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Mary-Sue

Mary-Sue (en anglais Mary Sue) est un nom péjoratif donné à un personnage de fiction féminin excessivement idéalisé, très souvent la projection de l'auteur-même dans un univers fictif.

Ce terme était originellement utilisé dans les critiques de fictions écrites par des fans, mais peut aujourd'hui également concerner un personnage d'une œuvre originale.

Par analogie, Gary Stu (ou Marty Sue) désigne l'équivalent masculin de cet archétype.

DĂ©finition

La « Mary-Sue » étant par nature un personnage dont la « perfection jusqu'à l'absurde » est ouverte à l'interprétation, une définition stricte du concept est difficile. On peut cependant noter certaines caractéristiques fondamentales et récurrentes d'une Mary Sue, qui sont :

  • d'avoir des traits et caractĂ©ristiques identiques ou similaires Ă  ceux de l'auteur (âge, sexe, caractère, etc.) ;
  • de n'avoir que des qualitĂ©s et des forces ou, sinon, des « dĂ©fauts » et « faiblesses » prĂ©sentĂ©s positivement, procĂ©dĂ© ayant souvent pour but de valider artificiellement le personnage ou lui susciter la sympathie — voire l'adhĂ©sion — du lecteur/spectateur (par une tentative de le rendre « attachant », sans aller jusqu'Ă  l'identification au personnage) ;
  • dans la continuitĂ© du point prĂ©cĂ©dent, d'avoir un sens moral ou une « puretĂ© » hors-norme pour son propre univers (par exemple, une hĂ©roĂŻne dĂ©nuĂ©e du moindre vice ou dĂ©faut dans un monde, et au sein d'une population, entièrement dysfonctionnels et/ou corrompus) ;
  • d'avoir des compĂ©tences parfois divines ou approchantes sinon, dans tous les cas, suffisamment Ă©levĂ©es pour lui permettre de toujours vaincre assez aisĂ©ment n'importe lequel de ses adversaires, rĂ©ussir tout ce qu'elle entreprend ou bien, d'avoir une influence systĂ©matiquement positive sur son univers (par exemple, mĂŞme si elle Ă©choue Ă  ce qu'elle souhaitait faire, cela s'avèrera quand mĂŞme positif par voie de consĂ©quence) ce qui entrave, voire empĂŞche toute possibilitĂ© de progression — et d'Ă©volution — du personnage (qui ne vivrait ainsi aucune vĂ©ritable initiation, et n'aurait donc rien Ă  apprendre, corriger ou amĂ©liorer sur lui-mĂŞme au sein de son histoire) ;
  • d'avoir toujours raison (que ce soit par une caractĂ©risation biaisĂ©e — lacunaire, artificiellement diminuĂ©e ou dĂ©prĂ©ciĂ©e, excessivement dĂ©peinte de manière pĂ©jorative... — des autres personnages, ou des facilitĂ©s d'Ă©criture — règles diĂ©gĂ©tiques, scĂ©nario, intrigue, Ă©vĂ©nements... s'adaptant aux besoins de l'auteur de valider en toutes circonstances la Mary-Sue) ;
  • de gagner sans effort ni rĂ©elle lĂ©gitimitĂ© l'adhĂ©sion, voire l'admiration des autres personnages importants de son univers (ce qui remplit le besoin de validation de l'auteur) ;
  • d'avoir un destin supĂ©rieur — ou, au minimum, grandiose — et Ă©ventuellement, une fin Ă©pique ou magistrale, ou tout du moins complaisante pour le personnage.

La Mary-Sue peut également désigner un personnage canonique d'une œuvre originale, qui est alors décrit d'une manière idéalisée : par exemple, le personnage récurrent de Wesley Crusher dans l'univers de science-fiction Star Trek est souvent considéré[1] - [2] comme une Mary-Sue, un portrait idéal de son créateur original Eugene Wesley Rodenberry.

Origine

Le terme vient d'un personnage de Paula Smith (à ne pas confondre avec la joueuse de tennis du même nom), le lieutenant Mary Sue (« la plus jeune lieutenant de Starfleet — seulement quinze ans et demi ») immortalisée dans la parodie A Trekkie's Tale[3], publié en 1974 dans son fanzine Menagerie #2[4]. La Mary-Sue originelle était une parodie en réaction au nombre considérable de personnages sur-idéalisés dans les fictions amateur de Star Trek, généralement créées par des adolescents.

