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Nostra Ætate

Nostra Ætate est la dĂ©claration du concile Vatican II sur les relations de l'Église catholique avec les religions non chrĂ©tiennes (judaĂŻsme, islam, bouddhisme, hindouisme et autres religions). Lors de la troisième session du concile, elle est d’abord approuvĂ©e par 2 221 voix contre 88. Puis, malgrĂ© une minoritĂ© significative de 12% qui continue Ă  exprimer des dĂ©saccords, elle est immĂ©diatement promulguĂ©e, le , par le pape Paul VI. « Nostra Ætate » sont les premiers mots du texte latin ; ils signifient « Ă€ notre Ă©poque ».

Synagoga and Ecclesia in Our Time (2015), sculpture de Joshua Koffman commandée par l'université Saint-Joseph de Philadelphie pour célébrer le cinquantenaire de Nostra Ætate. Contrairement aux représentations traditionnelles d’Ecclesia et Synagoga, où la Synagogue apparaît déchue, les yeux aveuglés par un bandeau, l'œuvre montre ici le judaïsme et le christianisme sous l'apparence de deux reines couronnées, d'une égale majesté.

Nostra Ætate est le plus court des documents de Vatican II : il en est peut-être également le plus révolutionnaire par rapport à la doctrine jusqu'alors en vigueur dans l'Église catholique. Fondateur du dialogue interreligieux catholique contemporain, il renouvelle les relations que l'Église établit avec les autres religions non chrétiennes.

Contexte

Jusqu'à Vatican II, la doctrine de l'Église catholique sur la liberté religieuse était celle du Syllabus de Pie IX de 1864, qui condamnait « les principales erreurs de notre temps » telles que l'idée qu'« il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la religion qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de la raison » et reprochait au libéralisme moderne que « dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s'y rendent y jouissent de l'exercice public de leurs cultes particuliers ».

Nostra Ætate s'éloigne des principes du Syllabus jusqu'à dire le contraire des propositions citées ci-dessus[1] - [2] - [3].

Contenu

Préambule

Anticipant l'esprit de globalisation du XXIe siècle la déclaration s'ouvre d'emblée sur :

« À notre époque où le genre humain devient de jour en jour plus étroitement uni… »

et rappelle l'origine commune de tous les hommes (Ac. 17:26) :

« Tous les peuples forment, en effet, une seule communauté ; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter toute la race humaine sur la face de la terre ».

Les pères du concile reconnaissent que toutes les religions tentent de répondre aux questions fondamentales que se posent hommes et femmes sur la vie, le bien, le mal et la souffrance, le péché, le vrai bonheur, jugement et rétribution après la mort, etc.

Hindouisme et bouddhisme

L'Église catholique ne rejette pas ces religions, elle les respecte, même si la communauté chrétienne demeure tenue d'annoncer le Christ qui est « la voie, la vérité et la vie » ; c’est bien en lui que Dieu s’est réconcilié toutes choses, en lui que tous « doivent trouver la plénitude de la vie religieuse[4]. »

Le document reconnaît la sagesse des religions orientales, surtout pour leur soif inépuisable de la sagesse mystérieuse et divine :

« Ainsi, dans l'hindouisme, les hommes scrutent le mystère divin et l'expriment par la fécondité inépuisable des mythes et par les efforts pénétrants de la philosophie ; ils cherchent la libération des angoisses de notre condition, soit par les formes de la vie ascétique, soit par la méditation profonde, soit par le refuge en Dieu avec amour et confiance. »

Nostra Ætate rappelle que les Églises chrétiennes partagent un point de vue semblable avec les bouddhistes quant à l'insuffisance du monde et le besoin de mystique, de dévotion et de libération.

« Dans le bouddhisme, selon ses formes variées, l'insuffisance radicale de notre monde changeant est reconnue et on enseigne une voie par laquelle les hommes, avec un cœur dévot et confiant, pourront soit acquérir l'état de libération parfaite, soit atteindre l'illumination suprême par leurs propres efforts ou par un secours venu d'en haut. »

Dans ce texte, l'Église reconnaît le besoin de faire progresser ces valeurs spirituelles communes.

