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Obus flèche

Un obus flèche (OFL, en anglais Armor-Piercing Fin-Stabilized Discarding Sabot, APFSDS) est un type de munition anti-char sous-calibrée hypervéloce.

Un obus-flèche OFL 105 F1 français de 105 mm enveloppĂ© dans son sabot.
Obus-flèche au moment de la séparation de son sabot de lancement.

Principes de base

Lancé à très haute vitesse, un barreau métallique est capable de percer un épais blindage par sa seule énergie cinétique, un faible diamètre et une forte densité accroissent la quantité d'énergie par unité de surface.

Tir

La flèche, largement sous-calibrée, est maintenue par un sabot de lancement engagé dans la douille, au départ du coup, ce sabot communique la poussée des gaz à la flèche mais grâce à une ceinture dérapante, ne lui transmet qu'une faible partie de la rotation engendrée par les rayures du canon.

En vol

À la sortie du canon, la ceinture dérapante se disloque, la pression des gaz ouvre l'arrière du sabot, la bague de maintien frontale se brise, la pression de l'air sur la face avant écarte les pétales du sabot et la flèche est libérée.

Impact et pénétration

Après l'impact s'ensuit une phase de formage durant laquelle le barreau pénètre dans le blindage en se consumant ; les matériaux qui le composent sont alors refoulés autour du barreau (champignonnage) dont l'extrémité ressemble désormais à un champignon. S'il ne s'est pas consommé entièrement dans un blindage trop épais ou disloqué par un blindage réactif ou composite, ce qui reste du barreau va exercer une pression d'interface provoquant l'éclatement du blindage résiduel formant la paroi du compartiment de combat.

Histoire

Années 50

Un obus-flèche 3BM15 de 125 mm similaire Ă  ceux de 100 mm et 115 mm dĂ©veloppĂ©s en URSS Ă  la fin des annĂ©es 50. L'empennage a le mĂŞme diamètre que le sabot et participe donc au guidage du projectile dans le tube du canon.

Le dĂ©veloppement des premiers obus flèche commença au dĂ©but des annĂ©es 50 en Union SoviĂ©tique et aux États-Unis. Les amĂ©ricains dĂ©veloppèrent deux obus flèches expĂ©rimentaux de 90 mm, la flèche T82E23 pour le canon rayĂ© M3A1 du M48 Patton et la munition T320 pour le canon lisse T208 du prototype de char moyen T95. Si ces deux munitions flèches affichaient dĂ©jĂ  des vitesses initiales non-nĂ©gligeables (1341 m/s et 1570 m/s respectivement), elles avaient l'inconvĂ©nient de possĂ©der un faible allongement dĂ» aux connaissances limitĂ©es de l'Ă©poque sur la mĂ©tallurgie du tungstène[1].

Années 60

En 1960, la munition flèche 3BM1 entra en dotation pour Ă©quiper le canon antichar Ă  âme lisse T-12 de 100 mm alors en service dans l'armĂ©e soviĂ©tique. La flèche 3BM1 Ă©tait faite intĂ©gralement en acier Ă  outil Ă  l'exception d'un petit noyau en carbure de tungstène logĂ© sous la coiffe balistique[2]. Ce modèle de flèche, Ă  la fois simple et Ă©conomique, fut dĂ©clinĂ© dans d'autres calibres (115 mm et 125 mm) au cours des annĂ©es 60 et 70 pour armer les chars de combat soviĂ©tiques.

Coupe transversale de l'obus-flèche amĂ©ricain XM578 de 152 mm.

De leur cĂ´tĂ©, les amĂ©ricains mirent au point au dĂ©but des annĂ©es 60 un prototype d'obus flèche de 120 mm Ă  empennage en forme d'aile delta pour leur canon Ă  âme lisse Delta montĂ© sur le prototype de char moyen T95E8[3]. Le dĂ©veloppement de ce canon lisse de 120 mm ne connut pas de suite mais les travaux furent repris plus tard par Rheinmetall.
De mars 1964[4] Ă  1972, l'US Army a menĂ© avec l'arsenal de Picatinny[5] un programme de recherche visant Ă  dĂ©velopper l'obus-flèche XM578 devant ĂŞtre tirĂ© par le canon de 152 mm XM152E5 du char de combat MBT-70 dĂ©veloppĂ© conjointement avec l'Allemagne de l'Ouest. Le XM578 Ă©tait le premier obus flèche Ă  possĂ©der un pĂ©nĂ©trateur fait d'alliage de tungstène, plus dense et moins fragile que le carbure de tungstène utilisĂ© prĂ©cĂ©demment[6]. Afin de limiter la force de rotation imprimĂ©e au projectile par les rayures du canon, le sabot du XM578 Ă©tait Ă©quipĂ© d'une ceinture dĂ©rapante en plastique.

