AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Dix-Mille

Les Dix-Mille est le nom donnĂ© aux 12 800 soldats grecs mercenaires, notamment originaires de Sparte et ThĂšbes, enrĂŽlĂ©s par Cyrus le Jeune pour renverser du trĂŽne de Perse son frĂšre aĂźnĂ©, le souverain achĂ©mĂ©nide ArtaxerxĂšs II MnĂšmon. Leur expĂ©dition dura de Ă  .

La marche des Dix-mille figure en traits pointillés rouges.

Son histoire est connue par le rĂ©cit qu'en a fait XĂ©nophon, qui a pris part Ă  l'affaire, puisqu'il s'est engagĂ© comme hoplite puis a ensuite Ă©tĂ© Ă©lu stratĂšge de l'arriĂšre-garde — un poste clĂ© (ce qui lui a valu une grande notoriĂ©tĂ©). XĂ©nophon, AthĂ©nien de naissance, a choisi de suivre AgĂ©silas II. Pour Ă©viter les problĂšmes, il a fui sa citĂ©, sans pour autant s'Ă©tablir Ă  Sparte mĂȘme. Le rĂ©cit de cette expĂ©dition s'appelle l'Anabase.

Causes de l'expédition

À la mort de Darius II, roi de Perse, en 404, ArtaxerxĂšs II, son fils, monte sur le trĂŽne. Son frĂšre cadet, Cyrus le Jeune, complote alors pour gagner la couronne, mais est dĂ©noncĂ© par le satrape Tissapherne. ProtĂ©gĂ© par sa mĂšre Parysatis, il est rĂ©tabli dans son commandement de Sardes. LĂ , il utilise ses hĂŽtes grecs pour recruter une armĂ©e de mercenaires grecs. La chose est d'autant moins difficile que de nombreux hoplites se trouvent dĂ©mobilisĂ©s Ă  la fin de la guerre du PĂ©loponnĂšse. En outre, Cyrus reçoit en sous-main l'aide de Sparte. De fait, il demande spĂ©cifiquement de recourir Ă  des PĂ©loponnĂ©siens, rĂ©putĂ©s pour leur bravoure, qu'il avait secourus pendant la guerre.

Avancée en territoire perse

Épisode de la retraite des Dix Mille, Adrien Guignet.

Le dĂ©barquement du corps expĂ©ditionnaire — trente triĂšres — a lieu Ă  ÉphĂšse, grand port cĂ©lĂšbre pour son temple dĂ©diĂ© Ă  ArtĂ©mis. Il se regroupe ensuite Ă  Sardes oĂč Cyrus le Jeune fait visiter ses jardins (son « paradis »). Cyrus cache d'abord Ă  ses troupes la rĂ©alitĂ© de son objectif : il leur annonce qu'il s'agit de soumettre la Cilicie. Une fois l'armĂ©e arrivĂ©e sur les bords de l'Euphrate, il n'est plus possible de dissimuler la vĂ©ritĂ© : les soldats s'indignent d'abord, puis s'apaisent grĂące Ă  des promesses de largesses.

À la bataille de Counaxa (401), les troupes de Cyrus affrontent celles d'ArtaxerxĂšs. Les mercenaires grecs mettent facilement en dĂ©route l'armĂ©e perse, mais Cyrus trouve la mort au cours du combat. Les Grecs se trouvent isolĂ©s dans l'immense Empire perse.

Retraite de l'Euphrate Ă  la mer Noire

Thalatta ! Thalatta ! (« La Mer ! La Mer ! »).

L'armĂ©e de mercenaires conclut d'abord une trĂȘve avec ArtaxerxĂšs. AccompagnĂ©s par les troupes de Tissapherne, les Grecs rebroussent chemin jusqu'aux bords du Tigre. LĂ , Tissapherne tend aux chefs grecs un guet-apens, et les massacre, laissant les Dix Mille sans chef. Les soldats pressent alors le jeune XĂ©nophon — il a trente ans — de prendre la tĂȘte de l'arriĂšre-garde pour mener la retraite.

