Neuroéducation
La neuroéducation est un champ de recherches interdisciplinaire qui combine les neurosciences, la psychologie et l'éducation en vue de créer de meilleure maniÚres d'enseigner et de meilleurs programmes scolaires.
La recherche en neuroéducation utilise les découvertes sur la mémoire, l'apprentissage, le langage et d'autres sujets liés aux neurosciences cognitives pour informer les éducateurs sur les meilleures stratégies pour enseigner et apprendre.
GrĂące aux progrĂšs techniques et technologiques et notamment grĂące Ă l'imagerie cĂ©rĂ©brale comme par exemple l'IRM, les neurosciences ont pu avoir une place considĂ©rable dans l'avancĂ©e scientifique. Cette discipline aura Ă©galement permis de mieux comprendre certains mĂ©canismes d'apprentissage ou mĂȘme le fonctionnement de la mĂ©moire comme les espaces de stockage de l'information avec la mĂ©moire Ă long terme ou Ă court terme[1]. Lâobjectif de la recherche en neurosciences de lâĂ©ducation est de comprendre ce quâil se passe dans le cerveau de lâapprenant (interactions au niveau cĂ©rĂ©bral) pour adapter les mĂ©thodes pĂ©dagogiques et ainsi amĂ©liorer lâapprentissage. Autrement dit, le but de cette discipline est de confronter les mĂ©canismes du fonctionnement cĂ©rĂ©brale aux mĂ©thodologies dâenseignement afin de choisir celles qui sont les plus performantes grĂące Ă lâactivation des circuits cĂ©rĂ©braux nĂ©cessaires[2].
DĂ©finition
Le cerveau humain, cet organe encore plus complexe que l'univers lui-mĂȘme, dispose de plus de 100 milliards de cellules nerveuses (les neurones), comprenant elles-mĂȘmes plus de 10 000 contacts. La neuroscience a Ă©mergĂ© de par les progrĂšs de la gĂ©nĂ©tique, de la biologie molĂ©culaire et des techniques d'exploration du cerveau.
Elle peut donc se définir comme la maniÚre dont les Hommes s'adaptent, de la meilleure façon qui soit, aux méthodes dites pédagogiques selon un certain critÚre : l'activité naturelle de nos fonctions cérébrales. Cependant les méthodes physiques ou chimiques, aussi appelées neurostimulation, n'impactent pas l'amélioration de ces performances dites cognitives[3].
Quatre concepts clé[4]
La neuroĂ©ducation est Ă©clairĂ©e actuellement par quatre concepts fondamentaux Ă©tablissant des passerelles entre lâĂ©ducation et le cerveau.
- 1. La neuroplasticité cérébrale : décrit la capacité du cerveau à remodeler ses connexions en fonction de l'environnement et des expériences vécues par l'individu.
- 2. Le recyclage neuronal : évoque le processus par lequel une région cérébrale est modifiée pour acquérir de nouvelles compétences.
- 3. Lâinhibition : dĂ©signe la capacitĂ© du cerveau Ă contrĂŽler des intuitions, des stratĂ©gies ou des habitudes spontanĂ©es.
- 4. L'attention : modélise la prise en compte par l'esprit, sous une forme claire et précise, d'un seul objet ou d'une seule suite d'idées parmi plusieurs possibles.
Historique
D'aprÚs certaines recherches, les trois facteurs permettant le principe de l'apprentissage seraient : la plasticité cérébrale, le connectome et les neurones miroirs.
La plasticitĂ© cĂ©rĂ©brale remodĂšle, mĂȘme trĂšs tardivement, tous les rĂ©seaux de cellules liĂ©es Ă l'activitĂ© qu'un individu a pu avoir. Bien entendu et comme nous le savons, le cerveau est en Ă©volution constante et en perpĂ©tuel changement puisqu'il produit ou supprime sans arrĂȘt de nouvelles connexions, ce qui lui permet d'apprendre et de retenir.