Années 70

En dĂ©cembre 1971, le dĂ©veloppement du XM803, alternative moins coĂ»teuse au MBT-70 fut annulĂ©. NĂ©anmoins, en 1973 la flèche de la munition XM578 fut resabotĂ©e en vue d'ĂŞtre intĂ©grĂ© dans une cartouche de 105 mm au standard OTAN afin de pouvoir ĂŞtre tirĂ©e par le canon M68 devant armer le futur char de combat amĂ©ricain XM815 alors en dĂ©veloppement. AppelĂ© XM735, cet obus-flèche incorporait un sabot de conception avant-gardiste en aluminium possĂ©dant deux points de contact pour assurer le guidage de la flèche dans le tube canon[7], cette dernière Ă©tant ainsi tractĂ©e-poussĂ©e et non simplement poussĂ©e, cela permettant d'Ă©viter le ballotement du projectile dans le canon lors du tir. La dernière version du prototype appelĂ©e XM735E2 fut standarisĂ©e en 1978 sous l'appellation de M735 et devint le premier obus-flèche du bloc de l'Ouest a ĂŞtre produit en grande sĂ©rie, par la firme Teledyne Firth Sterling.

L'OFL 105 F1, première munition flèche française

En France, ce n’est qu’à partir de 1970 que le dĂ©veloppement sera mis sur le projectile flèche au titre d’une Ă©tude gĂ©nĂ©rale initiĂ©e par la Direction Technique de l'Armement Terrestre (DTAT) et dont l’Établissement de Fabrication et d'Armement de Bourges (EFAB) est chargĂ©[8]. Dès 1972, la DTAT prĂ©senta un prototype d'obus-flèche devant le DGA d’abord puis devant le ministre Michel DebrĂ© et le CEMAT. La prĂ©cision laisse encore Ă  dĂ©sirer, le passage de la flèche poussĂ©e Ă  la flèche tractĂ©e-poussĂ©e permettra d’atteindre un Ă©cart-type de 0,2/1 000 m tant en hauteur qu’en direction et donc de garantir une très bonne probabilitĂ© d’atteinte dès le premier coup jusqu’à 2 000 m au moins. La mise au point du premier obus flèche français par les Ă©quipes de l’EFAB vaudra Ă  l’ingĂ©nieur en chef Moreau et Ă  l’ingĂ©nieur principal Sauvestre le prix Chanson en 1979. La première application portera sur la revalorisation de l’armement de l’AMX-30B2 qui recevra en dotation la munition flèche OFL 105 F1 Ă  partir de 1981 avec un prix unitaire de l'ordre de 8 000 F français soit 3 125 â‚¬ /pièce en 2021[9]. Afin d'augmenter Ă©galement sa lĂ©talitĂ© contre les blindĂ©s lĂ©gers, la coiffe balistique de l'OFL 105 F1 renferme une centaine de billes mĂ©talliques de 0,3 mm maintenues dans de la paraffine solide.

De leur cĂ´tĂ©, les Britanniques restèrent convaincus de la supĂ©rioritĂ© de l'obus sous-calibrĂ© perforant (APDS) sur l'obus flèche jusqu'en 1973[10], la RARDE de Fort Halstead se basait sur la supposition que l'obus flèche Ă©tait moins prĂ©cis et perdait plus rapidement sa vĂ©locitĂ© (et donc sa capacitĂ© de pĂ©nĂ©tration) avec la distance. Cependant, en 1975, des essais tripartites furent menĂ©s en Grande-Bretagne par le Royaume-Uni, l'Allemagne de l'Ouest et les États-Unis. Les essais balistiques dĂ©montrèrent qu'en dĂ©pit de sa vitesse initiale Ă©levĂ©e de 1578 m/s, l'obus perforant sous-calibrĂ© britannique tirĂ© par le canon expĂ©rimental EXP-14 de 110 mm n'avait pas la capacitĂ© de perforation d'un obus flèche XM735 de 105 mm[11]. Un obus flèche de 110 mm fut donc dĂ©veloppĂ© en urgence la mĂŞme annĂ©e afin de prouver le potentiel de dĂ©veloppement du canon de 110 mm mais les Britanniques furent Ă©cartĂ©s de la compĂ©tition Ă  la suite de la dĂ©cision des AmĂ©ricains de vouloir un canon d'un calibre de 120 mm pour armer le futur char de combat XM-1.

