Peine de mort au Japon
La peine de mort au Japon constitue le chĂątiment suprĂȘme dans ce pays, qui l'exĂ©cute exclusivement par pendaison, anciennement Ă©galement par dĂ©capitation. La peine capitale est dans la pratique utilisĂ©e principalement contre les auteurs de plusieurs meurtres, commis avec circonstances aggravantes[1].
Histoire
La peine de mort au Japon Ă©tait Ă©tablie Ă l'origine du pays mais elle a Ă©tĂ© abolie par l'empereur ShĆmu, sous lâinfluence du bouddhisme, en 724. NĂ©anmoins elle fut remise en place en 1156, aprĂšs une longue pĂ©riode de suspension, Ă la suite de la rĂ©bellion de HĆgen[2].
Le Japon a une longue tradition de la peine de mort, principalement en temps de guerre. Depuis que le code pĂ©nal japonais a connu l'influence de l'Occident sous l'Ăšre Meiji, il autorise la peine de mort pour les crimes « les plus odieux ». Les Ătats-Unis ont trĂšs peu rĂ©formĂ© le code pĂ©nal en 1945 lorsqu'ils ont occupĂ© le pays, et la peine de mort a Ă©tĂ© maintenue.
La Cour suprĂȘme a dĂ©clarĂ© la peine de mort constitutionnelle en 1948, et la mĂ©thode d'exĂ©cution par pendaison en 1955.
En 1968, Nagisa Ćshima rĂ©alise le film Koshikei, qui reproduit exactement la procĂ©dure d'une exĂ©cution capitale et se base sur une affaire ayant rĂ©ellement eu lieu.
Le pays n'a connu aucune exĂ©cution de 1989 Ă 1993, cela est dĂ» aux ministres de la Justice de l'Ă©poque, qui ne signaient pas les ordres d'exĂ©cution des condamnĂ©s. Mais elles reprennent avec l'arrivĂ©e de Masaharu GotĆda, qui en tant que lĂ©galiste considĂšre que pour la crĂ©dibilitĂ© du systĂšme juridique japonais, il faut appliquer les sentences prononcĂ©es par les tribunaux. De 1990 Ă 1995, l'opinion publique est influencĂ©e, principalement par les mĂ©dias, sur la question de l'abolition de la peine de mort. Un dĂ©bat public commença mĂȘme Ă Ă©merger. L'attentat au gaz sarin dans le mĂ©tro de Tokyo en 1995, qui fait treize morts et plus de cinquante blessĂ©s graves, fait basculer l'opinion.
Actualité récente
En , en visite au Japon, le dalaĂŻ-lama lance un appel pour l'abolition de la peine de mort. Il y dĂ©clare que « les criminels devraient ĂȘtre traitĂ©s avec compassion et non pas avec colĂšre » conformĂ©ment Ă l'Ă©thique bouddhiste[3]. L'ONU a votĂ© fin 2007 une rĂ©solution appelant Ă un moratoire sur la peine de mort ; le Japon a rejetĂ© l'argument de la pression internationale et europĂ©enne dĂ©clarant dans une note verbale qu'« il n'y a pas de consensus international selon lequel la peine de mort devrait ĂȘtre abolie » et que « aucun camp n'a le droit d'imposer son point de vue Ă l'autre[4] ». Le pays confirme cette position en [5].
Durant son passage au ministÚre, d' à le ministre de la Justice Kunio Hatoyama avait semblé vouloir réformer la peine de mort, mais dans un sens tout à fait opposé à l'abolition. Il propose que la méthode d'exécution par pendaison soit remplacée par une « méthode plus paisible », et que l'exécution se déroule dans les six mois suivant l'épuisement des recours sans que le ministre de la Justice n'ait à intervenir. Il est également le premier ministre de la Justice à autoriser que les noms des exécutés soient dévoilés. Il a visité la salle d'exécution de Tokyo, mais n'a jamais directement assisté à une exécution[6].
En , deux ans aprĂšs avoir quittĂ© le ministĂšre de la Justice et Ă©tant alors dĂ©putĂ© de l'opposition, Hatoyama dĂ©clare regretter ne pas avoir fait procĂ©der Ă plus d'exĂ©cutions[7]. Les 13 exĂ©cutions qu'il a dĂ©jĂ permises durant son passage au ministĂšre lui avaient valu le surnom de « Shinigami » (æ»ç„), traduit alors par « ange de la mort » ou « faucheur », de la part du grand quotidien progressiste Asahi Shinbun[8].
