AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Myotragus balearicus

Myotragus balearicus (du grec nĂ©o-latin Όυς / mus + Ï„ÏÎŹÎłÎżÏ‚ / trĂĄgos + Î’Î±Î»Î”Î±ÏÎŻÎŽÎ”Ï‚ / BalearĂ­des — « souris-chĂšvre des BalĂ©ares »), aussi connu sous le nom de chĂšvre des cavernes des Ăźles BalĂ©ares, est une espĂšce de la sous-famille des caprinae qui a vĂ©cu sur les Ăźles de Majorque et Minorque jusqu’à son extinction il y a environ 5 000 ans. Cet animal fut longtemps dĂ©crit comme une « drĂŽle de chĂšvre », jusqu’à ce que des analyses gĂ©nĂ©tiques, rĂ©alisĂ©es par l’universitĂ© Pompeu Fabra de Barcelone, aient rĂ©vĂ©lĂ© que Myotragus Ă©tait plus proche des moutons que des chĂšvres.

Description

Les fouilles qui ont menĂ© Ă  la dĂ©couverte et Ă  l'identification du Myotragus balearicus ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es par l’archĂ©o-zoologiste Dorothea Bate Ă  Majorque en 1909[1].

L’attention est d’abord attirĂ©e par la tĂȘte de l’animal. Ses yeux ne sont pas dirigĂ©s vers les cĂŽtĂ©s, comme ceux de presque tous les mammifĂšres herbivores, mais vers l'avant, ce qui leur accorde une vision stĂ©rĂ©oscopique. Leur mĂąchoire infĂ©rieure contenait rarement plus de deux incisives vivaces lors de la croissance, comme les rongeurs et les lagomorphes, mais pas comme les autres ongulĂ©s. Quant Ă  la mĂąchoire supĂ©rieure, elle manquait d’incisives. Le reste des dents Ă©taient des molaires et prĂ©molaires adaptĂ©es au broyage des vĂ©gĂ©taux. En comparaison avec le reste du crĂąne, le nez Ă©tait court, semblable Ă  celui des lapins et des liĂšvres. Enfin, mĂąles et femelles disposaient de deux cornes trĂšs courtes au sommet de la tĂȘte. Il est possible que ces cornes aient Ă©tĂ© plus longues, mais aucune corne complĂšte n'a Ă©tĂ© trouvĂ©e.

Vue de face du crĂąne.

Myotragus balearicus Ă©tait de petite taille (environ 50 centimĂštres de haut Ă  hauteur d’épaule) et pesait entre 12 et 15 kilogrammes. Ses jambes Ă©taient proportionnellement plus courtes que celles de bovidĂ©s et moins souples, ce qui ne rendait pas Myotragus balearicus trĂšs vĂ©loce, mais en l'absence de prĂ©dateurs sur les Ăźles, Ă  l'exception de quelques oiseaux de proie, ceci ne devait pas constituer un handicap. Myotragus possĂ©dait une bosse prononcĂ©e sur les Ă©paules, tandis que le dos Ă©tait pliĂ© vers l’arriĂšre-train. Les pattes, comme souvent dans l'ordre des Artiodactyles, n’avaient que quatre doigts dont deux seulement Ă©taient utilisĂ©s pour marcher. La queue Ă©tait assez longue en proportion du reste du corps.

En 2009, une étude de squelette a montré, cas unique chez les mammifÚres, que l'espÚce était ectotherme[2] - [3]. L'histologie des os longs de Myotragus révÚle des traits exclusifs aux reptiles ectothermes. La microstructure osseuse indique que Myotragus ne grandissait pas comme les autres mammifÚres, mais que sa croissance à un rythme lent et souple s'apparentait à celle des crocodiles : Myotragus pouvait ainsi cesser périodiquement de croßtre, en synchronisation avec la fluctuation du niveaux de ses ressources alimentaires[3]. Ces caractéristiques physiologiques et le cycle de vie de Myotragus ont certainement été déterminants pour leur survie sur de petites ßles durant 5,2 millions d'années, soit plus du double de la persistance moyenne des espÚces continentales[3].

Reconstitution.

Nourriture

Avant leur colonisation par l’homme, les Ăźles BalĂ©ares primitives Ă©taient recouvertes de forĂȘts et les prairies herbacĂ©es de grande surface n'existaient pas. Myotragus balearicus devait par consĂ©quent se nourrir de tous les types de vĂ©gĂ©tation prĂ©sents, arbustes endĂ©miques et branches basses des arbres du climat mĂ©diterranĂ©en. Dans un tel habitat, le Myotragus aurait de prĂ©fĂ©rence vĂ©cu seul ou en petits groupes.

