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Manifeste de l'indépendance

Le Manifeste du (arabe : وŰȘÙŠÙ‚Ű© 11 ÙŠÙ†Ű§ÙŠŰ± 1944) ou Manifeste de l'IndĂ©pendance du Maroc (ÙˆŰ«ÙŠÙ‚Ű© Ű§Ù„Ù…Ű·Ű§Ù„ŰšŰ© ŰšŰ§Ù„Ű„ŰłŰȘÙ‚Ù„Ű§Ù„) est un acte grandement symbolique au Maroc, qui consolide et formalise les prises de position nationalistes issues du Manifeste contre le Dahir berbĂšre du . Le est officiellement jour fĂ©riĂ© au Maroc[1].

Proclamation de l'indépendance du Maroc
Monument à l'effigie du manifeste de l'indépendance à Salé

Contexte

Le , pendant la Seconde Guerre mondiale, le Maroc est alors sous protectorat français, quand les Anglo-américains débarquent sur les plages casablancaises dans le cadre de l'opération Torch. La France libre reprend le contrÎle d'une administration coloniale française largement pétainiste et collaborationniste. Cet événement suscite la satisfaction des nationalistes marocains.

En , le sultan Mohammed Ben Youssef, de fait prisonnier de l'administration du protectorat mais qui n'avait publiquement manifestĂ© aucune sympathie pour l'Allemagne hitlĂ©rienne, et a protĂ©gĂ© les Juifs marocains de toute disposition lĂ©gale et rĂ©glementaire antisĂ©mite, se voit confirmer le soutien des États-Unis Ă  l'indĂ©pendance du Maroc, une fois la guerre finie, par le prĂ©sident Roosevelt en marge de la confĂ©rence d'Anfa.

Le , les anciens cadres encore en liberté du Parti national interdit en 1937 et dont les principaux dirigeants (Allal El Fassi, Mohamed Hassan Ouazzani, etc.) sont encore en prison ou en exil, organisent clandestinement à Rabat le congrÚs fondateur du Parti de l'Istiqlal.

La version originale du Manifeste de l'Indépendance est rédigée dans l'ancienne médina de FÚs (chez "DarMekouar") par Ahmed El Hamiani Khatat et Ahmed Bahnini, avocats du parti. Ensuite amendé par leurs compagnons, le manifeste en fait le programme du Parti qui mÚnera le Maroc à l'indépendance.

Le , alors que l'issue incertaine de la guerre semblait malgrĂ© tout Ă©vidente aux plus lucides, 66 Marocains prennent le risque Ă©norme Ă  l'Ă©poque de signer un manifeste public revendiquant l'arrĂȘt de toutes les dispositions consĂ©cutives au protectorat et demandant la pleine indĂ©pendance du Maroc.

Les principaux dirigeants nationalistes toutes origines confondues se regroupent autour du manifeste pour l'indépendance, constituant une mouvance politique réelle, représentative de la société marocaine et de tous les milieux, urbains et ruraux. Ils décident ensemble et d'emblée de s'en remettre au sultan Mohammed Ben Youssef, auquel ils soumettent ainsi leur revendication.

Tous font partie du panthéon marocain : grands résistants avant l'indépendance, les signataires deviennent ensuite les symboles du Maroc libre et les hommes clés de la construction du nouveau Maroc.

Instigateurs

Moulay Abdelhadi Alaoui était perçu par Paris comme le principal initiateur du Manifeste de l'indépendance[2]. Il était détesté par le Résident général de France au Maroc, le maréchal Juin, selon les mémoires publiées en 1991 par le président de l'Association Conscience française, le docteur Guy Delanoe[2]. Il a plus tard signé une tribune dans le quotidien des libéraux du Maroc, Maroc-Presse, en , qui lui est proposée par son ami Jacques Lemaigre Dubreuil peu avant l'assassinat de ce dernier.