Une Mary-Sue est souvent un personnage original (OC ou Original Character) ne faisant pas officiellement partie du canon de l'univers fictif sur lequel s'appuie l'histoire, et une représentation de l'auteur (self-insert, de l'anglais pour « auto-inséré », comprendre — en qualifiant ledit auteur — « auto-introduit/intégré [à l’œuvre] »).

OC / Original character

Désigne tout personnage non canonique (inventé et non officiel), ou peu développé et récupéré, de l'œuvre choisie. Il n'y a pas de connotation péjorative et ce personnage, créé par l'auteur de la fiction amateur, peut ne répondre à aucune caractéristique de la Mary-Sue.

Par ailleurs, la Mary-Sue peut tout à fait être un personnage du canon existant dont on a exagéré la perfection jusqu'à l'excès (une version caricaturée ou parodiée selon l'intention), ou complètement déformé par rapport à sa version d'origine : on parlera alors de personnage « ooc » (acronyme pour Out of character, « hors personnage » ou « extérieur au personnage »).

SI / Self-insert

Désigne tout personnage servant de projection pour l'auteur, qui s'intègre lui-même dans sa propre histoire et s'y met en scène, directement (assumé en tant que lui-même) ou bien via un avatar littéraire (une version de lui-même différente ou incarnée sous une autre identité).

Néanmoins, l'auteur peut demeurer critique envers lui-même et pratiquer l'autodérision, par exemple en :

  • se tournant lui-mĂŞme en ridicule Ă  travers son personnage Ă  des fins comiques ;
  • s'inspirant de l'un ou plusieurs de ses propres dĂ©fauts pour servir — sans complaisance autocentrĂ©e — un thème, un propos, ou tout autre emploi authentiquement soucieux d'amĂ©liorer sa fiction.

Il est aussi possible que ce personnage puise simplement dans une résonance autobiographique (écho ou inspiration romancée d'expériences réellement vécues — aussi improbables puissent-elles être — par l'auteur, comme une existence et un parcours authentiquement plus durs que la moyenne).

Lorsque la Mary-Sue n'est pas une représentation flagrante de l'auteur, on peut parler de self-insert dans le sens où ce personnage lui sert à réaliser une sorte de fantasme personnel de puissance et de perfection, et d'imposer la vision qu'il aurait de l'œuvre ainsi que du monde en général : le problème étant, dans ce cas, que ce genre de transfert psychologique peut être, par nature, aussi bien inconscient que réfléchi.

Le terme « Mary-Sue » est aujourd'hui employé de manière plus généralisée, qualifiant souvent une fille semblant « trop parfaite » sans être forcément une projection de l'auteur.

Usage

« Mary-Sue » pouvait être originellement utilisé pour désigner des personnages aussi bien féminins que masculins toutefois, par habitude et distinction, il s'applique aujourd'hui de plus en plus couramment pour les personnages féminins, globalement plus fréquents que leurs pendants masculins. Ces derniers, quant eux, sont plus volontiers désignés par des variances masculines :

  • Gary Stu (la plus rĂ©pandue) ;
  • Marty Stus ;
  • Murray Stus...

Bien que les Mary-Sue ne sont généralement pas créées de manière intentionnelle, certains auteurs les écrivent délibérément à dessein de satire ou de parodie : la Mary-Sue originelle de Paula Smith était elle-même une réponse ironique de son auteur à l'accumulation de nouvelles de fiction amateure bâties autour de tels archétypes.

Parmi les pratiquants de jeu de rôle anglophones, elle est associée au concept de munchkin (Gros Bill en français) et de GMPC (Gamemaster Playing Character, « personnage fétiche du meneur de jeu ») : des Mary-Sue présentées dans des jeux par forums, voire dans des livres officiels de la gamme de jeu, dépassent fréquemment les limites imposées par le système de simulation.

Le phénomène de la Mary-Sue prend actuellement une telle ampleur que de nombreux sites internet proposent des tests sur le thème « Votre personnage est-il une Mary-sue ? » (exemple : The Universal Mary-Sue Litmus Test).