Islam

L'Église catholique déclare qu'elle estime les musulmans « qui adorent le Dieu unique, qui a parlé aux hommes. ». Nostra Ætate indique que la foi islamique se réfère à Abraham, mais ce texte conciliaire ne mentionne jamais le nom de Mohammed et encore moins sa qualité de prophète[5].

« L’Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. »
« Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes après les avoir ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne. »

La déclaration poursuit en exhortant à oublier les difficultés du passé et à promouvoir les valeurs communes de justice sociale, de paix et de liberté.

« Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. »

JudaĂŻsme

Par la déclaration Nostra Ætate, Vatican II est le premier concile œcuménique à proposer un commentaire théologique sur les relations entre Israël et l'Église[6].

Dans le passage consacré au judaïsme, l'Église reconnaît que les prémices de son salut se trouvent dans les patriarches, Moïse et les prophètes.

« L'Église croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même des deux a fait un seul » (Eph 2, 14-16).

Elle cite l'apôtre Paul qui rappelle que le peuple juif est toujours très cher à Dieu (Romains, 9, 4-5).

Même si, durant la Passion du Christ, des autorités juives et leurs partisans ont poussé à la mort du Christ, cela ne peut être imputé aux Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps, poursuit la déclaration. Les Juifs ne doivent pas être représentés comme maudits. Après bien des tergiversations, le terme « déicide» a disparu. Le patrimoine spirituel entre juifs et chrétiens étant si grand, le Concile encourage la reconnaissance et l'estime mutuelle entre juifs et chrétiens.

« Du fait d’un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le saint Concile veut encourager et recommander la connaissance et l’estime mutuelles, qui naîtront surtout d’études bibliques et théologiques, ainsi que d’un dialogue fraternel. Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ, ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tout le peuple juif de ce temps-là, ni aux Juifs de notre temps. S’il est vrai que l’Église est le nouveau Peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la Parole de Dieu, de n’enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l’Évangile et à l’esprit du Christ. »

Par ce document, l'Église qui « réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes », déplore les haines, persécutions et manifestations d'antisémitisme qui ont été dirigées contre les Juifs. On peut y lire une allusion à la Shoah et aux nombreux pogroms et persécutions qui ont marqué l'histoire du peuple juif.

« En outre, l’Église, qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu’ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu’elle a en commun avec les Juifs, et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et les manifestations d’antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs. »

Conclusion

Nostra Ætate se conclut par un appel à la fraternité universelle. L’Écriture dit : « Qui n’aime pas ne connaît pas Dieu » (1 Jn 4, 8). Par là est sapé le fondement de toute théorie ou de toute pratique qui introduit une discrimination entre les hommes ; il n'y existe plus aucune raison pour créer des discriminations en ce qui concerne la dignité humaine et les droits qui en découlent, c'est-à-dire, comme cela est précisé, en fonction de leur race, de leur couleur, de leur condition ou de leur religion. Les catholiques sont ainsi invités à « une belle conduite (en latin conversatio) au milieu des nations[7]. ».

Pierre et Paul, apôtres, ont eux-mêmes consigné d'« avoir au milieu des nations une belle conduite ». Les hommes étant créés à l'image de Dieu, il est donc impossible d'invoquer Dieu sans se conduire fraternellement.

RĂ©ception

En 2015, les chefs religieux se sont rencontrés pour célébrer le cinquantième anniversaire de sa promulgation.

Notes et références

  1. Yves Chiron, Histoire des conciles, Paris, Perrin, 2011, page 263.
  2. « 28 octobre 1965 - Déclaration Nostra Ætate sur l’Église et les religions non chrétiennes », Amitié judéo-chrétienne de France,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Raphy Marciano, « « NOSTRA AETATE » : 50 ans après », AJCF,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Jacques Scheuer 2013, p. 250.
  5. Jacques Scheuer 2013, p. 251.
  6. Michel Remaud, L'Église au pied du mur, Bayard, 2007, p. 47
  7. Jacques Scheuer 2013, p. 253.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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