Les Israéliens quant à eux, introduisent en 1978 le M111 Hetz-6 (flèche 6) en parallèle de l'entrée en service de leur premier char de combat, le Merkava Mk. 1. Le M111 innove par son barreau entièrement fait en alliage de tungstène (conception dite monobloc). Il possède également sous sa coiffe balistique une série de trois tampons cylindriques superposés en tungstène qui réduisent la probabilité de ricochet sur un blindage fortement incliné. En 1982, l'URSS mit la main sur une poignée d'obus-flèche M111, testée à Koubinka, la flèche israélienne se révéla capable de percer le glacis de leur nouveau T-72A à distance de combat[12].

Années 80

En 1981, l'obus flèche amĂ©ricain M774 est le premier obus flèche en uranium appauvri Ă  ĂŞtre produit en grande sĂ©rie. FabriquĂ© par Nuclear Metals, Inc. (Primex Technologies), il contient un barreau de conception monobloc fait en alliage d'uranium appauvri staballoy d'une masse de 3,4 kg (la flèche, sans son sabot, pèse 3,61 kg).

Le 3BM26 Nadezhda est le premier obus flèche soviétique à posséder un sabot de conception nouvelle et fait d'alliage d'aluminium.

Afin d'outrepasser les blindages composites employĂ©s sur les nouveaux chars de combat LĂ©opard 2, Abrams et Challenger de l'OTAN, les SoviĂ©tiques menèrent un projet de recherche et de dĂ©veloppement de 1977 Ă  1985 visant Ă  concevoir un obus flèche de nouvelle gĂ©nĂ©ration. Le fruit de cette recherche fut la munition 3BM32 Vant (hauban) de 125 mm conçue en matĂ©riau B, un alliage d'uranium appauvri, de zinc et de nickel. Le Vant possĂ©dait un barreau de conception entièrement monobloc et reprenait le sabot allĂ©gĂ© en alliage d'aluminium V-96Ts1 et sa ceinture d'Ă©tanchĂ©itĂ© en plastique utilisĂ© prĂ©cĂ©demment par la munition flèche du mĂŞme calibre 3BM26 Nadezhda (espoir) entrĂ© en service deux annĂ©es auparavant[13].

Années 90

Le charge propulsive du M829A2 contient 800 g de JA-2 en plus que le M829A1 grâce Ă  l'optimisation de l'agencement des granules de poudre Ă  l'intĂ©rieur de la cartouche.

Adopté en 1994 par l'US Army, le M829A2 est le premier obus flèche à posséder un sabot dont les pétales sont faites en carbone-époxy, cette solution composite permet un gain de poids de l'ordre de 35 % par rapport à un sabot en aluminium[14]. La masse de la charge propulsive a également pu être revue à la hausse en ne disposant plus les granules de poudre JA-2 à double base en vrac mais en les empilant à la manière de bâtonnets[15].

En 1990, Royal Ordnance travaillait sur un nouveau modèle d'obus-flèche pour le canon de 120 mm L30 devant armer le futur char de combat britannique Challenger 2. BaptisĂ© CHARM 3, cette munition flèche avait la particularitĂ© de ne pas ĂŞtre perturbĂ©e par l'explosion d'un blindage rĂ©actif explosif[16], elle sera mise en service en 1999 sous l'appellation L27.

Autres développements

L'équivalent des obus flèche pour les fusils sont les fléchettes. Un fusil les utilisant, le Special Purpose Individual Weapon, a été un moment développé pour l'armée américaine, mais le projet fut abandonné.