AprÚs la victoire historique du Parti démocrate du Japon aux élections législatives du , Keiko Chiba, ancienne secrétaire générale des parlementaires d'Amnesty International, a été nommée ministre de la Justice, cinq autres membres du gouvernement étant connus, à l'époque, comme opposés à la peine de mort. Beaucoup pensent alors qu'aucune exécution n'aurait lieu durant sa mandature[9]. Dans une interview, elle a déclaré, qu'en tant que ministre, elle allait se détacher de la ligue des parlementaires pour l'abolition et qu'elle souhaitait un débat public[10].
En , 85,6 % des Japonais dĂ©claraient « la peine de mort est indispensable et ne peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e dans certains cas »[11]. Il s'agissait en l'occurrence d'un sondage du gouvernement Ă l'occasion duquel 1 944 personnes ont Ă©tĂ© interrogĂ©es[12]. Les opposants Ă la peine de mort estiment que ce fort soutien Ă la peine de mort serait sĂ»rement entamĂ© si le gouvernement japonais faisait preuve de plus de transparence ; ils estiment que la question du sondage est spĂ©cialement conçue pour grossir le soutien dont jouit la peine de mort. Un sondage privĂ© organisĂ© par Kyodo New, en , place, lui, le soutien pour la peine de mort Ă 75,9 %.
En , la classe politique n'Ă©met que de timides protestations Ă la suite de l'exĂ©cution de quatre ressortissants japonais par la Chine pour trafic de drogue. Cela s'explique par la volontĂ© de ne pas crĂ©er de tensions avec la Chine, mais aussi peut-ĂȘtre de ne pas attiser le dĂ©bat sur la peine de mort[13].
En , la ministre Keiko Chiba fait procĂ©der Ă deux nouvelles exĂ©cutions et y assiste personnellement, Ă la suite de la dĂ©faite de son parti aux Ă©lections sĂ©natoriales (et d'elle-mĂȘme dans sa circonscription, mĂȘme si les ordres d'exĂ©cution avaient Ă©tĂ© signĂ©s la veille du scrutin). Elle annonce tout de mĂȘme une Ă©tude ministĂ©rielle sur le sujet. Le mois suivant, les mĂ©dias nationaux ont pu diffuser des images de la salle d'exĂ©cution de Tokyo.
Toshio Ogawa, ministre de la Justice, met fin en 2012 Ă l'Ă©tude ministĂ©rielle qui n'a finalement abouti Ă aucune proposition[14]. Sachiko Eto est cette mĂȘme annĂ©e la premiĂšre femme exĂ©cutĂ©e depuis 1997, condamnĂ©e Ă mort pour avoir tuĂ© six personnes dans des rituels d'exorcisme[15].
Au mois de a lieu la libération d'Iwao Hakamada, ùgé de 78 ans et condamné à mort pour quadruple meurtre, en raison d'éléments nouveaux mettant en cause sa culpabilité. Sans doute le plus ùgé condamné à mort du monde, il avait été condamné à mort en 1968.
La loi et la jurisprudence
Les critĂšres d'application de la peine de mort
En 1983 dans l'affaire Norio Nagayama la Cour suprĂȘme du Japon estime que la peine de mort ne peut s'appliquer que « lorsque la responsabilitĂ© de l'auteur du crime est extrĂȘmement grave et que la peine maximale est inĂ©vitable du point de vue de l'Ă©quilibre entre le crime et le chĂątiment ainsi que du point de vue gĂ©nĂ©ral de la prĂ©vention ». Elle dĂ©finit, dans cette dĂ©cision, les fameux « critĂšres de Nagayama » selon lesquels les juges doivent prendre leur dĂ©cision ; soit :
- la nature du crime ;
- le motif du crime ;
- les modalités du crime, en particulier la persistance et la cruauté du moyen de mise à mort ;
- la gravité des conséquences du crime, en particulier le nombre de victimes tuées ;
- les sentiments des proches en deuil ;
- les effets sociaux du crime ;
- l'Ăąge du criminel ;
- les antécédents de l'auteur du crime ;
- les circonstances qui suivent l'accomplissement du crime[1].