Reproduction

On connaĂźt peu de choses sur les habitudes de reproduction de cette espĂšce. En 1999, la dĂ©couverte d’un squelette d’un individu nouveau-nĂ© a Ă©tĂ© a permis de constater que le bĂ©bĂ© Myotragus avait une taille relativement assez grande par rapport Ă  celle de sa mĂšre. Il pouvait probablement marcher et suivre sa mĂšre peu de temps aprĂšs sa naissance. Il semblerait que la maturation ne prenait que peu de temps, soit dans une fourchette d’un Ă  deux ans. Le fait que les individus aient conservĂ© leurs cornes indique probablement que les mĂąles s'en servaient pour dĂ©fendre leur droit de procrĂ©er, mais l'absence de dimorphisme sexuel laisse croire que cette espĂšce n'Ă©tait pas polygame ou, du moins, que les mĂąles ne construisaient pas de « harems ». Étant donnĂ© que ses cornes Ă©taient assez petites, le Myotragus devait s'en servir en attaquant les flancs de son adversaire (comme le font de nombreuses petites antilopes) plutĂŽt que de le combattre frontalement (caractĂ©ristique propre aux grands ongulĂ©s). Le climat mĂ©diterranĂ©en Ă©tant saisonnier, on estime que les Myotragus avaient une saison d'accouplement annuel, sans savoir quand celle-ci se produisait. Les diffĂ©rences saisonniĂšres, surtout en ce qui consiste les prĂ©cipitations, Ă©taient un peu moins prononcĂ©es Ă  l’époque qu’elles ne le sont aujourd'hui, et la pĂ©riode de gestation ne peut en ĂȘtre dĂ©duite avec certitude.

Dessin d'artiste de Myotragus balearicus.


Origines

Le genre unique du Myotragus balearicus résulte d'un long processus évolutif de nanisme insulaire. Dans ce type d'environnement, les ongulés ont tendance à devenir plus petits tandis que les rongeurs et les lagomorphes voient leur taille augmenter, comme dans le cas d'Hypnomys, la marmotte géante qui partageait son habitat avec Myotragus. De telles espÚces ont alors tendance à devenir moins craintives en l'absence de prédateurs. La perte de la capacité de courir rapidement en est une conséquence, ainsi que le développement de la vision stéréoscopique (qui est utile pour calculer les distances, mais pas pour repérer les prédateurs) et que la réduction proportionnelle du cerveau (phénomÚne qui a également été observé chez l'Homme de FlorÚs).

Des analyses de l'ADN de vieux fossiles datĂ©s du PliocĂšne (5,7 millions d’annĂ©es) dĂ©couvert sur l'Ăźle de Majorque (Myotragus pepgonellae) indiquent que Myotragus balearicus, en dĂ©pit d'ĂȘtre un des animaux dits "navigateurs", descendait d'animaux qui broutent. Les espĂšces les plus proches des Myotragus sont ovines, comme le Nesogoral de Sardaigne (espĂšce Ă©teinte du PlĂ©istocĂšne), l’ancien Gallogoral de France (ancĂȘtre continental Ă©ventuel de Myotragus et de Nesogoral), les ovins et mouflons actuels ainsi que les chĂšvres de montagne d'Asie centrale. Le dernier ancĂȘtre commun aux Myotragus et Nesogoral arriva Ă  Majorque et en Sardaigne il y a 6 millions d'annĂ©es, Ă©poque Ă  laquelle le dĂ©troit de Gibraltar Ă©tait fermĂ© et la mer MĂ©diterranĂ©e constituĂ©e de plusieurs lacs salĂ©s. Plus tard, l'ouverture du dĂ©troit et l'afflux massif d'eau salĂ©e isolĂšrent les populations animales, qui se diversifieront dans les nouvelles Ăźles de la MĂ©diterranĂ©e. ParallĂšlement, en raison des changements climatiques, la vĂ©gĂ©tation subtropicale cĂ©da la place Ă  celle que nous connaissons aujourd’hui, forçant Myotragus Ă  adapter drastiquement son alimentation et par consĂ©quent sa denture. Étrangement, Myotragus colonisa dans un premier temps uniquement l’üle de Majorque alors que sur Ibiza, les principaux vertĂ©brĂ©s de l’écosystĂšme Ă©taient des oiseaux et des chauves-souris et qu' un lapin gĂ©ant Ă©voluait sur l’üle de Minorque, de la mĂȘme façon que le Myotragus sur l'Ăźle de Majorque. Avec la baisse niveau de la mer durant l'Ăšre glaciaire, Majorque et Minorque furent rĂ©unies et Myotragus remplaça les grands lagomorphes minorquins. Au dĂ©but de l'HolocĂšne, les deux Ăźles furent Ă  nouveau sĂ©parĂ©es.

