Eaux-Vives.

Sur ce dessin (1:20) est inclus un devis de 6 000 francs. L'ingĂ©nieur prĂ©voit une construction octogonale en bĂ©ton armĂ©, peinte en blanc, surmontĂ©e d'un clocher en cuivre et d'un paratonnerre. La base octogonale mesure 2,80 mètres et l'Ă©difice s'Ă©lève Ă  4,70 mètres. Ce projet prĂ©voit la mise en service d'un appareil lenticulaire de Vème Ordre Ă  feu fixe Ă©clairant sur 270°, dont le plan focal sera 1,5 mètre au-dessus du quai. Le coĂ»t de cet appareil est devisĂ© Ă  1 500 francs selon la proposition de la maison parisienne Barbier, BĂ©nard&Turenne. Le dispositif lenticulaire est doublĂ© de filtres rouge.

1911 Mise en fonction du nouveau phare secondaire des Eaux-Vives. Le système de balisage d'entrée de la Rade de Genève est ainsi, 17 années après la restauration du phare principal des Pâquis, mis en conformité.

1935 Ă€ la suite d'une note du service Ă©lectrique de Genève du , une lampe de 500 watts (1 000 bougies) remplace le bec Auer et l'introduction d'un moteur Ă  courant alternatif de 1/10 de cheval, vient pallier le remontage des contrepoids. Une ampoule de 60 watts est installĂ©e dans la tour pour les allĂ©es et venues du gardien.

1940 Au phare des Eaux-Vives, des filtres en verre bleutés sont installés (protection anti-aérienne).

1949 Le , une seconde note des Services Industriels de Genève (SIG) fait mention d'essais avec des ampoules de projection de 1 000 watts et souligne : « l'augmentation de l'Ă©nergie d'Ă©clairage ne peut se faire sans une amĂ©lioration de la ventilation ». Ces travaux au coĂ»t de 350 francs sont rĂ©alisĂ©s et la puissance de l'Ă©clairage passe Ă  750 watts Ă  une date inconnue.

1969 Le phare est restaurĂ© pour un coĂ»t de 119 000 francs. Un balisage conventionnel d'entrĂ©e de port par deux feux fixes, clignotants, est rĂ©alisĂ© la mĂŞme annĂ©e : le premier sur l'enrochement du phare des Pâquis est de couleur verte, le second sur le brise-lames des Eaux-Vives est rouge[n 7].

1987 La peinture extérieure est refaite, en blanc.

2005 Août, les membres du club genevois de radioamateurs « activent » le phare des Pâquis par des messages en ondes courtes émis du pied de l'édifice. Cette activité a eu lieu dans le cadre de la International Lighthouse & Lightship Weekend, avec l’indicatif temporaire « HE1G »[11].

2015 Pour marquer 120 années de « bons et loyaux services », une plaquette commémorative est fixée sur la porte du phare[12].

2016 C'est une ampoule halogène de 1 000 watts qui est au sommet de la tour. Une horloge Ă©lectrique assure les dĂ©clenchements de l'installation. Les rideaux ont Ă©tĂ© supprimĂ©s et remplacĂ©s, cĂ´tĂ© sud, par des jalousies filtrantes.

Le phare est géré par le Département de l'environnement, des transports et de l'agriculture, direction des espaces naturels (DGPN), Capitainerie cantonale. Son entretien est assuré par les Services industriels de Genève (SIG).

Le gardien se rend seulement une fois par mois au phare pour contrôler son bon fonctionnement et remplacer l’ampoule halogène environ 4 fois par an[13].

Le gardien du phare

François Delrieu, gardien du phare et responsable de l'octroi.