Galerie photo

  • ÉcorchĂ© d'un obus-flèche 3BM15 de 125 mm. EntrĂ© en dotation en 1972, il est intĂ©gralement en acier maraging Ă  l'exception de son noyau en carbure de tungstène.
    ÉcorchĂ© d'un obus-flèche 3BM15 de 125 mm. EntrĂ© en dotation en 1972, il est intĂ©gralement en acier maraging Ă  l'exception de son noyau en carbure de tungstène.
  • Un militaire amĂ©ricain manipulant un obus-flèche en uranium appauvri M833 de 105 mm durant l'opĂ©ration Bouclier du dĂ©sert. La pointe du M833 est recouverte d'un embout protecteur en polystyrène.
    Un militaire amĂ©ricain manipulant un obus-flèche en uranium appauvri M833 de 105 mm durant l'opĂ©ration Bouclier du dĂ©sert. La pointe du M833 est recouverte d'un embout protecteur en polystyrène.
  • Un obus-flèche indien 125 mm FSAPDS Mk. I de 125 mm.
    Un obus-flèche indien 125 mm FSAPDS Mk. I de 125 mm.
  • Une tankiste suĂ©doise du rĂ©giment de blindĂ©s de Skaraborg transportant une munition flèche d'exercice Slövnprj01 lors de la compĂ©tition Strong Europe Tank Challenge, en 2018.
    Une tankiste suédoise du régiment de blindés de Skaraborg transportant une munition flèche d'exercice Slövnprj01 lors de la compétition Strong Europe Tank Challenge, en 2018.
  • Un ouvrier iranien assemblant le sabot d'un obus-flèche de 125 mm.
    Un ouvrier iranien assemblant le sabot d'un obus-flèche de 125 mm.
  • Les derniers modèles d'obus-flèche russes de 125 mm prĂ©sentĂ©s Ă  Patriot park lors de l'Ă©vènement Army-2020. De Gauche Ă  droite : 3BM42-2, 3BM42 Mango et 3BM60 Svinets-2.
    Les derniers modèles d'obus-flèche russes de 125 mm prĂ©sentĂ©s Ă  Patriot park lors de l'Ă©vènement Army-2020. De Gauche Ă  droite : 3BM42-2, 3BM42 Mango et 3BM60 Svinets-2.
  • L'obus-flèche japonais JM33 de 120 mm est une version produite sous licence de l'obus-flèche allemand DM33 du mĂŞme calibre.
    L'obus-flèche japonais JM33 de 120 mm est une version produite sous licence de l'obus-flèche allemand DM33 du mĂŞme calibre.

Références

  1. (en) Richard M. Ogorkiewicz, Technology of Tanks, Volume 1, Londres, Jane's Information Group, , 424 p. (ISBN 9780710605955), p. 79
  2. (en) Iron Drapes, « Soviet Towed Anti-Tank Guns », sur thesovietarmourblog.blogspot.com, (consulté le )
  3. (en) R. P. Hunnicutt, Abrams: A History of the American Main Battle Tank, Vol. 2, Presidio Press, , 320 p. (ISBN 9780891413882), p. 102
  4. (en) James C. Pearson, « Investigation of wave propagation and large deformations in ordnance problems with an accurate lagrangian elastic - plastic code », Proceedings of the Army symposium on solid mechanics 1972 The role of mechanics in design ballistic problems, Picatinny Arsenal, Dover, New Jersey,‎ , p. 167 (lire en ligne Accès libre)
  5. (en) « Tank Munitions Development », sur www.pica.army.mil (consulté le )
  6. (en) « XM578 152mm, APFSDS », sur globalsecurity.org (consulté le )
  7. Chassillan, Marc, « Les projectiles flèches : historique et technologies », RAIDS Les Chars De Combat En Action 3ème partie, Hors-Série, no 8,‎ , p. 82
  8. Michel Marest et Michel Tauzin, COMHART L'armement de gros calibre, Centre des hautes études de l’armement Division Histoire, , 241 p. (lire en ligne), p. 142
  9. « L'armée de terre française adopte la munition antichar à obus flèche », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  10. (en) Robert Bud et Philip Gummett Philip Gummett, Cold War, Hot Science: Applied Research in Britain's Defence Laboratories 1945-1990, Londres, Harwood Academic Publishers, , 444 p. (ISBN 978-9057024818), p. 125
  11. (en) Richard M. Ogorkiewicz, Technology of Tanks, Volume 1, Londres, Jane's Information Group, , 424 p. (ISBN 9780710605955), p. 52
  12. (en) Jim Warford, « The Secret Testing of Israeli M111 “Hetz” Ammunition: A Model of Failed Commander’s Responsibility. », ARMOR,‎ , p. 23, 24, 25 (lire en ligne)
  13. (en) Iron Drapes, « T-72: Part 1 », sur thesovietarmourblog.blogspot.com, (consulté le )
  14. (en) « Composites for large caliber sabots », The AMPTIAC Quarterly Army Materials Research, vol. 8, no 4,‎ , p. 75 (lire en ligne)
  15. (en) John Pike, « M829 120mm, APFSDS-T », sur fas.org, (consulté le )
  16. (en) « UK 120mm smoothbore ammunition competition », International Defense Review, vol. 23,‎ , p. 936

Bibliographie

  • (en) Cai W. D., Li Y., Dowding R. J., Mohamed F. A., Lavernia E. J., « A review of tungsten-based alloys as kinetic energy penetrator materials », Rev. Particulate Mater., vol. 3,‎ , p. 71–131

Articles connexes

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