Caractéristiques récurrentes

  • La sur-identification de l'auteur dans son personnage :
    • partage le ou les mĂŞmes centres d'intĂ©rĂŞt, opinions politiques, convictions religieuses, âge et nationalitĂ© que son auteur. Cela peut aller jusqu'Ă  partager une forme idĂ©alisĂ©e de son nom, de son aspect physique ou de sa situation socio-professionnelle ;
    • fait montre d'une haute moralitĂ© de type occidentale avec tendance ethnocentriste (morale individualiste fondĂ©e sur le bien-ĂŞtre des personnes du type libertĂ© individuelle), mĂŞme quand c'est inadĂ©quat pour son ethnie ou culture supposĂ©e, ou l'univers dans lequel le personnage interagit (des esclaves dans l'AntiquitĂ© qui trouvent que l'esclavage n'est pas normal ; mariages forcĂ©s ou arrangĂ©s qui sont vĂ©cus comme rĂ©pugnants, indĂ©pendamment des cultures ; application d'une morale religieuse inadĂ©quate, comme la condamnation de l'inceste en Égypte antique…) ;
    • aime/dĂ©teste les mĂŞmes personnages que son auteur, surtout dans les fictions amateures ; cela peut aller jusqu'Ă  provoquer des situations dans l'intrigue que l'auteur souhaiterait voir se produire dans l'histoire de l'Ĺ“uvre originale, quitte Ă  en bafouer le canon :
      • union ou mariage hors-canon entre personnages canoniques,
      • rĂ©habilitation du mĂ©chant,
      • relation d'amitiĂ©, d'amour ou de puissante rivalitĂ© avec un ou plusieurs personnages canoniques.
Note : cette sur-identification de l'auteur est appelée Self-insertion (litt. « insertion de soi[-même] ») dans le monde de la fiction amateure. Il s'agit d'un cas particulier des Mary-Sue, mais les SI peuvent être indépendants des caractéristiques habituelles (cas d'un personnage contemporain « largué » dans un univers qui lui est inconnu, comme dans le sous-genre de fantasie japonaise de l’« Autre monde »).
  • des particularitĂ©s du personnage pour le rendre plus attrayant (plus fort, plus beau, plus intelligent...) que les autres :
    • pouvoir(s) surnaturel(s) et/ou force d'une puissance extravagante ;
    • connaissances/compĂ©tences les plaçant, au sein de l’œuvre ou mĂŞme selon une norme extradiĂ©gĂ©tique, au-dessus des spĂ©cialistes dĂ©jĂ  mondialement reconnus dans des domaines poussĂ©s et variĂ©s, par exemple les avancĂ©es technologiques ou les opĂ©rations militaires, l'auteur n'hĂ©sitant pas Ă  les cumuler de façon improbable et irrĂ©flĂ©chie (parfois incohĂ©rente), dans des domaines extrĂŞmement diffĂ©rents voire contradictoires (par exemple, un personnage surdouĂ© et talent de gĂ©nie, qui serait Ă  la fois le meilleur dans : un ou plusieurs arts — visuels, littĂ©raires, scĂ©niques, martiaux... — Ă©loignĂ©s ; en informatique et sport de haut niveau ; en microbiologie, physique et ingĂ©nierie ; en gĂ©opolitique, stratĂ©gie, logistique et armement militaires...) ;
    • grande beautĂ© rehaussĂ©e par un dĂ©tail rarissime (yeux couleur amĂ©thyste…) : l'auteur ne s’embarrassant souvent pas d'alourdir le rĂ©cit par l'excès, n'hĂ©site pas Ă  la dĂ©crire en dĂ©tail et Ă  la flatter complaisamment en exprimant (quitte Ă  se rĂ©pĂ©ter et tomber dans la redondance) Ă  quel point tout le monde dans son entourage en est fascinĂ© ;
    • possède un objet ou animal unique (dans sa diĂ©gèse), exotique et/ou magique voire très puissant (exemples typiques : un artĂ©fact multifonction permettant de pallier tous les problèmes dans l'intrigue, failles ou incohĂ©rences scĂ©naristiques [voir Deux ex machina et l'expression TGCM — « Ta gueule c'est magique » — du jeu de rĂ´le] ; une hĂ©roĂŻne possĂ©dant un dragon en guise de familier ou compagnon, dans un monde oĂą ils seraient rares et très puissants).
  • en contrepartie, l'auteur peut choisir de rajouter des dĂ©fauts qu'il juge intĂ©ressants Ă  son personnage, pour Ă©viter qu'il ne soit entièrement parfait et donc, qu'il soit impossible de s'identifier Ă  lui :
    • dĂ©faut Ă  la mode Ă©voquĂ© mais idĂ©alisĂ©, ou jamais interprĂ©tĂ© ni rĂ©ellement utilisĂ© pour servir le dĂ©veloppement de l'intrigue et/ou du personnage (donc, inutile au rĂ©cit ou anecdotique).
  • l'auteur dĂ©sire que l'on plaigne son personnage, pour qu'il en ressorte grandi :
    • un passĂ© (souvent familial) difficile, voire scabreux, impliquant nĂ©gligences et abus, mais ne laissant que peu voire pas du tout de traces dans son comportement (amoindrissant ou sapant l'intention de l'auteur par l'incrĂ©dibilitĂ© du rĂ©sultat) ;
    • une victimisation exagĂ©rĂ©e (allant parfois jusqu'Ă  en faire un « martyr »), ou des tendances « sacrificielles » (pouvant aller jusqu'Ă  sa propre vie).