Extinction

Diverses datations indiquent que les trois mammifĂšres terrestres natifs de Majorque (Myotragus, Hypnomys et Nesiosites) auraient tous disparu durant la mĂȘme courte pĂ©riode, au IIIe millĂ©naire av. J.-C. Selon les auteurs, ces extinctions rĂ©sultent d'un changement climatique ou d'une extermination des populations par les premiers colons humains des BalĂ©ares. La question n’a toujours pas de rĂ©ponse univoque mais il est gĂ©nĂ©ralement admis que la principale cause soit humaine. Selon les Ă©tudes les plus rĂ©centes, reposant sur des datations au radiocarbone, la prĂ©sence humaine sur les Ăźles BalĂ©ares remonterait au plus tĂŽt au dĂ©but du IVe millĂ©naire av. J.-C. (grotte de la Muleta Ă  Majorque). Les premiers colons des BalĂ©ares, qui appartenaient Ă  une culture nĂ©olithique, ont cependant continuĂ© Ă  vivre dans des grottes, que l’on trouve abondamment sur les Ăźles. De nombreux ossements d'animaux, en particulier ceux de Myotragus, avec des traces de boucherie y ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s. Il semble mĂȘme que des tentatives de domestication aient Ă©tĂ© entreprises (dĂ©couverte de cornes coupĂ©es avec cicatrisation). L'absence de dĂ©couverte de jeunes individus laisse cependant penser que ces tentatives ont dĂ» Ă©chouer, probablement parce que les Myotragus Ă©taient incapables de se reproduire en captivitĂ© ou pas de maniĂšre satisfaisante. Une chasse excessive, l’échec de la domestication, l’introduction d’animaux domestiques concurrents (chĂšvres, vaches, moutons, porcs) gardĂ©s par des chiens et la destruction des forĂȘts pour crĂ©er des pĂąturages sont probablement Ă  l'origine de l’extinction de cet animal.

Publication originale

  • (en) Dorothea M. A. Bate, « I. Preliminary Note on a New Artiodactyle from Majorca, Myotragus balearicus, gen. et sp. nov. », Geological Magazine, vol. 6, no 9,‎ , p. 385-388 (ISSN 0016-7568, DOI 10.1017/S0016756800124665).

Notes et références

  1. (en) Miles Russell, « Discovering Dorothea : The Life of the Pioneering Fossil-Hunter Dorothea Bate, by Karolyn Shindler », sur ucl.ac.uk (consulté le ).
  2. « La chÚvre qui avait le sang froid. La petite chÚvre Myotragus balearicus a vécu sur les ßles Baléares. Des chercheurs espagnols viennent d'aboutir à cette stupéfiante conclusion, qui a de quoi déboussoler le zoologiste », sur futura-sciences.com (consulté le ).
  3. (en) Meike Köhler et Salvador MoyĂ -SolĂ , « Physiological and life history strategies of a fossil large mammal in a resource-limited environment », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 106, no 48,‎ , p. 20 354-20 358 (ISSN 0027-8424, e-ISSN 1091-6490, DOI 10.1073/pnas.0813385106, Bibcode 2009PNAS..10620354K, lire en ligne [PDF], consultĂ© le ).

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Meike Köhler et Salvador MoyĂ -SolĂ , « Reduction of brain and sense organs in the fossil insular bovid Myotragus », Brain, Behavior and Evolution, vol. 63, no 3,‎ , p. 125–40 (PMID 14726622, DOI 10.1159/000076239, lire en ligne).
  • (en) Carles Lalueza-Fox, Beth Shapiro, Pere Bover, Josep A. Alcover et Jaume Bertranpetit, « Molecular phylogeny and evolution of the extinct bovid Myotragus balearicus », Molecular Phylogenetics and Evolution, vol. 25, no 3,‎ , p. 501–10 (PMID 12450754, DOI 10.1016/S1055-7903(02)00290-7, lire en ligne).
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.