Molluscicide
Un produit molluscicide est une substance active ou une préparation ayant la propriété de tuer les mollusques (limaces, ou escargots, y compris aquatiques). Les hélicides sont les produits qui en théorie ne ciblent que les escargots.
En protection des cultures, les molluscicides sont employés principalement pour tuer les limaces et les escargots. Ils sont aussi utilisés pour des raisons sanitaires en zone tropicale, pour lutter contre certaines parasitoses telles que les schistosomiase pour lesquelles l'escargot est un hÎte intermédiaire obligatoire.
Le plus utilisé, en agriculture, est le métaldéhyde présenté sous forme de poudre blanche qui est hautement inflammable.
Il existe Ă©galement en agriculture des anti-limaces Ă base de phosphate de fer commercialisĂ©s le plus souvent sous forme de granulĂ©s bleus. Il semblerait que les granulĂ©s colorĂ©s en bleu limitent lâattirance des oiseaux. Le phosphate de fer est une substance naturelle dâorigine minĂ©rale classĂ© selon lâarticle L. 253-6 du code rural et de la pĂȘche maritime comme produit de biocontrĂŽle et ses caractĂ©ristiques propres les rendent utilisables en agriculture biologique[1]. En France ces produits sont Ă©ligibles au Certificat dâEconomie des Produits Phyto (CEPP).
Certains anti-limaces utilisés en agriculture peuvent également combiner les deux matiÚres actives (métaldéhyde et phosphate de fer). Ces formulations ne peuvent pas prétendre au classement biocontrÎle et utilisable en agriculture biologique à cause de la présence de métaldéhyde.
Il existe aussi dâautres types de molluscicides tels que la biĂšre, les cendres ou encore des plantes naturellement molluscicides, mais lâefficacitĂ© de ces produits nâa pas Ă©tĂ© prouvĂ©e par une homologation.
Principes d'action et toxicité
Les molluscicides à base de métaldéhyde
Il y a autant de modes dâaction quâil y a de substances actives molluscicides. De mĂȘme, les modes dâutilisation peuvent diffĂ©rer entre les molluscicides. Les molluscicides constituĂ©s de mĂ©taldĂ©hyde sont un dĂ©shydratant qui provoque chez les mollusques l'Ă©mission d'une bave trĂšs abondante. L'animal Ă©puise ses rĂ©serves hydriques et meurt dĂ©shydratĂ©. Il est dâusage de visualiser lâefficacitĂ© dâun molluscicide Ă base de mĂ©taldĂ©hyde grĂące aux trainĂ©es de baves laissĂ©es par les limaces / escargots ainsi que par les cadavres de mollusques morts dans le champ. Ces molluscicides sont connus pour leur efficacitĂ© et leur rapiditĂ© dâaction (qui sâĂ©tend de quelques heures Ă quelques jours).
Les métaldéhydes ont aussi été testé et utilisé contre les infestations de gros escargots aquatiques (jusqu'à deux mille escargots par mÚtre carré mesurés aux Philippines dans des étangs de piscicultures[2]), mais en nécessitant de fortes doses (120 kg/ha d'une formulation à 10 % de métaldéhyde en saison humide en zone tropicale[2]), car il se dégrade plus rapidement dans l'eau. Il s'est montré plus efficace qu'une formulation à 25 % de niclosamide[2]
Les molluscicides Ă base de phosphate de fer
Les produits Ă base de phosphate de fer agissent uniquement par ingestion. Ils perturbent le systĂšme digestif du mollusque, stoppe assez rapidement lâalimentation et provoque la mort quelques heures Ă quelques jours plus tard. Le phosphate de fer agit Ă©galement sur le mĂ©tabolisme du calcium et bloque la sĂ©crĂ©tion de bave des mollusques. Alors, pour se protĂ©ger de la dĂ©shydratation, les limaces sâenterrent et finissent par mourir dans le sol (impossible pour les escargots Ă cause de leur coquille)[3].
Ainsi, la mesure de lâefficacitĂ© des molluscicides Ă base de phosphate de fer est visible par la rĂ©duction des dĂ©gĂąts sur les cultures puisquâon ne trouve pas ou peu de traĂźnĂ©e de bave et de cadavre.
Autres substances
Ces substances ne sont pas homologuĂ©es, ainsi leur efficacitĂ© et toxicitĂ© nâont pas Ă©tĂ© officiellement prouvĂ©es, bien quâils sembleraient quâelles aient des propriĂ©tĂ©s molluscicides avĂ©rĂ©es.
