Opis
Opis (Akkadien UpĂź ou Upija, Grec ancien : áœźÏÎčÏ) est une ancienne citĂ© babylonienne situĂ© prĂšs du Tigre, non loin de Bagdad. Les textes akkadiens et grecs indiquent quâelle Ă©tait situĂ©e Ă lâest du Tigre, prĂšs de la riviĂšre Diyala. Des enquĂȘtes rĂ©centes situent Opis sur le tertre appelĂ© Tall al-MujailÄt (ou TulĆ«l al-Mujaili), Ă 32 km au sud-est en ligne droite du centre de Bagdad et Ă 76 km au nord-est en ligne droite de lâancienne Babylone[1].
Ă l'Ă©poque hellĂ©nistique, Opis est un port fluvial de premiĂšre importance. XĂ©nophon parle d'une ville considĂ©rable. D'aprĂšs des tablettes datant de Cyrus, la ville aurait constituĂ© un trĂšs grand marchĂ©, oĂč des reprĂ©sentants de la maison des Egibis venaient acheter et vendre des esclaves. Opis est traversĂ©e par les Dix-Mille et par Alexandre de retour d'Inde. La ville est un petit village sans importance Ă l'Ă©poque de Strabon.
Opis : enjeu des conquĂȘtes hellĂ©nistiques (VIe ââIIe siĂšcle av. J.-C.)
PremiĂšre mention d'Opis
Opis est mentionnĂ©e pour la premiĂšre fois au dĂ©but du deuxiĂšme millĂ©naire av. J.-C. Au XIVe siĂšcle av. J.-C., elle devient la capitale administrative de la rĂ©gion de Babylone. Les Babyloniens ont creusĂ© le « Canal Royal » entre lâEuphrate et le Tigre, qui se termine prĂšs dâOpis. Le roi babylonien Nabuchodonosor II (605-562 av. J.-C.) construit un mur entre les deux riviĂšres pour se protĂ©ger d'une potentielle invasion mĂšde. La ligne fortifiĂ©e continue vers lâest au-delĂ du Tigre et finit prĂšs dâOpis.
ConquĂȘte perse
En octobre av. J.-C., les troupes du roi babylonien Nabonide (556-539 av. J.-C.) dĂ©fendent Opis contre les Perses commandĂ©s par Cyrus le Grand (559-530 av. J.-C.). Les Babyloniens sont vaincus et la population se rĂ©volte contre son gouvernement. Cyrus en profite pour capturer Babylone. Opis Ă©tait situĂ©e prĂšs de la route royale persane, qui reliait lâancienne capitale Ă©lamite Suse au centre de lâAssyrie autour dâErbil et, plus Ă lâouest, la capitale lydienne, Sardes.
ConquĂȘte macĂ©donienne
En septembre 331 av. J.-C., le roi de MacĂ©doine Alexandre le Grand (336-323 av. J.-C.) remporte la bataille de GaugamĂšles, face Ă Darius III (336-330 av. J.-C.) et prend probablement possession en mĂȘme temps dâOpis. Quelque temps plus tard, au printemps 324 av. J.-C., Ă la suite d'une mutinerie de ses soldats Ă la riviĂšre Hyphase (la riviĂšre Beas maintenant) qui contestent la part croissante des nouvelles recrues perses et craignent de voir le roi Ă©tablir le centre de son royaume en Asie, il est obligĂ© de faire machine arriĂšre en Inde (c'est la sĂ©dition d'Opis). DĂ©sireux dâunir durablement ses sujets macĂ©doniens et perses, il fait un serment dâunitĂ© devant 9000 soldats perses et grecs Ă Opis. Dans la mĂȘme idĂ©e, il se marie avec Stateira, la fille de Darius, et cĂ©lĂšbre de nombreuses alliances entre ses officiers de haut-rang et des nobles venues de Perse ou de lâest.
L'autorité hellénistique
SĂ©leucos Ier Nicator (306-281 av. J.-C.), lâun des successeurs dâAlexandre, fonde lâempire sĂ©leucide et construit une capitale Ă SĂ©leucie, Ă lâest du Tigre, Ă 19 km au sud-ouest dâOpis. La citĂ© hellĂ©nistique de SĂ©leucie du Tigre Ă©clipse rapidement les anciens centres mĂ©sopotamiens de la rĂ©gion, comme Babylone, Sippar et Opis. Au deuxiĂšme siĂšcle av. J.-C., lâempire parthe conquiert les provinces est de lâempire sĂ©leucide, dont SĂ©leucie et Opis. Ces deux villes sont Ă leur tour Ă©clipsĂ©es par lâĂ©mergence de la capitale parthe de CtĂ©siphon, situĂ©e entre les deux villes.