Le manifeste

Texte

Texte du Manifeste de l’IndĂ©pendance du prĂ©sentĂ© par les nationalistes de toutes tendances au sultan Mohamed Ben Youssef :

  1. ConsidĂ©rant que le Maroc a toujours constituĂ© un État libre et souverain, et qu’il a conservĂ© son indĂ©pendance pendant treize siĂšcles jusqu’au moment oĂč, dans les circonstances particuliĂšres, un rĂ©gime de protectorat lui a Ă©tĂ© imposĂ© ;
  2. ConsidĂ©rant que ce rĂ©gime avait pour fin et pour raison d’ĂȘtre de doter le Maroc d’un ensemble de rĂ©formes administratives, financiĂšres et militaires, sans toucher Ă  la souverainetĂ© traditionnelle du peuple marocain sous l’égide de son Roi ;
  3. ConsidĂ©rant qu’à ce rĂ©gime, les autoritĂ©s du Protectorat ont substituĂ© un rĂ©gime d’administration directe et d’arbitre au profit de la colonie française, dont un fonctionnariat plĂ©thorique et en grande partie superflu, et qu’elles n’ont pas tentĂ© de concilier les divers intĂ©rĂȘts en prĂ©sence ;
  4. ConsidĂ©rant que c’est grĂące Ă  ce systĂšme que la colonie française a pu accaparer tous les pouvoirs et se rendre maĂźtresse des ressources vives du pays au dĂ©triment des autochtones ;
  5. ConsidĂ©rant que le rĂ©gime ainsi Ă©tabli a tentĂ© de briser, par les moyens divers, l’unitĂ© du peuple marocain, a empĂȘchĂ© les Marocains de participer de façon effective au gouvernement de leur pays et les a privĂ©s de toutes les libertĂ©s publiques individuelles ;
  6. Considérant que le monde traverse actuellement des circonstances autres que celles dans lesquelles le protectorat a été institué ;
  7. ConsidĂ©rant que le Maroc a participĂ© de façon effective aux guerres mondiales aux cĂŽtĂ©s des AlliĂ©s, que ses troupes viennent d’accomplir des exploits qui ont suscitĂ© l’admiration de tous, aussi bien en France, qu’en Tunisie, en Corse, en Sicile et en Italie, et qu’on attend d’elles une participation plus Ă©tendue sur d’autres champs de bataille ;
  8. ConsidĂ©rant que les alliĂ©s qui versent leur sang pour la cause de la libertĂ©, ont reconnu dans la Charte de l’Atlantique le droit des peuples Ă  disposer d’eux-mĂȘmes et qu’ils ont rĂ©cemment, Ă  la ConfĂ©rence de TĂ©hĂ©ran, proclamĂ© leur rĂ©probation de la doctrine qui prĂ©tend que le fort doit dominer le faible ;
  9. ConsidĂ©rant que les AlliĂ©s ont manifestĂ© Ă  diffĂ©rentes reprises leur sympathie Ă  l’égard des peuples musulmans et qu’ils ont accordĂ© l’indĂ©pendance Ă  des peuples dont le patrimoine historique est moins riche que le nĂŽtre, et dont le degrĂ© de civilisation est d’un niveau infĂ©rieur Ă  celui du Maroc ;
  10. Considérant enfin que le Maroc constitue une unité homogÚne, qui, sous la Haute direction de son Souverain, prend conscience de ses droits et de ses devoirs, tant dans le domaine interne que dans le domaine international et sait apprécier les bienfaits des libertés démocratiques qui sont conformes aux principes de notre religion, et qui ont servi de fondement à la Constitution de tous les pays musulmans.

DĂ©cide :
A- En ce qui concerne la politique générale :

  1. De demander l’indĂ©pendance du Maroc dans son intĂ©gritĂ© territoriale sous l’égide de Sa MajestĂ© Sidi Mohammed Ben Youssef, que Dieu le glorifie ;
  2. De solliciter de Sa MajestĂ© d’entreprendre avec les nations intĂ©ressĂ©es des nĂ©gociations ayant pour objet la reconnaissance et la garantie de cette indĂ©pendance, ainsi que la dĂ©termination dans le cadre de la souverainetĂ© nationale des intĂ©rĂȘts lĂ©gitimes des Ă©trangers au Maroc.
  3. De demander l’adhĂ©sion du Maroc Ă  la Charte de l’Atlantique et sa participation Ă  la ConfĂ©rence de la paix.

