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Ogmios

Ogmios est un dieu de la mythologie celtique gauloise que l'on retrouve dans la mythologie celtique irlandaise sous le nom d'Ogme. Le dossier d'Ogme rejoint celui de l’Ogmios celtique continental. Il a deux aspects : Ă  Mag Tured Ogme est un champion Ă  la grande force physique, qui se bat du cĂŽtĂ© des Tuatha DĂ© Danann ; mais il est aussi un patron en poĂ©sie et le "pĂšre" de l'ogham (comme Odin l'est des runes). L'Ogmios continental est connu comme un maĂźtre en logos qui entraĂźne ses fidĂšles par la parole dans des rĂ©gions tĂ©nĂ©breuses[1].

Ogmios
Dieu de la mythologie celtique
Caractéristiques
Autre(s) nom(s) Ogme
Fonction principale Dieu guerrier
Fonction secondaire Dieu de l'Ă©loquence
Période d'origine Antiquité celte et gauloise

Étymologie

Ogme est connu sous de nombreuses variantes : Ogme, Ogma, Ogmios, Ogmius. Un h est parfois accolĂ© au g montrant qu’il est quasiment inaudible en irlandais.

Philippe JouĂ«t a rappelĂ© les Ă©tymologies d'Ogmios par un indo-europĂ©en *Hek- « aigu, pierre, voĂ»te... » (grec akmon) ; ou par une racine du sens de "parler". Pour Xavier Delamarre, la racine de son nom signifierait « chemin, sentier, conducteur », il guide ses fidĂšles et est aussi psychopompe[2], c'est-Ă -dire qu'il accompagne les morts dans l’Autre Monde.

Ph. JouĂ«t commente ainsi[3] : L’un des dieux TĂșatha DĂ© Danann de l’Irlande, Ogme a des affinitĂ©s avec le cĂŽtĂ© sombre de l’univers, la magie, l’écriture, caractĂšre qui n’apparaĂźt que dans certains rĂ©cits, cosmologiques ou relatifs Ă  l’ogham.

Les noms Ogmios et Ogma, vIr. Ogmae, sont indissociables de celui de l'ogham. (...) La conservation du groupe -gm- dans le thĂ©onyme fait difficultĂ©. L’hypothĂšse d'un emprunt au grec est sans fondement (McManus, A Guide to Ogham 152). C. Marstrander a proposĂ© un rapprochement avec le grec Ăłmma « Ɠil » et le gotique ahma glosĂ© pneuma (NTSV I 136-137). J. Carney a vu dans le og- de ogham un Ă©lĂ©ment og « some part of a sharp weapon, the point », ce qui est en accord avec la technique de gravure de l'ogham (Stevenson, Proceedings of the RIA 1989, 140). F. Bader a rapprochĂ© La. aiƍ, axāre « dire ; affirmer » (Les Langues IE, Paris, 1994, 12). X. Delamarre propose un dĂ©rivĂ© en -io- d’un susbtantif ct. *ogmos « chemin », de I'indo-europĂ©en *aĝ- « mener, conduire », et rappelle la correspondance phrasĂ©ologique grĂ©co-indienne du « grand chemin » (suivi par les chevaux du char de la lune, Gr. mĂ©gas Ăłgmos, et ceux du soleil, Skr. vĂ©d. mahĂł ĂĄjmasya gĂ©n.) identifiĂ©e par F. Porta (Watkins, HKD 16).

Dans la religion politique, Ogme est un homme fort. Ces deux aspects rĂ©vĂšlent un clivage thĂ©ologique ancien entre deux pĂ©riodes de la tradition indo-europĂ©enne : Ogme est l'hĂ©ritier d’une des divinitĂ©s majeures de la religion cosmique, le Ciel-nocturne, qui a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© dans le panthĂ©on divin avec des dĂ©perditions dans la religion politique et des subsistances dans la cosmologie. La thĂ©ologie celtique rĂ©sulte de cette Ă©volution. Ogme et son frĂšre Eochaid Áed (dit Dagda) prolongent les anciens Ciel-nocturne et Ciel-diurne-Feu. Cette rĂ©partition explique la rivalitĂ© du Dagda et d’ElcmĂĄr, petit-fils d’Ogme, suivant le Tochmarc ÉtaĂ­ne, vn I : pour sĂ©duire ÉtaĂ­n (ou BĂłand) et engendrer Óengus Mac Óc, le Dagda a magiquement Ă©loignĂ© ElcmĂĄr (qui exerçait un pouvoir de rĂ©tention sur les eaux vives et la lumiĂšre)."