François Marc Delrieu (1857-1944)

Seul ancien gardien connu, François Marc Delrieu Ă  26 ans lorsqu'il prend ses fonctions en 1883[n 8]. Il est engagĂ© par la ville de Genève en qualitĂ© de « gardien du phare et responsable de l'octroi ». Pour son activitĂ© de gardien il dĂ©pend directement de l'ingĂ©nieur cantonal. Il commence sa carrière sous les ordres de LĂ©opold Stanislas Blotnitzki. Son travail consiste Ă  assurer toutes les nuits, la permanence de l'Ă©clairage du phare et au quotidien l'entretien du matĂ©riel. Pour accĂ©der Ă  la lanterne et faire le nettoyage des vitres, il faut gravir une Ă©chelle mĂ©tallique de près de 7 mètres. C'est un exercice acrobatique, surtout l'hiver par bise noire, lorsque digue et Ă©chelons sont couverts de glace. Pour le phare secondaire de la jetĂ©e des Eaux-Vives (une simple lanterne) il a les mĂŞmes responsabilitĂ©s d'allumage avec en plus, par brouillard, l'obligation de signaler l'entrĂ©e de la passe par des coups de cloche. Toute l'annĂ©e, Ă  la tombĂ©e du jour, François Marc Delrieu enflamme les six becs Bunsen et au petit matin il coupe la vanne principale sur le quai. Le reste de sa journĂ©e est consacrĂ©e Ă  l’octroi, la contribution perçue par la municipalitĂ© sur toutes les marchandises de consommation locale arrivant dans le port. Pendant 20 ans, il assure cette double fonction.

En 1887, Émile Charbonnier remplace Léopold Stanislas Blotnitzki au poste d'ingénieur cantonal. Sept années plus tard, le phare devenu obsolète est adapté aux besoins du moment. Dès le , François Marc Delrieu assure, en gravissant les échelles internes en toute sécurité, le remontage des contrepoids pour 72 heures de fonctionnement, l'entretien des mécanismes de rotation et le nettoyage des lentilles de Fresnel du nouveau phare.

Règlement du phare

« Petit matin » par Catherine Fleury.
Mécanisme d'entraînement du phare actuel.

Retranscription du document original du écrit par l’ingénieur cantonal Émile Charbonnier[n 9].

« L'employé chargé du service du Phare des Pâquis est soumis au règlement suivant :
Orage : Il lui est expressément interdit de rester dans le Phare pendant les orages. Il doit s'en éloigner aussitôt que les éclairs ou le tonnerre annoncent un orage prochain sur la ville ou ses environs.
Visiteurs : Il lui est également interdit d'introduire dans le Phare des personnes non munies d'autorisations spéciales délivrées par le Chef du Département ou par l'Ingénieur Cantonal. Il doit accompagner ces personnes et veiller à ce qu'elles ne touchent à aucun des appareils. Il lui est défendu de recevoir des pourboires des visiteurs.
Entretien : Il doit maintenir constamment en parfait état de propreté les appareils divers, l'outillage, la lanterne et la construction. À cet effet, chaque matin (sauf les jours fériés) il consacrera une heure au nettoyage des divers engins et de la construction. Il se conformera, pour le nettoyage et le graissage des pièces aux instructions spéciales qui sont données plus loin.
Remontage, contrôle : À chaque visite il remontera les contrepoids des divers mouvements et s'assurera de leur bon fonctionnement; il marquera son passage sur le contrôleur de l'horloge.
Avaries, réparations : Il signalera immédiatement par écrit à l'Ingénieur Cantonal les défectuosités ou avaries quelconques qu'il pourrait découvrir dans les mécanismes, l'outillage, la construction, mais il lui est expressément interdit d'entreprendre les réparations lui-même. Il ne doit sous aucun prétexte démonter les appareils, retoucher des pièces et se servir des outils. Il adressera en temps utile à l'Ingénieur Cantonal, le bordereau des objets divers à commander pour l'entretien et le nettoyage des appareils.
Responsabilité : Il est responsable des outils et objets divers laissés à ses soins ainsi que des avaries produites aux appareils sauf celles résultant d'une usure régulière ou d'un cas de force majeure. Lorsque pour une cause quelconque, maladie, forte bise, verglas etc., il ne pourra se rendre au phare, il devra en aviser immédiatement l'Ingénieur Cantonal. »

Culture

De 1902 à 1904 paraît un bulletin local s’intitulant « Le Phare », et sous-titré « journal des Pâquis : feuille d'avis de la Rive droite »[14].