Un Ă©pisode marquant : la bataille d'Opis (539 av. J.-C.)
Sources
La principale source dâinformation concernant la campagne de Cyrus en MĂ©sopotamie en 539 av. J.-C. est la chronique de Nabonide qui fait partie dâune sĂ©rie de tablettes en argile appelĂ©e les chroniques babyloniennes qui narrent lâhistoire de lâancienne Babylone. Des dĂ©tails additionnels sont apportĂ©s par des documents datant de lâĂ©poque de Cyrus ayant survĂ©cu, le cylindre de Cyrus. Dâautres informations nous sont connues grĂące aux Ă©crivains de la GrĂšce antique, HĂ©rodote et XĂ©nophon, dont les Ă©crits diffĂšrent des sources perses et babyloniennes. Bien que la chronique de Nabonide soit fragmentaire, la section relatant la derniĂšre annĂ©e du rĂšgne de Nabonide (539 av. J.-C.) est plutĂŽt intacte. La chronique sâintĂ©resse surtout aux Ă©vĂšnements relevant directement de Babylone et de ses dirigeants.
La puissance perse
Ă lâĂ©poque, la Perse est la puissance dominante au Proche-Orient. Elle a assis sa domination grĂące au roi Cyrus II qui a conquis un large territoire permettant de crĂ©er un empire qui couvre les pays actuels de Turquie, ArmĂ©nie, AzerbaĂŻdjan, Iran, Kirghizistan et Afghanistan. La seule puissance qui rĂ©siste alors est lâempire nĂ©o-babylonien qui contrĂŽle la MĂ©sopotamie et assujettit des royaumes comme la Syrie, la JudĂ©e, la PhĂ©nicie et une partie de lâArabie. Ă lâĂ©poque, Babylone ne jouit pas dâune situation confortable : lâempire perse lâentoure au nord, Ă lâest et Ă lâouest. Elle connait, qui plus est, de graves problĂšmes Ă©conomiques que la famine et la peste viennent aggraver, tandis que le roi Nabonide souffre dâimpopularitĂ© Ă cause de sa politique religieuse non conventionnelle. Selon Mary Joan Winn Leith, « le succĂšs de Cyrus est Ă crĂ©diter Ă sa perspicacitĂ© militaire, sa corruption judicieuse, et une intense campagne de publicitĂ© Ă travers la Babylonie qui le montrait tel un suzerain indulgent et tolĂ©rant vis-Ă -vis de la religion ». Dâun autre cĂŽtĂ©, Max Mallowan note : « La tolĂ©rance religieuse Ă©tait un formidable trait des rĂšgles perses et il nây aucun doute sur le fait que Cyrus lui-mĂȘme Ă©tait assez ouvert dâesprit pour promouvoir cette politique ». On dit que Cyrus a rĂ©ussi Ă persuader un gouverneur dâune province babylonienne nommĂ© Gobryas de combattre Ă ses cĂŽtĂ©s. Gutium, la rĂ©gion gouvernĂ©e par Gobryas, est un territoire frontalier dâune taille considĂ©rable et dâune grande importance stratĂ©gique.