- Les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase, hautement toxiques pour les animaux à sang chaud (homme y compris), qui agit immédiatement sur les invertébrés comme un poison de contact. Le molluscicide N-trityl morpholine (Frescon) a un effet inhabituel sur le systÚme nerveux central des limnées. L'animal intoxiqué produit des impulsions nerveuses regroupées en explosions spontanées et synchrones, qui semblent pouvoir résulter d'interférence du produit avec les processus de contrÎle de l'influx nerveux[4]. Le Frescon se lie irréversiblement, au niveau de deux sites d'action dans les cellules nerveuses et musculaires de la Limnée et interfÚre avec les canaux ioniques qui dans la membrane cellulaire contrÎlent la régulation des échanges chlorure/bicarbonate entre l'intérieur et l'extérieur de la cellule, ce qui pourrait en faire un outil pharmacologique pour l'homme et l'animal[5] - [6].
- un fond de biÚre dans un pot enterré au niveau du sol, est souvent utilisé dans les jardins. Il attire les limaces à plusieurs mÚtres à la ronde. Elles s'y noient ;
- le latex non filtré d'une euphorbe (Euphorbia splendens ) est un puissant molluscicide (testé au Brésil pour contrÎler les escargots du genre Biomphalaria, hÎtes intermédiaires d'un schistosome (Schistosoma mansoni). Il s'est montré efficace durant 14 mois[7]. Il semble faiblement toxique pour les autres animaux aquatiques et photobiodegradable, et facile à appliquer[7]. (De nombreux latex étant allergÚnes, avec sensibilisation possible, une évaluation toxicologique plus complÚte est utile) ;
- Dimidiata Apodytes (Icacinaceae) est une autre plante « molluscicide » étudiée dans le cadre de la lutte contre la schistosomiase en Afrique du Sud. Sa toxicité (aiguë et subaiguë) a été étudiée sur certains mammifÚres conformément aux critÚres de l'Organisation de coopération et développement économiques (OCDE). L'extrait en a été classé comme non toxique et non irritant. La matiÚre sÚche des feuilles et les extraits aqueux en sont considérés comme sûrs depuis 1997 (pour des essais préliminaires sur le terrain)[8] ;
- Ambrosia maritima est une autre plante molluscicide testée en Afrique. Au Sénégal, 400 mg/L de feuilles sÚches de la plante, dans les criques de la riviÚre Lampsar ont tué de 54 à 56 % des escargots Bulinus en 15 jours. Deux essais de traitement (150 mg/L et 300 mg/L) dans un canal d'irrigation fermé a tué en 15 jours jusqu'à 77 % des Biomphalaria pfeifferi, mais avec une recolonisation rapide ensuite. Ces essais ont montré que la quantité de feuilles nécessaire pour faire chuter de 80 % le nombre d'escargots aquatiques était trop importante pour que A maritima soit une solution intéressante pour les programmes de lutte contre la schistosomiase[9] ;
- certaines molécules naturellement produits par les plantes, sont molluscicides et font l'objet de recherches[10] ;
- d'autres molĂ©cules vĂ©gĂ©tales, les saponines sont Ă©tudiĂ©es, et ont Ă©tĂ© trĂšs efficacement testĂ©es contre Pomacea canaliculata (Golden apple snail, ou GAS pour les anglophones), avec des saponines (saponines bidesmosidiques) extraites de l'enveloppe amĂšre du grain du quinoa (Chenopodium quinoa) qui est aujourd'hui un sous-produit sans valeur commerciale[11]. L'extrait pur est inactif jusqu'Ă 121 ppm (soit environ 35 ppm de saponines), mais le traitement des balles par l'alcali augmente l'effet molluscicide en convertissant les saponines de type bidesmosidique Ă plus de monodesmosides actives (En laboratoire, le produit a tuĂ© 100 % des escargots en 24 heures pour une exposition Ă 33 ppm de produit. Ătonnamment aucune toxicitĂ© pour les poissons (poisson rouge ou tilapia) n'a Ă©tĂ© relevĂ©e, mĂȘme Ă la concentration maximale testĂ©e (54 ppm), alors que les autres molluscicides commerciaux disponibles (niclosamide par exemple) tuent les poissons Ă des doses infĂ©rieures Ă celles qui tuent les escargots Pomacea canaliculata. Sur le terrain dans le nord de l'Argentine les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© similaires[11]. L'enveloppe du grain contient un mĂ©lange de saponines connues et nouvelles (de type bidesmosidiques et monodesmosidiques). On ne sait pas encore pourquoi le produit devient plus efficace aprĂšs alcaninisation et avec une teneur plus Ă©levĂ©e en saponines monodesmosidiques. Les donnĂ©es disponibles suggĂšrent l'implication de plusieurs composĂ©s hydrophobes qui se forment aprĂšs traitement alcalin et qui ont une plus grande affinitĂ© avec le cholestĂ©rol prĂ©sent dans les branchies des escargots[11].