Ils traversent d'abord le dĂ©sert de Syrie, la Babylonie, puis l'ArmĂ©nie enneigĂ©e, pour rejoindre leur patrie. Enfin, aprĂšs plusieurs mois de marche, et de nombreux affrontements avec les peuples des territoires qu'ils traversent, ils parviennent aux cols de la chaĂźne pontique en vue de TrĂ©bizonde. C'est alors le fameux cri « ÎžÎŹÎ»Î±Ï„Ï„Î±! ÎžÎŹÎ»Î±Ï„Ï„Î±! / Thalatta ! Thalatta ! » (« La mer ! La mer ! »)[1] rapportĂ© par XĂ©nophon dans son Anabase[2]. Il s'agit lĂ  du Pont Euxin et il leur reste encore 1 000 kilomĂštres Ă  parcourir jusqu'Ă  l'ÉgĂ©e.

Retraite de Trébizonde à la Thrace

Les Grecs ne sont pas pour autant en sĂ©curitĂ©, en Asie Mineure. Chirisophe, commandant en chef, part Ă  Byzance chercher des navires, pendant que les Grecs reprennent leur marche en direction de la Paphlagonie. Las, les citĂ©s grecques du littoral, loin de les accueillir, les maintiennent Ă  distance, de peur des pillages — il est vrai que la plupart des Grecs refusent de rentrer chez eux sans butin. La rĂ©bellion sourd dans les rangs, et les Arcadiens et les AchĂ©ens finissent par faire sĂ©cession ; l'armĂ©e faillit cĂ©der Ă  la panique quand se rĂ©pand la rumeur selon laquelle XĂ©nophon souhaite aller fonder une colonie en Asie. Il la rĂ©cuse lui-mĂȘme devant l'armĂ©e constituĂ©e en assemblĂ©e.

AbandonnĂ©s par les Spartiates, dĂ©sormais alliĂ©s des Perses, ils se louent alors au souverain thrace SeuthĂšs Ier, qui refuse de les payer en 400 J-C. Ils marchent jusque Lampsaque, puis Pergame, oĂč XĂ©nophon abandonne le commandement au profit du spartiate Thimbron, qui a engagĂ© les Dix Mille, qui ne sont alors plus guĂšre que 5 000. Il les amalgame avec d'autres soldats grecs pour combattre contre les satrapes Tissapherne et Pharnabaze, qui tyrannisent les citĂ©s grecques d'Ionie.

Conséquences

Route des mercenaires grecs de la Ionie à Sardes à l'Euphrate puis, aprÚs la bataille de Counaxa, vers le nord à travers l'Arménie et ses montagnes pour atteindre la mer Noire à Trapezus (actuel Trébizonde).

Le parcours rĂ©ussi du contingent grec Ă  travers l'empire perse a frappĂ© les contemporains de XĂ©nophon. Une petite troupe de mercenaires, aguerris et dĂ©terminĂ©s, rĂ©ussit sans trop de pertes Ă  Ă©chapper Ă  la vengeance d'ArtaxerxĂšs et ses armĂ©es au cƓur mĂȘme de son royaume. Leur succĂšs montre qu'une expĂ©dition Ă  l'intĂ©rieur des territoires perse est possible, ouvrant la voie Ă  la conquĂȘte d'Alexandre le Grand.

Autre consĂ©quence de l'expĂ©dition des Dix-Mille, l'Ă©volution significative du mercenariat notamment chez les Grecs : les contingents initiaux embauchĂ©s par Cyrus rĂ©pondent Ă  une logique classique de l'offre et de la demande en bras armĂ©s. Cyrus est en effet l'employeur et les Dix Mille ne correspondent alors Ă  aucune autre rĂ©alitĂ© que le nombre (approximatif) de mercenaires grecs qui composaient — pour partie — les troupes qu'il lĂšve contre son frĂšre. Or, aprĂšs la bataille, ces mĂȘmes Grecs se retrouvent livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes, leur employeur tuĂ© au combat, en plein cƓur d'un territoire ennemi. Ils se soudent alors, se donnent des chefs et dĂ©cident de remonter vers le nord, vers la Mer Noire, vers des citĂ©s grecques qu'ils croient alors heureuses de les accueillir.

