Orestie
L’Orestie (en grec Ὀρέστεια / Orésteia) est une trilogie dramatique d'Eschyle représentée en aux Grandes Dionysies d'Athènes, où elle remporte le premier prix. Elle est composée de trois tragédies centrées sur la geste des Atrides : Agamemnon (Ἀγαμέμνων), Les Choéphores (Χοηφόροι ou Χοηφόρες) et Les Euménides (Εὐμενίδες) ; un drame satyrique intitulé Protée (aujourd'hui perdu) la complétait. Œuvre testament d'Eschyle, c'est la seule trilogie liée du théâtre athénien qui ait été conservée.
Les trois pièces
Agamemnon
La pièce se déroule à Argos, la cité qu'Agamemnon a quittée à la tête de la jeunesse grecque, dix ans auparavant, pour partir faire la guerre de Troie. Le matin de l'annonce de sa victoire, les vieux Argiens se souviennent encore des circonstances de son départ et, avec horreur, du sacrifice d'Iphigénie, fille d'Agamemnon et Clytemnestre que son père a sacrifiée pour obtenir les vents de la guerre.
Quand Clytemnestre, l'épouse d'Agamemnon leur annonce la victoire, ils se réjouissent puis ne savent plus s'ils doivent y croire.
Mais voici l'arrivée du héraut d'Agamemnon accouru annoncer l'arrivée du « destructeur de Troie ». Certes, Agamemnon revient sans son armée perdue en mer mais, vainqueur, il est « de tous les vivants le plus digne d'un culte[1]. » Clytemnestre demande au héraut de dire à son mari qu'il revienne vite et qu'il trouvera en elle une « femme fidèle, telle qu'il l'a laissée ». Les Argiens dénoncent aussitôt ce discours comme spécieux, et tentent sans l'oser de dénoncer Clytemnestre, car elle a un amant.
Voici enfin Agamemnon victorieux. Accompagné de sa captive Cassandre, fille de Priam le roi de Troie dont il a fait son amante, il est d'abord accueilli à bras ouverts par les vieux Argiens : « aujourd'hui, du fond du cœur, en ami vrai, à ceux qui ont mené leur tâche à bien j'offre mon dévouement[2] », puis par son épouse Clytemnestre qui lui tient un discours fort décrié où elle révèle toutefois avoir envoyé leur fils Oreste chez un ami, Strophios de Phocide, pour le protéger des rumeurs malsaines qui couraient à Argos pendant l'absence du roi. Enfin elle pousse Agamemnon à entrer dans le palais en foulant les tapis de pourpre réservés aux dieux, ce qu'il fait, laissant Cassandre derrière lui.
Clytemnestre revient chercher Cassandre qui ne lui répond pas et ne bouge pas de son char. Laissée seule avec les Argiens, Cassandre prophétise que Clytemnestre la tuera par jalousie, ainsi qu'Agamemnon. Puis qu'Oreste la vengera en tuant sa mère et, à cause de ce matricide, tombera.
Clytemnestre tue effectivement Agamemnon et Cassandre, revendique le double meurtre devant les Argiens horrifiés, assure sa défense : elle a vengé son enfant, son Iphigénie tant pleurée.
Mais voici Égisthe, l'amant de Clytemnestre. Brutal, violent, arrogant, il revendique le meurtre d'Agamemnon quoiqu'il n'y ait pas mis la main. En effet, cousin d'Agamemnon, il tenait à venger son père Thyeste dont Atrée, le père d'Agamemnon, a tué les enfants puis les a servis en festin à leur père qui ne l'a su qu'après s'en être régalé. L'attitude d'Égisthe exaspère les Argiens prêts à en venir aux mains quand Clytemnestre renvoie tout le monde chez soi.
Les Choéphores
Oreste, jeune homme, est revenu à Argos accompagné de son ami Pylade, le fils de Strophios. L'oracle de Delphes, Apollon Loxias, lui a formellement ordonné de punir les meurtriers de son père. La pièce s'ouvre sur Oreste recueilli sur la tombe d'Agamemnon, déterminé à accomplir ce qu'Apollon Loxias exige de lui. Il aperçoit un groupe de femmes en deuil venues apporter des libations sur la tombe d'Agamemnon (Choéphore signifie « porteuse de libations ») sur ordre de Clytemnestre qui les a envoyées apaiser l'âme d'Agamemnon à la suite d'un cauchemar qu'elle vient de faire. Oreste écoute ces femmes, d'abord en se cachant, reconnaît sa sœur Électre, s'en fait reconnaître.
