Gueuse (sidérurgie)
En sidérurgie, une gueuse est une masse de fonte brute de quelques dizaines de kilos, grossièrement moulée, issue d'un haut fourneau ou d'un cubilot. À la différence du lingot, il s'agit de fonte de première fusion et coulée à l'air libre. Par extension, la gueuse peut aussi désigner le moule lui-même, en sable ou métallique.
Ses utilisations consistent essentiellement en un demi-produit pour la sidérurgie. Primitivement extraite du bas fourneau ou coulée à la sortie du haut fourneau, la gueuse était ensuite traitée (généralement par puddlage) pour obtenir du fer ou de l'acier, ou refondue dans un cubilot. C'est donc un produit moins élaboré que le lingot, dont la composition chimique n'est pas appelée à évoluer, et dont la structure interne influe sur les propriétés finales de la pièce.
À l'origine, les gueuses étaient coulées directement à la sortie du haut fourneau, en grappe. Le gueusard, une rigole tracée dans le sable, alimentait en fonte liquide des cavités creusées dans le sable. Le procédé de coulée dans le sable, fut inventé par Abraham Darby I[1], qui nomma la fonte coulée ainsi pig iron, la disposition des gueuses et du gueusard ressemblant à une truie allaitant ses gorets[note 1]. Le mot gueuse dérive, lui, du terme allemand Gieß qui désigne le métal coulé : aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce mot désignait aussi le matériau[3]. Au début du XIXe siècle, la généralisation du puddlage entraîne une plus grande exigence sur le poids et les formes de la gueuse, qui peuvent varier sensiblement. Le saumon de fonte apparaît alors, qui est une gueuse calibrée pour le four à puddler[4]
- Préparation du sable aux hauts fourneaux de Port Clarence Works.
- Remplissage des moules.
- Coulée de gueuses à Iroquois smelter, Chicago, entre 1890 et 1901.
Les gueuses peuvent être aussi coulées en continu dans des machines ressemblant à des tapis roulants constitués de moules assemblés. La coulée de gueuses avec ces machines est d'ailleurs nécessaire pour les fontes phosphoreuses. En effet, les gueuses coulées dans du sable ont tendance à apporter de la silice qui dégrade le revêtement réfractaire des fours adaptés à la déphosphoration, qui est basique. Par contre la coulée en sable reste utile pour évaluer la qualité de la fonte : la séparation d'une gueuse de la grappe coulée se fait en cassant le chenal d'amenée de la fonte, la morphologie de la cassure renseignant le fondeur sur la qualité de la fonte coulée ; c'est ainsi qu'on a établi la distinction entre fonte blanche, grise ou truitée. Cette évaluation n'est pas possible avec les gueuses produites sur les machines de coulée en continu[5].
Photos stéréoscopiques prises à Pittsburgh vers 1900 de la coulée de gueuses en continu[note 2] :
- Remplissage d'une machine à couler les gueuses.
- Détail de l'extrémité aval d'une machine à couler les gueuses.
- Convoi ferroviaire de gueuses de fonte.
Par la suite, avec la mise au point du convertisseur, l'étape intermédiaire de solidification de la fonte avant sa conversion en acier n'est plus devenue nécessaire. La coulée de gueuses s'est alors cantonnée à la production de fonte de fonderie. D'une composition chimique connue (et parfois très élaborée), les gueuses sont alors refondues dans des cubilots pour l'obtention de pièces moulées de qualité. Généralement issues de petits hauts fourneaux[note 3], la production de gueuse est devenue de plus en plus marginale au cours du XXe siècle.
Les gueuses peuvent être aussi utilisées telles quelles (lest dans un bateau ou en plongée, musculation, etc.)
Notes et références
- Notes
- Depuis, le terme anglais pig iron désigne à la fois la fonte brute de première fusion, à l'état liquide ou solide, et la gueuse elle-même. Lorsque le haut fourneau ne coule qu'une seule gueuse de grande dimension, les Anglais l'appellent sow[2], c'est-à-dire « truie ».
- Ces machines sont très différentes de la coulée continue, invention plus tardive et utilisée pour la coulée de l'acier.
- La coulée de gueuses peut également être utilisée pour maintenir le haut fourneau à feu quand l'aciérie est indisponible
- Références
- (en) Thomas Southcliffe Ashton, Iron and Steel in the Industrial Revolution, Manchester, Manchester University Press, , 252 p. (lire en ligne), Letter from Mrs. Abiah Darby, circa. 1775, p. 249-252
- (en) William F. Durfee, « American Industries since Columbus », Popular Science Monthly, vol. 38, , p. 165 (lire en ligne)
- Jacques Corbion (préf. Yvon Lamy), Le savoir...fer : glossaire du haut fourneau : Le langage… (savoureux, parfois) des hommes du fer et de la zone fonte, du mineur au… cokier d'hier et d'aujourd'hui, , G25
- Jules Rozet maître de forges et notable en Haute-Marne au XIXe siècle (1800 - 1871) : Thèse pour le Doctorat d’Histoire sous la direction de M. Denis Woronoff, vol. 2, Association pour le Patrimoine Industriel de Champagne-Ardenne, (lire en ligne), « La fonte brute devient un produit commercial »
- (en) Bradley Stoughton, Ph.B., B.S., The metallurgy of iron and steel, New York, McGraw-Hill Book Company, , 509 p. (lire en ligne), p. 42 ; 336-337