B- En ce qui concerne la politique intérieure :

  1. De solliciter de Sa MajestĂ© de prendre sous Sa Haute direction le Mouvement de rĂ©formes qui s’impose pour assurer la bonne marche du pays, de laisser Ă  Sa MajestĂ© le soin d’établir un rĂ©gime dĂ©mocratique comparable au rĂ©gime de gouvernement adoptĂ© par les pays musulmans d’Orient, garantissant les droits de tous les Ă©lĂ©ments et de toutes les classes de la sociĂ©tĂ© marocaine et dĂ©finissant les devoirs de chacun. »

Signataires[3]

  1. Mohammed Benlarbi al-Alami
  2. Abdelkader Hassan El Assimi
  3. Ahmed Bahnini
  4. Ahmed Balafrej
  5. M'hamed Belkhadir
  6. Kacem Benabdeljalil
  7. Omar Benabdeljalil
  8. M'hammed Ben-Azzouz
  9. Mehdi Ben Barka
  10. Ahmed Benbouchta
  11. Omar Benchemssi
  12. Ahmed Benchekroun El Meknassi
  13. Ahmed Bendella
  14. Abdelaziz Bendriss Amraoui
  15. Abdelkrim Benjelloun Touimi
  16. el-Hassan Benjelloun
  17. Seddick Benlarbi
  18. Jilali Bennani
  19. M'hamed Ben Jilali Bennani
  20. Mohamed El Bekkali
  21. Mohammed Bensouda
  22. Abderrahim Bouabid
  23. Mohamed Bouamrani
  24. El Hassan Bouayad
  25. Ahmed Cherkaoui
  26. El Hafiane Cherkaoui
  27. Messaoud Chiguer
  28. Mohamed Diouri
  29. Abdelkbir Ben Mehdi El Fassi
  30. Malika Belmehdi El Fassi
  31. Mohamed Ghali El Fassi
  32. Mohamed El Fatimi El Fassi
  33. Abdelkbir Fassi-Fihri Ben Hfid
  34. Abdelwahab El Fassi-Fihri
  35. El Hachemi El Filali
  36. M'barek Ben Ahmed
  37. Mohamed al-Ghazi
  38. Mohamed el-Hamdaoui Taghi
  39. Ahmed El Hamiani Khatat
  40. Nasser Al HussaĂŻni
  41. Abdallah Ibrahim
  42. Bouchta Jamai
  43. Mohamed el-Jazouli
  44. Othman Jorio
  45. Mohammed Laghzaoui
  46. Ahmed Lyazidi
  47. Mohamed Lyazidi
  48. Ahmed el-Manjra
  49. Ahmed Mekouar
  50. Abdeslam El Mestari
  51. Mohammed Aissaoui Mestassi
  52. Driss M’hammedi
  53. El HussaĂŻne Benabdellah El Ouarzazi
  54. Abdeljalil El Kabbaj
  55. Boubker El Kadiri
  56. Abdallah Rahmani
  57. Abdallah Regragui
  58. Mohamed RifaĂŻ
  59. Mohamed Ben Abderrahmane SaĂądani
  60. Boubker Sbihi
  61. Ali ben lamrabet
  62. Abdelhamid Zemmouri
  63. Amr Zemmouri
  64. Mohamed Zeghari
  65. Kacem Zhiri
  66. Tahar Ben El Fqih Abi Bakr Zniber.

Conséquences

La réaction de la Résidence française à Rabat fut immédiate : une forte pression fut exercée sur le sultan Mohammed Ben Youssef pour qu'il condamne publiquement le Manifeste et il fut procédé à l' arrestation de tous les signataires connus et de nombreux nationalistes, déjà fichés par les services de la police française au Maroc.