Après beaucoup de larmes et de prières, sous la pression du chœur qui appelle la vengeance, Oreste conçoit son plan : il se présentera au palais déguisé en étranger, annoncera sa propre mort au palais puis tuera Égisthe et Clytemnestre.
Clytemnestre se montre fort affligée de la mort de son fils, mais la nourrice d'Oreste dénonce une hypocrisie, selon elle Clytemnestre se réjouit. Celle-ci ouvre les portes du palais aux deux jeunes gens. Oreste tue Égisthe mais, dans son face à face avec sa mère, hésite. Il consulte Pylade qui lui conseille d'être l'objet de haine de tous les hommes plutôt que des dieux. Obéissant à Apollon, Oreste tue Clytemnestre sur le cadavre d'Égisthe.
Il montre au peuple le cadavre des deux amants ainsi que le tissu dans lequel son père fut assassiné.
Et, se sachant matricide, annonce son départ pour aller se purifier à Delphes comme l'a exigé le dieu qui lui a ordonné ces meurtres.
Apparaissent alors pour lui seul les terribles Érinyes, antiques divinités dont la vocation est de pourchasser sans relâche les enfants qui ont tué un de leurs parents.
Les Euménides
La pièce s'ouvre devant le sanctuaire d'Apollon à Delphes où la Pythie, épouvantée par ce qu'elle voit à l'intérieur, s'enfuit. Il y a là Oreste en position de suppliant entouré des Érinyes. Apollon les a endormies, offrant ainsi un répit à Oreste. Le dieu renouvelle sa fidélité au jeune homme qui lui a obéi et lui conseille de courir au temple d'Athéna à Athènes : « Là, avec des juges, des mots apaisants, je saurai trouver le moyen de te délivrer à jamais de tes peines[3]. »
Du fond des enfers, l'ombre de Clytemnestre réveille ses justicières, les Érinyes, mais Oreste est déjà parti. Elles sont vexées et scandalisées qu'un jeune dieu protège un parricide. Apollon réplique en les insultant et en les chassant.
Voici Oreste à l'Acropole. Athéna est absente mais il l'appelle en tenant sa statue dans ses bras ; aussi, les Érinyes qui arrivent sur ses talons ne peuvent rien contre lui. Athéna arrive enfin. Les Érinyes qui avaient promis à Oreste qu'aucun dieu ne pourrait le sauver acceptent toutefois de confier l'affaire à la déesse. Celle-ci refuse de juger seule, instaure un tribunal, choisit les membres du jury parmi les Athéniens. À l'indignation des Érinyes, Apollon surgit comme témoin et défenseur d'Oreste. Athéna administre les débats, fait déposer les bulletins du jury dans l'urne et, avant le dépouillement, déclare qu'elle votera aussi, offre sa voix à Oreste et qu'en cas d'égalité des voix, il sera acquitté. Nul ne proteste. On dépouille, avec la voix d'Athéna il y a égalité, Oreste est libre. Il promet à Athènes une alliance éternelle avec Argos.
Il reste que les Érinyes, ulcérées d'être déboutées, veulent se venger sur Athènes et menacent d'y déverser leur venin. Pour apaiser leur colère, Athènes les invite à devenir citoyennes d'Athènes et d'en devenir les déesses bienveillantes, ou Euménides. Les Érinyes ont d'abord un haut-le-cœur, puis acceptent. Et descendent dans les sous-sols d'Athènes sous des chants de louanges.
Arbre généalogique
Traductions
L'Orestie a fait l'objet de nombreuses traductions parmi lesquelles celles d'Alexis Pierron, couronnée par l'Académie française en 1854, de Leconte de Lisle (1872), Paul Claudel (Gallimard 1920[5]), Paul Mazon (Belles Lettres 1925), Émile Chambry (Flammarion 1964), Jean Grosjean (1967) pour le volume des Tragiques grecs de la Bibliothèque de la Pléiade, Daniel Loayza, (Flammarion 2001).
Adaptations musicales
- Christoph Willibald Gluck : Iphigénie en Aulide, opéra sur un livret de François Gand-Leblanc du Roullet, d’après Racine qui écrit lui-même non d'après L'Orestie d'Eschyle, mais d'après la pièce que L'Orestie a inspirée à Euripide. Première représentation à Paris, 1774.