Les dĂ©cisions des juges sont l'objet d'une motivation Ă©crite dĂ©taillĂ©e, cela mĂȘme depuis que le jury populaire a Ă©tĂ© instaurĂ©. Chaque fois que la peine de mort a Ă©tĂ© requise, les juges ont justifiĂ© leur dĂ©cision par rapport Ă ces critĂšres. S'ils prononcent la peine de mort, la conclusion sera que « la peine capitale ne peut ĂȘtre Ă©vitĂ©e » ; « qu'il n'y a pas de place pour la clĂ©mence » ou encore que « l'accusĂ© a peu/pas de chances d'ĂȘtre rĂ©habilitĂ©[16] - [17] ».
En pratique le nombre de victimes est de loin le critÚre le plus important dans la détermination de la peine.
Selon des statistiques entre 1980 et 2009, lorsque les procureurs demandent la peine de mort, elle est obtenue dans 32 % des cas s'il n'y a qu'une victime. Sachant qu'il est trÚs rare que les procureurs requiÚrent la peine de mort dans un cas pareil, alors que c'est quasi systématique en cas de meurtres multiples. Sur les 50 meurtriers exécutés de 2006 à 2013, cinq seulement avaient tué une seule personne, en tenant compte des condamnations précédentes. Comme exemple de ces cas exceptionnels l'on peut citer l'affaire Junya Hattori, exécuté en . Il avait été condamné à mort pour avoir violé puis brûlé vivante une étudiante de 23 ans, et avait déjà été condamné pour agression auparavant. Et malgré ce cumul de circonstances aggravantes il n'a été condamné à mort qu'en appel, en premier ressort la perpétuité avait été prononcée[18].
Le taux de condamnation Ă mort grimpe Ă 59 % s'il y a deux victimes, et Ă 79 % s'il y en trois ou plus. LĂ encore, comme exemple de ces cas exceptionnels oĂč une personne Ă©chappe Ă la peine de mort pour le meurtre d'au moins trois personnes, certains accusĂ©s perturbĂ©s mentalement par une faillite ou un conflit familial, qui tuent leur famille et Ă©chouent ensuite Ă se suicider[19].
Sur 21 personnes condamnées pour un triple meurtre au cours d'un vol, aucune n'a échappé à la peine de mort. La peine de mort est systématique également, en pratique, en cas de meurtre commis par un ancien condamné à perpétuité[20].
La procédure devant les juridictions
AprĂšs avoir Ă©tĂ© condamnĂ© par la juridiction de premier ressort l'accusĂ© peut faire appel et ĂȘtre jugĂ© de nouveau. Ensuite il peut formuler un recours devant la Cour suprĂȘme du Japon, lequel sera entendu par une chambre basse comprenant cinq des quinze juges de la Cour. La Cour suprĂȘme peut ordonner que l'affaire soit rejugĂ©e devant une autre cour d'appel. Le ministre peut ordonner l'exĂ©cution aprĂšs la confirmation de la condamnation par la Cour suprĂȘme. Il arrive rĂ©guliĂšrement que des condamnĂ©s empreints de remords ou d'un mal de vivre ne fassent pas appel ; c'est le cas d'au moins 18 des 50 condamnĂ©s exĂ©cutĂ©s de 2006 Ă 2013[21].
MĂȘme si aprĂšs la confirmation par la Cour suprĂȘme il est toujours possible d'obtenir la grĂące ou la rĂ©vision du procĂšs, ces recours sont rarement accordĂ©s ; mais ils ont pour effet de suspendre le dĂ©lai de six mois dans lequel le ministre de la justice est censĂ© ordonner l'exĂ©cution. Ce dĂ©lai de six mois est de toute façon considĂ©rĂ© comme non-normatif : sa violation n'entraine aucune consĂ©quence juridique[22]. Ce dĂ©lai est Ă©galement suspendu lorsqu'un complice du condamnĂ© est encore en procĂšs dans une procĂ©dure diffĂ©rente.
Au moins 8 des 50 des meurtriers exĂ©cutĂ©s de 2006 Ă 2013 avaient Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă perpĂ©tuitĂ© en premier ressort, le parquet ayant fait appel de leur condamnation. Il est plus rarement possible que la Cour suprĂȘme rejette une condamnation Ă perpĂ©tuitĂ© prononcĂ©e en appel l'estimant trop laxiste, et renvoie l'affaire devant une cour d'appel afin qu'elle prononce la peine de mort[Note 1].
Au titre de lâarticle 475 du Code de procĂ©dure pĂ©nale, aucune exĂ©cution ne peut avoir lieu au Japon tant que tous les co-accusĂ©s nâont pas fait lâobjet dâune dĂ©cision de justice dĂ©finitive[23].