Bibliographie

Articles

Construction du phare 1893-1894
  • "CrĂ©dits pour travaux extraordinaires de 10 000 CHF pour le Phare des Pâquis", Journal de Genève, sĂ©rie Chronique locale :
  • « On vient de dresser au phare des Pâquis les Ă©chafaudages pour la construction du nouveau phare », Journal de Genève, chronique locale : Phare,‎
  • « Les premiers essais d'Ă©clairage ont eu lieu », Journal de Genève, chronique locale : Phare,‎
  • « On nous informe que l'Ă©clairage actuel du nouveau phare n'est que provisoire. Les nouvelles installations ne sont pas encore terminĂ©es et ne pourrait fonctionner que dans une quinzaine de jours », Journal de Genève, chronique locale : Phare,‎
  • « Hier soir, le nouveau phare a commencĂ© Ă  fonctionner. Les lumières vertes et blanches alternent toutes les deux ou trois secondes », Journal de Genève, chronique locale : Phare,‎
  • « Nous sommes allĂ©s visiter le phare… », Journal de Genève, chronique locale : Phare,‎
Articles modernes
  • « Les yeux de la Nuit », Alpes Magazine, n°99, mai-, pages 31-35. — Photos de Gilles Favez
  • Laurent Charpentier, « Ă’ lacs, les feux du lac », L'Alpe, GlĂ©nat, no 41,‎ , p. 26-31 — musĂ©e Dauphinois
  • StĂ©phane Fischer, « Histoire d'ampoules », MusĂ©um&Co, Journal du musĂ©um d'histoire des sciences, n°10, -janvier , page 3
  • BrĂĽlhart Armand, « Le Phare », Journal des Bains, AUPB, no 4,‎
  • (fr + de) Eric Court, « Le phare des Pâquis », Cruising, Cruising Club der Schweiz, no 5,‎ , p. 10-15 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • « Hommage au dernier gardien du Phare », Journal des Bains, AUPB, no 16,‎ 2016-17

Ouvrages

Lentille ouverte
  • Eric Court, Le phare des Pâquis, ChĂŞne-Bourg, Georg, , 144 p. (ISBN 978-2-8257-1110-1)
  • Philippe Broillet, La Genève sur l'eau, Bâle, Ă©dition Wiese, , 455 p. (ISBN 3-909164-61-7, lire en ligne).
  • Françoise Nydegger, Jean-Pierre Balmer et Armand Brulhart, Genève-les-Bains : histoire des bains Ă  Genève de l'AntiquitĂ© aux Bains des Pâquis, Genève, Association d'usagers des Bains des Pâquis, AUBP, , 287 p. (ISBN 2970012200, OCLC 247378634).
  • Edmond Barde, Le port de Genève : Ă©tude historique, Ă©conomique et descriptive (avec un plan de 1834), Genève, Impr. du Journal de Genève, , 96 p. — tirĂ© Ă  part du Journal de Genève 6,8, 10, 13, 14, 20 et .

Sources primaires

Les documents originaux suivants sont conservés à la Capitainerie de Genève.

  • Émile Charbonnier, Projet de reconstruction des phares de la Rade de Genève, , manuscrit.
  • Barbier & Cie, Paris, Lettre accompagnant le devis, signĂ©e Barbier, , manuscrit.
  • Barbier & Cie, Paris, Devis pour un appareil lenticulaire de 5ème Ordre, . Original manuscrit.
  • Barbier & Cie, Paris, Dessin technique d'un projet n°1 d'un appareil de 5Ă©me Ordre sur toile paraffinĂ©e, .
  • Émile Charbonnier, Règlement du Phare, , manuscrit.
  • Émile Charbonnier, Dessin technique et devis, , manuscrit.
  • Barbier, BĂ©nard &Turenne, Dessin technique N°52909 d'un appareil lenticulaire Ă  feu fixe 270°.
  • Inspecteur GĂ©nĂ©ral des Ponts & ChaussĂ©es, Directeur des Phares & Balises de France, Note sur le Phare de Genève, non datĂ©, manuscrit.
  • Service technique des Phares et Balises, Notice d'entretien N° A 501-502-503-504-505, non datĂ©, typographiĂ©.
  • SignĂ© EL/JS, Note sur la transformation de l'Ă©clairage du Phare des Pâquis, , typographiĂ©.
  • Services Industriels de Genève, Proposition d'augmentation de l'Ă©clairement, , typographiĂ©.
  • Plan d'Ă©chafaudages pour la rĂ©fection du Phare, .