Utilisation et efficacité
Les dĂ©gĂąts de limaces peuvent ĂȘtre extrĂȘmement rapides et les granulĂ©s existants sur le marchĂ© ont un dĂ©lai dâaction intrinsĂšque Ă leur formulation et leur matiĂšre active. Il est recommandĂ© dâanticiper les risques dâavoir des limaces / escargots sur la parcelle agricole avant que les dĂ©gĂąts ne soient irrĂ©mĂ©diables. Il existe aujourdâhui des outils dâanticipation du risque (Outils d'Aides Ă la DĂ©cision, grilles de risqueâŠ).
Bien que leur rapiditĂ© et modes dâactions soient diffĂ©rents, lâefficacitĂ© des deux principales familles de molluscicides homologuĂ©es (mĂ©taldĂ©hydes et phosphate ferrique) sont Ă©quivalentes Ă moyen termes. En revanche dans des conditions froides et humides, les molluscicides Ă base de mĂ©taldĂ©hydes ont une efficacitĂ© limitĂ©e[12]. En revanche celle-ci est excellente en conditions chaudes et sĂšches.
LâefficacitĂ© des produits molluscicides varie donc selon la formulation, la matiĂšre active, les conditions mĂ©tĂ©orologiques, et le respect des consignes d'utilisation (les granulĂ©s doivent ĂȘtre rĂ©partis de maniĂšre homogĂšne sur le sol et en quantitĂ© suffisante en fonction de lâinfestation. Selon la cible, les granulĂ©s doivent ĂȘtre posĂ©s en surface ou non enterrĂ©s).
La recherche essaye de trouver des moyens d'augmenter la durée de libération de la matiÚre active molluscicide, par exemple en la liant dans une matrice gélatineuse réticulée (hydrogel)[13]. Dans un cas, l'efficacité (mesurée en termes de mortalité quotidienne atteignant 100 % des escargots) a été portée de 52 à 73 jours[13], mais ceci expose aussi les espÚces non cibles plus durablement.
Toxicologie
Certains molluscicides peuvent produire chez l'homme des allergies cutanées (ja), par exemple les produits à base de clonitralide (Bayluscide)[14] - [15] - [16].
Ăcotoxicologie
Le mĂ©taldĂ©hyde commence Ă ĂȘtre dĂ©criĂ©, en raison de son profil toxicologique et Ă©cotoxicologique.
En effet, les produits Ă base de mĂ©taldĂ©hyde ne sont pas totalement spĂ©cifiques aux limaces et peuvent Ă©galement ĂȘtre ingĂ©rĂ©s et intoxiquer des auxiliaires tels que les hĂ©rissons. De plus, cette matiĂšre active, en raison de son faible Koc, est sujet Ă une mobilitĂ© importante dans le sol vers le milieu aquatique, et peut subir un fort lessivage aprĂšs des Ă©pisodes pluvieux et se retrouver dans les eaux de surface[17]. Enfin, la forte polaritĂ© du mĂ©taldĂ©hyde rend trĂšs difficile le traitement des eaux de boisson, en raison de la faible efficacitĂ© des techniques conventionnelles de traitement de lâeau (charbon actif) sur ce type de molĂ©cule.
Le phosphate de fer en raison de sa solubilitĂ© extrĂȘmement faible dans lâeau, de lâordre de 1,86x10-12 g/L, ne subit alors pas de lessivage aprĂšs des Ă©pisodes pluvieux. De plus, le phosphate de fer Ă une action spĂ©cifique aux mollusques, il nâagit donc pas sur la faune auxiliaire[18].