Depuis les tribunaux criminels ne se composent plus seulement de trois magistrats mais aussi de six jurĂ©s populaires. Une majoritĂ© de 5 voix incluant au moins un magistrat est nĂ©cessaire pour voter la mort[24]. Cependant les cours d'appel restent composĂ©es uniquement de trois magistrats professionnels[25]. Le barreau japonais, qui est hostile Ă la peine de mort, a proposĂ© que celle-ci ne puisse ĂȘtre prononcĂ©e qu'Ă l'unanimitĂ©[26].
Application générale
En le Japon comptait au total 157 condamnĂ©s Ă mort, dont 13 impliquĂ©s dans l'attentat au gaz sarin de 1995. La sentence Ă©tait dĂ©finitive, c'est-Ă -dire confirmĂ©e par la Cour suprĂȘme ou Ă la suite du dĂ©sistement d'appel, pour 133 d'entre eux (dont sept femmes, cinq Ă©trangers et cinq mineurs). 13 avaient Ă©tĂ© condamnĂ©s en appel et Ă©taient donc en attente d'une dĂ©cision de la Cour suprĂȘme. 12 n'Ă©taient condamnĂ©s qu'en premier ressort.
Au Japon, le taux de criminalitĂ©, y compris en matiĂšre d'homicide, est rĂ©putĂ© ĂȘtre l'un des plus bas du monde. La loi y permet thĂ©oriquement la libĂ©ration d'un condamnĂ© Ă perpĂ©tuitĂ© Ă partir de dix ans de dĂ©tention. Dans la pratique, les prisonniers ne sont libĂ©rĂ©s en moyenne qu'aprĂšs trente et un ans[27]. Appliquant la stratĂ©gie abolitionniste issue des Ătats-Unis, des parlementaires ont rĂ©clamĂ© l'institution d'une perpĂ©tuitĂ© rĂ©elle dans l'objectif d'obtenir ainsi une rĂ©duction des condamnations Ă mort. Le ministre de la justice et le barreau se sont opposĂ©s Ă cette proposition, rappelant qu'il serait pĂ©rilleux voire inhumain de conserver des gens en prison jusqu'Ă leur mort, et qu'il est dĂ©jĂ trĂšs difficile d'ĂȘtre libĂ©rĂ© pour un condamnĂ© Ă perpĂ©tuitĂ©.
De nombreuses organisations de défense des droits de l'homme (comme Amnesty International) dénoncent le systÚme judiciaire japonais et soutiennent des prisonniers qui affirment avoir été maltraités durant leur garde à vue, dont la durée maximale est de vingt-trois jours au Japon[28].
Dans le débat sur la peine de mort
En 2009 deux hommes sont condamnĂ©s Ă mort pour avoir enlevĂ© puis tuĂ© Rie Isogai (une jeune femme de trente et un ans) durant un cambriolage. Le pĂšre de la victime avait rĂ©uni une pĂ©tition de 318 000 signatures en faveur de leur condamnation Ă mort. C'est la premiĂšre fois durant toute l'Ăšre Heisei que plusieurs personnes Ă©copent de la peine capitale pour un mĂȘme meurtre. Un troisiĂšme participant, qui s'est rendu volontairement, a lui Ă©tĂ© condamnĂ© Ă la prison Ă vie[29] - [30]. Mais finalement, la condamnation de l'un d'eux est ramenĂ©e Ă la prison Ă vie en appel, la cour l'ayant jugĂ© moins coupable que l'autre qui n'avait pas fait appel. Les procureurs se sont pourvus devant la Cour suprĂȘme, mais celle-ci a confirmĂ© la perpĂ©tuitĂ©. Le seul des trois Ă avoir Ă©tĂ© condamnĂ© Ă mort est exĂ©cutĂ© en 2015.
AprÚs l'affaire Rie Isogai, de nombreux quotidiens nationaux se sont explicitement exprimés en faveur de la peine de mort, mais ils ont émis de sérieuses réserves quant aux difficultés que devront rencontrer les futurs japonais qui auront été sélectionnés dans ce genre d'affaires[31].
Avec l'introduction du jury populaire
Depuis l'introduction du jury populaire ou juge-citoyen, la peine de mort a été requise dans 24 affaires impliquant ce systÚme. 17 ont abouti à la peine de mort, six à la prison à vie et une autre à l'acquittement (en )[32].