Une ruse de Tissapherne manque de peu de mettre fin au périple mais les Grecs n'abandonnent pas et se donnent de nouveaux chefs : c'est à partir de ce moment qu'ils deviennent véritablement les Dix Mille. Leur arrivée devant les cités cÎtiÚres grecques montre alors une nouvelle facette de ces mercenaires. Des petits contingents disparates (qui n'hésitaient pas à se battre parfois entre eux) agglomérés par Cyrus et tenus par sa seule volonté (et des promesses fallacieuses), le monde antique découvre une armée entiÚre de mercenaires, organisée, expérimentée et surtout autonome. En effet, si la surprise reste relative pour les Perses qui les pourchassent depuis Counaxa et qui voient la lente gestation de ce corps d'armée, les Grecs des cités sont terrorisés quand, face aux Dix Mille qui mendient à manger ou de quoi rentrer au pays, ils réalisent brusquement qu'ils sont en fait à la merci d'une armée de soldats de fortune campant placidement devant leur murs et qui peut décider de les piller sans qu'ils puissent réagir.

C'est ce constat qui explique l'attitude des diverses citĂ©s grecques face aux compagnons de XĂ©nophon. Mais les Dix Mille ne rĂ©alisent pas qu'ils font dĂ©sormais peur Ă  leurs compatriotes et notamment aux Spartiates. Sparte, dont l'hĂ©gĂ©monie s'affirme peu Ă  peu sur les citĂ©s grecques — consĂ©quence logique de la rĂ©cente victoire sur AthĂšnes — est alors face Ă  un Ă©pineux problĂšme : comment se dĂ©barrasser d'aussi encombrants compatriotes, qu'ils n'ont ni l'envie ni les moyens de combattre immĂ©diatement ? La politique du ralliement des chefs aux vues spartiates (XĂ©nophon en est un exemple) prĂ©vaut finalement et le revirement gĂ©opolitique rĂ©gional, lorsque les alliĂ©s d'hier deviennent dĂ©sormais les ennemis, rĂšgle la question lorsque Thibron incorpore les derniers Ă©lĂ©ments des Dix Mille.

Notes et références

  1. ÎžÎŹÎ»Î±Ï„Ï„Î± / thĂĄlatta est une forme attique lĂ  oĂč HomĂšre, l'ionien-attique, le grec tardif et le grec moderne connaissent ÎžÎŹÎ»Î±ÏƒÏƒÎ± / thĂĄlassa ; Pierre Chantraine, Dictionnaire Ă©tymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1999 (Ă©dition mise Ă  jour), 1447 p. (ISBN 978-2-25203-277-0) Ă  l'article ÎžÎŹÎ»Î±ÏƒÏƒÎ±.
  2. XĂ©nophon, Anabase [dĂ©tail des Ă©ditions] [lire en ligne], IV, 7, 21–27.

Annexes

Sources antiques

Bibliographie

  • Pierre Briant, Histoire de l'empire perse : de Cyrus Ă  Alexandre, Paris, Fayard, , 1247 p. (ISBN 978-2-213-59667-9),
  • Pierre Briant, Dans les pas des Dix-Mille. Peuples et pays du Proche-Orient vus par un Grec, actes de la table ronde de Toulouse, 3–4 fĂ©vrier 1995 ;
  • Pierre Carlier, Le IVe siĂšcle grec jusqu’à la mort d’Alexandre, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire / Nouvelle histoire de l'AntiquitĂ© », (ISBN 2-02-013129-3) ;
  • Silvia Milanezi, notice de l'Anabase, Belles Lettres, coll. « Classiques en poche », 2002 (ISBN 2251799524).
  • FĂ©lix Robiou, ItinĂ©raire des Dix-Mille : Ă©tude topographique, Paris : A. Franck, 1873 (lire en ligne)
  • Jean-Luc Marchand, L'Hoplite ou l'ÉpopĂ©e des Dix-Mille, Ă©d. La Compagnie LittĂ©raire, 2020 (ISBN 978-2-87683-697-6)

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.