Extension au monde de l'art contemporain

Dernièrement, on a pu observer une recrudescence dans divers domaines de l'identification dans le réel au personnage de fiction. Ainsi, alors qu'à l'origine c'est l'écrivain qui place dans son personnage des éléments qui lui sont propres, on voit aujourd'hui apparaître l'effet contraire : Le personnage de Mary Sue, désormais codifié et identifiable, effectue un transfert dans le réel et l'on observe,

  • que ce soit dans les environnements considĂ©rĂ©s par certains comme marginaux, liĂ©s par exemple aux formes les plus approfondies de l'identification d'un personnage de fiction dans le rĂ©el (en Occident, on observe par exemple une dĂ©mocratisation d'un phĂ©nomène de mimesis Ă  certaines Mary Sue cĂ©lèbres du monde des mangas ou de l'animĂ© nippon par le biais du cosplay) ;
  • mais Ă©galement sur le plan artistique (une artiste plasticienne nommĂ©e « Mary Sue » ayant revĂŞtu les codes qui constituent la Mary Sue au sens le plus large met en avant ce phĂ©nomène d'inversion. Ă€ dĂ©faut de placer dans son personnage de Mary Sue les idĂ©es et les Ă©lĂ©ments qui constitueraient des indices autobiographiques, elle gomme habilement tout ce qui a trait Ă  l'identitĂ©, au personnel, incarnant sans dĂ©tour les codes d'une Mary Sue. Elle en porte d'ailleurs le pseudonyme, dĂ©truisant par lĂ  mĂŞme ce qui constitue habituellement l'identitĂ© la plus forte d'un individu, le nom de famille, ses racines, son histoire… Il s'agit d'une critique du monde qui l'entoure, observant dans la sociĂ©tĂ© de mass-mĂ©dia et dans l'ère d'une forme de gĂ©nĂ©ralisation de la pensĂ©e, la destruction de l'identitĂ© d'une personne. Devenue personnage, laissant le concept de Personne cher Ă  Nietzsche Ă  l'Ă©cart, elle fabrique par le biais de la photographie, de l'installation et de la vidĂ©o contemporaine une histoire globale d'une jeune femme conditionnĂ©e par la culture de masse, l'Ă©ducation, la morale), une sorte de critique de la sociĂ©tĂ© telle qu'elle absorbe les individus en les fondant dans une pensĂ©e globalisante. L'incarnation d'un standard parfait tel qu'une Mary Sue se doit de tĂ©moigner d'un engagement profond, elle accumule les codes de la sociĂ©tĂ© contemporaine de l'image (publicitĂ©, morale, sexualitĂ©, Ă©ducation…) dans des travaux mettant tous ces critères en confrontation dans un mĂŞme moment, celui de l'Ĺ“uvre, dĂ©voilant les incohĂ©rences et les contresens inhĂ©rents Ă  cette culture globale Ă  laquelle chacun se plie au quotidien. L'avatar supplante alors le rĂ©el dans son Ĺ“uvre alliant l'aspect positif (le personnage parfait aux qualitĂ©s hĂ©roĂŻques) et la face la plus sombre de la Mary Sue.

Critiques

Cet archétype de personnage de fiction suscite le plus souvent de vives critiques, pour plusieurs motifs dont certains, récurrents :