La premiÚre de ces condamnations a été prononcée en . L'accusé Hiroyuki Ikeda a été reconnu coupable d'avoir enlevé et tué deux hommes. L'une des victimes a été complÚtement décapitée avec un fil électrique[33].
En , un tribunal d'Osaka dĂ©cide de procĂ©der Ă une audience pour statuer sur la constitutionnalitĂ© de la peine de mort et de l'exĂ©cution par pendaison. Le tribunal entend des tĂ©moins de la dĂ©fense, notamment un expert mĂ©dical australien et un procureur ayant dĂ©jĂ assistĂ© Ă des exĂ©cutions. MĂȘme les jurĂ©s siĂšgent Ă l'audience alors que la dĂ©cision incombait aux seuls juges professionnels. Les procureurs n'ont eux pas rĂ©pondu, se fondant simplement sur la jurisprudence de la Cour suprĂȘme. Le le tribunal a finalement validĂ© la peine de mort par pendaison, peine Ă laquelle il a condamnĂ© l'accusĂ© pour un incendie ayant fait cinq morts[34] - [35].
En pour la premiÚre fois une femme est condamnée à mort par un jury. L'accusée Kanae Kijima a été reconnu coupable du meurtre de trois hommes de 41 à 80 ans, pour conserver l'argent qu'elle leur avait soutiré pendant leurs relations[36]. L'accusée niant les faits, ce fut le procÚs avec jurés le plus long, durant plus de 100 jours. Le verdict a été confirmé en appel en [37].
Les « mineurs »
Bien que l'ùge de la majorité civile soit de vingt ans au Japon, la peine de mort est applicable à partir de dix-huit ans au moment du crime (l'ùge prévu par le Pacte de New York).
Il est notable que sur les trois seules occasions oĂč la Cour suprĂȘme a annulĂ© une condamnation Ă perpĂ©tuitĂ© la jugeant trop clĂ©mente, deux concernaient des mineurs, y compris le fameux Norio Nagayama dont la dĂ©cision a fait jurisprudence en 1983. Nagayama a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© en 1997. L'autre, Takayuki Otsuki, avait Ă©tĂ© condamnĂ© Ă perpĂ©tuitĂ© lors de ses deux premiers procĂšs pour le meurtre d'une jeune femme et de son bĂ©bĂ©. L'affaire avait attirĂ© une grande attention mĂ©diatique car le mari de la victime avait fait campagne pour la condamnation Ă mort[38].
En tout, six mineurs étaient, en , sous le coup d'une condamnation à mort définitive. Tous sont impliqués dans le meurtre d'au moins quatre personnes, sauf Takayuki Otsuki. Tant que la condamnation n'est pas définitive, les médias ne peuvent révéler l'identité de ces condamnés qui sont protégés par la loi sur la criminalité juvénile.
Conditions d'incarcération
Les condamnĂ©s Ă mort ne sont pas incarcĂ©rĂ©s dans des maisons centrales, normalement rĂ©servĂ©es aux condamnĂ©s Ă de longues peines, mais dans l'Ă©quivalent des maisons d'arrĂȘt françaises. Les condamnĂ©s vivent seuls dans leur cellule et ne sont pas obligĂ©s de travailler ; ils sont placĂ©s sous surveillance vidĂ©o permanente. Ils effectuent trente minutes d'exercice par jour et plus de deux bains par semaine. Ils se rĂ©unissent plusieurs fois par mois pour regarder des vidĂ©os. Seuls les membres de la famille du condamnĂ© et les avocats sont autorisĂ©s Ă le rencontrer au parloir[12].
Les organisations de dĂ©fense des droits de l'homme ont Ă©mis de virulentes protestations et publiĂ© des rapports dĂ©taillĂ©s contre les conditions de dĂ©tention des condamnĂ©s Ă mort, ceux-ci Ă©tant complĂštement isolĂ©s jusqu'Ă leur exĂ©cution qu'ils apprennent le matin mĂȘme. C'est le cas notamment de Amnesty International et de la FĂ©dĂ©ration internationale des droits de l'homme[39] - [40] - [41]. On ignore si les conditions de dĂ©tention des condamnĂ©s Ă mort ont Ă©tĂ© amĂ©liorĂ©es durant le passage des divers ministres de la justice opposĂ©s Ă la peine de mort depuis 2009.
En 2011, 56 des 124 prisonniers condamnés à mort souffrent d'insomnie et d'hallucinations dues aux conditions d'isolement prolongé pendant des périodes allant jusqu'à trente ans. Ainsi, prÚs de la moitié des détenus dans le couloir de la mort sont sous traitement pour ce stress psychologique[42].