Le connectome, correspond aux rĂ©seaux de neurones qui vĂ©rifient nos pensĂ©es et nos actions et dont le fonctionnement est extrĂȘmement complexe.
Les neurones miroirs, sont des cellules rĂ©parties dans l'ensemble du cerveau et qui fonctionnent durant plusieurs actions de l'ĂȘtre humain, comme la pensĂ©e, l'imagination ou l'observation de celui-ci. Ces mĂȘmes cellules jouent donc un rĂŽle majeur dans l'apprentissage par imitation notamment dans le procĂ©dĂ© affectif comme par exemple dans l'antipathie ou l'empathie.
La neuroéducation se base sur de nombreux apprentissages comme : la lecture, l'écriture, l'apprentissage d'une ou plusieurs langues, les mathématiques, la musique, la conception, l'organisation d'une salle de cours et bien d'autres encore. Mais cette discipline n'a pas servi seulement à comprendre la meilleure maniÚre d'aborder les processus pédagogiques, mais aussi les troubles de l'apprentissage comme les maladies appelées DYS (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, etc.)[5].
Ătymologie
Le mot "neuroĂ©ducation" se compose de deux souches. La premiĂšre, "neuro" renvoie au Grec ancien ÎœÎ”áżŠÏÎżÎœ, neĂ»ron (« nerf »)[6]. La seconde, "Ă©ducation" se rapporte au Latin educatio (« Ă©levage, Ă©ducation »)[7].
Ăthique
La neuroscience et lâimagerie cĂ©rĂ©brale sont des disciplines scientifiques qui apportent des rĂ©ponses en favorisant le progrĂšs dans de nombreux domaines. Le label âneuroâ exprime les nouveautĂ©s dans les champs dâexploration de la psychologie expĂ©rimentale contemporaine. Bien Ă©videmment, certains questionnements et problĂšmes d'ordre Ă©thique apparaissent concernant le domaine de l'Ă©ducation. Cependant, il est difficile de rejeter que ces nouvelles recherches pĂ©dagogiques, grĂące Ă l'utilisation de ressources tel que lâimagerie cĂ©rĂ©brale, illustrent des processus neurocognitifs Ă©lĂ©mentaires dâapprentissage dont dĂ©pendent les sciences de l'Ă©ducation[8].
Limites
Souvent, la neuroĂ©ducation peut se retrouver face Ă la critique, car il peut arriver qu'elle ne tienne pas ou trĂšs peu compte des contextes d'apprentissages et d'enseignement. Les neurosciences ont initialement construit leur Ă©pistĂ©mologie sur lâindividu et non sur lâenvironnement alors que les sciences de lâĂ©ducation, Ă lâinverse, privilĂ©gient la pluralitĂ© de lâĂ©tude des facteurs dâinfluence de la situation pĂ©dagogique (Arbois-Calas, 2018).
Il existe un certain nombre de blocages ou situations que l'on peut catĂ©goriser comme Ă©tant problĂ©matiques et que peuvent ressentir les Ă©lĂšves dans des cas de figure d'entraĂźnement, d'Ă©valuation ou d'apprentissage de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, tout simplement. Certaines situations peuvent avoir un rĂ©el impact que malheureusement, la neuroĂ©ducation n'est pas capable de modifier. Voici quelques cas de figure : connaĂźtre une leçon, mais ne pas comprendre la consigne le jour de l'Ă©valuation. ConnaĂźtre son cours, mais ne pas rĂ©ussir Ă faire un exercice, ou mĂȘme se retrouver dans l'incapacitĂ© Ă se concentrer. Finalement, ce sont des problĂšmes frĂ©quents qui peuvent apparaĂźtre lorsqu'un Ă©lĂšve ne connaĂźt pas lui-mĂȘme ses variabilitĂ©s attentionnelles[9].