Ph. JouĂ«t ajoute : "L’explication d’« Ogmios-Ogme » doit tenir compte des diffĂ©rents aspects dont la tradition l’a progressivement chargĂ© : initialement puissance nocturne et magicienne redoutĂ©e, puis divinitĂ© intĂ©grĂ©e au panthĂ©on dans le cadre de la religion politique, conservant cependant un regard sur les signes magiques et certains aspects du rite. La pĂ©riodisation de la tradition indo-europĂ©enne permet de prĂ©senter une synthĂšse qui respecte les diffĂ©rents champs thĂ©ologiques concernĂ©s. Il est vĂ©nĂ©rĂ© au sein des familles celtes voire irlandaises ; il est censĂ© protĂ©ger les foyer de toute attaque nuisible au foyer, il est souvent vĂ©nĂ©rĂ© par des tableaux voire des bougies avec son nom inscrit dessus.

L'Ă©quivalent gallois d'Ogmios est le magicien querelleur Gwydion et le moins connu Efeydd.

Ogmios dans la mythologie celtique gauloise

Description d'Hercule

Lucien de Samosate (IIe siĂšcle) rapproche Ogmios d'Hercule[4]: il raconte comment il contemple, Ă©tonnĂ©, une reprĂ©sentation d'HĂ©raklĂšs Ă  la peau de lion ; mais, contrairement a l'HĂ©raklĂšs qu'il connaĂźt, celui-ci a les traits d'un vieillard souriant Ă  la peau noircie comme brĂ»lĂ©e, Ă  demi-chauve avec de longs cheveux blancs qui lui retombent dans le dos. Il porte outre la peau de lion, une massue, un arc et un carquois. Il retient une multitude d’hommes, par des chaĂźnes d'or fixĂ©es Ă  sa langue qui aboutissent aux oreilles de ceux qui le suivent volontiers : force magique et logos initiatique.

Interprétation

Une partie de l'interprétation est donnée par un contemporain. Le satiriste Lucien de Samosate nous raconte qu'un « Celte » (probablement instruit) passant par là, et voyant son étonnement, lui donne une explication. Le dieu a des chaßnes d'or partant de sa langue car il enchaßne ceux qui l'écoutent par son éloquence. Il est représenté en HeraklÚs à cause de sa puissance. Cette description, selon Georges Dumézil, le rend comparable à Varuna, dieu lieur par excellence de l'inde védique, et interdit la réduction de son personnage à la seule fonction guerriÚre. La partie la plus archaïque de son personnage se traduit par son aspect nocturne. La couleur de peau sombre révÚle un rapport avec le ciel nocturne[5].

(Ce texte classique explique que l'Ogmios des graveurs de la Renaissance est vĂȘtu d’une peau de lion et armĂ© d’un arc et d’un carquois ainsi que d’une massue, comme HĂ©raklĂšs.)

Ogme dans la mythologie celtique irlandaise

Ogme, figure sculptée en bronze de Lee Lawrie, Détail de la porte, entrée est, BibliothÚque du CongrÚs, Washington, 1939

Ogme, dieu guerrier

Dans la hiĂ©rarchie du panthĂ©on irlandais, Ogme se place en troisiĂšme position derriĂšre Lug, le dieu polytechnicien, et le Dagda, le dieu diurne, dont il est le frĂšre et le complĂ©ment. Il est au mĂȘme rang que Nuada et fait donc partie des Tuatha DĂ© Danann (les Gens de la dĂ©esse Dana) et relĂšve de la deuxiĂšme classe guerriĂšre dont la fonction est de diriger les hĂ©ros et les guerriers.

Ogme, dieu lieur et magicien

Mais Ogme a conservé des attributs d'un ancien dieu du Ciel-nocturne. En tant que dieu de la magie, on peut supposer qu'il a le pouvoir de paralyser ses ennemis par la puissance de sa parole.