Déroulement des exécutions
L'exĂ©cution doit avoir lieu dans un dĂ©lai de cinq jours suivant la signature de l'ordre d'exĂ©cution par le ministre de la justice. Les hauts fonctionnaires du ministĂšre de la justice ont la rĂ©putation d'ĂȘtre trĂšs favorables Ă la peine de mort et d'insister auprĂšs du ministre afin qu'il autorise les exĂ©cutions, celui-ci ne restant gĂ©nĂ©ralement en poste que quelques mois[43] - [44].
La seule et unique mĂ©thode d'exĂ©cution utilisĂ©e est la pendaison. Sept prisons sont Ă©quipĂ©es d'une salle d'exĂ©cution, chacune affectĂ©e Ă l'une des cours d'appel du Japon, Ă Sapporo, Sendai, Tokyo, Nagoya, Osaka, Hiroshima et Fukuoka. Il y a aussi une cour d'appel Ă Takamatsu, mais les exĂ©cutions de cette juridiction sont mises en Ćuvre Ă Osaka. Souvent plusieurs exĂ©cutions ont lieu la mĂȘme matinĂ©e dans des prisons diffĂ©rentes.
Les condamnĂ©s sont avertis de leur exĂ©cution le jour mĂȘme. Le , 2 condamnĂ©s Ă mort intentent un procĂšs Ă Osaka afin d'ĂȘtre avertis plus tĂŽt de leur exĂ©cution[45].
Les exĂ©cutions se dĂ©roulant gĂ©nĂ©ralement entre neuf et onze heures, mais la loi interdit qu'elles aient lieu le week-end. Juste avant son exĂ©cution, le condamnĂ© rencontre un religieux avec qui il peut parler. Il peut Ă©ventuellement prendre un dernier repas, Ă©crire une lettre ou un testament mais le temps est limitĂ©. Il est ensuite menottĂ© et ses yeux sont bandĂ©s. Un rideau qui cachait l'Ă©chafaud est alors ouvert, on lui attache les pieds et passe la corde au cou. L'ouverture de la trappe prĂ©cipitant le condamnĂ© dans le vide est actionnĂ©e par trois ou cinq boutons que les surveillants doivent presser en mĂȘme temps. Un seul de ces boutons fonctionne.
Le procĂšs-verbal d'exĂ©cution est dressĂ© par un assistant du procureur, puis signĂ© par le procureur et un agent pĂ©nitentiaire. La famille peut ensuite rĂ©cupĂ©rer le corps, mais il n'est pas rare que personne ne le rĂ©clame. Le ministre de la justice organise gĂ©nĂ©ralement une confĂ©rence de presse le matin mĂȘme juste aprĂšs les exĂ©cutions[46].
Nombre d'exécutions
1991 -92 |
93 | 94 | 95 | 96 | 97 | 98 | 99 | 2000 | 2001 | 2002 | 2003 | 2004 | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
0 | 3 | 7 | 2 | 6 | 6 | 4 | 6 | 5 | 2 | 2 | 1 | 2 | 1 | 4 | 9 | 15 | 7 | 2 | 0 | 7 | 8 | 3 | 3 | 3 | 4 | 15 | 3 | 0 | 3 | 1 |
Le temps s'écoulant entre la finalisation de la sentence et l'exécution est trÚs inégal, allant de deux ans à plus d'une vingtaine d'années selon les cas[21]. La plupart des exécutions ont eu lieu à Osaka et à Tokyo.
Notes
- Ce n'est arrivé que trois fois, dont Norio Nagayama, Nishiyama Shouzou et Takayuki Otsuki.
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Annexes
Personnes exécutées
Liens externes
- (en) Le code pénal Articles 11 et 199, notamment.
- (en) Le code de procédure pénale Articles 411 et 475 à 479.
- (en) La loi sur les prisons Articles 32, 36, 120 Ă 123, 178 et 179.
- (en) L'arrĂȘt de la Cour suprĂȘme dans l'affaire Nagayama en 1983 Autres jurisprudences : 1996 1999
- (en) Le « centre de recherche » sur la peine de mort au Japon
- (en) Tsuyoshi Tamura, Partial disclosure of 34 inmates' executions, archive Archive.is
- (en) La salle d'exécution de Tokyo en août 2010
- (fr) Page sur la peine de mort au Japon