- Christoph Willibald Gluck : Iphigénie en Tauride, opéra sur un livret de Nicolas-François Guillard et François Gand-Leblanc du Roullet, d’après Claude Guimond de La Touche et Euripide. Première représentation à Paris, 1779.
- Sergueï Taneïev : L'Orestie, trilogie (opéra sur un livret de A. Wenkstern). Première représentation à Saint-Pétersbourg, 1895.
- Richard Strauss ; Elektra, opéra sur un livret de Hugo von Hofmannsthal qui s'appuie non sur L'Orestie d'Eschyle, mais sur la pièce que celle-ci a inspirée à Sophocle. Première représentation à Dresde, 1909.
- Darius Milhaud : L'Orestie, opéra sur un livret de Paul Claudel ; trilogie : Agamemnon (1913), Les Choéphores (1915–1916), Les Euménides (1927). Première représentation intégrale à Berlin, 1963.
- Iannis Xenakis : Oresteïa (1965–1966), sur des textes d'Eschyle, suite pour chœur d'enfants, chœur avec accessoires, et 12 musiciens.
- The Absorptions : Agamemnon's Diary[6] (1965), en quatuor ; textes et chant de Charlie Shield, orgue et chant (Peter DePaul), batterie (Ginny Boodakian), guitare (Greco Syko).
Mises en scène théâtrales
- Romeo Castellucci : Orestea, pièce de théâtre d'après la trilogie d'Eschyle, 1995[7].
- Olivier Py : L'Orestie, nouvelle traduction par le metteur en scène, création au théâtre de l'Odéon[8]
- Romeo Castellucci : Orestea (una commedia organica ?), recréation d'après la trilogie d'Eschyle (ainsi que Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll), 2015[7]
Notes
- v. 531.
- vv. 805–806.
- vv. 80–81.
- Non mentionnée par Euripide, mais voir Catalogue des femmes [détail des éditions], fr. 194 MW = 137b Most [lire en ligne].
- Paul Claudel, Théâtre vol. I, Bibliothèque de la Pléiade no 72, 1947, p. 1010.
- La bande magnétique est en cours de restauration en vue d'une publication future.
- « Orestie (une comédie organique ?) », site du théâtre Nouvelle Génération.
- L'Orestie, site du théâtre de l'Odéon.
Bibliographie
Éditions
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Études
- Jean Bollack, L'"Agamemnon" d'Eschyle : le texte et ses interprétations, vol. I, t. I : Prologue, parodos anapestique, parodos lyrique 1, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, (ISBN 2-85939-188-6).
- Jean Bollack, L’Agamemnon d'Eschyle : le texte et ses interprétations, vol. I, t. II : Parodos lyrique 2-3, présentation du premier épisode, premier stasimon, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, (ISBN 2-85939-189-4).
- Pierre Vidal-Naquet, « Chasse et sacrifice dans l’Orestie d'Eschyle » (in vol. 1), « Eschyle, le passé et le présent » (in vol.2), in Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce ancienne (2 vol.), Paris, La Découverte, 1986 / « La Découverte poche. Sciences humaines et sociales », 2001, nouv. éd.
- Paul Demont, Anne Lebeau, Introduction au théâtre grec antique, LGF, « Livre de Poche », 1996
- Alain Moreau et Pierre Sauzeau (éd.), « Les Choéphores d’Eschyle », dans Cahiers du GITA no 10, Université Paul Valéry, Montpellier, 1997
- Victor Martinez, « L'inachèvement d'Oreste : constitution du droit et tragédie de l'existant dans Les Euménides d'Eschyle », dans Applied Semiotic/Sémiotique appliquée, no 14, septembre 2004 [lire en ligne]
- Jacqueline de Romilly, ... raconte l'Orestie d'Eschyle, Bayard, « Centurion », 2006
- Heinz Weinmann, « L’Orestie d’Eschyle : le tragique au féminin ou au masculin ? », Études françaises, volume 15, numéro 3-4, octobre 1979, p. 45–69 (lire en ligne).
- Eschyle (trad. du grec ancien par Jean Bollack et Mayotte Bollack), Les Choéphores et Les Euménides, Paris, Éditions de Minuit, , 138 p. (ISBN 978-2-7073-2086-5).
- Étude de l'Orestie et ses différentes mises en scène, par Gaëlle Bebin