Notes et références

Notes

  1. Le Guillaume Tell est le premier bateau à vapeur qui prendra en 1823 du service sur le lac Léman. C'est Edward Church, consul des États-Unis en France, qui est à l'origine de ce projet de transport public de voyageurs.
  2. Goléron : nom donné à l'étroit passage par lequel le poisson pénètre dans la nasse (musée de la pêche de Concarneau).
  3. Musoir : extrémité d'une digue, d'une jetée.
  4. L'électrification officielle des phares débute en Angleterre avec des essais au phare de South Foreland en décembre 1858. Les tentatives se révèlent concluantes. Le phare de Dungeness deviendra en juin 1862 le premier phare électrifié de la planète. En France, c'est une année plus tard, le 26 décembre 1863, que le phare de la Hève s'illumine, six années après la tentative genevoise.
  5. Émile Charbonnier (1857-1935). Ingénieur de l'École polytechnique fédérale (génie civil). Premier travail à Paris dans l'entreprise Joret spécialisée dans la construction métallique. A 30 ans il revient à Genève. En 1887 il est appelé par le Conseil d'État en qualité d'ingénieur cantonal, poste qu'il occupera jusqu'en 1923. Il est mentionné dans Les monuments d’art et d’histoire du canton de Genève, tome 1 : La Genève sur l'eau (p. 139, 193), Bâle, 1997 (Les monuments d’art et d’histoire de la Suisse, t. 89).
  6. Paul Bouvier (1857-1940). Architecte et aquarelliste suisse, neuchâtelois, diplômé de l'école des Beaux-Arts de Paris. Médaillé d'honneur de la République et Canton de Neuchâtel en 1898, officier de l'instruction publique en 1913 et Chevalier de la Légion d'honneur en 1937.
  7. Journal de Genève du 18.07.1969
  8. François Marc Delrieu : il épouse Péronne Déronzier en juillet 1903 (Journal de Genève du 27 juillet 1903
  9. Règlement à l'attention de l'employé. Original dans les archives de la Capitainerie cantonale. Ce document, sorte de cahier des charges, a été transmis à François Marc Delrieu un mois après la mise en fonction du phare.

Références

  1. Nydegger, Balmer et Brulhart 1996, p. 118.
  2. Voir la description de la rade du début du XIXe siècle dans « Genève et l’Urbanisme vers 1824 », passage extrait de Louis H. Mottet, Histoire illustrée des Bergues 1834-1984, Pionnier de l’hôtellerie suisse, Genève, Benjamin Laederer, 1984? (lire en ligne).
  3. Voir Histoire_de_Genève#XIXe siècle.
  4. « Confédération Suisse [ports aux Pâquis et aux Eaux-Vives] », Journal de Genève,‎ , p. 1 (lire en ligne).
  5. Agathon Aerni, « Blotnitziki, Leopold Stanislaus » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  6. « Faits divers [travaux aux Pâquis] », Journal de Genève,‎ , p. 3 (lire en ligne).
  7. Pascal Ruedin, « Bouvier, Paul » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  8. Charpentier 2008, p. 30.
  9. « Nouveau phare des Pâquis », Journal de Genève,‎ , p. 2-3 (lire en ligne).
  10. « Chronique locale : Phare », Journal de Genève,‎ , p. 2 (lire en ligne). « Hier soir, le nouveau phare a commencé à fonctionner. Les lumières verte et blanche alternent toutes les deux ou trois secondes ».
  11. « HE1G ou l'histoire d'un week-end autour d'un phare », sur www.hb9g, USKA Genève – Club radio amateurs de Genève, (consulté le ).
  12. Aurélie Toninato, « Le phare des Pâquis rayonne depuis 120 ans », Tribune de Genève,‎ (lire en ligne).
  13. Aurélie Toninato, « Le phare des Pâquis reçoit enfin sa carte d’identité », sur La tribune de Genève, (consulté le ).
  14. Collections de la Bibliothèque de Genève. « Le Phare » est absorbé en 1906 par : « Le peuple de Genève : organe du Parti ouvrier socialiste et de la Fédération ouvrière de Genève » (1895-1917).

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