  • le personnage est un reflet narcissique (idĂ©alisĂ©) de l'Ă©go de son auteur, plus particulièrement de ses aspects les moins agrĂ©ables, ce qui tend Ă  faire (le plus souvent, involontairement) tomber la Mary-Sue dans la caricature ;
  • une Mary-Sue tend Ă  modifier — voire, bafouer — la diĂ©gèse (avec ses postulats et règles) de l'univers de rĂ©fĂ©rence en sa faveur, souvent sans nĂ©cessitĂ© ni pertinence narratives mais par des justifications complaisantes ou facilitĂ©s d’écriture, ce qui en sape dès lors la continuitĂ©, la logique interne ainsi que la vraisemblance (et donc, la cohĂ©rence et l'intĂ©rĂŞt) ;
  • par lĂ  mĂŞme, elle nuit Ă  l'investissement du lecteur/spectateur dans l'histoire et Ă  sa crĂ©dibilitĂ©, sabotant la suspension consentie de l'incrĂ©dulitĂ© ;
  • tout autre personnage, quelle que soit sa place dans l'histoire ou sa perception selon l'auteur (positif ou nĂ©gatif ; moral, amoral ou immoral ; masculin comme fĂ©minin ; supĂ©rieur, Ă©gal ou infĂ©rieur selon les règles diĂ©gĂ©tiques de l'histoire...), devient par dĂ©faut son faire-valoir (partant d'une considĂ©ration que « l'univers n'est pas assez grand pour deux hĂ©ros de cette pointure. ») ou est influencĂ© par elle sans que ce ne soit jamais rĂ©ciproque ; ceci empĂŞche toute possibilitĂ© pour eux de remettre en cause la supĂ©rioritĂ© — symbolique ou effective, mais fantasmĂ©e — de la Mary-Sue et de pousser le personnage Ă  progresser ou changer (dĂ©veloppement ou Ă©volution psychologique), n'ayant rĂ©ellement ni leçons Ă  apprendre, ni Ă©preuves Ă  surmonter, ni sacrifices Ă  concĂ©der, ni parcours initiatique Ă  accomplir (ce dernier n'Ă©tant toutefois pas une règle narrative absolue Ă  respecter) ce qui nuit Ă  sa lĂ©gitimitĂ©, le protagoniste d'une histoire au sens classique (agissant et prenant les dĂ©cisions les plus importantes pour influencer l'intrigue) quand il est principal Ă©tant, hormis exception, censĂ© ĂŞtre dynamique et non statique, pour rendre l'histoire qu'il vit suffisamment intĂ©ressante Ă  suivre et digne Ă  ĂŞtre racontĂ©e (rĂ©flexions et messages, sujets traitĂ©s, thèmes abordĂ©s, tension narrative...) ;
  • son attitude de prima donna est profondĂ©ment irritante pour tous, sauf son auteur qui, le plus souvent, rĂ©fute toute critique ou remise en question de son personnage (qui Ă©tant une extension narcissique de lui-mĂŞme) ; dans certains cas, l'intention dudit auteur, qui prend un plaisir Ă©vident Ă  irriter les autres amateurs/joueurs, ou tout au moins Ă  ĂŞtre le sujet de dĂ©bats virulents, est provocatrice (« Attirer l'attention et faire parler de soi, mĂŞme en mal. »), parfois calculĂ©e en ce sens, que ce soit motivĂ© par une forme de plaisir perverse (susciter volontairement Ă  autrui des sentiments violents et rĂ©actions nĂ©gatives pouvant ĂŞtre vĂ©cus, par l'auteur, comme un embryon de pouvoir et de contrĂ´le sur lui) ou selon une logique mercatique (« la seule mauvaise publicitĂ© est celle dont on ne parle pas. »), ce qui est gĂ©nĂ©ralement mal considĂ©rĂ© car pervertissant l'art de la narration pour des intĂ©rĂŞts d'ordre Ă©gocentrique et/ou en le rĂ©duisant Ă  des considĂ©rations opportunistes ;
  • ĂŞtre mĂŞlĂ©s, pour les autres amateurs/joueurs, sans avertissement ni consentement prĂ©alables Ă  un procĂ©dĂ© cathartique relevant de la psychothĂ©rapie par et pour l'auteur, qui aura tendance Ă  s'imposer aux autres malgrĂ© eux (Ă  l'instar du Gros Bill dans le jeu de rĂ´le), ce qui est vĂ©cu comme une intrusion.

Pour les individus attachés ou soucieux d'une fiction cohérente, de la crédibilité d'une diégèse et des qualités narratives du récit, ce genre de personnage est jugé, généralement à raison, comme médiocre et à absolument éviter dans l'élaboration d'une fiction, représentant plus volontiers d'une accumulation d'erreurs à ne pas commettre car nuisibles dans l'écriture d'une histoire (au sens noble du terme).