Le déroulement de la bataille
La chronique de Nabonide rapporte que la bataille a eu lieu durant le mois de Tashritu (27 septembre - 27 octobre). Cependant, elle ne donne aucun dĂ©tail sur le cours de la bataille, la disposition des forces de part et dâautre ou les victimes. LâarmĂ©e perse sous Cyrus a combattu « lâarmĂ©e dâAkkad » (signifiant les Babyloniens en gĂ©nĂ©ral, pas la ville de ce nom). LâidentitĂ© du commandant babylonien nâest pas renseignĂ©e mais on a traditionnellement supposĂ© que Balthazar, le fils de Nabonide, Ă©tait au commandement. Son destin nâest pas clair et il peut avoir Ă©tĂ© tuĂ© durant la bataille. Le combat se solde par une dĂ©faite babylonienne, voire une dĂ©route. AprĂšs la bataille, les forces perses ont « pillĂ© » les babyloniens vaincus. La plupart des traductions de la Chronique rĂ©fĂšrent aussi Ă un « massacre » du peuple dâAkkad, bien que les traducteurs ne soient pas dâaccord sur qui en est responsable et qui a Ă©tĂ© tuĂ© â la population dâOpis ou lâarmĂ©e babylonienne en retraite. Pierre Briant commente : « Cette victoire a Ă©tĂ© suivie dâune immense portĂ©e de butin et du massacre de ceux qui ont tentĂ© de rĂ©sister ». Maria Brosius interprĂšte le massacre comme une action punitive « faisant un exemple de ville qui essaie de rĂ©sister Ă lâarmĂ©e perse ». W. G. Lambert pense au contraire qu'il nây aurait eu aucun massacre. La bataille nâest pas mentionnĂ©e dans le Cylindre de Cyrus, qui dĂ©peint Cyrus comme le libĂ©rateur pacifique de Babylone.
Les conséquences
La dĂ©faite dâOpis semble avoir mis fin Ă toute rĂ©sistance sĂ©rieuse Ă lâinvasion perse. Les troupes perses ont pris le contrĂŽle de la ville, bien que la chronique de Nabonide fournisse peu de dĂ©tail sur comment cela s'est dĂ©roulĂ©. Le 29 octobre, Cyrus entre dans Babylone, oĂč il est proclamĂ© roi, et nomme des gouverneurs pour ses royaumes nouvellement conquis. Les descriptions cunĂ©iformes dâune reddition pacifique de Babylone sont corroborĂ©es par les preuves archĂ©ologiques de la ville, car aucune preuve de destruction nâa Ă©tĂ© trouvĂ©e dans les couches correspondant Ă la chute de la ville aux Perses.
La dĂ©faite babylonienne Ă Opis et lâentrĂ©e apparemment sans opposition de la Perse dans Babylone ont mis fin Ă lâindĂ©pendance de Babylone. Lâeffondrement babylonien a Ă©tĂ© rapide et total. Un certain nombre dâexplications ont Ă©tĂ© avancĂ©es pour expliquer cet effondrement rapide. Le cylindre de Cyrus et la Chronique de Nabonide, attribuent lâĂ©chec de Nabonide au dĂ©sir du dieu Marduk, pour punir un rĂ©gime qui sâest opposĂ© Ă sa volontĂ©. Dâautres auteurs ont avancĂ© un certain nombre dâexplications pour expliquer la dĂ©faite babylonienne. M. A. Dandamaev pense que le rĂ©gime souffrait dâun manque dâalliĂ©s, un manque de soutien parmi la population, lâopposition de peuples sujets tels que les Juifs, qui ont pu voir les Perses envahisseurs comme des libĂ©rateurs, et lâincapacitĂ© des forces babyloniennes Ă rĂ©sister Ă des adversaires numĂ©riquement supĂ©rieurs et mieux Ă©quipĂ©s.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Opis » (voir la liste des auteurs).
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Battle of Opis » (voir la liste des auteurs).
- Högelmann and Buschmann (1986) ; Parpola and Porter (2001) map 32, glossary p. 18 ; Talbert (2000) map 91 F4.
Bibliographie
- O. Battistini, Alexandre le Grand : histoire et dictionnaire, Paris, 2004
- P. Briant, Histoire de l'empire perse de Cyrus Ă Alexandre, Paris, 1996
- P. Brun, A. Sartre-Fauriat, M. Sartre, Dictionnaire du monde grec antique, Paris, 2009
- P. Högelmann, K. Buschmann, "Ăstlicher Mittelmeerraum. Das achĂ€menische Westreich von Kyros bis Xerxes (547â479/8 v. Chr.)," in TĂŒbinger Atlas des Vorderen Orients, B IV 23, 1986.
- A. T. Olmstead, History of the Persian Empire, Chicago 1948.
- S. Parpola, M. Porter, The Helsinki Atlas of the Near East in the Neo-Assyrian Period, Helsinki 2001.
- G. Roux, La MĂ©sopotamie. Essai d'histoire politique, Ă©conomique et culturelle, Paris, 1985
- R. J. Talbert, Barrington Atlas of the Greek and Roman World, Princeton 2000.