Dans la nuit du au , Ahmed Balafrej, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Parti de l'Istiqlal, et son adjoint Mohamed Lyazidi, sont arrĂȘtĂ©s Ă  Rabat sous prĂ©texte d'intelligence avec les forces de l'Axe. À FĂšs, Abdelaziz Bendriss et Hachemi Filali sont incarcĂ©rĂ©s.

À la suite de ces premiĂšres arrestations, des manifestations et des soulĂšvements de protestations secouent le pays et se soldent par de nombreuses victimes et de nombreuses arrestations, en particulier dans les villes de Casablanca, FĂšs, Rabat et de SalĂ©. Les tribunaux militaires condamnent Ă  mort de nombreux rĂ©sistants.

L'indignation suscitée par leur exécution associée à l'admiration portée aux signataires du Manifeste seront les éléments déclencheurs d'une déferlante populaire qui trouvera son issue onze ans plus tard avec la fin du protectorat et l'indépendance du Maroc, proclamée le par les autorités marocaines, deux jours aprÚs le retour d'exil du sultan Mohammed Ben Youssef et reconnue officiellement par la France le .

Notes et références

  1. « De Gaulle et Mohammed V 18 juin 1940 - 18 juin 1945 », p. 25
  2. "Le retour du roi et l'indépendance retrouvée: Tome 3, Volume 3", par le docteur Guy Delanoe, aux Editions L'Harmattan en 1991
  3. Abou Bakr El Kadiri, Moudhakkirati fil Haraka al Wataniyya (MĂ©moires), tome 2, pp 357-513

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

Publications d'historiens
  • Charles-AndrĂ© Julien (prĂ©f. Annie Rey-Goldzeiguer), « Naissance de l'Istiqlal », dans L'Afrique du Nord en marche : AlgĂ©rie-Tunisie-Maroc, 1880-1952, Paris, Omnibus , (1re Ă©d. 1952, rev. et augm. en 1971), 499 p. (ISBN 2258058635), p. 296-297.
  • Jacques Valette (dir. Charles-Robert Ageron), « Guerre mondiale et dĂ©colonisation : Le cas du Maroc en 1945 », Revue française d'histoire d'outre-mer, Paris, t. 70, nos 260-261 « Le Maghreb et la France de la fin du XIXe siĂšcle au milieu du XXe siĂšcle (2e partie) »,‎ , p. 136 (lire en ligne).
  • Moulay Abdelhadi Alaoui, « Mohammed V et le mouvement de LibĂ©ration nationale », dans Le Maroc et la France : 1912-1956 - Textes et documents Ă  l'appui, Rabat, Fanigraph, , 568 p. (ISBN 9789954038598, OCLC 262650411, prĂ©sentation en ligne), p. 86-135.
  • « La confĂ©rence d'Anfa et les “habits neufs” du sultan », dans Michel Abitbol, Histoire du Maroc, Paris, Perrin, [dĂ©tail de l’édition], p. 497-502.
  • Mostafa Bouaziz, « Les manifestes de l'IndĂ©pendance », Zamane, Casablanca, no 4,‎ , p. 48-49 [chapeau en ligne].
  • Mostafa Bouaziz, « Les manifestes de l'IndĂ©pendance
 », Zamane, Casablanca, no 42,‎ , p. 12-13 (lire en ligne)
    Voici Ă  quoi fait rĂ©fĂ©rence Bouaziz lorsqu'il Ă©crit, p. 12, « [d]ans notre numĂ©ro d'avril (Zamane, no 41, p. 18), nous avons soulevĂ© la question du nombre de signataires du Manifeste du Parti de l’Istiqlal » : une section de la rubrique « Les buzz de l'Histoire » intitulĂ©e « Faux : Malika El Fassi est la seule femme signataire du manifeste de l'IndĂ©pendance de 1944 » [lire en ligne].
  • Mohamed El Mansour, « À propos du Manifeste de l'IndĂ©pendance », Zamane, Casablanca, no 63,‎ , p. 72-73 [premiĂšres lignes].
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