Parmi les problÚmes toxicologiquement préoccupants induits par cette classe de pesticides figurent :
- la rémanence des produits ;
- la biodisponibilité de certaines molécules pour des espÚces non-cibles ;
- la diffusion dans l'environnement (via le lessivage notamment), hors de la parcelle traitĂ©e ; Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1990 que des molluscicides comme le mĂ©thiocarbe (aujourd'hui interdit en Europe) formulĂ© en granulĂ© diffusent dans l'environnement et sont actifs bien au-delĂ du bord de la parcelle traitĂ©e. Par exemple, des granulĂ©s de mĂ©thiocarbe diffusĂ©s Ă l'automne 1987 sur deux parcelles (36 Ă 36 m ) ensemencĂ©es en blĂ© se sont montrĂ©s d'abord efficaces, comme attendu, dans la parcelle-mĂȘme, (avec environ 70 % des limaces tuĂ©es, au vu des mortalitĂ©s dĂ©duites des piĂšges posĂ©s sur les parcelles, et comparĂ©s aux parcelles non traitĂ©es), mais dans les mois qui ont suivi, le nombre de limaces et escargots a aussi diminuĂ© dans les piĂšges des parcelles voisines Ă 2, 4 8 et 16 mĂštres du bord de la parcelle traitĂ©e, alors qu'« il n'y avait aucune preuve d'importants mouvements de limaces entre les parcelles pendant cette pĂ©riode »[19] ;
- les limaces ou escargots intoxiqués ou en train de mourir, ou en décomposition peuvent à leur tour intoxiquer des espÚces non-cibles , dont leurs prédateurs (oiseaux dont volailles ou espÚces-gibier éventuellement), reptiles , amphibiens , micromammifÚres , ou invertébrés tels que vers luisants ou carabes tels que le coléoptÚre Abax Ater , tous deux auxiliaires de l'agriculture ), voire des micromammifÚres[20] ;
- les traitements par enrobage de graine sont de plus en plus frĂ©quents. Ils peuvent tuer les oiseaux et micromammifĂšres granivores, au point qu'on a songĂ© utiliser le mĂ©thiocarbe de l'enrobage chimique des graines Ă la fois contre les escargots et les souris domestiques (Mus domesticus qui en Australie se nourrit aussi des semis dans les champs[21] ). Un appĂątage contenant du mĂ©thiocarbe tue jusqu'Ă 46 % des souris prĂ©sentes, ce qui est moins que quand on traite un blĂ© tĂ©moin Ă la strychnine (86-94 % des souris sont alors empoisonnĂ©es[21] ). et qui confirme que les souris survivantes refusent de manger les appĂąts au mĂ©thiocarbe excĂ©dentaire et que le mĂ©thiocarbe « n'est pas susceptible d'ĂȘtre un rodenticide utile sur le terrain »[21] . Ceci montre aussi que l'enrobage de graines au mĂ©thiocarbe, ou des appĂąts mĂ©thiocarbe pourraient causer une mortalitĂ© de rongeurs et granivores assez importante pour mettre en pĂ©ril des espĂšces menacĂ©es de rongeurs granivores susceptibles de se nourrir dans les champs agricoles[21] ;
- Certains molluscides en granulé à base de FePO4 contiennent une molécule qui est chélatrice (qui facilite le déplacement des métaux vitaux, lourds ou toxiques dans le sol et dans les organismes), et qui pourrait affecter les plantes cultivées qui l'absorbent[22] Une expérimentation in vitro récente (2013) a conclu que l'agent chélateur (qui fait intrinsÚquement partie de ce pesticide) a amélioré la phytodisponibilité du Fe pour la plante, mais a aussi facilité l'absorption par la plante de métaux toxiques ou indésirables présents dans la solution nutritive. L'absoption du cadmium (Cd) en particulier a nettement augmenté dans les pousses exposées ce qui selon les auteurs « indique un effet environnemental potentiellement néfaste »[22] ;
- le fait de massivement tuer des limaces, escargots et escargots aquatiques sur des surfaces importantes a des impacts environnementaux significatifs :
- une partie de la chaine alimentaire disparait (limaces et escargots sont une source importante de nourriture pour de nombreuses espĂšces),
- si l'effet se manifeste hors des champs, la végétation qui n'est plus contrÎlée pousse plus vite et évapotranspire plus, et elle est alors plus haute en été quand il fait sec et chaud, ce qui augmente à la fois le stress hydrique pour l'écosystÚme tout entier, et le risque d'incendie ,
- la rémanence et la toxicité de ces produits (hors produit de biocontrÎle type phosphate de fer) cause la disparition souvent durable de certains prédateurs naturels des limaces et escargots (carabes, lucioles, oiseaux, reptiles, amphibiens) et la régression d'autres (oiseaux, hérisson, etc. ), ce qui favorise les pullulations rapides de limaces, qui encouragent à leur tour à utiliser des molluscicides.
Références
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