Ce frĂšre du Dagda assume le rĂŽle du Ciel-nocturne. Il est le « pĂšre » de l'Ă©criture oghamique, tout comme Odin qui a enfantĂ© les runes[6] Inventeur mythique de l’écriture, on lui attribue la crĂ©ation de l'Ogham qui constituent un signaire, alphabet celtique[7], Ă©criture initialement magique Ă©voluĂ©e en systĂšme d'analyse linguistique[8].

Par consĂ©quent, l'Ă©loquence et la poĂ©sie secrĂšte entrent Ă©galement dans ses attributions. Suivant Lucien de Samosate, on l'a reprĂ©sentĂ© comme un vieillard dont la langue est reliĂ©e aux oreilles de ses dĂ©vots par des "chaĂźnettes d'ambre"[9]. Ce lien entre la langue et les oreilles illustre l'importance de l'Ă©loquence dans la civilisation gauloise notamment incarnĂ©e par les bardes[10]. Albrecht DĂŒrer a fait un dessin au XVIe siĂšcle se basant sur cette description.

Avatars d'Ogme

On peut le rencontrer sous l’un de ses trois avatars :

  • Elcmar « envieux, jaloux », dieu nocturne et Ă©poux Ă©vincĂ© des riviĂšres[8], un aspect cosmologique de l'ancien souverain nocturne indo-europĂ©en, opposĂ© Ă  Aed Dagda le dieu-bon et feu divin ;
  • Labraid « le parleur », gardien de secrets dans l'Autre Monde, il est bĂšgue ;
  • Celtchar « le rusĂ© », « le perfide », qui a des affinitĂ©s avec le dieu[8].

L'Ogmios gallo-romain

En période gallo-romaine on trouve le nom d'Ogmios associé à des noms de dieux romains. Le premier est Hercule (voir plus haut) qui est bien un ancien dieu romain connu pour sa force physique. Le second est Mercure ou HermÚs (aussi dieu de l'éloquence). Une tablette de défixion mentionnant Ogmios a été retrouvée à Brégence en Autriche.

Équivalences

Georges Dumézil reconnaßt dans Ogmios l'équivalent celtique des dieux-lieurs que sont le dieu scandinave Odin ou le dieu indien Varuna. Mais Ogmios ne lie pas ses dévots : il les relie par un fin lien d'ambre. L'Ogmios des sorciers gallo-romains ne correspond plus au type ancien.

Ogmios dans la culture populaire

Télévision

  • Dans la sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e Kaamelott, Anton (Guy Bedos), pĂšre adoptif d'Arthur (Alexandre Astier), confectionna un mĂ©daillon reprĂ©sentant Ogma, parce qu'Arthur Ă©tait trĂšs bavard Ă©tant petit. Il le porte pendant l'intĂ©gralitĂ© des saisons.

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références

  1. « Ogma », sur mythologica.fr (consulté le ).
  2. Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Ă©d. Errance, Paris, 2003, p. 238 (ISBN 2-87772-237-6).
  3. Philippe Jouët, Dictionnaire de la mythologie et de la religion celtiques, Fouesnant, Yoran, , 1042 p., s.vv. Ogmios, Ogme, Panthéon, Dieux, Efeydd, Elcmar
  4. Lucien de Samosate, « Préface ou Hercule » (traduction anglaise).
  5. https://www.jstor.org.proxy.library.ucsb.edu:2048/stable/pdfplus/2847977.pdf
  6. Jouët 2007, p. 32-33.
  7. George Calder, Auraicept na n-Ă©ces, The Scholars Primer, being the texts of the ogham tract from the Book of Ballymote and the Yellow Book of Lecan, and the text of the Trefhocul from the Book of Leinster..., John Grant, Édimbourg, 1917
  8. « Ogmios, irl.Ogme »
  9. de Samosate 2015, p. 56.
  10. Hector du Lac de la Tour d'Aurec, Précis historique et statistique du département de la Loire : Forest, Le Puy, Imprimerie de la Combe, (lire en ligne)

Bibliographie

  • Philippe JouĂ«t, L’Aurore celtique dans la mythologie, l'Ă©popĂ©e et les traditions, Fouesnant, Yoran Embanner, , 479 p. (ISBN 978-2-914855-33-4), p. 32-33. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Émile Chambry, Émeline Marquis, Alain Billault et Dominique Goust (trad. Émile Chambry), Lucien de Samosate : ƒuvres complĂštes, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1248 p. (ISBN 978-2-221-10902-1). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article


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