Différents types de Mary-Sue

La quantité considérable de fictions amateures sur Internet amena la création (officieuse et non exhaustive) de catégories de Mary-Sue, parmi lesquelles :

L'Angsty Sue

Désigne une sorte de « Mary-Sue tourmentée », un personnage torturé jusqu'à l'excès et/ou dont la quantité d'horreurs subies par le passé manque de crédibilité au point de friser le ridicule, se mettant par là même en contraste avec les autres personnages de l'œuvre.
Clichés courants de cette sous-catégorie :
  • meurtre, viol, maltraitances, abandon... souvent subis durant l'enfance ;
  • condition d'orphelin (les parents sont rarement Ă©pargnĂ©s) ;
  • peut ĂŞtre dĂ©pressive, constamment exĂ©crĂ©e par tout ce qui l'entoure ou encore, obsĂ©dĂ©e par une vengeance sanguinaire ;
  • gĂ©nĂ©ralement, c'est une relation amoureuse avec un autre personnage qui la « sauvera » et lui apportera le bonheur.
Par la surcharge de pathos, le personnage est censé acquérir la sympathie du lecteur : stéréotypiquement, si le personnage porte une lourde culpabilité (parfois, complètement injustifiée), l'histoire dévoilera (souvent, avec une pirouette scénaristique non préparée ni déductible par le biais de l'intrigue) un détail jusqu'alors inconnu du lecteur, censé l'absoudre de tout regret éthique. Au contraire, s'il n'a aucune culpabilité vis-à-vis de ses actes, il imposera sa vision des choses sans aucun remords ni la moindre interrogation, écrasant tous ses opposants sur son passage (peu importe qu'ils aient raison ou non).
Elle illustre souvent une tentative pervertie de dépeindre un héros byronien.

L'Anti-Sue

Type assez rare de Mary-Sue, il résulte des efforts d'un auteur ayant pris acte et conscience du concept, et tentant de s'en éloigner par surcompensation en sur-ajoutant des défauts et caractéristiques négatives à son personnage (comme une sorte de « Mary-Sue inversée »).
Ceci ne suffit néanmoins toujours pas. Le personnage peut encore :
  • conserver une importance trop dĂ©mesurĂ©e pour son rĂ´le objectif ainsi que son utilitĂ© dans le rĂ©cit ;
  • possĂ©der des dĂ©fauts n'ayant aucune influence rĂ©elle, significative ou pertinente dans l'intrigue voire, utilisĂ©s uniquement comme procĂ©dĂ© artificiel pour attirer davantage Ă  lui la sympathie du lecteur. Exemple parmi d'autres :
  • Si l'Anti-Sue est timide, elle sera prĂ©sentĂ©e comme « mignonne » et « pure » ;
  • si elle est râleuse et malpolie, comme possĂ©dant de la « personnalitĂ© » ou une « force de caractère ».
Cette sous-catégorie rappelle à certains égards l'archétype japonais de la tsunderekko (personnage — généralement féminin — à l'attitude et aux comportements détestables — froide et hautaine, égoïste, irrespectueuse et malpolie, rabaissante, violente et maltraitante voire abusive... même à l'excès ; mais censée avoir un bon fond et susciter l'attachement ainsi que la pitié du lecteur/spectateur avec une justification morale, le plus souvent un traumatisme passé — qui, lui, est parfois comparable à ceux de l'Angsty Sue).
Elle peut être considérée comme une tentative ratée de dépeindre une antihéroïne.

La Villain Sue

Une Mary-Sue traitée comme une ou l'antagoniste du récit, même si elle peut dans le même temps en demeurer le personnage principal voire, la narratrice.
Critères communs :
  • très talentueuse, son intelligence et sa puissance exacerbĂ©es lui permettent de toujours, en toutes circonstances, triompher des protagonistes ;
  • gĂ©nĂ©ralement, lui est inventĂ© un passĂ© tellement tragique qu'il l'absoudrait d'une quelconque culpabilitĂ© (par une absence voulue de toute possibilitĂ© d'un choix moral ou vertueux), ou encore des qualitĂ©s insoupçonnĂ©es ;
  • le procĂ©dĂ© peut aller jusqu'Ă  l'inversion morale en en faisant une antihĂ©roĂŻne incomprise de tous (telle une « fausse mĂ©chante ») ou, par contraste, diminuer moralement ses protagonistes Ă  dessein de les dĂ©peindre comme des individus hypocrites et/ou peu scrupuleux, qui auraient en rĂ©alitĂ© beaucoup en commun avec elle.
Ce type de « méchante Mary-Sue » résulte souvent d'une fascination (parfois, inconsciente) pour les représentants de l'archétype homonyme.

Voir aussi

Articles connexes

Notes et références


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