IntĂ©rĂȘts
Pour les enseignants
Les recherches en neuroĂ©ducation sont gĂ©nĂ©ralement prises en compte pour lâenseignement spĂ©cialisĂ©, car il est souvent plus difficile de trouver des travaux en lien avec les enseignements dits âordinairesâ[10]. Ces recherches peuvent contribuer Ă nourrir les pratiques des enseignants qui appliqueraient alors des mĂ©thodes fondĂ©es sur des faits scientifiques[11] comme câest dĂ©jĂ le cas pour dâautres disciplines.
La neuroĂ©ducation comme les autres approches (approche bĂ©havioriste, approche constructiviste, approche cognitiviste, approche neuroscientifiqueâŠ) souhaite Ă©tudier certains problĂšmes Ă©ducatifs, mais veulent faire Ă un niveau dâanalyse jusquâici inexplorĂ© par les autres approches qui est le niveau cĂ©rĂ©bral. Par problĂšmes Ă©ducatifs, on entend le mot problĂšme au sens trĂšs gĂ©nĂ©ral du terme; Ă la fois des problĂšmes spĂ©cifiques comme : difficultĂ©s des Ă©lĂšves en mathĂ©matiques, difficultĂ©s des Ă©lĂšves en sciences⊠Mais, aussi toutes les questions que peuvent se poser les professeurs : lorsquâils se demandent quel type dâenseignement ils devraient prĂ©coniser avec tel ou tel Ă©lĂšve; câest en quelque sorte un problĂšme qui est posĂ© Ă l'enseignement. C'est pour cela que la neuroĂ©ducation se propose parfois de rĂ©pondre Ă certaines situations compliquĂ©es souvent d'ordre Ă©ducatives, en apportant des solutions Ă son Ă©chelle au sein du systĂšme scolaire[12].
Pour les apprenants
La neuroĂ©ducation peut ĂȘtre un moyen d'aider les apprenants, si les travaux et surtout les rĂ©sultats de ces derniers sont prĂ©sentĂ©s de façon vulgarisĂ©e. Un Ă©lĂšve Ă qui lâon explique le fonctionnement de son cerveau aurait une nouvelle source de motivation et apprendrait mieux [13]. La neuroĂ©ducation peut apprendre aux Ă©lĂšves comment se dĂ©roule le processus dâapprentissage pour que ces derniers dĂ©veloppent des stratĂ©gies dâapprentissages efficaces. Lâattention, la concentration et la comprĂ©hension des apprenants sont susceptibles dâĂȘtre amĂ©liorĂ©es grĂące aux Ă©tudes en neuroĂ©ducation[14].
La mĂ©tacognition peut ainsi ĂȘtre bĂ©nĂ©fique, notamment pour permettre aux sujets dâĂȘtre plus actifs dans leur apprentissage et dâautant plus que les profils des apprenants sont de plus en plus variĂ©s. Avec le dĂ©veloppement de lâapprentissage tout au long de la vie, des publics de divers Ăąges et dans diffĂ©rentes situations sont concernĂ©s.
Comprendre le fonctionnement de la mémoire peut aider chaque personne dans son apprentissage, que ce soit un élÚve en école primaire, un étudiant en droit ou un professionnel en formation continu.
Les neurosciences nous apprennent par exemple que la mĂ©moire est composĂ©e de deux systĂšmes distincts, Ă savoir la mĂ©moire Ă long terme et celle Ă court terme. La derniĂšre se compose notamment de la mĂ©moire de travail, qui est trĂšs engagĂ©e dans lâapprentissage.
Celle-ci a une capacitĂ© diffĂ©rente chez chaque individu, et peut ĂȘtre amĂ©liorĂ©e en lâentraĂźnant.
En outre, les apprenants peuvent bĂ©nĂ©ficier de la connaissance de pratiques permettant dâamĂ©liorer la mĂ©moire, par exemple le fait dâespacer les apprentissages[15], de se reposer suffisamment, de se tester soi-mĂȘme[16] ainsi que de combiner des mots avec des visuels[17].
Prendre soin de son cerveau dans le court-terme est aussi nĂ©cessaire. Câest-Ă -dire que lâon peut apprendre Ă sâorganiser pour ne pas faire trop de choses Ă la fois, ne pas devoir se rappeler trop de choses, ne pas se laisser distraire et crĂ©er une bulle dâapprentissage qui nous correspond.
Pour tous les Ăąges, il est Ă©galement important de savoir que les tĂ©lĂ©phones portables distraient lâattention et affectent nĂ©gativement les apprentissages[18].
Finalement, il est aussi important de rĂ©aliser que lâapprentissage est un challenge quotidien qui est profondĂ©ment exigeant.
Pour les professionnels
Le laboratoire de recherche LaPsyDĂ de lâInstitut de Psychologie de l'UniversitĂ© Paris Descartes a crĂ©Ă© un diplĂŽme universitaire (DU) afin de former les professionnels Ă la neuroĂ©ducation. En effet, c'est un domaine Ă©mergent dans toute la France depuis 1990 ainsi que dans le reste du monde. Sâappuyant sur des champs de recherches interdisciplinaires quâest la neuroĂ©ducation, la formation a pour but de construire chez les professionnels en Ă©ducation, une nouvelle approche et un regard neuf sur les sciences de l'Ă©ducation. La formation rĂ©pertorie tous les stades du dĂ©veloppement, en dĂ©butant du jeune enfant jusqu'au jeune adulte. En outre, elle permet dâacquĂ©rir certaines compĂ©tences considĂ©rĂ©es comme Ă©tant importantes sur le dĂ©veloppement de lâenfant ou de lâadolescent Ă l'Ă©chelle de son contexte social, tout en Ă©tant en lien avec la maturation cĂ©rĂ©brale. Aussi, elle justifie le fait de considĂ©rer la sphĂšre des neurosciences ainsi que celle des sciences cognitives pour utiliser certaines pratiques comme : la pensĂ©e critique, les compĂ©tences sociologie-Ă©motionnelles, etc[19].
Références
- Steve Masson, « La neuroĂ©ducation : mieux comprendre le cerveau pour mieux enseigner », Neuroeducation, vol. 1, no 1,â , p. 3â4 (ISSN 1929-1833, DOI 10.24046/neuroed.20120101.3, lire en ligne, consultĂ© le )
- Steve Masson et Grégoire Borst, Méthodes et recherche en neuroéducation, Canada, Presses de l'Université de Québec, , 330 p. (ISBN 978-2-7605-4846-6)
- Steve Masson, « NeuroĂ©ducation, une science de l'apprentissage », Animation & Education,â , p. 12-17 (lire en ligne)
- « NeuroĂ©ducation #1: lâĂ©tude du cerveau pourrait nous aider Ă mieux enseigner », sur #PROFPOWER, (consultĂ© le )
- « QUâEST-CE QUE LA NEUROĂDUCATION? | DĂ©couvrir les mystĂšres du cerveau pour mieux apprendre et enseigner » (consultĂ© le )
- « neuro- â Wiktionnaire », sur fr.wiktionary.org (consultĂ© le )
- « Ă©ducation â Wiktionnaire », sur fr.wiktionary.org (consultĂ© le )
- « Shibboleth Authentication Request », sur login.scd-rproxy.u-strasbg.fr (consulté le )
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- France Arboix-Calas, « Neurosciences cognitives et sciences de lâĂ©ducation : vers un changement de paradigme ? », Ăducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE, no 49,â (ISSN 0992-3705, DOI 10.4000/edso.4320, lire en ligne, consultĂ© le )
- Claude Caussidier, « Le sujet neurocognitif et lâĂ©ducation : un paradoxe ? », Ăducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE, no 36,â (ISSN 0992-3705, DOI 10.4000/edso.979, lire en ligne, consultĂ© le )
- « Recherches en neuroéducation : étudier comment le cerveau apprend à lire et à compter », sur ARN (consulté le )
- Nicole Bouin, « Enseigner : apports des sciences cognitives », CanopĂ©,â
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- scornebi#personnels-p5-ldap, « DU Neuroéducation », sur odf.parisdescartes.fr, (consulté le )